Imprimerie Beauregard (p. 23-24).

III

Réveil des champs


                   
Tout se réveille autour de nous. Le frais matin
Surprend toute la vie acharnée au butin.
Au-dessus des hauteurs, un fluide ricoche
Et répète allégro les avés d’une cloche.
Par groupes, les bovins mugissant et meuglant,
Déroulent sur le val un épanchement lent.
Ils montent vers l’ombrage où la pâture est douce,
Balançant lourdement leur toison blanche et rousse.

Sous les pesants rameaux des chênes endormis,
L’effort silencieux d’innombrables fourmis
Fait surgir du sol noir l’éclat des sables jaunes,
En gonflant le sentier qui traverse leurs zones.
Bientôt l’œuvre tenace aura comblé de grain
Les couloirs sinués du grenier souterrain.
Aux champs, les hommes vont, une romance aux lèvres,
Grandis par les travaux dont la ville nous sèvre.
Ô les saintes sueurs qui donnent du froment !
Chaque sillon creusé provoque un battement
Plus viril dans le cœur de la famille humaine.
Semeur, ton geste las est plus fort que la Haine,
Il produit ; et la terre, avide de fermer
Sur le grain la chaleur qui le fera germer,
Cache aux yeux pervertis les richesses accrues,
Que ne comprendrait pas la misère des rues !