Les Volcans d’Auvergne
Ph. Glangeaud PROFESSEUR DE GÉOLOGIE À L’UNIVERSITÉ DE CLERMONT-FERRAND
COLLABORATEUR PRINCIPAL DU SERVICE GÉOLOGIQUE DE LA FRANCE |
Les
Volcans d’Auvergne
Leurs Caractères
Leur Genèse — Leur Évolution
AVEC 31 FIGURES ET UNE PLANCHE HORS TEXTE
(2me Edition, revue et augmentée)
CLERMONT-FERRAND
Société Anonyme du "Moniteur du Puy-de-Dôme" et des Imprimeries G. Mont-Louis.
Mont-Louis
1910
Les agents de destruction : l’érosion et les glaciers ont altéré parfois profondément le relief primitif des volcans les plus anciens, en usant et décapitant leurs hauts sommets. Les vieux Vésuve et Etna auvergnats ont été ainsi réduits de moitié et entaillés de profondes vallées, pratiquées au milieu de leurs laves et de leurs projections. C’est grâce à ces entailles que les géologues ont pu reconstituer leur histoire, celle des mondes animés qui vivaient dans leur voisinage, et suivre pas à pas les différentes phases de leur évolution.
Si l’étude d’un volcan en activité est intéressante, celle d’un vieux volcan l’est peut-être encore davantage, car il porte dans ses flancs les traces d’une longue suite de siècles. Si la lumière du présent éclaire le passé, celle du passé illumine singulièrement le présent.
Historique. — Il n’y a guère plus d’un siècle et demi (c’est en 1751), que l’on sait qu’il y a eu des volcans anciens, en dehors des volcans en activité. Et c’est précisément en Auvergne qu’eut lieu cette découverte mémorable qui devait avoir une répercussion profonde sur les études du vulcanisme.
Avant cette époque, les beaux cratères de la Chaîne des Puys étaient considérés comme des hauts fourneaux gigantesques, où les Romains et les Gaulois avaient, sans doute, exécuté des travaux cyclopéens et les scories volcaniques étaient le mâchefer de ces fourneaux.
C’est Guettard, précepteur de Lavoisier, savant et observateur habile, qui reconnut le premier la nature volcanique des collines de la Chaîne des Puys. Il avait été préparé, il est vrai, à cette découverte par de nombreux voyages effectués en Europe, notamment en Italie. J’ai eu la bonne fortune de posséder ses carnets de voyages. Ils dénotent un esprit vif, précis, très scientifique, enthousiaste des études de la nature, et toujours à la recherche du pourquoi des choses. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait entraîné Lavoisier, durant un certain temps, sur le chemin de la Géologie, où le jeune savant se complaisait si bien, qu’il écrivit plus tard « avoir regretté de ne pas continuer des études qui élèvent tant l’esprit et sont si philosophiques ».
La Faculté de Clermont possède, grâce à la générosité de la famille de Chazelles, la collection de géologie de Lavoisier,
collection fort curieuse, sur laquelle je me propose d’attirer
sous peu l’attention.
Guettard fit part de sa découverte à l’Académie des Sciences où elle fut reçue plutôt froidement ; on la considérait comme un produit de son imagination. Il fallut longtemps pour convaincre les savants et le public qu’il y avait eu jadis des volcans en Auvergne.
Depuis cette époque, on en a trouvé dans tous les pays et à toutes les époques géologiques.
En Auvergne, de nombreux savants les ont étudiés après Guettard c’est Desmarets, Dolomieu, les Allemands von Buch et von Lasaulx, les Anglais Lyell, Poulett Scrope, Sir Archibald Geikie, etc.
Ce sont aussi de nombreux compatriotes Montlosier, Ramond, Bouillet, Lecoq, Julien, Michel Lévy, Lacroix, Gonnard, et, dans le Cantal, plus spécialement : Rames, Fouqué et Boule.
Les découvertes continuent activement ; j’ai pu récemment reconnaître et étudier, dans le Puy-de-Dôme, cinq nouvelles régions volcaniques, montrer, il y a quelques mois, qu’il n’y avait pas eu moins de sept périodes d’activité volcanique dans la Limagne, et expliquer la genèse des volcans du Massif Central en les rattachant aux mouvements du sol qui avaient donné naissance au Forez, à la Margeride et aux Cévennes.
Enfin il y a peu de temps, un de mes élèves, M. Lauby, publiait une contribution importante sur le Massif de l’Aubrac. C’est dire que l’étude des volcans de l’Auvergne est loin d’être achevée.
Aperçu géographique. — Les volcans d’Auvergne, jeunes et vieux, forment une suite de régions naturelles, dont l’ensemble constitue une grande écharpe montagneuse s’étendant depuis les environs d’Aurillac, Saint-Flour, Brioude, Issoire, Clermont, Riom et Pontaumur. Ils surplombent la vallée de l’Allier à l’E., celles de la Dordogne, de la Sioule à l’O. et celle de la Truyère au S. (fig. 1).
L’Auvergne possède douze régions volcaniques superposées à des reliefs cristallins ou tertiaires ; huit sont plus spécialement connues ; ce sont : la Limagne, la Chaîne des Puys, la Petite Chaîne des Puys, la Chaîne de la Sioule, le Massif du Mont-Dore, le Cézallier, le Massif du Cantal et une partie de l’Aubrac.
Du sommet du Pic du Sancy (1.886 m.) d’où l’on domine tout cet ensemble, on peut saisir une partie de leurs caractères. Lorsqu’on les examine des hauteurs du Livradois ou du Forez, on les voit barrer l’horizon, d’une façon continue, sur plus de 120 kilomètres, et l’on suit, l’on détaille, chacune des régions qui les constituent. C’est d’abord au N. le feston incomparable des volcans de la chaîne des Dômes, puis les crêtes déchiquetées du Mont-Dore, puis le dôme du Cézallier, puis enfin les pics du Massif Central, tandis qu’au premier plan,
dans la Limagne, ce grand fossé creusé au pied du
Forez, s’alignent les tables et les pitons de basalte qui sont
les restes des plus vieux volcans de l’Auvergne.
Lorsque les sommets de ces volcans sont recouverts de neige, ou que le soleil couchant vient les envelopper d’une lumière dorée, ce panorama apparaît comme un des plus saisissants que je connaisse en Europe, et cependant un des moins connus dans son ensemble.
Je vais essayer d’esquisser brièvement les caractères les plus saillants des six principales régions volcaniques de l’Auvergne : la Limagne, la Chaîne des Puys, la Chaîne de la Sioule, le Mont-Dore, le Cézallier et le Cantal.
Situation. — Faciès. — Laves. — Disons d’abord que l’activité volcanique, qui a donné naissance aux volcans d’Auvergne, s’est répartie en de nombreux points, comme dans la Limagne, où les édifices volcaniques se présentent isolément, séparés les uns des autres, ou le long de fractures suivant
lesquelles ils s’alignent sous forme de chaînes montagneuses,
comme la chaîne des Puys et la chaîne de la Sioule, ou
bien s’est concentrée aux mêmes points ou en des points très
rapprochés, où elle a accumulé des épaisseurs énormes de
produits variés qui ont constitué des massifs imposants de
plus de 2.500 mètres de haut. De là, trois aspects, trois faciès généraux différents des régions volcaniques auvergnates.
Un autre caractère important est leur âge relatif. Les plus anciens et, par suite, les plus usés, sont ceux de la Limagne et de la chaîne de la Sioule (généralement miocènes), puis ceux du Mont-Dore et du Cantal (en grande partie pliocènes). La chaîne des Puys forme la région la plus jeune et, par suite, la mieux conservée (quaternaire).
Les volcans ont émis des laves de compositions minéralogique et chimique différentes, qui permettent de les distinguer les unes des autres et de constater les variations des magmas profonds.
