Les fleurs poétiques, simples bluettes/01/03
LA ROSE ET L’IMMORTELLE
Je suis fraîche et pure
Et de la nature
Je suis la parure,
Gracieusement,
Avec l’aubépine
J’orne de l’amant
La noble poitrine…
Oui, ton rôle est doux, oui, ton rôle est grand ;
Mais sous tes couleurs tu caches l’épine ;
Tu rends un parfum, mais c’est en mourant…
Et je suis l’emblème
Des gais amoureux
Et des cœurs heureux.
Tout le monde m’aime…
Toi, sur un tombeau
Tu t’inclines, blême !
Oui, ton rôle est doux, oui, ton rôle est beau.
Et moi je fleuris sur le noir tombeau,
Même sur celui que l’on abandonne ;
Et moi pour les morts je sers de couronne…
Des heureux vivants charmant les loisirs,
Tu parles amours, vanités, plaisirs ;
Mais je parle à tous des saints souvenirs !
Que serait le monde
Sans un peu d’amour ?
Que serait le monde avec cet amour
Léger, fugitif, passant comme l’onde,
Fécond en regrets, ne durant qu’un jour,
Ne laissant au cœur que fiel, qu’amertume ?
L’amour grand et vrai ne s’affaiblit pas,
Et, sublime, il vit après le trépas.
Aux rayons divins pur il se rallume,
Brille comme un astre et ne s’éteint plus…
Oui, je suis mondaine ;
Mais de mon domaine
Les pleurs sont exclus ;
Jamais de tristesse !
À moi la jeunesse,
L’amour, la gaîté,
La félicité !
Tu flattes les sens, je console l’âme
En deuil, où je veise un bien doux dictame,
Où je fais reluire un rayon d’espoir.
Dans les cœurs blessés, oh ! qu’il ferait noir,
Si je n’endormais bientôt la souffrance
En montrant le ciel, suprême espérance,
Au pauvre orphelin, à la veuve en pleurs,
Au pied d’un tombeau brisés de douleurs !
