Les anciens couvents de Lyon/27. L’Oratoire

Emmanuel Vitte (p. 463--).

L’ORATOIRE



L’ORATOIRE est originaire d’Italie ; il eut pour fondateur saint Philippe de Néri. Nous verrons comment d’Italie il passa en France, et comment il s’établit à Lyon.

Saint Philippe de Néri naquit à Florence le 22 juillet de l’année 1515. Élevé avec beaucoup de soin par ses pieux parents, il fut envoyé à dix-huit ans chez un de ses oncles, à San-Germano, au pied du mont Cassin. Mais bientôt, abandonnant toute idée de succession, il quitta la riche maison de son oncle pour aller à Rome achever ses études. Il fit rapidement de si grands progrès en philosophie et en théologie que sa réputation se répandit dans Rome et que des personnages considérables tenaient à honneur de le connaître.

Sa vertu était non moins belle : il visitait souvent les hôpitaux, et tous les jours faisait le pèlerinage des sept églises de Rome. La nuit, il la passait en partie à prier sur les tombeaux des martyrs, au cimetière de Saint-Callixte. De concert avec son confesseur Persiano Rosa, il institua la célèbre confrérie de la Trinité pour le soulagement des pèlerins pauvres et malades, puis par obéissance il reçut les ordres sacrés. Le 23 mai 1551, il était prêtre. Le sacerdoce lui apporta une ferveur nouvelle, il commença des conférences spirituelles qui eurent un très grand succès. En 1558, le nombre des assistants augmentant de jour en jour, il obtint des administrateurs de l’église de Saint-Jérôme « un lieu ample et spacieux » au-dessus de leur église ; ce lieu fut accommodé en forme d’oratoire, et tous les soirs il y réunissait ses disciples pour méditer et prier, pour s’exciter au détachement du monde et à la pratique de la vertu.

Sa réputation de sainteté fut telle que les Florentins qui habitaient Rome, ayant fait bâtir une église, le prièrent de vouloir bien la desservir. Il s’y refusa ; les Florentins recoururent au pape Pie IV qui ordonna à Philippe de se charger de cette église, et fit prendre les ordres à quelques-uns de ses disciples, Baronius, Fideli et Bordin. C’est à ce moment précis qu’il faut rapporter l’établissement de la congrégation qui prit le nom d’Oratoire, à cause de l’oratoire que le saint fondateur avait institué à Saint-Jérôme. En 1575, saint Philippe dressa les constitutions de la congrégation ; deux ans plus tard, Clément XIII les approuva, et saint Philippe fut élu supérieur. Je signale seulement deux points principaux qui sont particuliers à l’Oratoire : d’abord on ne fait point de vœu dans la congrégation, et si quelqu’un désire se retirer ou mener une vie plus parfaite, il est libre ; ensuite les Oratoriens de Rome décrétèrent de n’avoir jamais de maisons hors de Rome, qui dépendissent de leur administration, excepté celles de Naples et de San Severino ; mais afin qu’on ne crût pas qu’ils désapprouvassent les établissements de pareils Oratoires, ils ajoutèrent au décret qu’il était néanmoins permis à l’Oratoire de Rome d’envoyer, si bon lui semblait, des sujets pour établir des maisons du même institut, à condition qu’ils reviendraient après les avoir établies ; ils ordonnèrent aussi que l’on pourrait recevoir des prêtres étrangers, auxquels on apprendrait les coutumes de la congrégation pour pouvoir faire de pareils établissements dans leur pays.

Nommé supérieur perpétuel en 1587, Philippe de Néri renonça au généralat en 1592, et mourut trois ans après, 25 mai 1595. Les miracles qu’il avait faits pendant sa vie, et qui continuèrent après sa mort, furent cause qu’on travailla au procès de sa canonisation. Le roi de France, Henri IV, s’y employa même en reconnaissance des démarches faites par Philippe de Néri, pendant sa vie, pour la réconciliation de ce prince avec l’Église. Il fut canonisé en 1622 par Grégoire XV.

