Les bases de l’histoire d’Yamachiche/13

C. O. Beauchemin et Fils (p. 102-138).


CHAPITRE IX.

Mouvement de la population


dans Grosbois.


Grosbois était divisé en deux seigneuries avant d’avoir eu un commencement de population ; nous avions alors, par suite de cette division, deux seigneurs sur la scène. Voyons maintenant, ce qu’ils ont fait l’un et l’autre pour attirer des colons et commencer des défrichements.

M. Lambert Boucher, sieur de Grandpré, se présente le premier, étant propriétaire de la division ouest de Grosbois depuis 1693.

Charles et Julien LeSieur, co-seigneurs de la division est, acquise par eux en 1702, viennent ensuite.

Nous trouvons des colons sur des terres de M. de Grandpré en 1704 ; ils y sont logés et y résident avec leurs familles près de la petite rivière d’Yamachiche. Nous n’en voyons pas d’autres à cette date et nous concluons qu’ils sont les premiers habitants de cette paroisse. Ces pionniers d’Yamachiche, fief de Grosbois, se nommaient Étienne Gelinas, Jean-Baptiste Gelinas dit Bellemare, Pierre Gelinas dit Lacourse, trois frères.

Mais, dira-t-on, comment pouvez-vous prouver qu’ils y étaient résidants en 1704 ? Les arpentages n’étaient pas encore faits à cette date, et les premiers contrats de concession des terres d’Yamachiche, n’ayant été passés qu’en 1706.

À défaut d’arpentage, le seigneur avait le droit de donner des permis d’occupation à des défricheurs désirant se mettre à l’œuvre sans perte de temps. Ces permis ou billets d’occupation avec promesse de vente après l’arpentage, étaient d’usage à cette époque, et même nécessaires, en bien des cas, pour ne pas retarder les défrichements. Sir Louis-H. LaFontaine a constaté ce fait devant la cour seigneuriale, en 1856. Des seigneurs même étaient mis en possession de leurs fiefs sur billets ou lettres missives, en attendant l’acte de concession au nom du Roi.

Il est donc raisonnable de croire que les Gelinas avaient dû recevoir de leur seigneur Lambert Boucher de Grandpré, un permis de prise de possession de lots désignés par ce seigneur lui-même, comme l’équivalent d’une promesse de concession.

Tout porte à croire que cela s’est fait du vivant de M. de Grandpré, décédé aux Trois-Rivières, en avril 1699. En tout cas, les Gelinas avaient fait des travaux sur leurs terres, y avaient bâti des maisons et y résidaient assurément en 1704 et probablement avant ce temps. Preuve :

Le premier enfant né à Yamachiche, Étienne Gelinas, fils d’Étienne Gelinas et de Marguerite Benoît, était venu au monde le 8 octobre 1704 et avait été baptisé « en la maison d’Ogmachis, » le 19 du même mois, par le missionnaire Récollet, Siméon Dupont, résidant aux Trois-Rivières. Voir l’extrait des registres publié ailleurs.

Le second enfant né à Yamachiche fut Jean-Baptiste Gelinas (dit Bellemare), fils de J.-B. Gelinas et de Jeanne Boissonneau dit St-Onge. Il fut aussi baptisé à Yamachiche, à la maison, par le même missionnaire, le 3 mars 1705, c’est-à-dire moins de cinq mois plus tard que le premier. Il avait été ondoyé par un séculier. Le jour de naissance n’étant pas entré dans l’acte enregistré, on ne peut préciser que l’intervalle des quatre mois et demi écoulés entre le 19 octobre 1704 et le 3 mars 1705.

Est-ce que ces événements ne supposent pas que les maisons avaient été construites d’avance, qu’on les avait pourvues des choses nécessaires à une famille en maladie comme en santé ?

Autre fait digne d’être noté, sinon comme preuve, au moins comme présomption : chez les cultivateurs ou colonisateurs, quand un jeune homme songeait à se marier, il faisait choix d’une terre en bois debout, s’il ne pouvait en avoir une déjà défrichée ; il y faisait des abattis, se construisait une modeste maison, puis ensuite il recherchait une fiancée assez courageuse pour partager son sort et l’aider dans son entreprise. Or Jean-Baptiste Gelinas dit Bellemare se maria en oct. 1700, âgé de 29 ans, et Étienne Gelinas, en 1701, âgé de 31 ans. Ils avaient donc dû, par prévoyance, avoir arrêté définitivement leurs projets d’avenir. Cela permet de croire qu’ils avaient obtenu leurs terres de M. de Grandpré quelque temps avant sa mort, en 1699. C’est notre conviction.

Les deux actes de baptême cités plus haut prouvent suffisamment l’occupation des lieux avant les premiers actes de concession octroyés par les seigneurs des deux divisions de Grosbois.

Ces actes de concession constitueront une seconde preuve de la priorité d’occupation, par les trois Gelinas, de terres sur la petite rivière Yamachiche.