Mais, quels que soient l’âge, la forme et la grandeur des édifices volcaniques, qu’ils soient assis sur un socle de roches cristallines ou calcaires, ils ont tous une position spéciale : ils sont situés sur des fractures de l’écorce terrestre délimitant au moins deux compartiments de cette écorce, différemment dénivelés, compartiments faisant partie de régions plus ou moins effondrées. En un mot, les volcans d’Auvergne sont situés sur des lignes de dislocation, en relation avec des zones d’effondrement.
J’essaierai de déduire, dans un instant, les conclusions importantes qui résultent de cette situation spéciale et qui permettent d’expliquer leur genèse.
Nous allons maintenant passer rapidement en revue les principales régions volcaniques de l’Auvergne, en commençant par la plus ancienne, la Limagne, qui, jusqu’ici, était l’une des moins connues au point de vue volcaniques et qui devient la plus intéressante.
Dans son ensemble, la Limagne constitue une grande dépression dominée par les monts du Forez et du Livradois à l’E. et le soubassement cristallin qui supporte la chaîne des Puys et le Mont-Dore à l’O. Ce grand couloir de plus de 120 kilomètres de long et de 20 à 40 kilomètres de large est parcouru par l’Allier dans toute sa longueur. Son histoire est des plus curieuses et des plus suggestives. Elle va nous permettre de comprendre non seulement la genèse des volcans qui l’accidentent d’une façon si heureuse, mais aussi celle des autres régions volcaniques auvergnates.
La grande dépression lémanienne, comblée par les sédiments oligocènes, s’étend des environs de Brioude vers Issoire, Clermont, Riom, et se prolonge vers Gannat et jusqu’au delà de Moulins. Par suite de plissements transversaux (anticlinaux) perpendiculaires à la direction générale N.-S. de la Limagne, ou de voussoirs restés en saillie (horsts), les formations archéennes, granitiques et houillères réapparaissent sous forme de seuils (seuil de Brassac, seuil de Coudes-Saint-Yvoine), divisant ainsi l’ancien grand bassin oligocène en trois bassins d’inégale étendue, connus sous les noms de Limagne de Brioude, Limagne d’Issoire et grande Limagne ou Limagne de Clermont-Gannat-Moulins. Les deux dernières présentent des aspects très différents. Au Sud de Riom, jusqu’à
Issoire et Brioude, la contrée comprend de nombreuses
collines, aux formes variées, qui lui donnent un pittoresque
des plus séduisants et constituent un attrait pour les géologues
et les touristes.
C’est la Limagne montagneuse, volcanique et calcaire, à laquelle succède, au Nord de Riom, vers Gannat et Moulins, une Limagne sans relief appréciable, sans collines, sans volcans, au sol surtout alluvial.
Cette différence d’aspect est due à ce que la première renferme des volcans et que la seconde n’en possède pas. Ce sont les parties volcaniques qui, en recouvrant les sédiments marneux et calcaires ou en les pénétrant et les injectant, ont protégé le soubassement contre l’érosion.
Ainsi, la dualité du paysage a une cause essentiellement géologique ; elle peut se traduire par ces mots : là où il n’y a pas de volcans dans la Limagne, il n’y a pas en général de collines.
Il n’existe pas moins de 100 points éruptifs, constituant plus de 60 collines volcaniques. Elles se présentent sous quatre formes :
Au second plan, la coulée pléistocène, formant plateau, du volcan de Beaumont dont on aperçoit le cône éruptif à droite ; la coulée domine la plaine de 25 mètres. Au fond, à droite, escarpement de la Limagne vers Ceyrat et Saulzet. Au premier plan, le jardin Lecoq, le cours Sablon et Rabanesse (Vue prise du laboratoire de la Faculté de Clermont).
1o Elles offrent l’aspect de plateaux de basalte sensiblement horizontaux, inclinés ou disloqués, recouvrant un socle de marnes et de calcaire comme ceux de Gergovie (fig. 5 et 6), des Côtes de Clermont (fig. 7), de Châteaugay (fig. 8), du Puy de Mur, de Pardines, de la Serre, etc. Ce sont là des restes de coulées, jadis plus étendues, issues d’un appareil éruptif, emporté par l’érosion.
2o Il reste fréquemment des pitons de basalte ou de téphrite, généralement coniques, représentant le culot, l’ancienne cheminée (neck) par laquelle eut lieu la sortie des laves. Un grand nombre de ces pitons sont couronnés par les ruines d’anciens châteaux (fig. 9 et 10) jadis puissants, en général détruits par l’impitoyable Richelieu, mais qui contribuent encore dans une large mesure au pittoresque de la région. Citons le Mont-Rognon, les pics d’Usson (fig. 10), de Vodable, d’Ysson, de Nonette, de Mauzun, de Buron, les Turlurons, etc.
L’escarpement occidental de la Limagne de 250 mètres de haut est produit par la grande faille
de la Limagne, le long de laquelle se sont effondrés les sédiments oligocènes. On aperçoit l’escarpement, à la base duquel serpente la route de Volvic à Clermont. La ligne du chemin de fer de
Clermont-Tulle passe au sommet. À gauche, on a une partie des Côtes basaltiques de Clermont
(Plateau miocène inférieur). Le bourg de Sayat est bâti sur le front de la coulée de labradorite du
Puy de la Raviole (V. fig. 8). La vue a été prise à l’avant-dernier tournant de la route, au N.-O. de
Sayat. Phot. Gendraud.
3o Enfin, il existe des collines aux contours plus ou moins arrondis, qui sont constituées par la pénétration des laves à travers les couches marneuses et calcaires avec lesquelles elles sont intimement mélangées. La colline est dite alors pépéritique, car elle est formée par une roche avant l’aspect de grains de poivre, noyés dans les marnes et les calcaires. Les Puys de Bane, de Courcour, de Lavelle, de Jussat, sont des types curieux de ces collines. Il y a souvent une liaison étroite entre les pépérites, les coulées et les dykes de lave.
4o Certaines collines très récentes, comme les volcans de Clermont (fig. 13 et 15), de Gravenoire (fig. 11), le Puy de Crouelle, ont conservé leur appareil éruptif et une grande partie de leur fraîcheur originelle.
La genèse des volcans. — Par quel mécanisme, sous quelles influences et à quels moments se sont édifiés les volcans de la Limagne et ceux de l’Auvergne ? Pour bien comprendre cette genèse, il est nécessaire de remonter au delà de leur origine, à une époque appelée Oligocène.
À cette époque, le Massif Central qui avait été jadis une chaîne alpestre de 3 à 4.000 mètres de haut, était devenu, sous l’influence de l’érosion, un pays plat, sans relief ni dépressions appréciables, et sans volcans. Il était réduit à l’état de pénéplaine et constituait une région torride, au sol profondément altéré par la chaleur (formation de latérite) et à la végétation tropicale, comme le Soudan, la Guinée, le Sénégal, etc.
Mais, dès le début de l’Oligocène, commence pour lui une série de vicissitudes, qui vont l’amener, par étapes successives, à l’état actuel.
Sous l’influence du refroidissement, sa surface va se froncer, se rider, se creuser de dépressions (synclinaux) qui seront limitées par des régions plus ou moins montagneuses (anticlinaux) : les unes et les autres n’ont pas cessé de s’accentuer depuis cette époque par plissements, tassements et érosion.
La plus importante de ces dépressions est la Limagne.
Elle débuta sous la forme d’un long fjord (fig. 2) communiquant avec la Méditerranée, sur l’emplacement de la vallée de l’Allier, dans la direction d’Alais et à travers les Cévennes (qui n’existaient pas encore comme chaîne montagneuse) et s’étendant jusque près de Clermont. À cette phase marine et saumâtre, durant laquelle se déposèrent des sédiments (argiles sableuses et ferrugineuses, calcaires à faune saumâtre (Striatelles, Potamides, Cyrènes), succède peu à peu une phase surtout lacustre, par suite, d’abord, de la rupture du fjord avec la Méditerranée, rupture due à la surrection des Cévennes, ensuite au prolongement, à l’enfoncement progressif de ce dernier vers le N. qui l’amènent à communiquer avec le bassin de
Remarquer l’enfoncement successif de l’oligocène vers le centre de la Limagne. Comparer à cet effet cette coupe avec celle des volcans de Charade, Gravenoire et Beaumont (fig. 11).
