Les députés de la région des Trois-Rivières (1841-1867)/POLETTE, Antoine

XVIII

L’Hon. Antoine Polette

(1807 — 1887)




Le premier Paulet établi au Canada se prénommait Antoine. Né en 1626, fils de Pierre Paulet et de Marie Deshayes, de Dieppe en Normandie, il épousa à Québec, le 12 avril 1655, Suzanne, née en 1642, fille de Pierre Miville et de Charlotte Maugis.

Notre futur député naquit à Neuville le 24 août 1807, du mariage d’Antoine Paulet,[1] cultivateur, et de Josephte Bertrand. Il commença son cours classique sous des professeurs privés et le termina au séminaire de Nicolet. Il n’avait que quatorze ans et neuf mois lorsque, le 14 mai 1822, son oncle Jean-Baptiste Dubuc l’engagea chez maître Hilaire Girard, avocat de Québec, pour faire sa cléricature. Celui-ci étant mort le 8 mars 1827, le jeune Polette compléta ses études chez maître Joseph Lagueux. Il fut admis à la pratique le 11 septembre 1828, alla s’établir aux Trois-Rivières et devint bientôt l’un des principaux membres du barreau trifluvien.

Le 24 novembre 1834, M. Polette fut nommé l’un des commissaires chargés de la construction d’un pont sur le Saint-Maurice, et le 19 juin 1839 il acceptait le poste de commissaire pour l’érection de paroisses dans le district des Trois-Rivières.

M. Polette fut maire des Trois-Rivières de 1846 à 1853. Le 28 mars 1856, il devenait l’un des membres de la commission nommée pour faire la refonte des statuts du Bas-Canada. Il occupa cette charge honorable autant qu’onéreuse jusqu’au 31 janvier 1861 et fut très assidu aux séances de la commission ; il s’y rendit fort utile.

M. Polette représenta la ville des Trois-Rivières à l’Assemblée législative du 26 avril 1848[2] au 28 novembre 1857.

Les élections ne se faisaient pas alors avec des prières, pas plus que du temps d’Israël Tarte, et pas plus aux Trois-Rivières qu’ailleurs.

Aux élections générales, tenues en cette ville les 7 et 8 janvier 1848, MM. Polette et Dumoulin se présentaient comme candidats. L’officier rapporteur était M. James Dickson.

Voici en quels termes « Un Témoin » raconte, dans La Minerve du 10 janvier 1848, ce qui se passa en cette occasion.

« Le poll était ouvert depuis deux jours et M. Dumoulin, le candidat réformiste, se trouvait avoir 4 voix de plus que son antagoniste. Vers 4½ heures de l’après-midi, les partisans de M. Polette, amènent au poll un jeune homme complètement ivre, et on se préparait à l’assermenter pour prendre sa voix, lorsque son père s’avance vers l’officier-rapporteur et le supplie de ne pas faire prêter serment à son fils, en représentant qu’on l’avait enivré et qu’on lui avait donné 9 piastres pour avoir sa voix, mais qu’il n’était nullement qualifié, et qu’il allait se parjurer. La foule qui entendit ces paroles se poussa alors sur le jeune homme et l’obligea de se retirer. Ce fut alors que M. Dickson, officier rapporteur, déclara qu’il ne pouvait continuer à tenir le poll ouvert, et qu’il allait ajourner immédiatement ; puis il quitta les hustings. M. Dumoulin protesta hautement contre une conduite aussi peu ferme ; il demanda s’il y avait encore quelqu’électeur qui n’eut pas donné sa voix, soit pour lui ou pour M. Polette, et personne ne se présentant, les deux candidats quittèrent aussi le lieu du poll, suivis de leurs amis. Là finit notre élection ».

« Un Témoin » y va ensuite de ses commentaires sur la conduite de M. Dickson, et ils ne lui sont pas favorables, cela va sans dire, car son candidat perdait l’élection.

M. Dickson n’ayant pas fait rapport de l’élection, l’on dut en tenir une autre en avril suivant. Les candidats en présence, cette fois, étaient MM. Polette et Joseph-Pierre Bureau, arpenteur. Le premier fut élu. M. Bureau protesta l’élection, mais il n’eut pas gain de cause.

En faisant la déclaration de sa candidature, M. Polette, pour prouver qu’il était électeur et éligible, énumérait les propriétés suivantes comme lui appartenant :

1o Deux terrains tenus en franc et commun socage, dans le canton de Simpson, comté de Drummond, étant les lots deux et trois dans le premier rang de ce canton.

2o Un terrain ou emplacement tenu en roture, dans la ville des Trois-Rivières (fief de Niverville) côté sud-ouest de la rue Saint-Bonaventure, avec maison en pierre et autres bâtiments ci-dessus érigés.

3o Un terrain contigu au précédent.

Un comité de la Chambre d’assemblée ayant été chargé, en 1851, de s’enquérir des causes qui retardaient la colonisation des Cantons de l’Est, M. Antoine Polette, l’un des membres de ce comité, déclara que la meilleure réponse à la question posée se trouvait dans la brochure portant pour titre Le Canadien émigrant et il déposait cette brochure sur la table en disant : « Je ne saurais donner une meilleure réponse à la question qui nous est posée que ce qui se trouve dans cet écrit, et je n’ai rien à y ajouter ».[3]

« C’est peut-être au juge Polette, dit M. Pierre-Georges Roy[4] que la cité des Trois-Rivières doit la prospérité qu’elle a vue depuis un quart de siècle. Pendant qu’il était député des Trois-Rivières, il suggéra au gouvernement de faire l’arpentage des limites de bois qui se trouvaient dans toute la région du Saint-Maurice. Le gouvernement se rendit à sa demande et dépensa plus de 30,000 louis pour l’arpentage en question, C’est à partir de ce relevé, qui faisait connaître la richesse forestière de cette région, que l’industrie du bois se développa et amena la prospérité aux Trois-Rivières ».

M. Polette fut fait conseil de la Reine en 1854. Le 21 avril 1860, il devint juge de la cour Supérieure aux Trois-Rivières. Il prit sa retraite le 1er septembre 1880 et mourut le 6 janvier 1887. Son remplaçant sur le banc fut M. Jean-Baptiste Bourgeois, transféré du district d’Ottawa aux Trois-Rivières le 13 novembre 1880.

M. Polette avait épousé en premières noces, à Champlain, le 20 février 1830, sa cousine, Henriette, fille de Jean-Baptiste Dubuc, marchand de Sainte-Geneviève-de-Batiscan[5]. Il convola en secondes noces, à Québec, en juin 1834, avec Anne, fille de François Duval et d’Anne Germain, de Québec, et sœur de Jean-François-Joseph Duval, avocat et député de la haute-ville de Québec à l’Assemblée législative[6]. et plus tard juge en chef de la province de Québec.

  1. C’est ainsi qu’est écrit le nom dans le certificat de baptême, mais notre député a toujours signé Polette,
  2. Personne n’ayant été déclaré élu aux élections générales.
  3. Bulletin des Recherches Historiques, III, 62 et 63.
  4. Les Juges de la Province de Québec, 1933. Voir aussi à ce sujet : La Grand’Mère, par Auguste Desilets. Pages Trifluviennes, Série A, no 10, 1933.
  5. Gazette de Quêbec, 25 février 1830.
  6. La Minerve, 23 juin 1834.