Imprimerie de Firmin Didot (p. 51-56).

OBSERVATIONS.

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On voit dans nos vieux monuments historiques, que dans les temps de troubles, les habitants de Paris étaient obligés, pendant la nuit, de placer des lanternes allumées sur leurs fenêtres.

Un réglement de la chambre des vacations, du 29 octobre 1558, y substitua des falots qui devaient constamment brûler depuis dix heures du soir jusqu’à quatre heures du matin, et être placés au coin de chaque rue, et au milieu, si la rue était longue[1].

Un arrêt du Parlement, du 14 novembre suivant, ordonna qu’on mettrait au lieu de ces falots des lanternes ardentes et allumantes[2].

Ces précautions étaient devenues nécessaires pour la sûreté publique ; Paris était pendant la nuit la proie des larrons et des effracteurs de portes[3].

Mais, soit nonchalance, soit excès de misère, cet utile réglement ne fut exécuté que très-imparfaitement. Les ouvriers se mirent à fabriquer des lanternes ; mais la plupart ne furent pas payés, tant par la nécessité du temps, que pauvreté des manans et habitans et le Parlement fut obligé d’ordonner, le 21 février 1559, que « les matières desdites lanternes, potences pour icelles asseoir et pendre, et autres choses à ce nécessaires, qui n’ont été mises en œuvre, » seraient vendues aux enchères publiques, et que le prix en serait distribué aux pauvres ouvriers[4].

Il y a apparence que dans le cours du siècle qui suivit, l’usage s’établit, en vertu de ces arrêts du Parlement, d’entretenir aux frais des habitants de Paris des lanternes dans les carrefours et au milieu de chaque rue. On voit au moins, par les lettres-patentes qui suivent, qu’il en existait en 1669.

Ces lettres, dont un extrait a seulement été imprimé jusqu’à présent[5], nous ont paru mériter d’être publiées en entier. Elles confèrent à l’abbé Laudati Caraffe le privilége d’établir dans Paris des porte-lanternes et des porte-flambeaux.

Nous y joignons l’arrêt du Parlement qui en ordonne l’enregistrement, sous des conditions assez singulières.

Enfin, un imprimé du temps entre dans des détails singuliers sur la manière dont cette administration était régie.

Il est vraisemblable que l’abbé Laudati Caraffe était de la grande maison napolitaine qui porte ce nom ; il serait possible qu’après la révolution de 1647, dans laquelle le duc de Guise joua un si grand rôle, Laudati Caraffe eût été forcé d’abandonner sa patrie et de se réfugier en France, mais ce m’est qu’une conjecture que nous ne pouvons étayer d’aucune autorité.

Quoi qu’il en soit, il ne paraît pas que l’entreprise des porte-lanternes ait prospéré. Lorsqu’au mois de mars 1667, la charge de lieutenant-général de police fut créée, M. de La Reynie qui en fut le premier pourvu, ordonna que des lanternes seraient établies dans Paris[6] ; mais on ne les allumait que depuis le premier novembre jusqu’au dernier jour de février[7]. On sentit bientôt la nécessité d’éclairer les rues pendant un plus long espace de temps, et un arrêt du 23 mai 1671, ordonna qu’à l’avenir on allumerait les lanternes dès le vingt octobre, et que l’on continuerait de le faire jusqu’au dernier jour de mars[8].

On trouve dans les lettres de madame de Sévigné une trace de ce mode d’éclairage de Paris. « Nous trouvâmes plaisant, écrit-elle à sa fille, d’aller remener madame Scarron à minuit, au fin fond du faubourg Saint-Germain, fort au-delà de madame de la Fayette, quasi auprès de Vaugirard, dans la campagne ;… nous revînmes gaiement à la faveur des lanternes, et dans la sûreté des voleurs[9] »

Nous ne nous proposons pas d’écrire l’histoire de l’éclairage de Paris ; mais il nous a semblé que ces courtes observations étaient nécessaires à l’intelligence des pièces qu’on va lire.

       L. J. N. M.

  1. Félibien, Histoire de Paris, Preuves, tom. IV, p. 785.
  2. Ibid. p. 786.
  3. Félibieu, Histoire de Paris, Preuves, tom. IV, p. 785.
  4. Ibid. p. 786.
  5. Félibien, Histoire de Paris, Preuves, tom. V, p. 191.
  6. Traité de la Police, de Delamarre, Tom. IV, p. 230.
  7. Félibien Histoire de Paris, tom. V, p. 204.
  8. Félibieu, Histoire de Paris, tome V, p. 214.
  9. Lettre du 4 décembre 1673.