Nous mentionnons ici, par ordre de dates, six de ces concessions, ajoutant que nous n’en avons pas trouvé de plus anciennes.

Par Mde de Grandpré. Par MM. LeSieur.
à J.-B. Gelinas dit Bellemare 6 mai 1706
à Jean Boissonneau dit St-Onge 6 nov. 1707
à Étienne Gelinas 25 mai 1706
à Charles Vacher dit Lacerte 28 mai 1708
à Pierre Gelinas dit Lacourse 26 mai 1706
à Mathieu Milet 24 août 1708


Ces contrats ont été rédigés par le même notaire, Étienne Veron de Grandmenil, résidant aux Trois-Rivières. Il est constaté dans les actes de 1706 que l’arpentage n’avait été fait que cette année-là même. La date de ces actes de concession n’étant pas toujours celle où commence la résidence du concessionnaire, dans le corps des actes en faveur des Gelinas, ils sont dits « demeurant dans la dite seigneurie. » Dans les contrats des autres censitaires, cette information n’est pas donnée.

Au surplus, sans dire que les habitants d’Yamachiche connaissaient tous ces faits, au moins, durant notre jeunesse, tous les anciens qui se faisaient un mérite de savoir quelque chose des commencements de leur paroisse, n’omettaient jamais, en en parlant, la mention des trois frères Gelinas comme les premiers habitants, laissant entendre qu’ils y avaient été seuls et isolés pendant quelques années. En effet, s’ils n’avaient pas été seuls demeurant à Yamachiche pendant un temps, ils n’auraient pas été seuls, désignés comme les premiers habitants.

Sans cela cependant, nous serions bien prêt à leur associer un autre nom, celui de Pierre Hérou dit Bourgainville. Il figure sur le cadastre de 1709 comme voisin de Jean-Baptiste Gelinas (dit Bellemare) et il apparaît encore à la même place, dans le dénombrement du seigneur de Grandpré et de Grosbois-Ouest, en 1723. Mais son contrat de concession manque aux archives des Trois-Rivières. Ce cadastre de 1709 donne comme premier groupe de population sur la petite rivière d’Yamachiche les noms suivants :

Petite Rivière
Sud-Ouest. Sud-Est.
Jean-B. Gelinas (dit Bellemare) Gelinas (Étienne)
Hérou dit Bourgainville Gelinas (Pierre) dit Lacourse
Blaye Pinot (dit Laperle)
Vacher dit Lacerte


Quatre de ceux-là étaient alors concessionnaires de terres dans la partie de Grosbois appartenant à la seigneurie de Grandpré et y résidaient, savoir : Étienne Gelinas, Pierre Gelinas, au Nord-Est ; et Jean-Baptiste Gelinas dit Bellemare, et Pierre Hérou dit Bourgainville, au Nord-Ouest.

Charles Vacher dit Lacerte avait alors une concession de terre dans la partie du même fief appartenant aux seigneurs LeSieur. Dans son acte de concession, du 28 mai 1708, il n’était pas dit « demeurant dans la dite seigneurie, » sa terre étant en pleine forêt sur la petite rivière, bornée des deux côtés par des terres non concédées. L’acte de Jacques Blaye ne se trouve pas aux archives ; et Pinot ne paraît pas avoir pris possession de sa terre, non plus que Jean Boissonneau dit St-Onge. Il n’est fait mention dans le dénombrement de 1728, ni de l’un ni de l’autre.

Ainsi sur ce cadastre de 1709 se trouvent deux noms de censitaires appartenant à la seigneurie de MM. LeSieur. La concession de Vacher dit Lacerte était datée de 1708, dernière année avant la clôture du cadastre. Les seigneurs étaient les seuls intéressés, ou du moins les plus intéressés, à faire paraître des concessions de terres sur leurs fiefs dans ces tableaux officiels, destinés à faire connaître au Roi le succès de leurs efforts pour coloniser les terres qu’ils avaient reçues de lui. C’est pourquoi, ils n’ont pas négligé de faire cadastrer les deux terres qu’ils venaient de concéder. D’un autre côté, le fait qu’ils n’ont placé dans ce cadastre aucune concession à la grande rivière Machiche, autorise à croire qu’ils n’y étaient pas encore établis eux-mêmes. Cependant, dans leurs premiers actes de concession, ils se donnent comme y résidant. C’était peut-être par élection de domicile justifiée par un projet bien arrêté de s’y fixer en permanence tout prochainement. En tout cas, cette déclaration de résidence n’est faite que trois ans après les premiers baptêmes des enfants Gelinas et Bellemare.

Consultons maintenant ces anciens dénombrements.

En 1723, les seigneurs propriétaires de fiefs et seigneuries, furent appelés à rendre et porter foi et hommage au roi entre les mains de l’intendant Bégon ; et à fournir des aveux et dénombrements touchant l’état ou les progrès de leurs défrichements, et le nombre de leurs concessionnaires.

