Les procédés industriels des Japonais, l'arbre à laque/L’arbre à laque

LES


PROCÉDÉS INDUSTRIELS


DES JAPONAIS


Séparateur



On trouve la laque en grande quantité au Japon et en Chine. La qualité de la laque japonaise est de beaucoup supérieure à celle de la laque chinoise.

Ce produit, depuis les temps anciens, est très-recherché par certains pays de l’Europe ; il est le plus important des articles d’exportation.

Du fruit des arbres à laque, on extrait de la cire ; le Japon, qui fait un trafic important de cette matière, en tire de grands bénéfices.

Je vais laisser de côté l’arbre à laque ainsi que la récolte de la cire, et donner, pour les enfants, un aperçu de la manière dont on recueille la laque.

Il y a deux arbres à laque, l’un mâle et l’autre femelle. L’arbre mâle ne porte pas de fruits ; il atteint, après plusieurs années, la longueur de 6 ken[1]. Dans les contrées où l’on se livre à cette exploitation, c’est à l’âge de quatre ou cinq ans seulement qu’on travaille les arbres à laque, et on ne les fait produire que pendant trois ans ; après ce laps de temps, on les abat, de sorte que ces arbres n’atteignent jamais un grand développement.

Dans les contrées où l’on se livre à l’exploitation de la cire, on recueille très-peu de laque. Dans les deux provinces d’Aï-du et de Yone-zawa, où l’on recueille beaucoup de cire, les arbres sont en grand nombre et de belle venue.

Les Japonais obtiennent l’arbre à laque par deux moyens, soit en semant le fruit lui-même, soit en plantant des boutures ; des deux, le premier moyen est celui qui donne des semences de qualité inférieure.


Fig. 1. Naissance du fruit et pousse d’une année.

Avant de semer les fruits, ils subissent la préparation suivante : on les met dans un mortier et on les écrase pour en faire sortir la cire ; puis on jette des cendres dans le mortier, on brasse le tout et on verse de l’eau ; la cire agglutinée aux cendres se précipite au fond du récipient. On enlève les fruits ainsi séparés de la cire et on les plonge dans un mélange d’eau et d’urine de cheval jusqu’au printemps suivant.


Fig. 2. Fruits de l’arbre à laque. Fig. 3. Fruits (en vraie grandeur).

Un peu avant cette époque, vers l’époque dite hati-ziu hati-ye, on prépare le champ avec soin, on sème les fruits conservés de la manière que nous avons indiquée plus haut, et on les recouvre d’une légère couche de terre.


Fig. 4. Champ de jeunes pousses.

Pour se servir d’une bouture comme d’un moyen de reproduction, le procédé est celui-ci : on coupe une jeune branche sur un arbre à laque, on la met dans la terre, et la jeune branche pousse à l’endroit où elle a été plantée. L’arbre sur lequel on prend des jeunes sujets meurt desséché en peu de temps ; mais les arbres qui proviennent de ce mode de reproduction sont, dit-on, d’une qualité supérieure.


Fig. 5. Feuilles et fleurs de l’arbre à Laque (les fleurs ont une corolle à quatre pétales d’une couleur jaune-blanchâtre ; elles sont réunies en forme d’épis).


Fig. 6. Fleur en vraie grandeur, ayant quatre étamines ou organes mâles et trois carpelles ou organes femelles.

Pour extraire la laque, on tient compte de la qualité de la terre, de la grosseur de l’arbre et de sa hauteur. Comme les arbres à laque n’ont pas tous la même hauteur, on peut prendre comme moyenne pour le maximum de croissance, et cela entre 4 et 5 ans, 6 sun[2] environ de circonférence.


Fig. 7. Incisions faites sur l’écorce d’un arbre à laque.

On abat le plus grand nombre de ces arbres entre 6 et 7 ans.

Pour recueillir la laque, le procédé est le suivant : avec l’extrémité A d’un instrument appelé kaki-gama (voir le dessin de la fig. 8), on fait à l’arbre une entaille horizontale, puis, avec la partie B, placée sur le côté dudit instrument, on fait une incision au milieu de l’entaille déjà ouverte ; c’est par cette ouverture que coule la laque.


