Les inondations
Le feu est à coup sûr un élément terrible. Quand l’incendie exerce ses ravages au sein d’une cité populeuse, ou même dans les rangs moins pressés des habitations villageoises, il excite dans la population un sentiment général d’effroi mêlé d’angoisses. À la pensée des pertes matérielles qui peuvent causer la ruine de plus d’une famille, vient se joindre celle, plus douloureuse encore, des victimes possible du fléau ; les ténèbres de la nuit ajoutent encore, par le contraste, un caractère plus effrayant aux scènes de désolation et de tumulte qui accompagnent toujours un incendie de quelque importance. Mais il est rare qu’on ne parvienne pas à arrêter la marche du feu ; en lui faisant, comme on dit, sa part, on en circonscrit les atteintes, et, de plus, presque toujours l’invasion de l’élément destructeur n’est ni assez soudaine ni assez rapide pour que les personnes n’aient le temps de lui échapper.
L’eau, dans les inondations, dans les orages et les trombes, est plus terrible que le feu. Son irruption est plus soudaine, plus irrésistible, et les désastres qu’elle cause jettent la dévastation et la ruine sur des contrées tout entières. À sa masse, que multiplie une vitesse quelquefois effrayante, aucune force humaine, aucun obstacle matériel ne peut résister, et la fuite est le seul moyen d’échapper à son étreinte. Or, la fuite n’est pas toujours possible.
Les récits des sinistres que les crues et les débordements ont occasionnés cet automne, en Suisse, en France, mais surtout en Italie, sont autant de témoignages qui prouvent malheureusement trop bien la vérité de la comparaison que nous venons de faire entre les deux agents destructeurs.
C’est dans les premiers jours d’octobre que les pluies abondantes et continues, suite des bourrasques et des tempêtes de l’équinoxe, ont provoqué la crue rapide du Pô et de ses affluents ; puis, presque simultanément, des inondations étaient signalées en Suisse, dans le Rheinthal, dans les cantons des Grisons, de Saint-Gall, du Tessin, c’est-à-dire sur les flancs de ce massif des Alpes d’où divergent, avec les eaux du Rhin, du Rhône, du Tessin, de l’Inn, celles des quatre grands bassins qui s’inclinent vers la mer du Nord, l’Adriatique, la Méditerranée ey la mer Noire. La Suisse, déjà si éprouvée l’an dernier, a eu cette année plus de peur que de mal. Cependant, pour donner une idée des ravages que peuvent causer les eaux subitement grossies des torrents des Alpes, nous citerons un fait, tel qu’il est rapporté par le Journal de Genève, du 16 octobre :
Dans la nuit du 5 au 6 octobre, le village de Marmels, nu pied du Septimer, a etc en quelque sorte couvert par un énorme, éboulement de pierres, suivi d’une masse effrayante d’eau charriant des pierres, du gravier, des arbres déracinés, etc. C’est un désastre complet ; les prairies, seules ressources des habitants de ce village, ne sont plus qu’une vaste étendue de pierres, de gravier, apportés par les eaux.
Voilà l’inondation sous une de ses formes, irruption soudaine et violente de l’élément destructeur, qui frappe pour ainsi dire comme la foudre. Ce n’est pas la plus terrible, ni la plus lugubre, bien qu’elle fasse souvent des victimes, par la rapidité avec laquelle les eaux envahissantes surprennent les populations. Niais rien n’est comparable aux débordements des grands cours d’eau, aux crues des fleuves qui, comme la Loire, le Rhône, la Saône, le Pô, enflés par les pluies ou les fontes des neiges, montent, montent au-dessus de leurs lits, roulent, entre les digues ou jetées construites sur leurs berges, des masses d’eau de plus en plus considérables, et enfin rompant ces obstacles se précipitent avec fureur par ces trouées et inondent au loin les plaines. Malheur alors aux villages qui reçoivent le choc ! leurs habitations s’écroulent les récoltes sont emmenées par le flot, les champs sont ruinés, soit que l’inondation les recouvre de sable et de gravier, suit qu’elle enlève par sa violence la couche végétale qui en fait la richesse, la fertilité.
Quel morne aspect que celui de ces vastes plaines recouvertes d’eau à perte de vue, et d’où émergent, les sommets des arbres, les toits des maisons, les clochers des villages, et où flottent çà et là de tristes épaves, des mobiliers, des cadavres d’animaux, et trop souvent hélas ! des cadavres humains ! J’ai vu, en 1810, les plaines inondées du Doubs et de la Saône, et jamais je n’oublierai les scènes de désolation dont ces plaines furent le théâtre. Les ponts aux arches les plus élevées avaient disparu sous les eaux les quais des villes comme Châlon, Mâcon, Lyon, ne se distinguaient plus des rivières ; l’eau montait au-dessus des premiers étages des maisons.
