RAVRIO.



Artiste célèbre en France et en Europe, par la perfection où il porta l’art de façonner le bronze appliqué aux objets d’ornement, par la richesse de gout, la pureté de style et l’élégance de formes qui distinguent les ouvrages sortis de ses ateliers. Son tombeau élevé par la reconnaissance de M. Le Noir Ravrio, son fils adoptif[1], qui soutient aujourd’hui avec non moins d’éclat la brillante réputation de talent et d’intégrité que lui a légué avec son nom et sa fortune son estimable prédécesseur, est construit en granit noir enrichi d’ornements et de figures en bronze, et du buste également en bronze de M. Ravrio.

Au-dessous on lit :

Ane Adré RAVRIO,
Mort le 4 Xbre 1814 dans sa 55e année,
Célèbre dans l’art de Bronzier-Doreur,
Et connu par ses poésies fugitives.


En mourant il fonda un prix de 3000 fr. pour
être décerné au premier qui trouvera
un remède aux maux que l’emploi du mercure
fait éprouver aux ouvriers doreurs.


Il descend dans la tombe en conjurant l’effet
D’un métal meurtrier, poison lent et funeste :
Son corps n’est déjà plus ; mais la vertu lui reste,
Et son dernier soupir est encore un bienfait.


Du côté opposé, sur une plaque de bronze :

un fils d’anacréon a fini sa carrière ;
il est dans ce tombeau pour jamais endormi :
les enfants des beaux-arts sont privés de leur frère ;
les malheureux ont perdu leur ami.

Antoine André Ravrio naquit à Paris en 1759. Son père, habile fondeur, était généralement estimé par sa droiture et ses talents ; et sa mère, appartenait à la famille Riesner, avantageusement connue dans les arts industriels et libéraux.

Ravrio, après avoir dessiné et modelé à l’Académie, se forma à la pratique de son art sous les plus habiles maîtres, et bientôt la perfection de ses ouvrages, ses compositions ingénieuses, ses imitations parfaites de l’antique, étendirent sa réputation dans toute l’Europe. Ses connaissances variées, ses qualités personnelles favorisèrent beaucoup ses relations commerciales, et le firent agréer dans plusieurs sociétés littéraires et de bienfaisance. Toujours traité avec distinction, son excellent cœur, son obligeance, son hilarité lui concilièrent l’estime générale et firent rechercher son amitié.

Livré entièrement à son état, qu’il aimait avec passion, il n’a cultivé les lettres que fort tard et comme délassement. Cependant il a fait jouer plusieurs vaudevilles qui ont eu du succès, et a publié pour ses amis deux volumes de poésies fugitives pleines de facilité, de sentiment et d’esprit. Si Ravrio eut mieux connu ses heureuses dispositions, et qu’il eut eu plus de loisir, on peut croire qu’il aurait marqué parmi nos poëtes les plus aimables.

Comme sa vie, sa fin fut celle d’un homme de bien, et le tribut qu’il voulut en mourant payer à l’humanité[2], est devenu un bienfait général par l’application que le savant M. Darcet, qui a remporté le prix, a fait de l’heureux résultat de ses recherches à d’autres professions aussi dangereuses pour ceux qui les exercent, que l’était auparavant celle de bronzier-doreur.

  1. Ravrio n’ayant point d’enfants, un de ses derniers vœux a été de perpétuer son nom dans l’art qu’il avait exercé avec tant de succès. Il la légué avec sa fortune à M. Le Noir Ravrio, dont il fut toujours le bienfaiteur et l’ami. Il avait demandé qu’une simple pierre couvrit sa tombe. La reconnaissance a cru devoir lui consacrer un monument plus durable qui rappelât ses traits et conservât d’honorables souvenirs.
  2. En fondant un prix de trois mille fr. pour la découverte d’un moyen qui prévint les dangers de l’emploi du mercure dans la profession de doreur sur métaux.