Les derniers travaux sur l’histoire de l’instruction primaire, d’après un article de M. l’abbé Allain

Les derniers travaux sur l’histoire de l’instruction primaire, d’après un article de M. l’abbé Allain
Revue pédagogique, premier semestre 1883 (p. 547-548).

[Les derniers travaux sur l’histoire de l’instruction primaire, d’après un article de M. l’abbé Allain (Revue des questions historiques)]

Les derniers travaux sur l’histoire de l’instruction primaire ; état actuel de la question, par M. l’abbé Ernest Allain (Revue des questions historiques, no du 1er avril). — Ainsi que l’indique le titre, M. l’abbé Allain passe en revue dans cet article les nombreux travaux publiés dans ces derniers temps en vue d’établir, comme il le dit, le bilan de l’instruction primaire de l’ancien régime dans les diverses parties de la France. Lui-même, on le sait, est au premier rang dans cette laborieuse phalange de chercheurs, à laquelle les réunions annuelles des sociétés savantes départementales à la Sorbonne servent volontiers de rendez-vous. Il donne, à la fin de son article — et ce n’en est pas la moindre partie, — le catalogue, par ordre alphabétique de provinces, des livres, brochures et articles de revues où la question de l’histoire de l’instruction primaire française est spécialement traitée, en y joignant des références au Dictionnaire de pédagogie, de M. Buisson, aux Lettres de Grégoire sur les patois de France et à la Statistique des préfets de l’époque du Consulat et du commencement de l’Empire. Nous signalons cette curieuse bibliographie à ceux qu’intéressent ces études rétrospectives. Nous leur signalons aussi les directions que donne M. Allain pour entreprendre fructueusement ces recherches, indications de sources imprimées ou manuscrites, manière de procéder, etc.

Nous avouons que nous ne leur recommanderions pas avec autant de confiance les conclusions mêmes auxquelles arrive M. Allain, quelque désir qu’il puisse avoir de ne tirer des documents que ce qu’ils contiennent. La visible intention de réhabiliter l’ancien régime nous rend quelque peu suspectes les généralisations de M. l’abbé Allain et de bon nombre de ceux qui appartiennent à son école. Pour nous, la question est toujours de savoir au juste ce qu’on enseignait dans ces écoles que M. l’abbé Allain recense avec tant de scrupule, à qui elles s’adressaient et par qui elles étaient fréquentées ; nous nous demandons aussi quelle valeur pédagogique, c’est-à-dire de véritable instruction intellectuelle et morale, représentent ces signatures de conjoints qu’on prend tant de peine à supputer. M. l’abbé Allain ne nie pas, au moins complètement, l’insuffisance des anciens programmes ; mais, dit-il, dans les écoles modernes, le progrès n’est-il pas plus apparent que réel, et à vingt ans reste-t-il grand chose à nos ouvriers de la science quasi-universelle qu’on a essayé de leur infuser ? À supposer que ce reproche soit juste, M. l’abbé Allain conviendra bien avec nous que ce n’est pas là une réponse. Il dit plus justement que le programme des anciennes écoles « suffisait aux besoins du plus grand nombre ». C’est là le vrai, suivant nous : les besoins du plus grand nombre étant fort restreints sous l’ancien régime, les écoles de l’ancien régime avaient le droit d’être insuffisantes ; nous sommes persuadé, pour notre part, qu’elles l’ont été, non seulement, quoi qu’on en dise, en nombre, mais surtout en valeur pédagogique, et que personne ou à peu près personne ne s’en plaignait, parce que, malgré de très louables efforts locaux ou individuels, personne ou à peu près personne ne ressentait « le besoin » d’en faire usage. Il n’en est plus de même aujourd’hui, le milieu social ayant changé. Nos écoles aujourd’hui sont ce qu’elles sont, mais tout le monde se tourne vers elles, comme vers un élément indispensable de l’existence moderne : c’est tout le secret de leur progrès, qu’il ne faut pas vouloir nier, parce que ce serait nier l’évidence ; dont on ne cherche pas non plus d’ailleurs à dissimuler les défauts ou les lacunes. Le seul privilège que nous réclamerions, quant à nous, ce serait de ressentir ces défauts et ces lacunes plus vivement que qui que ce soit.