Après la mort de saint Philippe de Néri, l’Oratoire fit de grands progrès, et les esprits d’élite ne lui manquèrent pas. Ce sont : Baronius, second général, le célèbre auteur des Annales ecclésiastiques, et qui devint cardinal, le cardinal Taruggi, le cardinal Alphonse Visconti, Bordin, qui fut le confesseur de Clément VIII, et qui fut archevêque d’Avignon, les cardinaux Octave Paravicini, Nicolas Sfondrate et Léandre Colloredo, Jean Juvénal, évêque de Saluces, un des premiers compagnons de saint Philippe, Olderic Rainaldi, qui continua les Annales de Baronius, etc.

La congrégation de l’Oratoire de Rome a pour armes une Vierge tenant devant elle l’enfant Jésus dans un croissant entouré de rayons.

Il est facile de voir, d’après ce qui précède, que l’Oratoire n’est pas, à proprement parler, un ordre religieux ; c’est une congrégation moitié régulière moitié séculière, destinée à exercer, dans le milieu où elle se trouve, les diverses fonctions sacerdotales et paroissiales, et par là même à jeter dans le clergé séculier les salutaires influences d’une vie plus intérieure et plus sainte.

C’est ce que comprendront à leur tour plusieurs ecclésiastiques de France. César de Bus et le P. Romillion essayèrent de créer l’Oratoire dans le Midi, sur le modèle de l’Oratoire d’Italie. Mais bientôt César de Bus, portant ailleurs son activité spirituelle, fonda les pères de la Doctrine et laissa le P. Romillion. L’Oratoire naissant en fut amoindri, il se réunira plus tard à l’Oratoire de France. Pour l’exécution de ses desseins, Dieu avait choisi le P. de Bérulle, qui devait plus tard revêtir la pourpre romaine.

Pierre de Bérulle naquit en Champagne, au château de Sérilly, le 4 février 1575. Son père était conseiller au parlement de Paris, et sa mère, Louise Séguier, était la tante du chancelier de ce nom. Élevé par eux dans l’amour et la crainte de Dieu, il avança à grands pas dans les voies de la perfection. Sans écouter sa famille, qui désirait lui faire prendre une charge de conseiller, il déclara qu’il voulait être prêtre, et le 5 juin 1599, fête de la sainte Trinité, il monta pour la première fois à l’autel. Désireux d’une vie plus parfaite, il voulut se faire religieux, mais bientôt il connut que sa vocation était de demeurer dans le monde, afin d’y travailler au salut des âmes et à la réformation de l’état ecclésiastique et séculier. Dès lors il songea à établir une congrégation sur le modèle de celle de l’Oratoire de Rome. Longtemps il différa par défiance de lui-même ; enfin, pressé par le "cardinal de Joyeuse et par Henri de Gondi, évêque de Paris, plus tard cardinal de Retz, il mit la main à l’œuvre.

En 1611, il assembla une communauté d’ecclésiastiques au faubourg Saint-Jacques, dans l’hôtel du Petit-Bourbon, là où s’élèvera plus tard le Val-de-Grâce. Ses premiers compagnons furent les PP. Bence et Gastaud, docteurs de Sorbonne, François de Bourgoing, qui fut dans la suite général de la congrégation, Paul Métezeau et le P. Caran, curé de Beauvais. Ils obtinrent des lettres patentes du roi Louis XIII pour leur établissement, et, en l’an 1613, le pape Paul V approuva cette congrégation sous le titre de l’Oratoire de Jésus. M. de Bérulle fut le premier général.

