Les fleurs poétiques, simples bluettes/Préface

C. O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs (p. iii-v).

PRÉFACE


Je n’ai aucunement la prétention d’être poète.

Disciple assidu de Thémis, je n’ai consacré aux Muses que les instants de loisir que j’ai pu dérober à cette déesse jalouse, qui exige de ses fidèles un culte exclusif et le sacrifice de toutes leurs facultés.

D’ailleurs Apollon, le dieu des vers, de l’harmonie et de l’inspiration, ne comble de ses faveurs que les prédestinés qui se sont entièrement voués à lui ; et il ne m’a jamais donné le secret de monter ma lyre au diapason de l’enthousiasme.

C’est donc en hésitant que je viens solliciter, pour les Fleurs poétiques, une toute petite place à côté des splendides buissons qui verdoient dans notre jardin littéraire, à l’ombre de l’arbre majestueux qu’y planta M. Louis Fréchette, le père de la poésie française en Amérique.

Mes fleurettes, dont la plupart pâlissaient depuis déjà longtemps au fond d’un tiroir, n’ajouteront rien, je le sais, à l’éclat qui environne notre jeune littérature nationale. Mais, écloses au temps des rêves de la jeunesse, elles sauront trouver grâce devant le lecteur si elles ravivent un moment les chaudes émotions qui ont autrefois précipité les battements de son cœur, et si elles font surgir à ses yeux, dans le lointain du souvenir des jours envolés, les roses illusions trop vite évanouies au contact des brusques réalités de la vie.

Octobre, 1890.