Paris. À ce moment (oligocène moyen), ce n’est plus seulement
la Limagne qui existe comme dépression lacustre, c’est une
grande partie du Massif Central qui se couvre de lacs, dont
la plupart communiquent entre eux et dont la formation est
due à la même cause qui avait donné naissance à la Limagne :
le refroidissement terrestre. La carte ci-jointe (figure 3) montre
les relations de ces diverses dépressions : celle de la Limagne
en relation avec les lacs du Cantal, et avec les dépressions de la Sioule et de la grande zone de dislocation houillère qui
traverse le Massif Central, etc. Ces deux dernières sont deux
anciennes zones des plus intéressantes, car elles se sont reproduites sur l’emplacement de zones de dislocations anciennes,
d’âge carbonifère. Nous verrons plus loin que ce sera l’accentuation de ces zones de plissements qui fera naître les chaînes
volcaniques qui les jalonnent aujourd’hui.
Mais revenons à la Limagne que nous avons prise comme type. C’est, durant l’oligocène, une longue dépression lacustre qui a environ 40 kilomètres de large et ne présente qu’une faible
Sur le bord du plateau basaltique du même nom, avec ses tours rondes et son donjon carré. Un grand nombre de collines volcaniques de la Limagne étaient couronnées de châteaux analogues parfois plus anciens et plus grandioses.
profondeur d’eau. Sur ses bords, vivait une faune nombreuse
et variée, au cachet nettement tropical : des Rhinocéros, des
Ruminants primitifs, des Carnassiers variés, des Crocodiles,
des Tortues, des Pélicans, des Ibis, des Flamants, etc., tandis
qu’une végétation également africaine ombrageait le voisinage.
La faune lacustre a permis de reconstituer son histoire : elle renferme, en effet, en dehors des animaux cités ci-dessus : Potamides Lamarcki, Lymnea pachygaster, Helix Ramondi, Helix arvernensis, etc.
Les recherches géologiques ont montré ce fait très important, que cette grande dépression, toujours peu profonde, et occupée par une faible épaisseur d’eau, s’était progressivement enfoncée par rapprochement de ses bords se surélevant peu à peu,
Cette coupe très intéressante, ainsi que la carte, montrent que la colline est constituée par plusieurs compartiments différemment dénivelés. L’ancien volcan dont il ne reste plus que le culot cratérique s’était édifié à leur point de convergence.
tandis que sur son fond, qui s’enfonçait progressivement,
s’accumulaient plus de 1.000 mètres de dépôts variés : arkoses,
marnes, calcaires, etc.
Nous saisissons ainsi la puissance de l’effort du refroidissement et nous constatons l’effet continu, qui avait fait naître la dépression, l’avait comblée de sédiments et l’avait bordée de régions plus élevées (Forez, soubassement des Puys et du Mont-Dore).
La Limagne est donc une zone de l’écorce terrestre (synclinal) plissée en fond de bateau, limitée par des zones plissées en sens inverse (anticlinaux). Le refroidissement continuant releva d’abord toute la région sud du Massif Central : les Cévennes, la Margeride, etc., amenant ainsi l’écoulement des eaux des lacs vers le Nord et le bassin de Paris, et, ensuite, l’exondation complète des territoires lacustres qui furent définitivement émergés à la fin de l’oligocène.
Les différentes étapes de cette transformation de la Limagne, dont l’histoire, comme on le voit, se rattache étroitement à celle du Massif Central, sont particulièrement nettes.
À la période suivante (Miocène), les premiers cours d’eau actuels vont s’esquisser, ils suivront le fond des synclinaux oligocènes et épouseront la direction de ces derniers. Leur tracé a donc été imposé par les événements géologiques.
Cette phase fluviatile, qui débuta à l’aurore du Miocène, se continue encore, car les rivières, comme l’Allier, l’Alagnon, la Dore, la Sioule, la Dordogne, la Loire, n’ont fait, depuis, que creuser leur lit au milieu des sédiments déposés dans les dépressions oligocènes.
C’est fréquemment sur les alluvions de ces rivières, dont on a pu reconstituer l’âge, grâce aux fossiles qu’elles renferment, que vont s’étendre les coulées de lave des volcans, qui vont maintenant s’édifier dans la Limagne et dans les autres régions auvergnates.
Ainsi, il y a un enchaînement des phénomènes orogéniques et hydrologiques tout à fait remarquable, dans la Limagne, et cet enchaînement va se compléter par la venue des phénomènes volcaniques.
Le refroidissement va, en effet, relever de plus en plus les bords des dépressions, comme la Limagne, et enfoncer le centre (refoulements horizontaux suivis de tassements). Cet effort dynamique, qui avait une direction générale Est-Ouest, eut comme effet de découper les couches terrestres en de longues bandes Nord-Sud séparées par des failles, dénivelées progressivement vers le centre du bassin, sous la forme de gigantesques marches d’escaliers (fig. 4). Le sous-sol de la Limagne, le Forez et le soubassement des Puys, la grande dépression houillère, celles de la Sioule, de la Loire, etc., prirent part à ce mouvement d’ensemble, qui continuait à transformer, à rajeunir le relief du Massif Central.
Mais c’est encore dans la Limagne qu’il est le plus net, le plus manifeste, car on peut mesurer l’amplitude de l’effort
produit, qui se traduit par des dénivellations atteignant de
500 à 1.000 mètres.
Le sous-sol de cette région fut donc découpé en une série de compartiments, limités par des fractures qui se prolongeaient profondément dans l’écorce terrestre.
La connaissance de ces fractures est très importante à déterminer, car c’est par elles que va sortir le magma fondu qui donnera naissance aux nombreux volcans de la Limagne et de l’Auvergne, c’est par elles que sortent également les innombrables sources minérales de ces régions.
Deux d’entre elles sont des mieux marquées au point de vue topographique (carte fig. 1) : ce sont celles qui limitent la Limagne vers l’Ouest (Royat, Châtel-Guyon, Gannat, fig. 7) sur plus de 60 kilomètres, et vers l’Est (Thiers, 80 kilomètres) au pied du Forez, où elles apparaissent sous forme d’escarpements de roches cristallines de 200 à 300 mètres de haut découpées à l’emporte-pièce et butant nettement le long des roches calcaires et marneuses oligocènes.
La série des efforts que nous venons de constater va aboutir au phénomène volcanique. Celui-ci n’est donc qu’une résultante. On ne peut le comprendre qu’en étudiant, en suivant pas à pas la série des événements qui l’ont préparé.
Les régions que nous étudions peuvent ainsi se diviser en régions qui s’effondrent, qui se tassent (Limagne, etc.) et en régions qui se surélèvent (Forez, Margeride, soubassement des Puys et du Mont-Dore).
Si nous considérons deux compartiments de l’écorce terrestre, limités par une des fractures dont nous avons parlé, les tassements du compartiment inférieur ou de compartiments voisins pourront, dans certains cas, être assez considérables pour atteindre le magma fondu interne. Ce dernier, par réaction, pourra, à son tour, trouver une issue facile par la fracture. Ainsi naitra un volcan situé sur une fracture et en relation avec un territoire qui s’effondre et contribue en s’enfonçant, par son poids, à faire monter et sortir les laves et les gaz de la profondeur.
La naissance d’un volcan, la formation d’une région volcanique est donc, comme celle d’une chaîne de montagnes, une œuvre de longue haleine ; elle est préparée longtemps à l’avance, principalement par un des facteurs qui modifie le plus profondément le relief terrestre : le refroidissement.