Hâtons-nous de dire que, cette année, l’inondation n’a point atteint en France des proportions pareilles. La vallée du Rhône a été, il est vrai, à diverses reprises, sous la crainte de grands périls : mais presque partout le fleuve est resté dans son lit les digues ont résisté à ses efforts, et les désastres n’ont été que des désastres partiels. La Seine, au moment où nous écrivons, déborde et envahit à Paris les berges des quais, mais l’inondation ne paraît point inspirer de craintes sérieuses. Il n’en a pas été de même en Italie, où l’Arno, le Tibre et plusieurs autres rivières ont débordé en causant de grandes ruines, où la vallée du Po surtout a été ravagée par une inondation terrible, qui, au moment où j’écris, dure encore.
Pendant plus d’un mois, les pluies torrentielles, des trombes, des orages, n’ont cessé de grossir les eaux du fleuve et de la plupart de ses affluents, le Tessin, l’Adda, l’Oglio, dont les lits ne pouvaient suffire à écouler le trop-plein des lacs de Garda, de Corne et du lac Majeur, débordant eux-mêmes sur leurs rives. À plusieurs reprises, les digues se sont rompues, notamment aux environs de Lodi, de Pavie et de Révère dans la province de Mantoue. Partout, les populations affolées de terreur fuyaient devant le fléau, non sans lui laisser des victimes ; les ponts détruits, les routes coupées, les maisons écroulées, des milliers de personnes sans abri, sans vêtements, sans pain, voilà le tableau des misères navrantes que la riche Lombardie et les provinces de Mantoue et de Ferrare ont eues à subir. Les municipalités, les particuliers, le gouvernement italien ont rivalisé de dévouement pour porter secours à de si grandes infortunes. Mais ce sont des millions qu’il faudra pour réparer les perles matérielles, si l’on songe que l’inondation s’est étendue sur une surface de plusieurs centaines de kilomètres carrés, que des villes et des villages ont été submergés. D’ailleurs, ainsi que l’ont fait observer avec raison les journaux du pays, les eaux du Pô, de l’Oglio et des autres cours d’eau débordés ne sont pas de ces eaux fertilisantes qui déposent leur limon en échange de leurs ravages sur les terres inondées elles ne laissent que des galets. Pourvu que ne naissent point encore après elles les fièvres et les maladies épidémiques.
On le voit, je n’exagérais point en disant que l’eau, comme fléau destructeur, est plus terrible que le feu. Mais que serait-ce si je pouvais peindre dans leurs détails les épisodes navrants d’une inonda lion. J’en choisirai nu cependant parmi les faits dont les journaux nous ont donne le récit. C’est celui que reproduit noire gravure.
Voici la relation qu’en a donnée la Nazione, de Florence :
Nous recevons d’un témoin oculaire des détails émouvants sur le sinistre de Scandicci, dans la commune de Casellina à Torre.
Vers une heure du matin, pendant que tout le hameau de Scandicci était en émoi, parce que la Grève menaçait de déborder, et que tous les soins et toute l’attention étaient tourné vers la partie où passe le torrent, les pauvres habitants furent assaillis par le débordement.
En effet, le torrent, après avoir rompu les digues près de la fournaise Pappucci, faisait irruption dans les champs et arrivait dans la partir supérieure de Scandicci, devant le mur dit de Lanfredini, qu’il renversait. La masse des eaux alla se briser contre une grande maison appartenant à M. Doney et habitée par de nombreux locataires.
Au rez-de-chaussée demeuraient huit familles. En luttant contre les eaux, elles réussirent en grande partie à se sauver, en perdant toutefois tout ce qu’elles possédaient, et un certain Pasquale Coppini, cordonnier, et un certain Mancini, ouvrier, se trouvant plus embarrassés que les autres, parce qu’ils avaient une femme et des petits enfants, ne purent parvenir à se sauver.
Coppini vit disparaître sons ses yeux, dans les tourbillons de l’eau, sa sœur, âgée de vingt-cinq ans, qui lui demandait en vain secours. Mancini, après avoir porté aux locataires du premier étage deux de ses petits enfants, retourna-dans son habitation pour sauver sa femme et les deux autres enfants, Tito, âgé de trois ans, et Giulietta, âgée de huit mois. Mais l’eau s’éleva soudainement à la hauteur de plus de deux métrés dans la chambre, enleva de-terre le malheureux père, le rejeta hors de la maison. Il fut recueilli au moment où il allait se noyer.