Le but du vénéré fondateur était de faire des prêtres modèles, tout en restant attachés, sous l’obédience des évêques, aux fonctions extérieures du sacerdoce. Il y avait dans la congrégation deux sortes de personnes, les incorporés et les associés : on n’y devait point enseigner la littérature ni la théologie, mais seulement les vertus ecclésiastiques : dans la suite, cependant, cette disposition fut changée. Quant aux règlements, le P. de Bérulle n’en fit point, voulant qu’ils fussent à la disposition du supérieur général, selon les personnes, les temps et les lieux. On raconte qu’un jour un évêque lui demanda quel était le règlement de la congrégation ; le P. de Bérulle fut un moment interdit, mais bien vite reprenant confiance, il tira de sa poche un Novum Testamentum, l’ouvrit au hasard, et lut : Modestia vestra nota sit omnibus hominibus, Dominus enint propè est. Nihil solliciti sitis : sed in omni oratione et obsecratione cum gratiarum actione petitiones vestræ innotescant apud Deum :

prêtre de l’oratoire (ancien costume)

Que votre modestie soit connue de tous les hommes ; le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de rien, mais en quelque état que vous soyez, présentez à Dieu vos demandes par des supplications et des prières, accompagnées d’actions de grâces (S. Paul aux Philip., iv - 5 et 6). — Voilà ma règle, dit-il. — Plus tard cependant, quand on voulut fonder d’autres maisons, il fallut produire aux autorités des règles écrites, on les composa. Dans ces règles, les Oratoriens déclarent qu’ils ne sont pas religieux, mais seulement prêtres associés ensemble, dépendant immédiatement des évêques des lieux où est établie leur congrégation, travaillant par eux et pour eux, accomplissant tout ce que les curés requéraient d’eux et sur leur autorité expresse.

Le P. de Bérulle, nommé cardinal après le voyage qu’il fit à Rome, envoyé par le roi pour obtenir du pape la dispense nécessaire à Henriette de France pour son mariage avec le prince de Galles, pratiqua jusqu’à la mort les plus édifiantes vertus.

Cette mort arriva le 2 octobre 1629, et le P. de Condren lui succéda.

Cette congrégation a donné à la France et à l’Église plusieurs prélats et plusieurs savants ou écrivains ; je ne mentionne en passant que les PP. Morin, Thomassin et Malebranche. Elle a pour armes les noms de Jésus et de Marie d’or sur champ d’azur, entourés d’épines de sinople.

À peine cette congrégation était-elle née que le zèle apostolique de ses membres produisait les fruits les plus heureux. Le bruit s’en répandait à l’entour, et les évêques, en grand nombre, conjuraient le P. de Bérulle d’envoyer à leurs peuples de si bons ouvriers ; il ne pouvait satisfaire à toutes les demandes. Sur la fin de l’année 1616, l’archevêque de Lyon, Mgr de Marquemont, originaire de Paris, et qui connaissait le P. de Bérulle, lui manifesta le grand désir qu’il avait d’occuper ses disciples dans son religieux diocèse. La fondation de l’Oratoire de Lyon fut résolue et, le 2 décembre, les PP. Bence, Métezeau et quelques autres s’établissaient dans notre ville. Je trouve dans le livre de M. l’abbé Houssaye, le cardinal de Bérulle et l’Oratoire de Jésus, ces renseignements sur les deux principaux fondateurs de la maison de Lyon :

« M. Bence était originaire de Rouen. Aussi ardent à approfondir par l’étude les vérités de la foi que constant à y chercher la règle de ses actes et de sa vie, il était depuis douze ans docteur de la maison et société de Sorbonne. La générosité de son désintéressement, la pureté de son zèle, son expérience des choses de Dieu, une rare connaissance des saintes Écritures, le rendaient une acquisition précieuse pour une congrégation naissante.