La position des volcans n’est donc pas quelconque, elle est
Cette photographie est extrêmement intéressante, en ce qu’elle montre, sous le pointillé, le profil transversal du thalweg de la vallée pléistocène constitué par des calcaires et des calcaires marneux à Lymnées (L. Brongniarti). Au bas du thalweg, on aperçoit les alluvions α qui recouvrent le fond de la vallée et le ruisseau, qui continue à couler en tunnel sous la nappe de basalte prismé, de plus de 30 mètres de haut. Le basalte a non seulement comblé la vallée, mais a débordé latéralement sur les flancs.
déterminée par tous les facteurs dont nous venons de parler,
et les volcans de la Limagne et de l’Auvergne ne font pas
exception ; ils sont situés sur des fractures, dont certaines sont
bien connues, et en relation avec des régions ou des compartiments plus ou moins rapprochés qui se sont effondrés.
Un des volcans les plus typiques à cet égard et qui peut être le plus facilement étudié est le volcan de Gravenoire, qui domine Royat. Il est situé (fig. 11) sur la grande faille limitant la Limagne. C’est par cette faille, bien visible à tous, que sont sorties ses laves, et c’est par des failles, des fractures parallèles, découpant le sous-sol oligocène en échelons, que sont sorties aussi les projections constituant le sous-sol de la ville de Clermont (fig. 13). C’est encore par elles que viennent au jour les magnifiques sources de Royat, celles de Clermont, et qu’ont lieu les venues bitumineuses et les dégagements d’acide carbonique.
Ainsi l’étude approfondie des vieilles régions volcaniques, comme l’Auvergne, nous permet de comprendre la genèse des volcans, et pourquoi cette ancienne province est couverte de volcans.
On peut se poser une question quelle est la profondeur actuelle du magma fondu, dans la Limagne ? Le sondage de Macholles pour la recherche du pétrole, à 1,200 mètres de profondeur, a montré (Michel Lévy) que le degré géothermique dans la Limagne était de 14 mètres au lieu de 33, c’est-à-dire que le sous-sol de cette contrée est deux fois et demie plus chaud que celui des autres régions françaises.
À 1,400 mètres, la température atteint 100° et à 25,000 mètres toutes les roches connues peuvent être fondues, c’est dire qu’une croûte solide de 25 kilomètres seulement nous sépare de la région où tout est en fusion. C’est peu de chose, en égard au rayon terrestre ; et l’on peut se demander s’il ne suffirait pas de peu de chose également : de faibles mouvements du sol, pour que ce réservoir soit mis de nouveau en communication avec l’extérieur !
Dans ce qui précède, j’ai essayé de mettre en évidence la genèse d’un volcan, en prenant pour type de région volcanique : la Limagne.
Il y a quelques mois à peine, on croyait que la plupart des volcans de cette région étaient du même âge. J’ai été assez heureux pour montrer que la Limagne était la région où l’activité volcanique était la plus ancienne en Auvergne, celle où elle s’était poursuivie le plus longtemps, puisqu’elle dure encore aujourd’hui, sous forme atténuée (sources minérales, d’acide carbonique, bitume) et enfin qu’il y a eu 7 périodes
Série de failles Nord-Sud dénivelant successivement l’oligocène (Stampien) vers le centre de la Limagne, À comparer à cet égard avec les coupes (fig. 8 et 11). Les couches sont fortement rebroussées contre les failles (70°) qui ont été ou sont encore, les unes volcaniques, les autres hydrothermales.
d’activité volcanique, depuis le Miocène jusqu’au Pléistocène.
Chaque mouvement important du Massif Central a eu pour ainsi dire son contre-coup dans le plus grand bassin tertiaire de ce massif, et a été marqué par des éruptions.
La Limagne, qui paraissait presque banale au point de vue volcanique, devient ainsi une région – type, extrêmement curieuse, à d’autres égards, puisqu’elle fournit aussi des laves variées : limburgite, basalte, dolérite, téphrite, néphélinite, phonolite, etc.
J’ai pu déterminer que les premières éruptions volcaniques de la Limagne eurent lieu au début du Miocène, alors que l’Allier, qui coulait 400 mètres plus haut qu’aujourd’hui, avait ses bords animés par une faune encore tropicale des Dinotherium (D. Cuvieri), des Mastodontes (M. tapiroïdes et angustidens), des Rhinoceros, des Crocodiles et des Tortues. J’ai pu également établir que les coulées des volcans, qui s’édifièrent au Miocène moyen et supérieur, au Pliocène inférieur, moyen et supérieur, au Pléistocène, avaient aujourd’hui leurs coulées suspendues à des hauteurs de plus en plus
faibles au-dessus de l’Allier qu’elles avaient comblé et barré
à maintes reprises.
Les plus récentes de ces coulées (Gravenoire) ne dominent l’Allier que de 50 mètres.
Les vieux volcans de la Limagne ont perdu en partie ou totalement leur appareil éruptif ; leurs coulées, qui s’étaient étendues dans des parties basses, forment aujourd’hui les sommets des collines (plateaux et pitons) (fig. 5 et 10) qui ont constitué des manteaux protecteurs, au soubassement, tandis que l’érosion faisait disparaître les marnes et les calcaires moins résistants qui les entouraient. Il est des collines qui sont fortement disloquées ; les plus jeunes volcans, tels que Corent, au contraire, et surtout Gravenoire, offrent encore un appareil de projection bien conservé.
Ainsi, la géologie permet de comprendre la genèse des volcans, en général, et de la Limagne en particulier, d’expliquer la topographie de cette région, de déterminer l’âge de ces volcans, de mesurer les diverses étapes du creusement de la vallée de l’Allier, et de montrer que les sources minérales et les venues de bitume et d’acide carbonique ont la même origine que les volcans. Les sources thermales, qui apportent de la profondeur une vitalité si remarquable dans leurs effets thérapeutiques, ont donc une origine profonde, comme les volcans, ainsi que le laissent croire également les recherches de M. Armand Gautier.
De l’autre côté de la chaîne des Puys, s’étendent les restes d’une ancienne chaîne volcanique dont j’ai pu reconstituer l’histoire. Elle s’est édifiée à la même époque que la plupart des volcans de la Limagne et elle offre comme particularités d’être située sur l’emplacement d’une des dépressions lacustres oligocènes dont il a été question plus haut (fig. 2). Ses dimensions dépassent celles de la chaîne des Puys, puisqu’elle a plus de 35 kilomètres de long et comprend plus de 20 bouches éruptives alignées sur des fractures d’âge carbonifère (hercynien) que les mouvements du sol miocènes firent ouvrir de nouveau.
Mais cette vieille chaîne volcanique est réduite aujourd’hui à des plateaux et à des pitons basaltiques, analogues à ceux de la Limagne, dominant les vallées de la Sioule de 150 à 200 mètres, tandis que jadis leurs coulées s’étaient étendues dans les lits de ces rivières. Là aussi on peut donc mesurer le creusement des vallées, comme celui de l’Allier, dans la Limagne, et s’il est moins considérable (à peine la moitié) que ce dernier, quoique de la même époque, cela est dû en grande partie à ce que les roches du soubassement étaient plus résistantes (roches cristallines dans le premier cas, marnes et calcaires dans le second).
Les éruptions volcaniques de la chaîne de la Sioule paraissent avoir été suivies de venues métallifères ayant donné naissance à des filons de plomb, d’antimoine, de fer arséniaté, etc. (Pontgibaud, Chapdes, etc.)
La chaîne des Puys ou monts Dômes constitue un des groupes volcaniques les plus curieux et les mieux conservés du globe. Elle comprend un ensemble de 80 collines volcaniques et de plus de 100 bouches éruptives, dominant les deux anciennes dépressions tertiaires de la Limagne et de la Sioule.
Elle est encadrée, en outre, des régions éruptives que nous venons d’étudier, situées en contre-bas, dans ces dépressions, et dont le démantèlement et l’usure contrastent, d’une façon frappante, avec l’état de fraîcheur de celle-ci.
L’ensemble des monts Dômes a une direction N.-S. qui est celle des plis tertiaires de la région, et s’étend sur 30 kilomètres de long. Les laves qui sont issues des nombreuses bouches éruptives descendent à l’E. et à l’O. jusque dans la Limagne et dans la vallée de la Sioule (fig. 16).