Voyons d’abord celui de Louis Boucher, fils de Lambert Boucher et de Marie-Marguerite de Vanneville, ses père et mère, et par conséquent, second seigneur, par héritage, de la seigneurie de Grandpré et de la partie ouest du fief de Grosbois.

Son dénombrement prouve qu’aucun progrès n’avait été fait dans ces deux seigneuries dans l’intervalle de 1709 à 1723. Au contraire, il ne lui restait même plus que trois censitaires dans Grosbois, la veuve d’Étienne Gelinas, Jean-Baptiste Gelinas dit Bellemare, et Pierre Hérou dit Bourgainville, possédant des terres sur la petite rivière, des prairies dans les îlets et des lots dans la commune. Pas une seule terre n’avait encore été concédée dans la seigneurie de Grandpré, à l’exception d’une dizaine de lots de prairies dans les îlets, aux habitants de la Rivière-du-Loup et de la seigneurie de Grosbois-Est. Pierre Gelinas dit Lacourse avait abandonné sa concession, voisine de son frère Étienne, pour s’établir dans la seigneurie des messieurs LeSieur.

Nous voilà en présence d’un fait suggérant la pensée que depuis la mort de Lambert Boucher, sieur de Grandpré, en 1699, il n’y avait pas eu, pour ces deux seigneuries de Grandpré et de Grosbois-Ouest, d’administrateur, ou d’agent de colonisation capable et actif. Mme de Grandpré, restée veuve, jeune avec deux enfants en bas âge (son fils Louis n’avait que quatre ans en 1699, et sa fille Geneviève seulement deux ans). Dans un temps où il fallait de grands efforts, du prestige et de l’influence pour se procurer des défricheurs et les engager à s’établir sur des terres en bois debout, Mme de Grandpré était absolument incapable d’entreprendre cette tâche. Considérant ces circonstances, on ne peut s’empêcher de croire que madame la seigneuresse de Grandpré et de Grosbois-Ouest, en donnant des contrats et concessions de terres aux trois frères Gelinas aussitôt que l’arpentage en fut terminé, n’a fait qu’accomplir l’engagement pris envers ces trois tenanciers par feu son mari, Lambert Boucher lui même.

M. de Boucherville avait, sans doute, prévu que la mort de M. de Grandpré, son fils, dans de telles circonstances, arrêterait tout progrès de colonisation dans Grosbois-Ouest et Grandpré ; pour l’activer sur un autre point du fief Grosbois, il créa l’arrière fief de la grande rivière et le concéda, quelques mois après le décès de son fils, à M. Nicolas Gatineau. Trois ans plus tard, cependant, rien n’ayant été fait, ni d’un côté, ni de l’autre, il eut recours à ses petits-neveux, Charles et Julien LeSieur, comme nous l’avons dit ailleurs, en leur cédant le reste de son fief.

Voici l’extrait de l’aveu et dénombrement de Louis Boucher, sieur de Grandpré, en 1723 :

« Sur laquelle étendue de fief (il parlait de Grandpré et Grosbois-Ouest), il a un domaine consistant en une maison de vingt pieds de long, close de pieux, une étable de quinze pieds de long aussi close de pieux, dix arpents de front sur douze de profondeur sur lesquels il y a sept arpents de terre labourable et quatorze arpents de prairie dans les dits îlets du dit Lac. »

« Qu’il y a dans la censive les habitants qui suivent savoir, au nord-est de la petite rivière Ouamachiche, la veuve et héritiers d’Étienne Gelinas qui possèdent quatre arpents de front sur environ huit de profondeur, la dite terre étant en pointe par derrière, chargés de quatre livres du pays et de quatre chapons de rente et un denier de cens, sur laquelle terre il y a maison, grange et étable, douze arpents de terre labourable et deux arpents (de large) de prairie dans les dits îlets.

« Qu’au sud-ouest de la dite petite rivière est Pierre Hérou dit Bourgainville qui possède six arpents de front sur trente de profondeur, chargés de cinq livres du pays et cinq chapons de rente et un denier de cens, lequel a maison, grange, étable, douze arpents de terre labourable et deux arpents (de large) de prairie dans les dits îlets.

« Qu’audessus, du même côté est Jean-Baptiste Gelinas (dit Bellemare) qui possède six arpents de front sur trente de profondeur chargés de cinq livres du pays et cinq chapons de rente et un denier de cens, lequel a maison, grange, étable, douze arpents de terre labourable et trois arpents (de large) de prairie dans les dits îlets.

« Qu’il y a divers habitants du fief de la Rivière-du-Loup et de la portion du fief de Grosbois appartenant au Sieur Charles LeSieur et à la veuve et héritiers du feu Sieur Julien LeSieur, auxquels il a concédé à chacun deux arpents de prairie ou environ de front sur la profondeur dans les dits îlets, pour lesquels chacun d’eux paye, vingt sols du pays et un chapon de rente par an, lesquels habitants sont sçavoir : de la dite portion du fief de Grosbois, Jacques Blaye, Pierre Gelinas dit Lacourse, Charles Vacher dit Lacerte, Mathieu Millet, et la veuve et héritiers de Philip Cochon dit Laverdière, et du fief de la Rivière-du Loup, — Jean-Baptiste Lesage, le Sieur Lamirande, le Sieur Oger, la Dlle Lalonger, le nommé Bergeron et Pierre Guignéard. »

Lequel dénombrement le dit Sieur comparant a dit contenir la vérité, et a signé.