Cependant l’eau continuait à monter ; le rugissement effrayant des eaux et les cris désespérés des locataires furent, pendant quelque temps, les seuls bruits qu’on entendit dans cette maison.
Au bout de quelques heures, quand les eaux eurent diminué, le pauvre Mancini courut avec un grand nombre d’autres personnes dans son habitation. Il vit sa femme étendue sans vie sur son lit, et tenant encore par la main le petit Tito et sur son sein Giulietta. Mais ce ne furent pas les seules victimes.
Une belle jeune fille de dix-huit ans s’enfuyait de la maison assaillie par les eaux ; elle tentait de se sauver en s’accrochant à l’escalier de la maison du menuisier Bellieri. Elle fut enlevée et entraînée dans une cave, où quelques heures après on retrouva son cadavre.
Une autre petite fille de Terra Nuova, âgée de trente mois, est morte noyée dans un logement attenant à celui de Mancini.
Un grand nombre de personnes qui demeuraient au rez-de-chaussée dans le village coururent un très-grave danger. Le père du cordonnier Coppini, vieillard chargé d’années, entraîne par le débordement, retrouva assez de force pour s’accrocher aux barreaux d’une fenêtre. Il y resta trois heures, ayant de l’eau jusqu’à la gorge.
Ce simple récit d’épisodes terribles peut se passer de commentaires : les faits ont leur éloquence ; laissons-les donc parler eux-mêmes. Aussi bien, mon intention n’était pas, en faisant à nos jeunes lecteurs un tableau vrai et réel des malheurs que causent les inondations, d’exciter en pure perte la sensibilité de leur cœur. Ils sauront la manifester d’une manière efficace, en répondant à l’appel qui sera fait sans doute en France à toutes les aines généreuses, en faveur des victimes du fléau.
Ce que je me propose, c’est d’étudier avec eux les causes du mal, de leur dire comment la science et l’art de l’ingénieur ont cherché à en prévenir les effets, et ce qui reste à faire encore pour essayer de transformer en bienfait ce qui jusqu’ici n’est trop souvent qu’une occasion de ruines.
Tout le monde comprend sans peine que des pluies abondantes et surtout des pluies continues sont le plus souvent les causes déterminantes des grandes crues des rivières, de leurs débordements, en un mot des inondations. J’ai dit le plus souvent : en effet, il arrive aussi qu’elles sont produites par un phénomène naturel, périodique dans les pays de hautes montagnes, je veux parier de la fonte des neiges. En. Suisse et dans toutes les contrées alpestres, les hauts sommets se recouvrent en hiver de couches épaisses de neige que la basse température des-régions élevées maintient, pendant tout l’hiver et même pendant la première moitié du printemps. Quand alors les rayons solaires deviennent plus chauds et exercent leur action diurne en des durées qui vont croissant comme la durée des jours, le blanc linceul dont les montagnes sont recouvertes, peu à peu fond et alimente abondamment les sources nombreuses des torrents et des rivières. Mais alors c’est en été qu’ont lieu les crues périodiques des cours d’eau qui ont leur point de départ dans les glaciers ou dans les vallons des hautes montagnes. Le Rhône, le Rhin, le Pô, au moins dans la partie supérieure de leur cours, sont des fleuves soumis à ce régime des crues d’été provenant de la fonte des neiges ; tandis que la Seine, la Loire, la Saône, sont plus spécialement affectées par les pluies, de sorte que le maximum de leurs crues correspond le plus souvent à l’automne, la saison la plus abondamment pluvieuse dans nos climats.
Mais cette division des cours d’eau suivant le régime des crues, estivales ou hivernales, n’a rien d’absolu. Il est aisé de s’en rendre compte par des exemples. Le Rhin, jusqu’à Baie, est alimenté surtout par des affluents qui lui apportent les eaux des montagnes de la Suisse ; dans cette partie de son cours, ses crues sont donc principalement produites par la fonte des neiges et des glaciers ; à partir de Râle, ses affluents ne viennent plus de régions montagneuses élevées, et ce sont les pluies qui grossissent leurs eaux. Il en est de même du Rhône jusqu’à Lyon, dont les crues sont des crues d’été. À partir de ce point, le Rhône recevant les eaux d’une rivière importante, la Saône, qui est surtout gonflée par les pluies, les variations du débit de ce fleuve se trouvent compensées, d’où résulte pour lui un régime moyen plus constant, analogue à celui auquel se trouve soumis le Rhin à Cologne par exemple.
