Les examens publics en Allemagne

Les examens publics en Allemagne
Revue pédagogiquenouvelle série, tome VI (p. 461-463).

Les épreuves publiques. — Il est d’usage dans les écoles allemandes de faire passer tous les ans, à la fin de l’année, des examens publics, qui ont lieu devant les familles, divers professeurs, un inspecteur, et un certain nombre de personnes qui à un titre quelconque s’intéressent à l’école. Ces épreuves consistent en interrogations faites par l’instituteur même de la classe, et durent pour chaque classe une demi-heure. On discute en ce moment la question de savoir si ces épreuves publiques sont utiles ou non ; elles ont leurs détracteurs et leurs partisans. Plusieurs articles de revues pédagogiques traitent ce sujet.

Les uns font remarquer que pour un grand nombre de classes, ces épreuves sont une pure, comédie ; le maître prépare ses élèves à répondre par cœur à des questions déterminées d’avance ; il désigne à la fois les questions, les réponses, les élèves qui répondent. On cite des faits probants, des maîtres qui se trompent d’élèves et qui obtiennent des réponses qui sont de vrais coq-à-l’âne ; des classes inattentives parce que les enfants savent que ceux qui ont été marqués et stylés d’avance seront les seuls interrogés. Il s’agit de jeter de la poudre aux yeux, d’étonner le public, de charmer les parents, de tromper sur la valeur de l’enseignement donné. Quelquefois le maître se propose uniquement de faire briller les enfants de famille influente et d’obtenir ainsi une gratification de la munificence du conseil scolaire.

Certains maîtres sont incapables de rien tirer de leurs élèves, et se décident à poser les questions et-les réponses, se contentant d’obtenir de simples oui et non. Plusieurs n’ont qu’une préoccupation, remplir la demi-heure obligatoire tant bien que mal, parlent lentement, répètent à plusieurs reprises les questions posées, les réponses données, et réussissent à ennuyer les auditeurs qui se promettent de ne plus revenir.

La principale objection, ou du moins la plus sérieuse, qui est faite aux interrogations publiques, c’est qu’elles tendent à faire prédominer la recherche de la quantité de savoir acquis sur celle de la qualité, de la méthode. On vise à bourrer la mémoire des enfants plus qu’à développer harmoniquement leurs facultés, à les instruire plus qu’à les élever, parce qu’il est plus facile de faire apprécier à un auditoire de deux ou trois cents personnes les choses apprises que la manière dont elles ont été enseignées et les résultats acquis plutôt que les germes féconds des résultats futurs.

Les partisans des épreuves publiques, qui correspondent jusqu’à un certain point à nos solennelles distributions de prix, y voient de sérieux avantages et en demandent énergiquement le maintien. Ces : interrogations peuvent très bien faire voir, disent-ils, non seulement ce qui a été enseigné, mais dans quel esprit, avec quelle méthode l’enseignement a été donné. Il y a des abus possibles : fl est fâcheux que les maîtres ne comprennent pas le devoir d’interrogations sincères, mais il appartient aux directeurs d’écoles, aux inspecteurs de le leur faire sentir. On pourrait faire poser quelques questions par une autre personne que l’instituteur habituel ; mais ce serait. dérouter les enfants ; le mieux est de déterminer les maîtres à donner autant que possible, pendant cette demi-heure, l’image de leur enseignement ordinaire.

La perspective de la séance publique est un stimulant pour tous ; nul ne veut rester en arrière ; et si l’on a soin d’éviter une concurrence fiévreuse et malsaine entre les écoles, on obtiendra de bons résultats.

Ces séances publiques ont en outre l’avantage d’initier les parents à la vie scolaire, de les intéresser aux travaux de leurs enfants, de leur montrer sur le fait les bonnes méthodes d’enseignement, la manière de diriger les esprits, de les mettre sur la voie ; elles sont un enseignement pour les familles. De plus, elles établissent un lien plus étroit entre la famille et l’école ; ces deux facteurs de l’éducation concourent ensemble, à ce moment, visiblement, à la même œuvre ; les parents voient le maître à sa tâche, si difficile, si délicate, lui savent gré de ses efforts, comprennent mieux les difficultés qu’il rencontre, sont plus disposés à l’aider, à l’encourager.

Enfin, c’est l’occasion d’une fête scolaire qui élève les esprits et les cœurs, qui rapproche, qui réjouit, qui met l’école en lumière, qui contribue par conséquent à l’éducation morale du peuple.

En résumé, il en est de ces examens publics comme de tant d’autres procédés ; ils valent par l’esprit qu’on y apporte, par le but qu’on y poursuit ; on peut les ravaler au rang de simple routine et de dangereuse comédie, ou les transformer en un excellent moyen de bonne et féconde pédagogie. Tant vaut le maître, tant vaut le procédé.