« M. Paul Métezeau était un jeune licencié de la société de Navarre. Né à Paris d’une famille originaire de Dreux, il n’avait en 1611 que vingt-huit ans ; mais déjà remarquable par l’élévation de son esprit et l’étendue de ses connaissances, il l’était plus encore par un zèle tout apostolique, une piété aussi large qu’intime, et l’attrait tout-puissant qui ne lui laissait trouver de repos et de bonheur que dans la contemplation des états et des mystères de Jésus-Christ. »

En arrivant dans notre cité, les Pères de l’Oratoire s’établirent provisoirement à la manécanterie, située au midi de la Primatiale, et qu’il ne faut pas confondre avec la grande manécanterie, bâtie seulement au dix-huitième siècle, et qui limite au couchant la cour de l’archevêché. L’année suivante, ils achetèrent, sur la colline de Saint-Sébastien, la Maison-Verte, qui appartenait aux Capponi[1], dont nous avons dit un mot en parlant des Carmes. Une fois installés, ils firent élever une petite chapelle qu’ils consacrèrent aux Grandeurs de Jésus.

En 1621, le P. de Bérulle vint visiter cette maison qui n’avait pas cinq ans d’existence. Néanmoins déjà l’Oratoire y était prospère ; l’amour des sciences ecclésiastiques et le culte de la vie intérieure se prêtaient un mutuel appui, et déjà l’on pouvait admirer les fruits d’une si nécessaire alliance dans les sujets formés à cette forte et religieuse école. En 1642, l’état de la congrégation était tel qu’elle acquérait des Espinassy une maison qui joignait leur enclos, et en 1654, Mgr Camille de Neuville, qui avait succédé au cardinal de Marquemont, leur permit de recevoir des clercs qui, sous le nom d’aspirants, y faisaient une année d’épreuve, afin d’être admis dans la congrégation.

À l’époque du Jansénisme, l’Oratoire prit une place considérable dans la querelle. Jansénius témoigna un vif intérêt pour la propagation de l’Institut, et fit établir dix Pères à Louvain. Son intention était d’opposer partout les Oratoriens aux Jésuites. Le P. Bourgoing, supérieur de la nouvelle maison, commença par se laisser gagner avec quelques-uns de ses confrères. Avec le temps, la séduction alla en augmentant, et l’Oratoire apporta un grand appui à la secte astucieuse. C’est dans cette congrégation qu’elle rencontra le fameux P. Quesnel, qui prit la place d’Arnauld à la tête du parti, vers la fin du dix-septième siècle. Sans doute les membres de la maison de Lyon ont dû être imbus des mêmes doctrines, mais l’on ne trouve cependant pas la trace de conflits sérieux ; les missionnaires de Saint-Joseph étaient à Lyon l’avant-garde de la secte.

En 1760, les Oratoriens firent construire, sur les dessins de M. Loyer, une vaste église sur l’emplacement de leur chapelle ; c’est aujourd’hui l’église de Saint-Polycarpe. Son architecture d’ordre corinthien est un peu lourde. Le transept n’est qu’indiqué par l’interruption des chapelles latérales ; à proprement parler, il n’y a pas de chœur, et l’autel, au lieu d’être sous la coupole, est au fond de l’abside. Heureusement l’esprit religieux d’une paroisse ne dépend pas de lignes architecturales plus ou moins correctes ; la paroisse de Saint-Polycarpe est une des plus religieuses de Lyon.

Lorsque, en 1762, on expulsa de France la Compagnie de Jésus, les deux collèges de Lyon, qui étaient tenus par les pères Jésuites, allaient être sans maîtres. Le prévôt des marchands et les échevins de la ville de Lyon proposèrent aux pères de l’Oratoire de leur céder le collège de la Trinité, et le 3 février 1763, le corps municipal leur fit à perpétuité la cession dudit collège ; les Oratoriens, en retour, s’engageaient à fournir, pour la tenue du collège, seize personnes parmi lesquelles devaient être au moins quatre prêtres, à tenir toutes les classes d’humanité, de rhétorique, deux de philosophie, deux de théologie, etc. Le Consulat s’engageait à payer 1.600 livres par an aux pères de l’Oratoire, 500 livres pour l’entretien d’un suisse aux livrées de la ville, et 400 livres pour tenir lieu de franchise des droits d’entrée de vins. Ce traité fut bien accueilli par le parlement, et sanctionné par des lettres patentes du roi le 29 avril 1763.