Mais un premier fait frappe l’observateur : la chaîne des Puys n’est pas installée sur la ligne de faîte qui sépare les dépressions de la Sioule et de la Limagne, mais en contre-bas et à l’O. d’un bourrelet de roches cristallines de direction N.-S. qui domine ainsi la base des volcans d’environ 100 mètres et représente l’axe du pli sur le flanc duquel est située la chaîne. Ce bourrelet forme rideau du côté de la Limagne et empêche ainsi d’apercevoir la base des Puys
en feston de dentelle.
La présence de ce bourrelet a eu d’autres conséquences d’ordre géographique. Il aurait dû empêcher les coulées des volcans de la chaîne de s’étendre vers l’E. Néanmoins un certain nombre de coulées ont pu le franchir par des échancrures, pratiquées perpendiculairement à sa direction, et qui se prolongent par des vallons profonds jusqu’en Limagne. Il résulte de ces faits que, tandis que les matières fondues se sont étalées largement à l’O., où elles forment une série de coulées, de nappes et de cheires, plus ou moins coalescentes, elles sont nettement séparées à l’E. où elles constituent de véritables boyaux de lave qui ont moulé le fond des vallées accédant de la Limagne à la base de la chaîne.
La chaîne des monts Dômes comprend une série de chaînons formés de 3 à 10 volcans, alignés suivant les directions N. N.-E. et N. N.-O. qui sont celles de toutes les fractures et filons de roches anciennes de la région.
Il est donc très plausible de penser qu’ils sont installés sur des fractures semblables, qui se sont réouvertes à la fin du tertiaire et au quaternaire, comme celles de la chaîne de la Sioule.
Ce phénomène de réouverture de diaclases ou de fractures anciennes, à diverses époques, sous l’influence des mouvements du sol, est très fréquent en Auvergne. Il m’a paru que beaucoup de volcans de cette région s’étaient édifiés par ce mécanisme sur lequel on n’avait pas jusqu’ici attiré l’attention.
On peut distinguer d’une façon générale, dans la chaîne des Puys, deux sortes de volcans : les volcans dits domitiques, différents, comme forme, comme âge et comme composition chimique, des volcans dits à cratères, plus récents et ayant donné des coulées de roches plus basiques.
Du sommet du Puy-de-Dôme qui est le point le plus élevé de la chaîne (1,465 mètres), et d’où l’on aperçoit le panorama si original de l’ensemble des monts Dômes, qui rappelle un coin de la surface lunaire, on note aisément les caractères différenciant les deux sortes d’édifices volcaniques.
Actuellement on n’aperçoit que six volcans domitiques, mais la région domitique a un plus grand développement. Si quelques-uns ont conservée leur forme originelle, d’autres ont été en partie démantelés, et leurs débris ont couvert une assez vaste surface au milieu de laquelle se sont édifiés plus tard les volcans à cratère.
Les volcans domitiques ont des aspects variés, dus à la façon différente dont leurs laves et leurs projections sont sorties.
Le Puy de Dôme (fig. 17) a la forme d’un énorme dyke de domite de plus de 550 mètres de haut, entouré de projections et
de brèches de débris. Les premières ont dû sortir d’un cratère,
tandis que le dyke s’est vraisemblablement édifié à la façon
du célèbre piton de la Montagne Pelée et du volcan de la
Guadeloupe, dont la genèse a été si bien mise en lumière
par M. Lacroix. C’est une immense aiguille de lave qui est
sortie de la profondeur comme à travers une filière et s’est
consolidée au fur et à mesure qu’elle arrivait au jour. Mais
en même temps elle se démolissait et ses débris venant à se
mélanger aux projections lancées par le cratère, constituaient
à l’aiguille une gaine, peu cohérente, de roches solides
(domite) noyées dans des cendres ou des ponces volcaniques. C’est cette brèche qui entoure le dyke central. On l’aperçoit
nettement dans les tranchées du chemin de fer, qui accède
au sommet de la montagne.
Le Puy de Dôme a dû certainement être plus élevé ; actuellement, il ne mesure pas moins de 400 millions de mètres cubes.
Les autres volcans domitiques qui ont une forme en coupole des plus régulières (Chaudron, Clierzou) ont pris naissance d’une façon un peu différente. Il semble bien que la lave formant la coupole ait débordé autour d’un orifice central.
Le Puy Chopine, mi-partie domitique, mi-partie cristallin, est très démantelé. Il a été formé par l’intrusion de domite au milieu d’une colline granitique et cambrienne. Il avait une hauteur dépassant de 100 mètres celle d’aujourd’hui.
Les volcans à cratère offrent également une assez grande variété d’appareils de projections. On observe des cônes parfois isolés et très réguliers, présentant un seul cratère (Jumes, La Coquille, la Rodde) ou deux cratères emboîtés, concentriques ou excentriques (Puy de Côme, de Pariou) ou accouplés en série.
La pression de la lave a fait égueuler fréquemment ces derniers qui offrent alors une forme très curieuse comme les Puys de la Vache, de Lassolas et de Louchadière, où l’on voit la lave sortir du fond même de l’orifice cratérique.
Dans certains cas, la puissance dynamique des gaz emprisonnés a fait naître de véritables cratères d’explosion dont les bords sont découpés d’une façon abrupte et à l’emporte-pièce (Gour de Tazanat), Lac Pavin (dans le Massif du Mont-Dore). Ces cratères, occupés aujourd’hui par des lacs, rappellent les maares de l’Eifel et certains lacs du Latium (Lacs de Nemi et d’Albano).
Les coulées de lave sont toutes sorties à la base de l’appareil éruptif. Elle se sont souvent étendues au fond des vallées ; dont elles ont moulé le thalweg. Elles constituent ainsi, au-dessus des ruisseaux qui circulaient dans ces vallées, de véritables tunnels à l’extrémité desquels l’eau réapparaît sous la forme de sources très pures et très fraîches.
En plusieurs points où la lave a pu s’étaler sur une faible épaisseur au-dessus d’une nappe d’eau, a lieu un phénomène très curieux, celui de la formation de glace durant les grandes chaleurs de l’été. J’explique ce phénomène de la façon suivante. Lorsqu’il fait chaud il se produit une évaporation à la surface de la coulée, et une aspiration de l’eau à travers les laves scoriacées et poreuses. Or l’évaporation est d’autant plus active qu’il fait plus chaud, mais le refroidissement sera également d’autant plus grand que l’évaporation sera plus considérable. À un moment donné cette évaporation sera suffisante pour congeler l’eau à la surface du sol ; c’est en effet ce qu’on observe dans les trous à glace des environs de Pontgibaud et d’Aydat, où l’on ne trouve de glace que lorsqu’il fait très chaud. Il y a donc là un phénomène physique fort intéressant.
Les coulées de lave se sont parfois étendues en travers d’une vallée qu’elles ont barrée, donnant naissance à des lacs, dits de barrage (lac d’Aydat). Dans certains cas (Tartaret) c’est le cône éruptif qui s’est édifié au milieu de la vallée (lac Chambon).
Les laves émises par les volcans de la chaîne des Puys sont très variées et ont été surtout étudiées par M. Michel Lévy. Elles comprennent des trachytes (domites) (Puy de Dôme), des andésites (Pariou), des labradorites (Barme, La Raviole, Côme) (type prédominant) et des basaltes.
On trouve aussi fréquemment des minéraux formés par les fumerolles volcaniques, notamment le fer oligiste, le soufre, la tridymite, le mica, le pyroxène, etc., analogues à ceux que l’on recueille dans les volcans actifs.
J’ai calculé que le volume des produits émis par les volcans de la chaîne des Puys atteignait environ 8 milliards de mètres cubes. Le volume des cendres rejetées doit être considérable. Elles ont été entraînées en partie dans la Limagne où elles contribuent grâce à leur richesse en phosphore, dans une large mesure, à lui donner sa prodigieuse fertilité.
