MME GUYOT.



Les nombreux mausolées dont s’enrichit chaque jour le cimetière de Mont-Louis ne sont pas tous érigés à la mémoire d’illustres personnages, ou destinés à perpétuer le souvenir des actions d’éclat. Il en est aussi de non moins somptueux qui nous révèlent, il est vrai, des noms peu connus, mais souvent ennoblis par des vertus privées, et honorés par les témoignages touchants que la piété filiale, la tendresse conjugale, ou la simple amitié, prit soin de leur consacrer. De ce nombre, un des plus anciens et des plus remarquables, est celui de madame Guyot.

Un cénotaphe en marbre, de grande dimension, élevé sur un stylobate aussi de marbre et protégé de l’ombrage épais des pins, des mélèzes et autres arbres funéraires qui l’entourent, offre dans ses ornements des allégories, des épitaphes et des devises curieuses. A l’une des extrémités qui est la principale face, est écrit en lettres d’or :

monument érigé
a
dame adélaïde jacques LEBOUCHER,
décédée le xxix juin
an. m. dcccv de l’ère chrétienne,
xxxi de son age,
xiii de la république française,
i. du règne de napoléon bonaparte,
empereur des français,
roi d’Italie,
par michel pierre GUYOT, son époux.

Au-dessus se voit, dans un petit médaillon de bronze, le buste de madame Guyot.

Du côté opposé, est représenté en bronze un pélican qui se perce le sein pour nourrir ses petits.

Au tour est écrit :

je meurs pour mes enfants.

Et au-dessous ces vers :

sous ce marbre repose une épouse chérie,
chez qui la beauté fut a la sagesse unie :
elle vécut trop peu ; le sort, le cruel sort,
sans pitié, la poussa sous la faux de la mort,
hélas ! dix jours après qu’elle eut donné la vie
a sa fille du nom de françoise eugénie.
ô ! combien ses enfants lui valurent de fleurs !
sur sa tombe, passant, versez, versez des pleurs.

Chacune des faces latérales est ornée de trois petits bas-reliefs symboliques sur une même plaque de bronze, qui représentent :

Du cote du midi ; un soleil éclairant de ses rayons un jeune arbrisseau. Au-dessous est écrit :

il éclaira mes premiers jours.

Une colombe, les ailes déployées, tenant dans ses pattes des branches de myrte et de roses ; et au bas :

un chaste amour fut mon bonheur.

Ensuite une ruche autour de laquelle voltigent des abeilles, et environnée d’arbustes en fleurs avec cette devise :

loin de moi les plaisirs frivoles.

Au-dessous sur le marbre cette sentence :

tout sur la terre se décompose et change de forme ;
la fixité est dans le ciel.

Sur la face du nord ; une faux au pied d’un rosier dont la principale fleur seulement est coupée ; au bas :

du moins épargre mes enfants.

Un hibou tenant dans ses pattes des branches de sensitive et de laurier ; et au-dessous :

la sagesse eut pour moi des charmes.

Un triangle, symbole de la divinité, dans une gloire dont les rayons se dirigent sur un tombeau. Un papillon, image allégorique de l’âme, monte lentement sur un de ses rayons ; au-dessous :

au ciel les regrets m’accompaghent.

Enfin sur le marbre de cette façade est gravée cette dernière inscription :

l’ange de la mort veille sur cette enceinte ;
mortel respecte le dernier asyle de ton semblable.