Mais ce remplacement ne se fit point sans susciter des sentiments bien divers. Un conflit à ce sujet éclata entre la municipalité, qui avait installé les Oratoriens, et la sénéchaussée, qui regrettait les Jésuites et qui était jalouse de la municipalité lyonnaise. Les Oratoriens, ainsi placés entre deux puissances rivales, eurent à essuyer bien des calomnies, et l’on put craindre un instant qu’ils ne fussent forcés de céder la place. Mgr de Montazet mit fin à cette situation douloureuse par une lettre pastorale qui faisait l’éloge des pères de l’Oratoire, constatait le rôle modeste et correct tenu par eux dans l’affaire de leur installation, et déclarait que leur doctrine n’était autre que celle de la faculté de théologie de Paris, du clergé de France et de l’Église entière[2]. Les pères de l’Oratoire furent maintenus dans la jouissance de leurs droits et dans leurs fonctions d’éducateurs de la jeunesse.

Les noms qui reviennent le plus souvent dans cette courte période sont ceux du P. d’Anglade, qui était, avant de venir à Lyon, supérieur et principal du collège de Tournon ; plus tard celui du P. Baillot, qui sera dans la suite élu comme un des trois assistants de la congrégation ; il était l’oncle du P. Baillot de Courtelon, économe du même collège de la Trinité. Le P. Avice succéda au P. Baillot.

Parmi les propriétés du collège de la Trinité, j’en distingue une qui a conservé son nom de l’Oratoire. Elle était située en dehors de la ville, sur un territoire qui s’appelait alors Pulverose, dans une situation ravissante, et dominant le Rhône et le faubourg de Bresse. Cette propriété avait été achetée, le 29 août 1620, à Jean Leroux, docteur en droit, par le P. Louis Michaelis, recteur du collège, au prix de 6.000 francs. (Arch. D. 39). Comme le prieuré de Saint-Julien-en-Jarret était annexé au collège de la Trinité, le nouveau domaine prit le nom de Saint-Julien. On y montre encore la chambre, qui fut occupée par le P. de La Chaise. En 1762, il passa aux mains des Oratoriens, et fut vendu sous la Révolution comme bien national. Aujourd’hui il est en la possession des religieuses du Saint-Sacrement, qui y ont un pensionnat de jeunes filles déjà florissant. Aux jours de la Révolution, l’Oratoire bénéficia d’un certain bon vouloir de l’autorité. À cette époque de suppression presque générale des ordres religieux, quelques communautés séculières furent provisoirement conservées ; l’Oratoire fut de ce nombre. Mais quand la Convention eut détrôné la Constituante et inauguré le régime de la terreur et du sang, on ne connut plus d’exception. Comme tous les autres biens des religieux, ceux de l’Oratoire furent vendus comme biens nationaux :

Le 11 mars 1793, vente d’une maison, rue Vieille-Monnaie, n° 61, ayant appartenu aux Oratoriens. Étienne Brunet est adjudicataire au prix de 9.050 livres. — Même jour, vente d’une autre maison, rue Vieille-Monnaie, 53, ayant appartenu aux Oratoriens. Léonard Détours est acquéreur au prix de 172.000 livres.

Le 5 fructidor an III, vente du domaine de Saint-Julien. Brochier, épicier à Lyon, rue des Augustins, 54, est acquéreur au prix de 552.000 livres.

Le 22 prairial an IV, vente d’une partie du bâtiment claustral des Oratoriens, au citoyen Moureton, qui paye 18.052 livres.

Le 5 messidor an IV, vente du jardin et hangar des Oratoriens.

Le 8 messidor an IV, vente du bâtiment et du jardin des Oratoriens au citoyen Joachim Genique, au prix de 9.840 fr.