Fig. 8. Kaki-gama (avec la partie A, on attaque l’écorce de l’arbre, avec la partie B, on pratique l’incision au milieu de l’entaille faite à l’écorce).

On recueille avec un couteau de fer (voir fig. 9), le suc laqueux qui coule, et on le verse dans un vase (voir fig. 10), qui est attaché à la ceinture de l’opérateur.


Fig. 9. Couteau pour ramasser la laque qui coule.


Fig. 10. Vase en forme de tube où est recueillie la laque.

Quant à la manière de procéder pour les incisions, voici le mode que l’on suit : on fait une incision à l’un des arbres, on passe au suivant, puis à un troisième, et ainsi de suite ; cette opération dure 4 jours, puis on recueille la laque.

Après avoir ainsi procédé, on reprend le premier arbre, on fait une entaille au-dessus de celle déjà faite et on répète la même opération successivement sur chacun des arbres entaillés précédemment et toujours pendant le même laps de temps. On recommence les incisions en suivant le même ordre et de bas en haut, jusqu’à ce qu’on ait entaillé l’arbre entier. Quand les arbres ont été ainsi entaillés, on les abat.

La laque qui coule est recueillie dans un vase fait soit en bambous, soit avec l’arbre appelé , soit avec l’arbre appelé kurumi, dont on enlève tout le corps ligneux, de manière à conserver l’écorce intacte.

L’époque à laquelle on extrait la laque commence à hange-syau, c’est-à-dire au milieu de l’été, et on continue jusqu’au dixième mois ; la laque prise à cette époque est de qualité inférieure ; celle prise des derniers jours d’été jusqu’au commencement de l’automne, est de qualité supérieure.

Les incisions A sont faites pendant le hange-syau jusqu’au commencement de l’automne ; la laque recueillie à cette époque est appelée hen.

Les incisions B sont faites au commencement de l’automne ; la laque extraite à cette époque est de qualité inférieure ; elle porte le nom d’uregaki.


Fig. 11. Entailles faites sur un arbre à laque avec le kaki-gama.

Les incisions C sont faites à partir de l’époque où le suc laqueux commence à descendre ; aussi, la laque recueillie à ce moment est encore moins bonne que celle appelée uregaki. (Le suc laqueux monte du printemps jusqu’au milieu de l’automne et il descend après cette époque).

Les incisions D sont faites après le dixième mois, époque où l’on fait les dernières incisions ; le suc laqueux est presque complètement épuisé, de sorte que la laque recueillie n’est pas bonne.

Les branches des arbres à laque donnent également de la laque, et voici le procédé que l’on emploie pour la récolter : on coupe sur un arbre abattu des branches de 2 syaku[3] 5 à 6 sun de longueur ; on les réunit en un faisceau de 5 à 6 sun de diamètre, et on le met dans l’eau ; après l’y avoir laissé séjourner pendant 10 ou 20 jours, on le retire.

Si les branches sont grosses, on fait des incisions avec le kaki-gama, comme le montre la figure 12, auquel est adapté, en travers, un morceau de bambou ; on fait des incisions tous les deux ou trois sun, en tournant la branche de telle sorte que la laque sort de toute la circonférence.


Fig. 12. Kaki-gama avec le morceau de bambou mis en travers.

Le petit morceau de bambou placé en travers du kaki-gama aide à faire les incisions quand on veut les faire circulaires.

Pour extraire la laque des petites branches, on se sert d’un instrument à lame mince, tranchant des deux côtés (fig. 13) et on opère comme précédemment, c’est-à-dire on fait des entailles à une branche, puis à une seconde, puis à une troisième, puis… et on revient pour recevoir la laque qui s’écoule, à la première branche, puis successivement à toutes les autres.


Fig. 13. Instrument pour faire des incisions aux petites branches.


Fig. 14. Instrument pour ramasser la laque qui coule des branches.


Fig. 15. Entailles faites aux branches.

Dans les contrées où l’on s’occupe de la récolte de la cire, on ne prend pas le suc de l’arbre femelle afin de ne pas empêcher la croissance de l’arbre.


Fig. 16. Manière de recueillir la laque sortie des incisions.

Depuis quelques années seulement, on extrait de la laque de l’arbre femelle ; le procédé n’est pas le même que celui que nous venons d’indiquer.