Les volcans de la chaîne des Puys se sont édifiés en deux périodes différentes : les volcans domitiques, au Pliocène supérieur ; les volcans à cratère au début et à la fin du Quaternaire. Il est possible que les premiers hommes aient assisté aux dernières éruptions, il y a quelque 20.000 ans environ.
DU MONT-DORE
Ses éléments constitutifs. — Le massif du Mont-Dore constitue un troisième type de région volcanique, bien différent des vieilles régions, surtout miocènes, de la Limagne et de la Sioule, formées de petits volcans, réduits à des restes de
coulées et de cheminées. Il est très dissemblable également de
la jeune chaîne quaternaire des monts Dômes, aux appareils
volcaniques si fraîchement conservés et si harmonieusement
groupés sur une ligne de hauteurs.
ζ1 gneiss, γ1 Granite : p0 τ1 cinétique andésitique ; τ1 Trachytes porphyroïde ; α3 andésite ; β basalte des plateaux.
Il représente, en effet, les restes d’un groupe volcanique, intermédiaire comme âge (surtout pliocène) entre les deux premiers ; mais il est bien différent comme dimensions et comme disposition des éléments, et il a été, en outre, profondément démantelé et modelé par l’érosion et les glaciers.
Quoiqu’il ne soit pas le plus étendu comme superficie, le massif du Mont-Dore est le groupe volcanique le plus intéressant de la France et peut-être le plus intéressant de l’Europe, par la variété de ses sites et de ses laves et la disposition originale de ses divers éléments constitutifs. Les travaux de M. Michel Lévy ont fait faire de grands progrès à l’étude de ce massif. Dans son ensemble (fig. 3 Planche I) il a une forme quadrilobée dont le centre serait sensiblement au Mont-Dore. Le grand axe mesure 42 kilomètres et le petit 30 kilomètres. La surface couverte par ce territoire volcanique n’a pas moins de 900 kilomètres carrés elle est donc six fois plus grande que la superficie occupée par le Vésuve et elle est d’un tiers moins élevée que celle de l’Etna.
Le massif du Mont-Dore est très complexe au point de vue géologique : c’est ce qui constitue la difficulté, mais aussi ce qui fait l’attrait de son étude. Il résulte, en effet, de la juxtaposition, et par places, de la superposition de plusieurs centres éruptifs distincts dont il faut faire la part, si l’on veut comprendre sa structure et toutes les particularités de son modelé.
Il n’offre pas l’unité, mais aussi l’uniformité du Cantal ; aussi son origine hétérogène se traduit-elle dans tous ses détails.
Je le considère comme formé :
1o par trois grands troncs de cône, accolés par leur base, plus ou moins dilatée et irrégulière, en raison des coulées qui en sont issues et qui correspondent à trois centres éruptifs principaux, se révélant non seulement par la topographie, mais aussi par la direction des coulées de lave qui divergent de chacun d’eux et enfin par la différence de structure et de constitution pétrographique de leurs produits éruptifs. Je donne à ces centres principaux les noms de : volcan du Sancy, (1.886 mètres) fig. 18), volcan de la Banne d’Ordanche (1.515 mètres) (fig. 2, planche 1) et volcan de l’Aiguiller (1.547 mètres) qui sont les points les plus élevés de chacun d’eux.
Un simple coup d’œil sur une carte, même topographique, montre l’étoilement des vallées partant des centres.
La vallée de la Dordogne (fig. 18) qui prend naissance au pied du Sancy et d’un ancien cirque glaciaire suspendu, suit d’abord la direction des coulées et de l’ancienne vallée glaciaire, puis tourne brusquement à l’ouest, vers le col séparant le volcan du Sancy de celui de la Banne d’Ordanche.
Les pentes méridionales du massif du Mont-Dore le relient au Cézallier, qui est un véritable trait d’union le soudant au grand volcan du Cantal. Au nord, les coulées se retrouvent jusque sous la chaîne des Puys et vers la vallée de la Sioule qu’elles dominent de 80 à 100 mètres (Saint-Pierre-le-Chastel), tandis qu’à l’est elles surplombent le bassin tertiaire de la Limagne d’Issoire ;
2o En dehors de ces centres principaux, soudés l’un à l’autre par leurs coulées, et constituant la plus grande partie du massif, il existe un groupe important de points éruptifs adventifs, greffés sur le flanc nord-est du Sancy et formant un massif spécial, s’étendant du Puy de l’Angle au Puy de Baladou.
Chacun des éléments de ce groupe (Puy de Mareilh, de l’Angle, de Mone, de la Tache, du Barbier (fig. 1, planche 1), de la Croix Morand, etc.), constitue une unité volcanique ayant souvent donné plusieurs coulées de lave, de nature différente, alternant avec des projections.
La superposition de ce massif complexe, sur le flanc Nord-Est du volcan du Sancy et le flanc Sud de l’Aiguiller, trouble beaucoup la régularité de la topographie de ces deux portions de territoire ;
3o Un certain nombre de dômes et de dykes de trachyte : Puy Gros (1.482 mètres) (fig. 21), Capucin (1.463 mètres) (fig. 18), Diane (1.332 mètres), Ouire, Baladou (1.494 mètres)
et d’énormes dykes de phonolite (Roches Tuilière, Sanadoire,
Cordé) (fig. 22,) ont percé en maints endroits cet ensemble
volcanique, au milieu duquel ils ressortent aujourd’hui de la
façon la plus pittoresque. Mais ces collines achèvent aussi de
compliquer l’étude de tout le groupe volcanique que nous
venons de définir et qui constitue le massif du Mont-Dore
proprement dit ;
4o On lui attribue cependant encore toute une région située à l’E., qui augmente beaucoup l’étendue du volcan du Sancy.
Cette région volcanique, indépendante du massif, auquel elle ne fait que se juxtaposer, comprend au moins 8 points éruptifs différents, qui s’échelonnent du Nord au Sud et ont fonctionné comme unité volcanique. Ces volcans périphériques, d’âges différents, ont donné des coulées et des projections dominant directement le bassin tertiaire d’Issoire. Ils comprennent le volcan de Beaune, le célèbre et étrange volcan du Saut de la Pucelle, celui de Maisse, la cheminée érodée de Jonas (fig. 23), colline formée de tufs de projections, le piton de Brionne, les volcans des Ranoux et de Malnon, dont les coulées n’ont pas moins de 10 kilomètres, etc… ;
5o Les études géologiques ont permis d’établir que l’édification des trois centres principaux du Massif du Mont-Dore, et de la plupart des volcans adventifs et périphériques était terminée au début du Pliocène supérieur.
Pendant la durée de cette dernière période, l’érosion et les glaciers découronnèrent cet ensemble si complexe de collines. Mais, au Quaternaire, à la faveur des mouvements du sol qui permirent l’édification de la chaîne des Puys, des fractures s’ouvrirent en maints endroits dans le groupe volcanique à demi ruiné du Mont-Dore et donnèrent passage à des laves et à des projections, qui forment aujourd’hui une série de volcans d’une grande fraîcheur, greffés sur un massif, à relief usé. Ce sont : les volcans de Servière, de Compéret, d’Orcival, d’Ébert, de Guéry, de Vivanson, de Montchal, de Montcineyre et de la Vaisse, auquel on ajoute parfois le Tartaret. Certains de ces volcans ont émis des coulées qui s’étendent généralement au fond des vallées, creusées à la fin du Pliocène.
En résumé, ce sont les cinq séries d’édifices volcaniques différents, que nous venons d’étudier : centres principaux, massif adventif, dômes et dykes d’intrusion, volcans périphériques
et volcans quaternaires, différemment groupés au
point de vue géologique, géographique et pétrographique, qui
constituent les divers éléments du massif volcanique du
Mont-Dore.
Le soubassement du massif est constitué, en grande partie, par le granite, les gneiss et les micaschistes et, au nord et à l’est par des argiles sableuses oligocènes.