Ne terminons pas cette courte notice sans dire un mot d’un illustre Lyonnais, dont la mort se rattache à cette histoire. Lorsque, au commencement de la Révolution, le quartier des Capucins fut érigé en canton, l’église des Capucins du Petit-Forez fut supprimée, et celle de l’Oratoire devint église paroissiale sous le titre de Saint-Polycarpe ; M. l’abbé Rozier en fut le premier curé.

François Rozier naquit à Lyon en 1734. Il se destina à l’état ecclésiastique, ce qui ne l’empêcha pas de se vouer à l’étude de l’économie rurale ; il ne tarda pas à devenir un agronome célèbre et un œnologiste distingué. Il fut l’ami de son compatriote La Tourette, dont il partagea les travaux de botanique, et il succéda à Bourgelat comme professeur à l’école vétérinaire de notre ville. Plus tard il devint curé constitutionnel de la paroisse de Saint-Polycarpe. Il habitait la maison de l’Oratoire, où il fut tué par un éclat de bombe, en 1794, dans la nuit du 28 au 29 septembre, pendant le siège de Lyon. Il fut inhumé dans l’église. Autrefois, à l’entrée de l’ancien jardin des plantes, on voyait le buste de l’abbé Rozier avec cette inscription : Au Columelle français, Lyon sa patrie. Aujourd’hui la rue, qui est en face de l’église Saint-Polycarpe, porte encore le nom de l’abbé Rozier.

En 1852, le P. Pététot, ancien curé de la paroisse de Saint-Roch, à Paris, entreprit de relever l’Oratoire. Voici comment le P. Gratry fit connaître le but de la société dont il faisait partie : « L’étude dans la prière, la profondeur de la vérité cherchée dans la retraite, les sciences diverses ramenées à Notre-Seigneur Jésus-Christ et surtout un ardent effort sacerdotal pour le salut des hommes et l’avancement du règne de Dieu, telle est l’idée que nous semble exprimer le beau nom de l’Oratoire. Saint Philippe de Néri et Baronius pris ensemble, les PP. de Bérulle et de Condren et nos vénérables frères d’Angleterre, MM. Newmann, Faber et les autres, sont les modèles d’amour, de générosité, de prière, de science divine et humaine, de zèle sacerdotal que nous voulons pouvoir suivre de loin. Nous avons modifié le nom d’Oratoire, et, avec l’approbation du souverain Pontife, au lieu d’Oratoire de Jésus ou d’Oratoire de Marie, nous avons pris un troisième nom qui implique à nos yeux les deux autres : l’Oratoire de l’Immaculée Conception. Nous croyons posséder sous ce nom une lumière et une force. »

La société de l’Oratoire, jeune encore, compte déjà des membres nombreux, et depuis longtemps des esprits d’élite. Il en faudrait citer toute une pléiade ; contentons-nous de nommer le Père Pététot, mort supérieur général, les PP. Gratry et Henri Perreyve, qui sont morts, Mgr Perraud, évêque d’Autun, les Pères Largent, Lescure, etc. Quel beau lever de soleil que ces quarante premières années de l’Oratoire français !

SOURCES :

Bollandistes : Saint Philippe de Néri.

Le P. Hélyot : Dictionnaire des ordres.

Maillarguet : Miroir des ordres.

Les Almanachs de Lyon — ceux aussi de 1834 et 1837, p. 7 et 21.

Archives du Rhône.

Archives municipales.

Houssaye : Le cardinal de Bérulle et l’Oratoire de Jésus.

Gratry : L’Oratoire de France ou de l’Immaculée Conception.

Lyon ancien et moderne : Église de Saint-Polycarpe, par Charpin.

  1. La rue Capponi existe encore pour rappeler le souvenir de cette illustre famille.
  2. On sait que Mgr Malvin de Montazet favorisait les doctrines jansénistes.