« Grandpré »

« Bégon »

Le dénombrement du Seigneur Charles LeSieur pour la partie Est de Grosbois fait meilleure figure que celui de M. de Grandpré. La grande rivière, qui n’avait rien autre chose que l’indication de l’arrière-fief Gatineau sur le cadastre de 1709, apparaît avec avantage dans ce dénombrement de 1723. Nous le publions ici textuellement :

« Le dit comparant a un Domaine consistant en une maison de vingt-six pieds de long, de pièces sur pièces, et un pavillon y joignant aussy de pièces sur pièces de neuf pieds carré, deux granges, l’une de trente-cinq pieds de long, l’autre de vingt close de pieux, une écurie de dix pieds en carré et une étable de vingt pieds de long, l’une et l’autre close de pieux entre deux poteaux, douze arpents de terre labourable ; point de prairies, si non celles qui se trouvent naturellement, sur le bord du Lac St. Pierre. »

« Que la veuve et héritiers du dit feu Julien LeSieur, ont aussy un Domaine consistant en une maison de vingt-cinq pieds de long, close de pieux sur solles, une grange et étable ensemble de cinquante pieds de long, close de pieux, douze arpents ou environ de terre labourable ; et point de prairies que celle du bord du dit Lac.

« Que l’Église paroissiale, nommée Ste Anne, construite sur les terres du dit Domaine, est de pieux sur solles et a trente pieds de long.

« Qu’il y a un arrière-fief relevant de la dite portion de fief, consistant en douze arpents de front sur quarante de profondeur, lequel arrière-fief est situé au Nord-Est de la grande rivière Ouamachiche sur le bord du Lac, et appartient à Jean-Baptiste Gastineau dit Duplessis et à Louis Gastineau son frère, chacun pour moitié, à la charge de la foy et hommage à rendre et porter au dit Domaine, et autres droits suivant la coutume de Paris, et outre de payer quatre minots de bled par an, sur lequel arrière-fief ils ont une maison de vingt pieds de long close de pieux, une grange de cinquante pieds de long aussy close de pieux, et douze arpents de terre labourable. »

« Que dans la censive de la dite portion de fief sont les habitants qui suivent, sçavoir :

« Augustin LeSieur, au-dessus du dit arrière-fief, qui possédé six arpents de front sur quarante de profondeur chargés de quatre livres argent du pays et quatre chapons de rente et un denier de cens, lequel a maison, grange et étable et douze arpents de terre labourable.

« Qu’au dessus est Julien L. Glanderie, qui possède aussy six arpents de terre de front sur la dite profondeur chargés des mêmes cens et rentes, et a maison et grange et cinq arpens de terre labourable.

« Qu’au sud-ouest de la dite grande rivière Ouamachiche est Jean-Baptiste LeSieur qui possède six arpents de front sur quinze de profondeur chargés de quatre livres argent du pays, quatre chapons et un denier de cens, lequel a maison, grange et étable, et douze arpents de terre labourable.

« Qu’au-dessus est Joseph LeSieur qui possède six arpents de front sur la dite profondeur chargés des mêmes cens et rentes, lequel a maison, grange et étable, et douze arpents de terre labourable.

« Qu’au-dessus est François LaGlanderie qui possède six arpents de front sur la dite profondeur, chargés de trois livres argent du pays, et trois chapons de rente et un denier de cens, lequel a maison et étable, et trois arpents de terre labourable, commençant seulement sa terre.

« Qu’au-dessus est Michel Rivard, qui possède six arpents de front sur la dite profondeur, chargés de quatre livres du pays, et quatre chapons de rente et un denier de cens, lequel a une maison et cinq arpents de terre labourable, commençant aussy sa terre.

« Que sur le bord du dit lac, au nord-est de la petite rivière Ouamachiche est

« Joseph Rivard qui possède six arpents de front sur la dite profondeur, chargés de trois livres du pays et trois chapons de rente et un denier de cens, lequel n’a que deux arpents de terre labourable ne faisant que commencer sa terre. »

« Que sur la petite rivière Ouamachiche au nord-est d’icelle, est Pierre Gelinas, qui possède six arpents de front sur quinze de profondeur, chargé de quatre livres du pays et de quatre chapons de rente et d’un denier de cens ; lequel a une maison, grange et douze arpents de terre labourable. »

« Qu’au dessus est Jacques Bled (Blais), qui possède six arpents de front sur la dite profondeur, chargé de cinq livres du pays et cinq chapons de rente et un denier de cens, lequel a une maison, grange, étable et douze arpents de terre labourable. »