L’exemple des inondations que la Haute-Italie vient de subir prouve du reste qu’il y a des exceptions à cette loi, ou mieux que la loi générale comporte des lois particulières.
Ce n’est pas en effet à la fonte des neiges alpestres qu’est dû le gonflement du Pô, ni celui de ses affluents de la rive gauche : le Tessin, l’Adda, le Mincio sont tous cependant, comme le fleuve lui-même des rivières alimentées par les torrents des Alpes. Mais la saison exceptionnellement pluvieuse que nous venons de traverser, les orages continuels, les bourrasques qui caractérisent souvent d’ailleurs la période voisine des équinoxes, ont versé pendant un mois sur le bassin du Pô des quantités d’eau si considérables, qu’il en devait résulter nécessairement une inondation générale.
Les lacs, ces réservoirs naturels, ces régulateurs des rivières qui s’en échappent ; n’ont pas suffi cette fois à contenir la masse des eaux. En temps ordinaire, en recevant les eaux surabondantes des torrents, ils préviennent les funestes effets des crues rapides : ce eaux s’étalant sur une large surface n’élèvent le niveau du lac que d’une façon insignifiante ; le trop-plein s’écoule ensuite lentement, compensant dans les périodes de sécheresse l’effet des sources taries, d’où résulte une certaine constance dans le régime des rivières et des fleuves qui en dépendent. La nature nous donne ainsi l’exemple d’un moyen ordinairement efficace, propre à prévenir les débordements, les inondations et les désastres qui en sont la conséquence.
Arrivons maintenant aux moyens artificiels que les hommes opposent à l’invasion des grandes eaux des rivières et des fleuves.
Le système le plus généralement adopté est celui de l’endiguement. Sur tous les points ou les berges naturelles sont trop peu élevées pour contenir lu masse des eaux en temps de crue, on élève des ouvrages en terre qui, sous les noms de jetées, levées ou digues, longent le bord de la rivière à une distance suffisante, et défendent les plaines environnantes contre l’envahissement des eaux. C’est à l’aide de digues gigantesques que les Hollandais protègent le sol des Pays-Ras contre les inondations de la mer. Assurément, il y a là un moyen de défense, souvent efficace et qui rend en effet de grands services, mais qui parfois aussi rend le danger plus grand et les désastres plus terribles. Par les digues, le fleuve se trouve encaissé dans son lit ; il ne peut plus modifier son cours, ravager li-s terres cultivées, ni porter ça et là les pierres et graviers qu’il charrie. Mais aussi il est aise île, comprendre que l’encaissement force a couler dans un espace plus resserré la masse des eaux qui acquièrent en même temps une vitesse plus considérable et s’attaquent aux digues elles-mêmes, dont elles minent incessamment la base.
Qu’une crue exceptionnelle arrive alors, que les ouvrages de défense soient en quelques-uns de leurs points trop faibles, et le péril est accru par le l’ait même des moyens qui avaient pour objet de le prévenir. C’est ce qui est arrivé, pendant l’inondation actuelle, aux digues du Pô qui, on l’a vu plus haut se sont rompues en plusieurs points. Par la brèche ainsi pratiquée, les eaux se précipitent avec une irrésistible violence, détruisent tout sur leur passage il ajoutent aux funestes effets d’une inondation soudaine ceux de l’envahissement de toute la contrée avoisinante..Malgré ces graves inconvénients des digues, elles constituent un moyen de défense, coûteux il est vrai, mais souvent nécessaire, surtout si les fleuves sont soumis à des crues rapides et si, au lieu d’un limon fertilisant, ils laissent en dépôt sur les terres du sable, des cailloux qui en détruisent la valeur agricole.
Quel est, en définitive, le problème a résoudre ? C’est de régulariser les cours d’eau, de rendre la vitesse et le débit des eaux plus constants, d’empècher, s’il est possible, les crues trop rapides ou trop considérables. J’ai dit plus haut que tes lacs fonctionnent précisément comme les régulateurs naturels des fleuves ou des rivières qui les traversent. Les ingénieurs ont en effet songé à imiter en ce point la nature. En des endroits convenable choisis, ils ont fait creuser d’immenses bassins destinés à recevoir le trop-plein des crues, ainsi que les matières qu’elles charrient. Si ces matières sont fertilisantes et limoneuses, elles sont recueillies et utilisées : au cas contraire, leur effet est tout au moins neutralise.
