Les nouvelles Découvertes paléontologiques du professeur Marsh/1

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les nouvelles
DÉCOUVERTES PALÉONTOLOGIQUES
du professeur marsh.

Parmi les nombreux animaux d’espèces éteintes découverts récemment aux États-Unis dans les terrains tertiaires de la région des montagnes rocheuses, quelques-uns des plus remarquables sont des mammifères gigantesques, provenant des dépôts éocènes de Wyoming importe donc de les faire connaître, et des renseignements exacts sur ces fossiles sont d’autant plus opportuns que des erreurs ont été commises à ce sujet. Ces animaux égalaient presque l’éléphant par la taille. La tête osseuse, longue et étroite a trois paires de cornes bien séparées entre elles. La mâchoire supérieure est armée de grandes défenses courbes, dirigées en bas, constituées par les canines et rappelant celles des Morses, mais elle est dépourvue de dents incisives. Les molaires, au nombre de six, sont très-petites et d’une forme particulière.

On a trouvé plusieurs espèces de ce type mammalien remarquable, mais toutes ne peuvent pas encore être décrites avec certitude. L’espèce typique du groupe, le Dinoceras anceps, fut découverte en septembre 1870. En 1872, le professeur Cope donna le nom de Loxolophodon semicinctus à une espèce analogue à celle dont il va être question, et dont une de nos gravures représente un type très-voisin, le Loxolophodon cornutus.

Le musée de Yale-College possède aujourd’hui les débris d’un grand nombre d’individus appartenant à l’ordre des Dinocerata auquel se rapportent les types de diverses espèces déjà décrites par le professeur Marsh[1]. Celles-ci sont toutes représentées par des pièces bien caractérisées, et l’une d’elles, le Dinoceras mirabilis, par une tête entière et un squelette presque complet. Cette circonstance a permis à l’auteur de déterminer avec certitude les caractères et les affinités de ce très-singulier groupe d’animaux. La plupart des caractères crâniens ont été constatés sur une tête dans un état de conservation parfaite, et que représente la gravure ci-dessous.

1. Dinoceras mirabilis. — 2. Loxolophodon cornutus.

Cette tête est remarquablement longue et étroite, Les trois paires de cornes osseuses qui la garnissent s’élèvent successivement l’une au-dessus de l’autre, et l’énorme crête qui entoure la concavité profonde du sinciput contribue, ainsi que les grandes défenses décurrentes, à lui donner un aspect singulier dont aucun autre animal vivant ou fossile ne nous offre d’exemple. La structure de la tête nous présente aussi plusieurs particularités intéressantes à noter. L’os sus-occipital est très-développé, et après s’être élevé au-dessus de la boite crânienne, constitue une crête énorme qui se prolonge obliquement en arrière au delà des condyles. Antérieurement, cette crête se continue de chaque côté, obliquement, au-dessous des fosses temporales, qui sont très-grandes. Les portions latérales sont formées essentiellement par les pariétaux ; les cornes de la paire postérieure en naissent et au-dessous de ceux-ci elle présente en dedans un épaississement. En avant de ces cornes les crêtes s’abaissent rapidement et s’effacent presque entièrement au-dessus du centre des orbites. Les cornes dont il vient d’être question sont plus hautes que les cornes antérieures et leur sommet est obtus et aplati transversalement. Les os frontaux ne donnent naissance à aucune apophyse post-orbitaire, et les orbites ne sont pas séparées des fosses temporales. L’os squameux constitue la partie inférieure de la fosse temporale et envoie vers le bas un prolongement post-glénoïdal très-fort ; une apophyse zygomatique, qui s’en détache aussi, se porte en avant et ressemble à celle du Tapir. L’os malaire complète en avant l’arcade zygomatique, disposition qui n’existe chez aucun proboscidien connu. L’os lacrymal est grand et constitue le bord antérieur de l’orbite comme chez le rhinocéros. Dans sa partie faciale il est percé d’un grand trou. Au-dessus des orbites, le frontal donne naissance latéralement à une crête saillante qui devait protéger efficacement l’œil de ces animaux lorsqu’ils se battaient entre eux. Sur cette crête se trouve une petite protubérance qui ressemble à un axe de corne très-réduit, mais d’après sa position immédiatement en avant de la crête latérale, on ne peut pas supposer qu’elle ait porté une véritable corne.