« Qu’au-dessus est Jean Bourgainville qui possède six arpents de front sur la dite profondeur, chargés des mêmes cens et rentes, lequel a une maison, grange et trois arpents de terre labourable. »

« Qu’au-dessus est Estienne Gelinas qui possède six arpents de front sur la dite profondeur, chargés des mêmes cens et rentes, lequel n’a encore ny maison, ny grange et seulement deux arpents de terre labourable qu’on a faits pour commencer sa terre. »

« Qu’au sud-ouest de la petite rivière Ouamachiche est Maurice Bellemare, qui possède trois arpents de front sur quarante de profondeur, chargés de quarante sols du pays et trois chapons de rente et un denier de cens, lequel n’a encore aucun bâtiment et seulement quatre arpents de terre labourable. »

« Qu’au-dessus est Joseph Colle, qui possède trois arpents de front sur la dite profondeur, chargés des mêmes cens et rentes, lequel n’a qu’un arpent de terre labourable ne faisant que commencer sa terre. »

« Qu’au-dessus est Charles LeVacher, qui possède six arpents de front sur quarante de profondeur, chargés de cinq livres du pays et cinq chapons de rente et un denier de cens, lequel a une maison, grange, étable et six arpents de terre en valeur. »

« Qu’au-dessus est Mathieu Millet, qui possède six arpents de front sur la dite profondeur, chargés des mêmes cens et rentes, lequel a une maison, grange, étable et onze arpents de terre labourable. »

« Qu’au-dessus est la veuve et héritiers de feu Philippe Cochon dit Laverdière, qui possèdent six arpents de front sur la dite profondeur, chargés des mêmes cens et rentes, lesquels ont une maison et quatre arpents de terre labourable, la dite terre étant nouvellement commencée. »

« Qu’au-dessus est Pierre Bellemare, qui possède cinq arpents de front sur la dite profondeur, chargés de trois livres dix sols de France, quatre chapons de rente et un denier de cens, lequel n’a que deux arpents de terre labourable, ne faisant que commencer sa terre. »

« Qu’au-dessus est Jean Bled qui possède quatre arpents de front sur la dite profondeur, et chargés de trois livres du pays, trois chapons de rente et un denier de cens, lequel a une maison et quatre arpents de terre labourable, ne faisant aussy que commencer sa terre. »

« Qu’au-dessus est Pierre Gelinas qui possède trois arpents de front sur la dite profondeur, chargés de cinquante sols du pays, trois chapons de rente et un denier de cens, lequel n’a qu’un arpent de terre labourable, ne faisant que commencer sa terre. »

« Que parmy les dits habitants Jean-Baptiste, Antoine et Augustin LeSieur, Julien et Michel Rivard, ont chacun cinq arpents en superficie de prairies naturelles, sur le bord du Lac, pour lesquels ils payent vingt sols du pays et un chapon de rente par an, la quelle rente fait partie des rentes de leurs concessions, cy-dessus marquées, et que les autres habitants de la dite portion de fief ont des prairies sur l’autre portion du dit fief appartenant aux héritiers du dit feu Sieur de Grandpré dont ils luy payent rente. »

« Lequel aveu et dénombrement, le dit Sieur comparant a déclaré contenir vérité, et a signé. »

« Charles Sieur. »
« Bégon. »

Les deux dénombrements que nous avons cités contiennent le nombre total des tenanciers d’Yamachiche en 1723. En le multipliant par 5 ou 6, nous aurions approximativement la population totale des hommes, femmes et enfants. Nous résumons ces dénombrements en un tableau donnant les noms des propriétaires, le nombre de maisons, granges et autres bâtiments, puis le nombre d’arpents de terre labourable :

FIEF DE GROSBOIS.
Propriétaires.
Partie Ouest.
Maisons. Granges. Autres
bâtiments.
Arpents de terre labourable.
Étienne Gélinas, veuve et héritiers
1 1 1 12
Pierre Hérou dit Bourgainville
1 1 1 12
J.-B. Gélinas dit Bellemare
1 1 1 12

Partie Est.
Charles LeSieur, seigneur
1 2 2 12
Julien LeSieur, veuve et héritiers
1 1 1 12
J.-B. Gastineau, (un arrière-fief,) et
Louis Gatineau
1 1 12
Augustin LeSieur
1 1 12
Julien Laglanderie
1 1 5
Jean-Baptiste LeSieur
1 1 1 12
Joseph LeSieur
1 1 1 12
Antoine LeSieur
1 1 1 12
François LaGlanderie
1 1 3
Michel Rivard
1 5

Nord-Est de la Petite Rivière.
Joseph Rivard
2
Pierre Gélinas
1 1 12
Jacques Bled
1 1 1 12
Jean Bourgainville
1 1 3
Étienne Gélinas
2

Sud-Ouest de la Petite Rivière.
Maurice Bellemare
4
Joseph Colle
1
Chs Le Vacher dit Lacerte
1 1 1 6
Mathieu Millet
1 1 1 11
Ph. Cochon dit Laverdière, veuve et héritiers
1 4
Pierre Bellemare
2
Jean Bled
1 4
Pierre Gélinas
1




20 17 14 197

Yamachiche avait donc, en 1723, 20 maisons ou 20 familles représentant à peu près une population de 100 âmes, et 197 arpents de terre en culture. Ce tableau est comme un premier recensement d’Yamachiche à l’époque ou les premiers nés de la paroisse commençaient à s’établir sur des terres neuves.