Le procédé consiste à ne pas faire à l’écorce des tailles aussi nombreuses qu’à celle de l’arbre mâle ; on fait les entailles de 5 à 6 sun en 5 à 6 sun et d’un seul côté ; de cette manière on n’altère pas la croissance de l’arbre.

Pour les grands arbres dont l’écorce est épaisse, on ferait difficilement les incisions avec l’instrument dessiné fig. 8 ; aussi on prend un instrument pour enlever l’écorce de l’arbre ; celle-ci enlevée, on se sert du kaki-gama, et on opère comme précédemment.


Fig. 17. Instrument pour enlever l’écorce des grands arbres à laque dits arbres à laque femelle.

Fig. 18. Fruits et feuilles de l’arbre à laque de montagne. (Les fleurs ressemblent à celles de l’arbre à laque cultivé.

On appelle laque de montagne la laque que l’on extrait des arbres à laque qui poussent sur les montagnes à l’état sauvage. Les fleurs et les feuilles de cet arbre ressemblent beaucoup à celles de l’arbre à laque cultivé, mais la laque qui en sort est en si petite quantité, que ces arbres ne sont pas travaillés, vu leur peu de rapport.


Fig. 19. Fruit (en vraie grandeur).

Le fruit de l’arbre à laque de montagne diffère, par sa forme, avec celui de l’arbre à laque cultivé ; on peut en extraire de la cire, aussi nous en reparlerons dans le chapitre qui traitera de la récolte de la cire.

On donne le nom de laque grimpante à une espèce de plante qui grimpe le long d’autres arbres.


Fig. 20. Fruits et feuilles de la laque grimpante (vraie grandeur),
les fleurs ressemblent à celles de la laque cultivée.

On peut retirer de la laque de cette plante, mais elle est encore en plus petite quantité que dans l’arbre à laque de montagne, aussi personne ne songe à en faire la récolte.

Au Japon, les provinces où on trouve la laque sont nombreuses ; cet arbre abonde dans les provinces de l’est et est très-rare dans celles de l’ouest.

Les endroits les plus renommés sont : la province de Yeti-zen, Yosino dans le Yamato, Ai-du, Ywasiro, Yone-zawa, Mogami, Yama-gata dans le U-Zen, Nan-bu dans le Ku-tyu, Fuku-oka dans le Mutu…

Les habitants de la province de Yeti-zen sont ceux qui jouissent de la meilleure réputation pour la culture de l’arbre à laque ; ils se livrent, du reste, depuis fort longtemps, à ce métier. Leur réputation était tellement bien établie, que, de tout temps jusqu’à ces dernières années, on ne pouvait se passer des ouvriers de cette province pour faire une bonne récolte.

Yosino est l’endroit qui produit la meilleure qualité de laque ; à Nosi-ro où l’on fabrique des objets en laque appelés sum-kei, on n’emploie que de la laque recueillie dans le pays même. La laque d’Ugo conservée pendant trois ans, est inférieure à celle de Yosino employée dans l’année où elle a été recueillie.

Le cours de la laque est très-variable, il dépend de la qualité, et de la récolte de l’année. On a ordinairement, pour un yen[4], de 350 à 600 [5].

Les barils qui sont expédiés par le commerce contiennent environ 8 kwan-mé[6].

Les veines de l’arbre à laque sont agréables à l’œil ; aussi on emploie ce bois pour faire toutes sortes de petits objets. On s’en sert également pour faire des flotteurs de filets à prendre les harengs et pour faire d’autres engins de pêche.

Les petits arbres servent à faire du bois à brûler et d’autres à faire des palissades destinées à enclore les propriétés.

  1. Le ken est une mesure de longueur qui équivaut à 1m,909 de notre système métrique.
  2. Le sun est une mesure de longueur qui équivaut à 0m,0303 de notre système métrique.
  3. Le syakǔ est une mesure de longueur qui équivaut à 0m,303 de notre système métrique.
  4. Le yen est une pièce de monnaie qui vaut environ 5 francs ; il a la même valeur que le dollar.
  5. Le ou mon-mé est un poids qui équivaut à 1,75 g de notre système de poids et mesures.
  6. Le kwan-mé vaut 1000 mon-mé, c’est-à-dire 1k,75 de notre système de poids et mesures.