Les os intermaxillaires sont massifs et très-remarquables en ce qu’ils supportent une paire de cornes osseuses, robustes et coniques. Ces protubérances sont rapprochées entre elles à leur base, et leur sommet est obtus, arrondi même. Au-dessous de ces cornes se trouvent les énormes dents canines qui sont implantées dans leur base. En arrière de ces défenses, on voit une barre de médiocre longueur, suivie d’une rangée de six petites dents prémolaires et molaires, dont la couronne est garnie de deux collines transversales, séparées entre elles du côté externe, mais se rejoignant à leur extrémité interne.

Les os nasaux sont massifs et se prolongent beaucoup antérieurement. En avant des arcades zygomatiques, ils se resserrent et constituent la partie inférieure de la surface interne des cornes maxillaires, ainsi qu’une élévation située entre celles-ci. De ce point jusqu’au bord antérieur de la suture naso-intermaxillaire, ils augmentent un peu en longueur, puis ils se rétrécissent de nouveau jusqu’au bout du museau.

Les membres des Dinocerata ressemblent beaucoup à ceux des proboscidiens, mais sont plus courts proportionnellement. L’humérus est court, massif et assez semblable à celui de l’éléphant par ses caractères essentiels ; une des différences les plus marquées consiste en ce que la grosse tubérosité n’est que peu comprimée et ne s’élève pas au-dessus de la tête de l’os. La crête condylienne de l’extrémité inférieure est tuberculiforme et ne se continue pas supérieurement sur le corps de l’os. L’extrémité inférieure de l’humérus ressemble beaucoup à celle du rhinocéros ; les proportions sont à peu près les mêmes. La tête du radius est appliquée contre le milieu de l’articulation cubitale et le corps de cet os ne croise pas le cubitus aussi obliquement que chez l’éléphant.

Les cornes des Dinocerata constituent un caractère fort remarquable. Celles des os nasaux étaient probablement courtes et dermiques, à peu près comme celles des rhinocéros, mais plus petites ; celles des os maxillaires étaient coniques, très-allongées, et constituaient certainement des armes défensives puissantes. Les cornes postérieures étaient les plus grandes, et la forme comprimée de leur axe osseux indique qu’elles étaient élargies et peut-être branchues[2].

M. Alph. Milne Edwards, en rendant compte, de l’intéressante découverte du professeur Marsh, dans une des réunions de la Société philomathique, a fait remarquer que, d’après la forme et la disposition de ces trois espèces de protubérances osseuses, il incline à penser qu’elles pourraient bien ne pas avoir porté de cornes, mais correspondre à des lobes dermiques analogues à ceux dont la tête des Phacochères est garnie, et qui prennent chez les vieux mâles un développement considérable. M. Alph. Milne Edwards a ajouté que, par la forme allongée de la tête, la concavité de la région frontale, ainsi que par l’existence de pièces osseuses, qui semblent être comparables aux os du boutoir, le Dinoceras mirabilis offre certaines ressemblances avec les Porcins.

Les investigations du professeur Marsh n’ont pas été bornées à l’étude de mammifères ; le savant paléontologiste de Yale-College a mis la main sur une nouvelle sous-classe d’oiseaux fossiles très-remarquables, désignés sous le nom d’Odontornithes ; il a ouvert la voie à de nombreux explorateurs qui continuent ses conquêtes géologiques, et ses travaux doivent être rangés parmi les plus importants documents géologiques de notre époque.


  1. American Journal of Science and Arts. 1873. t. IV.
  2. American Journal of Science and Arts, 1873. — Annales des sciences naturelles. 5e série.