Les mausolées français/Morellet

MORELLET.



Si ce monument est peu remarquable par sa structure, le nom qu’il rappelle est celui d’un homme illustre par une longue carrière consacrée à d’utiles et honorables travaux littéraires ; d’un homme dont la franchise et la probité doivent le faire citer pour exemple aux écrivains de toutes les époques et de tous les pays ; le doyen des membres de l’ancienne Académie française, le patriarche des lettres et l’ami des plus beaux génies du siècle dernier.

Sur une des faces du cippe est gravée cette courte inscription :

ci git
andré MORELLET,
né a laon, le 7 mars 1737,
mort a paris, le 12 janvier
1819



André Morellet, doyen de l’ancienne Acade=émie française, membre de la Légion-d’Honneur, de l’Institut, de la chambre des Députés, et presque reste seul des écrivains qui élevèrent l’Encyclopédie, fut un des hommes de lettres qui trouvèrent dans madame Geoffrin une protectrice éclairée. Il a publié une grande quantité d’ouvrages sur la politique, le commerce et la littérature ; sa vie a été longue, ses travaux considérables ; personne n’a connu mieux que lui l’emploi du temps et le besoin de l’étude. Le bien public fut toujours le but de ses écrits comme la passion de sa vie ; toutes ses actions, toutes ses pensées ont été pour son pays. On a dit de lui[1] : « Citoyen, il a recherché les vraies sources du bien public ; philosophe, il a envisagé la morale dans ses principes les plus élevés, dans ses applications les plus salutaires ; écrivain, sa plume fut toujours l’arme défensive de l’opprimé contre l’oppresseur ; homme privé enfin, il voulut toujours, pour tout ce qui l’environnait, le bonheur qu’il souhaitait pour lui-même. Il n’a étudié les hommes que pour les rendre plus heureux, leurs institutions, qu’afin de les perfectionner. »

Ce fut lui qui, après le 9 thermidor, provoqua le premier, dans un écrit intitulé le Cri des Familles, l’abolition de la loi injuste des confiscations, et demanda la restitution des biens des condamnés à leurs héritiers.

Outre plusieurs articles de métaphysique et de théologie insérés dans l’Encyclopédie, des dissertations grammaticales, des critiques littéraires, des traités sur les arts, etc., ses principaux ouvrages sont : le Manuel des Inquisiteurs, traduit de l’italien, des Délits et des Peines, traduit du marquis de Beccaria, livre qui eut sept éditions en un an ; Recherches sur le style, Mémoire sur la compagnie des Indes, et un grand nombre de traductions de romans anglais, genre de travail auquel il fut obligé de se livrer long-temps pour exister. Il conserva, dans l’âge le plus avancé, toutes ses facultés intellectuelles, et on le vit encore présider l’Académie française, en 1817, dans sa quatre-vingt-dixième année.

  1. M. Laya, Discours prononcé sur la tombe.