D’ailleurs, ces bassins de colmatage, — c’est le nom qu’ils ont dans le langage de l’ingénieur, — ont un autre rôle utile, celui d’alimenter les rigoles et canaux d’irrigation des terres environnantes, de sorte que l’élément destructeur est changé ainsi en élément de production, c’est-à-dire de richesse. C’est à un système complet de bassins ou de canaux de ce genre que les plaines de la Lombardie doivent leur fertilité proverbiale. Pourquoi donc, cet automne. ce système n’a-t-il pas joue aussi complètement qu’il était désirable, son rôle de protection et de défense. C’est que sans doute les moyens n’avaient pas été proportionnés à la rapidité et à l’abondance de crues déterminées par une suite imprévue et exceptionnelle de pluies et d’orages.
D’ailleurs, il faut bien le dire, c’est surtout aux plus grands cours d’eau qu’on applique les moyens de protection. On néglige les plus petits. Or, dans ma pensée, c’est depuis le simple ruisseau, depuis le plus petit cours d’eau jusqu’au fleuve que le système de réservoirs d’irrigation devrait être appliqué. Aujourd’hui, par un progrès dans l’art de la culture qu’il faut hautement louer, les terres sont partout assainies des fossés d’écoulement sont partout pratiques. Aussi qu’arrive-t-il C’est que dans les grandes pluies les eaux ne s’écoulent que trop vite. Toute la surface d’un bassin fluvial, drainé à la foi, conduit ses eaux avec rapidité du ruisseau à la petite rivière, de celle-ci au grand affluent, de tous les affluents au fleuve, de sorte que le lit de ce dernier ne se trouve plus assez large ni assez profond pour recevoir à la fois une masse liquide aussi considérable. Des bassins collecteurs et régulateurs du débit, croissant en volume à mesure de l’importance des cours d’eau, empêcheraient les crues subites, serviraient à l’irrigation en temps utile et préserveraient ainsi la contrée du fléau des inondations. Les digues et levées n’auraient plus d’utilité que pour le cas des événements extrêmes, dus aux perturbations météorologiques les plus rares.
On a aussi attribué la fréquence des inondations et leur violence au déboisement des collines et des montagnes. Il est certain en ell’et que la végétation est un obstacle au mouvement des eaux. D’abord, il paraît prouvé que les forêts absorbent une certaine quantité de l’humidité atmosphérique d’après les observations de .M. Becquerel, il tombe moins d’eau sous bois que dans les plaines nues, de sorte qu’en un pays boisé, l’eau des pluies s’évapore en partie, à la surface des arbres et des plantes l’autre partie met plus de temps à s’écouler dans le sol, où les racines la retiennent encore. Au contraire, sur les pentes dénudées, la terre végétale est vite entraînée par les eaux, qui ont ensuite, pour s’écouler avec rapidité, une surface plus imperméable. Le dommage est double, pour les terres d’abord qui. s’appauvrissant deviennent impropres à la culture, pour les riverains des torrents qui sont exposés à une rapide irruption des eaux.
Le reboisement, le gazonnement des collines et des montagnes est donc encore un des moyens préventifs, propre à diminuer l’intensité des inondations aussi le législateur y a-t-il pourvu en France. Mais il faut pour cela du temps.
Il me resterait encore pour dire tout ce qui a trait à ce sujet, d’un intérêt si pressant pour les contrées exposées au retour périodique du fléau, à parler précisément de cette périodicité qui se rattache aux autres phénomènes dont une science spéciale, la météorologie, étudie les lois. J’aurai sans doute l’occasion d’y revenir. Les pluies continues d’octobre ont été accompagnées de fréquents orages, de trombes furieuses qui ont cause aussi bien des malheurs et des victimes, à Portici, à Rome, à Nice, à Gènes, à Syracuse ; aux dates du 7, du Kl et du l.'i octobre, on a ressenti en Calabre et jusqu’en Amérique des secousses de tremblement de terre des aurores boréales ont apparu en Europe et aux Etats Unis et se sont manifestées ailleurs par des perturbations dans les lignes télégraphiques. N’y a-t-il pas un lien physique, un rapport de cause à effet entre ces phénomènes, ou leur coïncidence est-elle fortuite ? Graves et intéressants problèmes où nous aurons tout au moins, si nous ne savons les résoudre, l’occasion de satisfaire en partie noire curiosité et le désir de nous instruire.