Les bases de l’histoire d’Yamachiche/10

C. O. Beauchemin et Fils (p. 63-66).


CHAPITRE VI.

LE FIEF DUMONTIER.


Ce fief fut concédé, le 24 octobre 1708, par messieurs le marquis de Vaudreuil et Jacques Raudot, gouverneur général et intendant de la Nouvelle-France, au sieur François Dumontier, demeurant aux Trois-Rivières. Il avait une lieue et demie de front sur trois lieues de profondeur, commençant où finissait le fief Grosbois.

C’était le plus grand des trois fiefs inclus dans les limites de Yamachiche. La Rivière-du-Loup le traverse en biaisant dans toute sa longueur.

M. François Dumontier, titulaire propriétaire de cette seigneurie, qualifié de sergent et de secrétaire du marquis de Vaudreuil, gouverneur général, était un résidant des Trois-Rivières, comme l’étaient aussi tous les concessionnaires de fiefs dans cette partie de district : M. Pierre Boucher de Grosbois, Lambert Boucher de Grandpré, L. Gatineau Duplessis, M. Normanville, MM. Sauvaget et Seigneuret, M. Godfroy de Tonnancour, etc. Il mourut avant d’avoir vu un seul établissement sur son fief.

En 1723, sa veuve, Marie-Anne Rivard, rendit foi et hommage pour ce fief, dont elle était héritière avec ses quatre filles, devant l’intendant Bégon. Dans son aveu et dénombrement, on lit ce qui suit :

« Sur son fief, vers le milieu, la dite demoiselle (dame) comparante s’est réservé un domaine de dix arpents de front sur cinquante de profondeur, sur lequel elle a commencé à faire faire environ deux arpents de désert et y fait bâtir une petite maison de dix pieds en carré, de pieux debout. »

« Dans la censive, il n’y a encore aucuns habitants d’establis, mais plusieurs ont marqué des terres. »

Il y a toute apparence que la veuve Dumontier n’a pas réussi dans son projet d’établissement, et que le fief a dû passer en d’autres mains par la force des circonstances, puisque le gouverneur de la province y était intervenu.

Dans un contrat de vente passé devant maître Panet et son confrère, notaires à Québec, le 20 septembre 1771, on trouve les noms des successeurs de M. et Mde Dumontier comme propriétaires de ce fief. Nous résumons ainsi le texte :

François LeMaître Duhaime, fils, l’avait acheté des héritiers de dame Marie-Anne Rivard, Vve Dumontier, suivant acte passé devant maître Pillard, notaire, le 10 février 1762, M. Perrault agissant comme procureur de dame veuve Barolet, fille aînée de feu F. Dumontier et de Marie-Anne Rivard.

François LeMaître Duhaime l’avait ensuite vendu au sieur Louis de Métrai.

La succession de M. de Métral fut plus tard administrée par M. Thomas Frothingham qui, agissant sous la direction et la procuration du général Murray, ex-gouverneur de la province, vendit le fief Dumontier à M. Conrad Gugy.

Ce fief est resté depuis ce temps-là la propriété de ce dernier jusqu’à sa mort en 1786 ; puis entre les mains de Mlle Elizabeth Wilkinson, à titre d’usufruitière sa vie durant, et enfin entre celles des héritiers Gugy.

Nous ne pouvons pas préciser la date des premiers établissements dans cette seigneurie, mais nous savons qu’au commencement du siècle, il y avait des habitants vers le milieu de ce fief sur un rang double, dans la direction du nord, portant le nom de Pique-dur. C’est sur ce rang que se voit aujourd’hui la belle église de Saint-Sévère, paroisse érigée canoniquement par décret daté du 23 janvier 1850.

Le fief Dumontier a été tout entier dans les limites de la paroisse d’Yamachiche, avant l’établissement des nouvelles paroisses ; il est maintenant partie dans la paroisse de Saint-Léon et partie dans celle de Saint-Sévère. Combien y a-t-il d’habitants, dans ces paroisses, qui ont pu savoir que le général Murray, 1er gouverneur anglais du Canada, a eu des intérêts à protéger dans la propriété de ce fief ?