Police Journal Enr (Aventures de cow-boys No. 3p. 1-4).

Roman de cowboys par PAUL VERCHÈRES


Les chevaliers
de la nuit


CHAPITRE I

INCENDIE CRIMINEL


« À Jean-Baptiste Verchères,
Chef de police de
Squeletteville,
Manitoba, dominion du Canada ;

Cher Baptiste :

Par la présente je t’introduis l’éclaireur qui vient de te remettre cette missive.

C’est le jeune constable Churchman, de la police montée du nord-ouest.

Une conspiration gigantesque est à se tramer dans le territoire de Canyonville, sous ma juridiction.

Il serait trop long de t’expliquer ce que je sais de cette monstrueuse affaire…

Et ce que je ne sais pas serait encore probablement plus long.

Mes chefs à Bytown te considèrent comme le plus grand et le plus efficace chasseur d’outlaws du nord-ouest.

Alors j’appelle tes lumières à mon secours.

Si tu le peux, viens immédiatement avec Churchman.

Il n’y a pas une minute à perdre…

Le ministère fédéral de la justice te récompensera généreusement.

Viens donc tout de suite si tu peux ; car je t’avoue franchement, Baptiste, que j’ai affaire à trop forte partie pour moi.

Viens, et je t’en serai éternellement reconnaissant,

Ton ami,

CLAUDE ROBITAILLE, sergent,
Police montée du nord-ouest.

Verchères manda son seul et unique policeman :

— Tout est calme ici ? demanda-t-il.

— Oui, chef.

— Pas de troubles à l’horizon ?

— Non.

— Et l’affaire Caïn et Abel ?

— Celle des deux frères ranchers ennemis ?

— Oui.

— C’est vrai, vous ne savez pas, la nouvelle vient de me parvenir pendant que vous étiez en conférence avec le jeune RCMP.

— Quelle nouvelle ?

— Caïn est mort d’une chute de cheval…

— Authentique ?

— Oui.

— Pur accident ?

— C’est ce que dit le doc.

— Alors, dit Baptiste, le calme est plat comme la poitrine d’une vieille fille. Et au plat fixe.

S’adressant à son lieutenant il dit :

— Je te laisse en charge ici. Si tu as besoin de moi envoie un éclaireur me chercher à Canyonville.

— Correct, boss.

Verchères se leva :

Ouvrit un tiroir.

Prit sa badge qui annonçait sa juridiction d’officier de police dans tous les territoires du nord-ouest.

L’épingla à sa poitrine.

Et dit :

— Suivez-moi, constable Churchman, nous partons.

— Immédiatement ?

— Oui, n’est-ce pas d’ailleurs ce que désire de tout son cœur de police montée mon ami le sergent Robitaille ?

Bientôt les 2 cavaliers galopaient sur la plaine manitobaine asséchée par 15 jours d’un soleil de juillet…

Puis peu à peu, les chevaux se mirent d’eux-mêmes au petit trot favorable aux longues randonnées.

x x x

Squeletteville était située à 8 lieues au sud-est de Canyonville, bourgade qui, comme la première, constituait une véritable insulte au mot « Ville ».

Squeletteville était située dans la plaine.

Mais pas Canyonville.

Comme son nom l’indique d’ailleurs.

À l’époque géologique tertiaire, il y avait sur le site futur de la ville des canyons 9 volcans en ébullition.

Dans les 3 millions d’années qui suivirent, ces volcans petit à petit, devinrent inoffensifs.

De chauds ils se firent tièdes.

De tièdes ils se firent froids.

Froids et anodins.

Ils se dressaient maintenant comme des totems immenses autour du plus élevé des cratères qui ressemblait à un minaret musulman géant.

Ces volcans formaient des canyons.

Des canyons entre lesquels il y avait des plateaux immenses recouverts du meilleur fourrage à bêtes à cornes.

Cependant le principal, le plus grand et le plus fertile de ces plateaux était apparemment inaccessible.

x x x

Il était minuit.

La lune et les étoiles créaient un fouillis de lumière faible et d’ombres fantomatiques.

Une vingtaine de ces ombres se déplaçaient, avançant avec une régularité surprenant pour des fantômes.

La lune sortit soudain d’un nuage.

Ce qui avait été précédemment des ombres devint des cavaliers dont les énormes chapeaux faisaient des cowboys.

La petite troupe se dirigeait au pas vers le ranch de Merceau.

Abel Merceau était seul dans la maison principale de son ranch.

Soudain le chef de la troupe mystérieuse dit :

— Placez tous vos mouchoirs sur vos visages.

Ils obéirent et encerclèrent l’habitation.

Alors le leader cria :

— Merceau…

Pas de réponse…

— MERCEAU !

Silence…

— M E R C E A U !

— Oui, fit une voix à l’intérieur de la maison.

Le leader dit :

— Ce n’est pas trop tôt.

Merceau parut à une fenêtre.

Brusquement il demanda :

— Que me voulez-vous ?

— Que tu payes tes cow-boys ce qu’ils te demandent, et ils reviendront travailler pour toi.

— Démasquez-vous d’abord et je vous répondrai.

Le leader déclara :

— Non, notre cause est juste et nos masques sont nécessaires si nous voulons triompher.

Merceau railla :

— Tu as trop parlé, leader, j’ai reconnu ta voix. Le C.P.R…

Au même moment, le chef de la troupe tira un coup de feu et le rancher glissa lentement de la fenêtre au plancher de la chambre.

Un des mystérieux cowboys demanda :

— Il est mort ?

— Une balle au cœur ne pardonne pas.

Le leader reprit :

— Maintenant, chevaliers de la nuit, faites tel qu’entendu.

Les hommes sortirent de l’une des pochettes de leurs selles des bidons d’huile de charbon et arrosèrent l’habitation principale, la bunkhouse et tous les autres bâtiments.

Comme ils s’éloignaient le ranch de Merceau flambait dans la nuit.

Le leader dit :

— Chevaliers de la nuit, vous deviendrez bientôt les chevaliers du jour ; en attendant, allez vous terrer dans votre grotte secrète. Quand j’aurai besoin de vous, je vous ferai mander par un messager secret.