Les députés de la région des Trois-Rivières (1841-1867)/DESAULNIERS, Louis-Léon Lesieur

XIX

Louis Léon Lesieur
Desaulniers

(1823-1896)




Le docteur Louis-Léon Lesieur Desaulniers descendait de Charles Lesieur, notaire royal, et de Françoise Lafond, nièce de Pierre Boucher, gouverneur des Trois-Rivières et premier seigneur de Boucherville.

Fils de François Lesieur Desaulniers, ancien député du comté de Saint-Maurice avant et depuis l’Union, et de Charlotte Rivard-Dufresne, il était le petit-fils d’Augustin Rivard-Dufresne, représentant du comté de Saint-Maurice au premier parlement du Bas-Canada.

Louis-Léon naquit à Yamachiche le 20 février 1823, fit son cours au collège de Nicolet et ses études médicales à l’université Harvard, É.-U., où il obtint son degré de M. D. en 1846.

Le docteur Desaulniers entra dans la politique active en 1851, lorsqu’il se présenta dans Saint-Maurice contre l’honorable Joseph-Édouard Turcotte, mais fut défait. Élu le 20 juillet 1854, il siégea à l’Assemblée jusqu’au 16 mai 1863. Cette année-là son vote sur le bill de la milice lui attira, comme à bien d’autres, une défaite. Ses anciens électeurs l’envoyaient, le 24 août 1867, les représenter aux Communes. Il démissionna le 29 septembre 1868. De nouveau réélu par le même comté, le 17 septembre 1878, contre Simon-J. Remington, il conserva son mandat jusqu’au 15 janvier 1887.

Le docteur ne se présenta pas aux élections de février 1887 et son frère François le remplaça aux Communes après avoir défait L.-A. Lord, le candidat libéral, par une majorité de 360 voix (988 contre 628). C’était une belle victoire.

La Minerve du 2 novembre 1896 dit que le docteur Desaulniers se présenta de nouveau en 1891 et qu’il fut défait par son frère François-Sévère. Le Parliamentary Companion de 1891 corrobore ce dire. La lutte fut chaude. L’élu obtint 824 voix tandis que le docteur en recevait 749, soit une majorité de 75 pour François. C’est là, évidemment, la « circonstance pénible et malheureuse » dont parle François dans la note citée ci-dessus. Qu’est-ce qui avait bien pu amener cette lutte entre les deux frères qui soutenaient le même chef politique ? Nous l’ignorons, mais il est bon de noter que François était le député sortant de charge, qu’il possédait la confiance de l’électorat et qu’il était le candidat officiel du parti, tandis que son adversaire se présentait comme candidat conservateur indépendant. Dans ces conditions, François avait, semble-t-il, des droits à la réélection. Le docteur croyait-il, qu’après quarante années de luttes dans ce comté, celui-ci lui appartenait de droit ? Il aurait tout simplement voulu, écarter son jeune frère pour reprendre sa place ! Quoiqu’il en soit, il ne réussit pas dans sa tentative et dut se retirer dans la vie privée.

Nous ne connaissons qu’un seul autre cas au Canada où une lutte politique ait eu lieu entre deux frères. C’est celle de M. Honoré Robillard contre le docteur Alexandre Robillard, dans le comté de Russell, en 1883, mais dans ce cas les adversaires appartenaient à des camps opposés. Honoré était conservateur et le docteur, libéral.

Le docteur Desaulniers servit aussi dans la milice et parvint au grade de lieutenant-colonel. Il fut aussi juge de paix et fut nommé inspecteur des prisons et asiles de la province de Québec en 1868. Le gouvernement Joly le destitua en 1878, mais l’année suivante, le gouvernement Chapleau le réinstalla.

En 1875, le gouvernement provincial le chargea d’aller faire une étude sur les asiles et prisons en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie et en Angleterre. Le rapport qu’il fît à son retour est un des plus importants sur la matière.

Voici la note intéressante que publiait sur ce député, M. François-S. Desaulniers, dans un Supplément à l’Histoire de Yamachiche de l’abbé N. Caron.[1]

« M. le Dr L.-Léon-L. Desaulniers a joui, de longues années durant, d’une énorme popularité dans le comté de Saint-Maurice qu’il a presque constamment représenté en parlement depuis 1854. Comme il vit encore, il est hors de propos de faire son éloge ici. Descendant d’une famille honorable, petit-fils et fils lui-même d’un député, il embrassa avec ardeur la carrière mouvementée de la politique, étant à peine reçu médecin. Il négligea la profession médicale pour se livrer à la politique, qui était plus conforme à ses goûts naturels. Il est, aujourd’hui (1892), le président des inspecteurs des asiles et des prisons de la province de Québec. Maintes fois, il fit triompher la cause conservatrice, notamment en 1878, quand MM. E. Lacerte et E. Gérin allèrent à Montréal pour le supplier de se porter candidat, afin de conserver Saint-Maurice à la cause de Sir John A. MacDonald. Une circonstance pénible et malheureuse le fit sortir de l’arêne politique en 1891. Il vit, maintenant, tranquille et heureux, à Montréal, consacrant son temps aux devoirs de sa charge d’inspecteur. Le Dr Desaulniers est certainement l’homme qui a joui de la plus grande popularité dans le comté de Saint-Maurice.

« Un de ses fils, Alexandre, est mort l’an dernier, curé de West-Gardner, É-U. Ses luttes contre MM. J.-E. Turcotte, Olivier Duval, Modeste Richer-Laflèche, Charles Gérin-Lajoie, Simon-J. Remington, sont surtout célèbres, et l’on en parlera longtemps. Tous ceux qui ont été élus au parlement, savent ce qu’il en coûte de fatigues et de labeurs pour échapper à l’impopularité. Le nom du Dr Desaulniers sera toujours respecté, et à bon droit ».

Le docteur Desaulniers décéda à Montréal le 31 octobre 1896, et fut inhumé le 3 novembre suivant à Yamachiche. Vers 1906, cependant, ses restes furent ramenés à Montréal, et il repose maintenant dans le cimetière de la Côte-des-Neiges.[2]

Le docteur Desaulniers avait épousé, en 1850, Flora-Joséphine Merrill, de Boston, dont il eut dix enfants : Dionis, né le 21 août 1853, avocat et traducteur à la Chambre des Communes, à Ottawa ; le docteur Eugène, de Montréal ; Raymond, l’abbé Alexandre, décédé avant son père ; madame Georges Daveluy, madame Gustave Raymond, une autre fille morte Sœur de la Charité, deux autres morts jeunes.

Trois des frères du docteur Louis-Léon furent prêtres et professeurs de théologie, l’un au séminaire de Saint-Hyacinthe et les deux autres au séminaire de Nicolet.

  1. Page 176.
  2. M. E.-Z. Massicotte. Note manuscrite.