La plate-forme sur laquelle repose cet édifice complexe offre une altitude moyenne de 1.000 mètres. Le gâteau volcanique a donc actuellement de 600 à 800 mètres de haut, mais il a certainement atteint, avant sa destruction par l’érosion, de 1.000 à 1.200 mètres, c’est-à-dire qu’il avait sensiblement la hauteur absolue du Vésuve au-dessus de la mer, et, grâce au socle sur lequel il repose, ses cratères ont pu se dresser à environ 2.500 mètres d’altitude.
Fractures volcaniques. — Sources minérales de la Bourboule et du Mont-Dore. — Certaines fractures du soubassement cristallin par lesquelles sont sorties les laves du volcan du massif sont des mieux marquées. Je citerai notamment la faille très curieuse, dite de la Bourboule, qui se prolonge par le centre éruptif de la Banne d’Ordanche d’une part, et, d’autre part vers un autre centre qui s’étend à l’O. du bois de Charlannes (point 1189 de la carte d’État-major).
Cette fracture ancienne est jalonnée en outre par les sources minérales de la Bourboule qui s’épanchent dans les cinérites où des sondages sont allés les atteindre, de sorte que, ici, comme dans la Limagne, on a des failles à la fois volcaniques et hydrothermales.
À l’O. de cette faille (fig. 2 ; planche I) le granite s’élève jusqu’à 1.100 mètres, puis retombe brusquement à 830 mètres, à l’E. de la Bourboule. La faille délimite donc une zone effondrée, d’environ 250 mètres (Source Croizat) le long de laquelle sont venues s’accumuler les cinérites.
C’est vraisemblablement le tassement du territoire effondré qui a amené la formation du volcan de la Banne d’Ordanche.
La zone d’affaissement paraît s’étendre jusque sous les volcans du Sancy et de l’Aiguiller et comprendre une série de compartiments tassés à différentes altitudes et qui auraient contribué dans une large mesure à la sortie des laves d’une partie du massif. Ainsi s’expliquerait le grand nombre de points éruptifs de toute la partie centrale de ce dernier.
Les sources minérales du Mont-Dore sortent sur le flanc d’un filon de lave (trachyte-phonolite) qui a rempli une fracture radiale du volcan du Sancy.
De nombreuses et importantes fractures, bien visibles également, se montrent à l’E. du volcan du Sancy. Il y a là, en se dirigeant vers la Limagne une série de failles qui dénivellent successivement l’Oligocène et son soubassement, en gradins, allant de l’altitude de 900 mètres à celle de 300 mètres.
Le volcan du Saut de la Pucelle. — Les lacs Chambon, Montcineyre, Pavin, etc. — La première de ces fractures forme, à Varennes, un à-pic contre lequel butent l’Oligocène et les formations volcaniques du Saut de la Pucelle (fig. 20).
Ce dernier et si curieux volcan est donc installé sur le premier gradin de l’escalier, qui se trouve au pied du volcan du
Sancy, aussi paraît-il très petit, comparativement à ce dernier.
Il n’avait pas moins cependant de 500 mètres de hauteur
absolue lors de son édification. La fracture sous forme de
boutonnière, par laquelle sont sorties ses laves et projections,
basaltes, andésites, trachytes, cinérites est mise en saillie par
l’érosion, de la façon la plus typique sous la forme d’un
à-pic majestueux (fig. 20), ayant plus d’un kilomètre de long
et de 100 mètres de haut. Des fractures très voisines ont
amené la sortie d’un dôme de trachyte à Varennes, et, plus
tard, deux autres se sont ouvertes plus à l’E. parallèlement
à la première sur lesquelles se sont édifiés les 2 cônes éruptifs du volcan du Tartaret. Ce sont d’abord les coulées du Saut
de la Pucelle, puis le cône du Tartaret qui ont barré la vallée
et donné naissance au gracieux lac Chambon. C’est donc un
triple barrage volcanique qui a amené la formation de ce lac.
— La topographie souligne ces importantes particularités
géologiques qui, à ce point de vue, sont parmi les plus
curieuses de l’Auvergne.
Ainsi, le rôle des fractures du soubassement du massif du Mont-Dore et le tassement de nombreux voussoirs au pourtour et au centre de ce massif sont très nettement indiqués et permettent de comprendre la genèse de cette remarquable région volcanique.
Il existe plusieurs lacs surtout sur le versant sud du Mont-Dore. Je ne parlerai que de quelques-uns.
Le lac de Montcineyre a également pris naissance par l’installation du cône éruptif et de la coulée de lave du volcan de Montcineyre, au milieu de la vallée.
Le lac de la Godivelle d’en haut remplit un ancien cratère et le lac Pavin (fig. 26), de 90 mètres de profondeur et à parois escarpés est un lac-cratère, creusé au pied du volcan de Montchal.
Nature des laves et des projections. — Les laves du massif du Mont-Dore sont très variées. Leur étude pétrographique a surtout été faite par M. Michel Lévy.
Voici, schématisée, l’ordre de sortie qu’il a donné :
1o Rhyolites et perlites, phonolites, très feldspathiques et trachytes phonolitiques, en coulées dans une cinérite acide (ravin de l’Usclade, près de la Bourboule) ;
2o Basaltes inférieurs ;
3o Cinérites à blocs, avec intercalation de coulées de laves variées : andésites, labradorites, basaltes ;
4o Énormes accumulations de Cinérites supérieures et de blocs projetés, avec nouvelles coulées de rhyolites ;
5o Andésites acides et trachytes à grands cristaux de sanidine, en coulées épaisses, en dômes et en dykes ;
6o Andésites augitiques à augite et hornblende, à haüyne et noséane ;
7o Phonolites supérieurs en dykes et en coulées (Roches Sanadoire, Tuilière, Roc blanc) ;
8o Basaltes variés, compacts et demi-deuil.
La répartition de ces types pétrographiques n’est pas uniforme dans les divers centres éruptifs.
Chaque centre possède sa personnalité et ses caractères propres. Et, à ce point de vue, c’est le volcan de la Banne d’Ordanche, bien que le moins étendu, qui est le plus varié au point de vue pétrographique. C’est, sous ce rapport, le volcan le plus intéressant de l’Europe (fig. 2, planche I).
D’une façon générale, on peut dire que le massif volcanique du Mont-Dore est surtout trachytique, tandis que le massif du Cantal est principalement andésitique, que les basaltes constituent le type dominant des laves de la Limagne et les labradorites celui de la chaîne des Puys.
Les rhyolites ne sont pas spéciales au volcan de la Banne d’Ordanche ainsi, qu’on le pensait. J’en ai observé des coulées dans le volcan du Sancy, près de la Roche Vendeix, et M. Lacroix en a trouvé des galets provenant du volcan de l’Aiguiller.
Les trachytes, surtout répandus dans la partie centrale du massif, forment des coulées peu étendues d’une épaisseur énorme (100 à 300 m. à Jumet, Bozat) ou des dômes d’aspect variable : coniques, hémisphériques ou aplatis, (Puy Gros, Barbier, Angle, Diane, Baladou, Capucin), qui sont comme autant de petits Puy de Dôme et de Sarcoui greffés sur les flancs du massif du Mont-Dore (fig. 1, planche I).
Ce sont les parties trachytiques qui donnent au groupe volcanique dont nous parlons, les traits caractéristiques de son modelé et une grande partie de son pittoresque.
Les andésites sont plus rares. Les phonolites apparaissent généralement sous l’aspect d’énormes dykes du plus curieux effet déchaussés sur plus de 200 mètres de haut (Roches Tuilière et Sanadoire (fig. 22), Puy Montcey).
Les coulées basaltiques très fluides forment le revêtement périphérique. Elles ont progressé parfois jusqu’à 25 kilomètres de leur point d’émission et constituent, en certains points, de véritables planèzes (Aurière).