Pierre Gelinas dit Lacourse avait lui-même déménagé d’une seigneurie à l’autre. Sa première concession touchait à la ligne de division des deux seigneuries sur la petite rivière ; et celle qu’il tenait des LeSieur était aussi du même côté de la même rivière, à quelque distance en remontant le courant.

En sus des prairies naturelles sur le bord du Lac et dans les îlets dont chaque habitant avait une part, les Gelinas, par leurs contrats de concession, avaient chacun un terrain d’une dizaine d’arpents en superficie dans la Commune de Grosbois-Ouest (non mentionnés dans le dénombrement), sur lesquels ils prenaient leur bois de construction.

On voit par la colonne des noms du tableau ci-dessus que le petit groupe d’habitants inscrits au Cadastre de 1709 avaient déjà commencé par eux-mêmes, et surtout par leurs enfants, à ouvrir des concessions nouvelles et à étendre les défrichements du sol d’Yamachiche. On ne s’était cependant pas encore éloigné du bas des deux rivières qui coulent dans cette paroisse.

On se demande naturellement comment il se fait que les plus anciens, après 20 ans de résidence sur leurs terres, n’avaient encore chacun que 12 arpents de terre labourable.

Considérons que ces premiers colons étaient tous des jeunes gens nouvellement mariés, entreprenant la rude tâche de défricher leurs terres et d’élever en même temps des enfants. Tous les jeunes en faisaient autant, chacun d’eux travaillant pour son compte, sans l’assistance d’autres bras que les siens. Le défrichement ne pouvait pas être bien rapide sur chaque terre, dans de telles conditions.

Comment donc vivaient-ils en attendant mieux ?

La réponse à cette question n’est pas exprimée dans des documents, mais on peut la trouver dans les ressources que la nature mettait à la disposition des premiers habitants, dans des habitudes et des pratiques encore suivies plus tard par leurs descendants. Disons d’abord que 12 arpents de bonne terre labourable pouvaient donner l’abondance à une jeune famille industrieuse, sobre et économe.

Nous devons croire que ces colons avaient fait quelque défrichement sur leurs lots avant de bâtir des maisons et de s’y installer à demeure avec leurs familles. On avait abattu les arbres, préparé quelques arpents de terre pour la charrue, et ailleurs des espaces pour les légumes entre les souches. La pomme de terre, les navets, les carottes, les panets, les citrouilles, etc., aiment beaucoup ces terres neuves et y produisent admirablement.

Des prairies naturelles à proximité fournissaient la nourriture des bestiaux.

On mettait en cave ou caveau souterrain à l’épreuve des gelées les légumes pour la saison d’hiver. On prenait aisément le poisson dans le lac ou les rivières, et le gibier en plein air ou dans les bois, on en faisait des salaisons. Les lièvres et les perdrix abondaient dans les forêts durant l’hiver. On avait des gibiers gelés dans la neige, en lieu sûr, au commencement des grands froids, comme provisions d’hiver.

Pour grosse viande, on avait les élans et les cerfs dont l’espèce n’est pas encore perdue, mais reculée par les défrichements dans la profondeur des bois, vers les montagnes et les lacs d’en haut. Il y en a même encore en assez grande abondance dans la Gaspésie et les Cantons de l’Est. Enfin, une nourriture saine, même délicate, n’était pas difficile à trouver avec les fusils et les trappes, les lignes et les varvoutes.

Les bons tireurs, en parti de chasse, avaient-ils la chance d’abattre de grosses pièces, caribous, chevreuils, ours gros et gras, c’était fête « en la bourgade ; » on partageait en frère ; chaque famille avait ses morceaux de viande excellente pour la marmite et le chaudron.

Durant la saison propice, on faisait aussi la chasse des bêtes à fourrure, celle des ours, des renards, des martres, des loutres, etc., fréquentant alors nos bois, recherchant de préférence les bords des rivières et des ruisseaux coulant au fond des ravins. Nous n’avons pas entendu dire que les castors avaient travaillé en familles nombreuses dans cette partie du pays ; cependant les pelleteries qu’on se procurait ainsi devenaient une ressource souvent très considérable pour les nouveaux habitants.

On exerçait encore une autre industrie très utile et profitable. En défrichant et préparant le sol avant d’y mettre la charrue, on abattait les arbres et on les brûlait, ayant soin d’en conserver les cendres et de les convertir en potasse et en perlasse. Cet alcali était alors en grand usage en Europe, dans les opérations chimiques, et les arbres du Canada avaient la réputation de produire la meilleure sorte. Il s’en faisait encore sur les terres en voie de déboisement au commencement du siècle dernier.

