Les cimetières catholiques de Montréal depuis la fondation de la colonie/8

CONCLUSION




NOUS dirons à la fin de ce volume à tous : « Pour les morts, pour tous les morts ! La douce et sublime coutume qui veut que tous les vivants adressent leur première et leur dernière pensées de tous les jours à tous les morts (A. Changeur) ! » Quoi d’étonnant à cette suggestion ? Vous tous qui pleuriez tant sur des tombes chéries, n’est-ce pas chose facile à comprendre et à pratiquer ? Comme votre chagrin a été de peu de durée !… Et cette manie de pleurs intarissables en face de vos éternels serments d’un jour, que ne le changez-vous pas en souvenir de prières et d’aumônes !… Non, vous ne songez pas à suivre le sentier parcouru par vos défunts ; leur pensée vous hante pourtant ; vous la chassez toujours. Ne croyez-vous pas que votre oubli de ceux qui vous ont élevé, nourri, protégé appelle une rétribution vengeresse de la Divinité ? Peut-être ! Mais tout de même, vous agissez comme n’y croyant pas. Cependant, « la mort chante dans la voix apaisante des cloches ; elle frissonne aux pétales du cimetière, palpitant en la flamme tremblante des cierges dans la demi obscurité des chapelles ». On s’habitue au son de ces cloches des services funèbres, la foule passe empressée, noyée au sein des vagues des affaires absorbantes de la vie ; et quels souvenirs s’affaiblissant chaque jour, accorde-t-on à ceux qui sont partis hier, et surtout aux âmes qui souffrent depuis si longtemps !…

« Ô les cortèges funèbres des cités ! et que la mort est importune à l’impatience de la foule au travers de laquelle elle dresse sa barrière noire ! Ô les cimetières assiégés sans relâche du tumulte profane qui escalade leurs murailles et viole leur silence, les tombes sur lesquelles roule le flot brutal de la vie ! Et, s’il reste quelque sensibilité aux corps glacés, quelle souffrance de ne pouvoir, enfin, dormir en paix (A. Changeur) ! » Nous l’avons dit dès le début de ce livre, pourquoi oublier si tôt, et sans assombrir la vie, ne peut-on pas, ne doit-on pas, au moins parfois, aller nous agenouiller sur ces tertres, au pied de ces croix couvrant les restes de nos chers défunts ? Appliquons-nous à méditer sur la peine du sens qu’ils endurent ; c’est un sentiment très vif des douleurs épouvantables causées par le feu qui les brûle pour les purifier. Soyez encore à celle du dam, qui est une espèce de douleur qu’on ne saurait exprimer et qui naît du souvenir affligeant de la privation, quoique passagère, de la vue de Dieu (Jacques Munford, S. J.). » Et si vous parvenez par vos ferventes prières, par vos quelques aumônes, à apaiser les tourments de vos âmes chéries, si vous hâtez l’accomplissement de leurs désirs de voir Dieu, de jouir de ses joies, et de le posséder, ne croyez-vous qu’une fois admises aux parvis sacrés, elles se rappelleront vos secours et qu’elles épandront sur vos travaux, sur vos épreuves la grâce de leur profonde gratitude ?… Oui, sans doute. C’est rationnel de le croire. Alors, visitons nos cimetières, prions pour les défunts, sacrifions leur généreusement nos mérites, en vue du ciel assuré aux âmes prêtes à s’y envoler. « Ouvrons les yeux de la foi. Élevons-nous par l’espérance chrétienne au-dessus de tous les objets mortels et périssables ; et pour notre bonheur, même présent, ne nous occupons que du bonheur à venir ». (Bourdaloue, Pensées.)