La rareté des travailleurs à gages, et les soins à donner à ces divers genres d’industrie retardaient nécessairement l’extension des défrichements. On se faisait cependant, dans cet état de choses, une existence aisée, disait-on, une existence plus ou moins prospère selon la vigueur, l’intelligence et l’énergie des uns et des autres.

Quoique inévitable, ce résultat ne répondait pas tout à fait à l’impatience du gouvernement français de voir la colonisation progresser rapidement. Il avait fait concéder des seigneuries à des particuliers dont l’influence était supposée assez grande pour y attirer des colons. Cependant le progrès, très lent partout, avait été tout à fait nul dans les fiefs de notre paroisse, de 1653 à 1700 : et une fois commencé, il fallut laisser grandir les enfants pour continuer le travail d’extension, l’immigration ne venant pas.

Les défrichements importants n’ont commencé qu’avec la génération d’hommes nés sur notre sol et qui y avaient solidement pris racine, sans l’arrière-pensée d’un retour en France. Pour eux, la mère patrie, c’était le Canada ; ils n’avaient pas connu d’autres climats, ni d’autres contrées plus riantes et plus riches en beautés naturelles. Les produits d’un sol fertile récompensaient leur travail, et leur industrie leur donnait une nourriture saine et abondante ; les dépouilles des bêtes sauvages leur procuraient des vêtements chauds pour les temps froids et, aussi, les moyens d’en avoir de plus légers pour la belle saison. Bientôt ils auront sur leurs terres la laine et le lin. Robustes et forts, ils élevaient de nombreux enfants qui ne l’étaient pas moins. Leur scrupuleuse, très sévère, mais très aimable honnêteté, comme leurs sentiments religieux se transmettaient de père en fils.

La simple parole d’un ancien Canadien était une garantie de tout repos, elle valait autant qu’un billet promissoire du plus riche millionnaire de nos jours. Cette confiance mutuelle a duré chez leurs descendants jusqu’au temps où le commerce étranger est venu leur offrir des échanges pour leurs produits, et après que des acheteurs à crédit eurent fait de nombreuses victimes parmi eux par de notables banqueroutes.

On a toujours dit qu’ils étaient heureux. Ils n’avaient pas à contempler, il est vrai, les chefs-d’œuvre du génie humain, mais quelque chose de plus grand, les charmes de la belle nature, « à nul autre pareils, » frappaient constamment leurs regards. L’admirable simplicité de la vie des champs, au milieu d’une honnête abondance ou la santé se fortifie dans une atmosphère pure et saine, devait être, pour les premiers enfants du Canada, le comble de leurs aspirations ; et, par conséquent, une jouissance qu’on ne goûte plus guère aujourd’hui, parce que les aspirations n’ayant plus de limites ne se réalisent plus aussi complètement.

On manquait de beaucoup de choses qui paraissent indispensables et dont on ne sentait pas le besoin alors ; par exemple, les horloges étaient rares dans ces premiers temps. On y suppléait aisément par divers moyens bien simples, prenant le soleil comme régulateur. Les terres et les maisons étaient orientées sur les quatre points cardinaux. Elles faisaient face au Sud et à l’Ouest. Le soleil jetait sa lumière dans les ouverture du Sud pendant la moitié du jour, et pendant l’autre moitié dans celles de l’Ouest. On y faisait des marques sur les tablettes des allèges des fenêtres indiquant toutes les heures du jour ; ou bien encore, on avait observé des points indicateurs à distance, soit une élévation du sol, soit un grand arbre, un autre accident de terrain, une clairière de la forêt, etc., répondant aux heures du jour ; et quand cet objet arrivait en ligne, entre nous et le soleil, il donnait l’heure. En plein champ, l’ombre projetée, sur le sol valait une aiguille sur un cadran. Quand le soleil était couvert, par habitude d’observation, on se trompait peu et rarement.

De cette manière ou se faisait aussi, sans équerre ni compas, une rose des vents dont l’habitation de la ferme était le centre et dont les rayons s’arrêtaient au cercle de l’horizon sur des objets indiquant les points cardinaux, le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest, puis les points intermédiaires, le Nord-Est, le Sud-Est, le Nord-Ouest, le Sud-Ouest, etc. La direction et les variations du vent étaient interprétés comme annonçant le beau ou le mauvais temps et on agissait en conséquence ; c’était leur baromètre. À leur manière, ils étudiaient aussi très attentivement le firmament et y voyaient des indices qui les trompaient peu. Ils avaient même des opinions astronomiques, ou plutôt astrologiques, fondées sur des traditions ou sur des observations pratiques. Elles ne s’accordaient pas toujours avec celles des savants, mais elles prévalaient parmi eux. Par exemple, les influences de la lune sur la végétation et sur beaucoup de choses, contestées par la science, restaient pour eux une certitude. Autant que possible, ils faisaient leurs plantations et leurs semailles durant le croissant de la lune ; ils attendaient un bien moindre rapport de celles qu’ils étaient forcés de faire dans le décours ou déclin de cet astre. La science n’a pas encore triomphé de cette opinion restée plus ou moins générale de nos jours.

C’était primitif et si simple que les enfants apprenaient tout cela dans leur bas âge, et pouvaient nommer la direction du vent ou de quel point il venait. Aujourd’hui, le jeune homme qui n’a pas une montre dans son gousset croit manquer d’un article bien essentiel.

Malgré cela, on vivait aussi content, aussi à l’aise qu’aujourd’hui, sinon plus. Au moins on ne cherchait pas à changer de pays pour trouver mieux. La manie d’émigrer n’existait pas ; les colonies de la Nouvelle-Angleterre n’étaient pas ouvertes aux Canadiens-Français ; c’était un pays hostile où ces derniers ne pouvaient songer à s’établir. Nous avions bien quelques chercheurs d’aventures qui, voulant avant tout voir du pays, pénétraient un peu partout dans l’Ouest, mais pas d’émigration régulière sur un point quelconque. On s’attachait volontiers au sol natal ; les enfants s’établissaient sur des terres neuves, aussi près que possible de leurs parents, poussant de plus en plus les défrichements vers les profondeurs.

Cependant, de nos jours, outre les descendants qui sont restés sur les domaines patrimoniaux défrichés par leurs ancêtres, premiers concessionnaires, et ceux qui remplissent tant de paroisses plus récentes que celles du bord de l’eau, si nous voulions chercher ailleurs, nous trouverions des rejetons multiples de cette fertile pépinière d’Yamachiche, dans nos grandes villes de Québec, Montréal, Ottawa, dans les vieilles et les nouvelles paroisses des autres districts, même à Toronto, à Détroit, dans les autres villes américaines, et de forts contingents dans tous les centres manufacturiers de la grande république. Nous ne parlons pas des Trois-Rivières, c’est leur ville ; ils y sont comme chez eux.

En face d’un pareil accroissement durant moins de deux siècles, que penser de ce petit groupe de jeunes laboureurs établis sur les bords du lac Saint-Pierre, près des rivières d’Yamachiche, si petit en 1723, qu’il pouvait être contenu dans l’église de Sainte-Anne, n’ayant que trente pieds de long ! Jugeant des arbres par leurs fruits, ils devaient être de vigoureux gaillards, dans le meilleur sens du mot. Comprenant bien l’importance de leur entreprise, ils voyaient parfaitement dans de belles contrées bien boisées et bien arrosées sur des profondeurs inconnues, une perspective riante pour leur postérité, quelque nombreuse qu’elle dût être. Donc point d’inquiétude pour l’avenir de leurs enfants qu’ils allaient former à la vie rude mais salubre des laboureurs. Cette préoccupation constante a toujours été et sera toujours le plus grand souci des pères de famille, et les nôtres en étaient soulagés, pouvant assurer à leurs fils les mêmes avantages dont ils jouissaient. De fait, ce privilège s’est en grande partie maintenu jusqu’à nos jours, et pourrait exister encore longtemps, si nos grands centres et le pays voisin n’avaient pas un funeste attrait pour notre jeunesse rurale.

Devenues fort aisément accessibles par les défrichements, les régions des lacs du Nord, ou le gibier et le poisson abondent, comme autrefois au bas des rivières et près du lac Saint-Pierre, sont maintenant des lieux de délices pour les sportsmen, qui s’ennuient dans les villes. Ils y ont des résidences de luxe, pour la belle saison et les partis de chasse en d’autres temps.

Descendons maintenant de ces hauteurs, passant à travers les paroisses de Saint-Mathieu, Saint-Élie de Caxton, Saint-Boniface de Shawinigan, Saint-Étienne des Grès, Saint-Barnabé, Saint-Sévère, où l’on retrouve les enfants d’Yamachiche ; allons revoir les champs des premiers colonisateurs de 1700, aux bords du lac et des rivières d’Yamachiche, et demandons-nous s’il y a eu, quelque part ailleurs, une autre douzaine de braves laboureurs qui ont, pendant un même temps, ouvert à la culture, par eux-mêmes et leurs descendants, une aussi grande étendue de terres, mis au service de leur pays une population plus nombreuse, plus vigoureuse, plus morale et plus heureuse. Voilà leur sang, voilà leurs œuvres, voilà le fruit de leur industrie, de leur foi, de leur valeur ! D’autres ont dit combien ces mêmes familles ont fourni de sujets à l’Église, aux communautés religieuses, aux classes instruites des villes et des campagnes, à la magistrature, au barreau, au notariat et à l’enseignement supérieur.

Comme patriotes et bienfaiteurs de leur nation, ces héros de la hache et de la charrue se placent, dans notre estime, aussi haut que les politiciens, les hommes d’épée et de robe, les philosophes et les savants qu’on appelle grands hommes.