Mais ce ne sont pas les coulées qui forment la plus grande partie du massif, ce sont les projections de toute nature qui ont été lancées par les diverses bouches et qui constituent les cinérites (cendres volcaniques) seules, ou mélangées à des blocs de toute taille, les brèches ignées, les conglomérats ponceux,
dont l’origine paraît multiple. Les unes sont dues à
des coulées boueuses, d’autres ont été peut-être formées par
des nuées ardentes, analogues à celles que M. Lacroix a étudiées à la Martinique. Les remaniements de ces diverses formations (qui se ravinent mutuellement) par l’eau et aussi par
les glaciers, complique singulièrement leur étude.
Le monde animé au moment de l’édification des volcans du Mont-Dore. Âge de ces volcans. — C’est dans les cinérites que sont enfouies, en maints endroits (la Bourboule, Saut de la Pucelle, etc.), les flores qui croissaient sur les flancs du volcan durant les intervalles de repos et qui, exhumées par les paléontologistes, comme de Saporta, l’abbé Boulay, ont permis de reconstituer le monde végétal de cette époque et de déterminer l’âge des volcans du Mont-Dore. Mais on a eu tort, jusqu’ici, de dater les éruptions du Mont-Dore, avec la flore du lac Chambon, qui appartient uniquement au volcan du Saut de la Pucelle.
La flore de la Bourboule (Lauby) aurait un cachet plus ancien (Miocène sup.) que celle de Varennes (Pliocène moyen). L’ensemble des flores avec des Lauriers, Érables, Hêtres, Bambous, Sassafras, Myrica, plusieurs espèces de Chênes à feuilles persistantes, dénote un climat plus chaud que le climat actuel.
La célèbre montagne de Perrier, près d’Issoire, a fourni des éléments importants, pour l’histoire du massif du Mont-Dore.
Elle est constituée en grande partie par un assemblage chaotique (conglomérat ponceux) de toutes les roches des volcans de ce massif, roches de tous calibres, disposées sans ordre, et parfois striées, noyées dans une boue abondante avec ponces.
Poulett Scrope, puis M. Boule considèrent cette curieuse agglomération comme le produit de coulées boueuses descendues des volcans du Mont-Dore en éruption, coulées analogues à celles de certains volcans andésitiques, tels que ceux de Java et de la Montagne Pelée ; Julien et d’autres géologues l’envisagent, au contraire, comme une moraine glaciaire, issue du Mont-Dore, alors éteint.
L’étude des faunes, trouvées dans les alluvions situées à la base et au milieu du conglomérat ponceux, n’a pas permis de trancher définitivement l’âge de cette formation, car il y a eu des mélanges d’espèces, dans les recherches, faites cependant par d’excellents naturalistes Bouillet, Bravard, Croizet, de Laizer ; aussi la faune dite de Perrier, à Mastodon arvernensis, M. Borsoni, Tapirus arvernensis, Rhinoceros etruscus, Cervus Perrieri, Cervus ardeus, Hyœna Perrieri, Machairodus crenatidens (fig. 27), Bos elatus, Palœoreas torticornis, etc., est-elle l’objet de discussions, M. Boule la croyant d’âge Pliocène moyen et M. Depéret d’âge Pliocène supérieur.
Il semble bien cependant que c’est la première opinion qui soit exacte, et que le Massif du Mont-Dore était complètement édifié à la fin du Pliocène moyen.
C’est surtout durant le Pliocène supérieur qu’il subit les érosions intenses qui décapitèrent ses hauts sommets, isolèrent ses parties dures et creusèrent les vallées radiales qui l’accidentent d’une façon si pittoresque.
Phases glaciaires. Nouvelle phase volcanique. — Les glaciers s’installèrent à deux reprises dans le Massif du Mont-Dore, d’abord au Pliocène supérieur (glaciers des Plateaux), où ils eurent leur extension maximum et jouèrent un
grand rôle comme agents d’érosion et de transport ; ensuite
au Pléistocène, pendant lequel ils ne s’étendirent que dans les
vallées creusées durant le Pliocène (moraine entre le Mont-Dore et la Bourboule). — Les vallées de la Dordogne (fig. 18)
et de Chaudefour sont en grande partie glaciaires, et leur
fond est encombré de moraines et déboulis plus ou moins
remaniées.
On voit encore, au pied du Sancy et sur le versant Nord du Puy Gros, les restes de deux cirques glaciaires typiques transformés en tourbières. Enfin, toute la région du S.-E. du Massif (environs de Champs et de Bort) offre les caractères d’un paysage glaciaire remarquable avec buttes choquées et moutonnées, marmites de géants et cônes de déjections fluvio-glaciaires (Boule).
C’est au début du quaternaire qu’eut lieu une nouvelle phase d’activité volcanique qui amena la formation des volcans à cratère qui se greffèrent sur le massif du Mont-Dore. Depuis l’édification complète de ce dernier, l’érosion et les glaciers ont enlevé la moitié du volume des projections et des laves volcaniques, dégagé les parties dures, les dykes (fig. 25), les dômes, les coulées (fig. 24) et ont non seulement entaillé complètement par places, le gâteau volcanique, mais aussi une partie de son soubassement cristallin.
On peut donc dire, avec raison, que le Massif volcanique du Mont-Dore est, actuellement, un massif à demi ruiné.
L’histoire du Cézallier n’est pas encore complètement connue. Disons toutefois que l’empâtement volcanique qui constitue cette région n’a pas plus de 250 mètres d’épaisseur et comprend surtout des basaltes, des andésites et des trachytes dont la sortie a dû débuter vraisemblablement au Miocène supérieur et se continuer durant le Pliocène. Ce Massif, très usé par l’érosion, atteint 1.550 mètres d’altitude. Il sert de trait d’union entre les grands volcans du Cantal et du Mont-Dore, situés de part et d’autre et en contre-bas de l’axe cristallin qui prolonge la Margeride et sur lequel il est édifié (Boule). Il a été également recouvert par les glaciers en même temps que les massifs du Mont-Dore et du Cantal.
Le Massif du Cantal, contrairement au Massif du Mont-Dore, si complexe, offre le type d’une région volcanique très simple et d’une symétrie remarquable. Il est également le
plus grand comme dimensions, mais il est beaucoup moins
intéressant au point de vue géologique, et ses sites sont moins
variés.
Son histoire est due surtout à Rames, Fouqué, Boule et Marty.
Dans son ensemble, il a l’aspect d’un énorme tronc de cône dont la base a 80 kilomètres de diamètre et environ 250 kilomètres de tour, et dont la petite base, qui constitue la région des hauts sommets, délimite une enceinte de 35 kilomètres de circonférence. Cet énorme édifice, qu’on a comparé comme dimensions à l’Etna, est beaucoup plus étendu comme superficie, car ce dernier ne mesure que 145 kilomètres de circonférence, mais, en revanche, il est moins élevé, puisque son plus haut sommet (Plomb du Cantal) n’atteint pas 1.900 mètres, tandis que le cratère central de l’Etna se trouve immédiatement à 3.300 mètres au-dessus de la mer. Il faut ajouter, en outre, que la partie volcanique du Cantal est juchée
sur un socle dont l’altitude moyenne est de 700 mètres, tandis
que l’Etna a un support dont la hauteur est moins considérable (2 à 300 m.).
Le Cantal est un vieux volcan, surtout d’âge pliocène, découronné par le temps, et qui n’a plus que 1.200 mètres de hauteur absolue, mais qui, au moment de son édification, atteignait environ 3.000 mètres. Si deux périodes géologiques avaient passé sur l’Etna actuel, il serait réduit aujourd’hui à des dimensions aussi modestes, comme altitude, que le Cantal.
Extérieurement, le Massif du Cantal (Voir fig. 1) est étoilé de profondes et pittoresques vallées qui pénètrent jusqu’au cœur du Massif et le découpent en une vingtaine de secteurs. Elles sont parcourues par des rivières naissant au pied des hauts sommets et permettant d’accéder aisément à ces derniers.
Quelques-unes de ces vallées sont suivies par de grandes voies de communication. Telle est la vallée de l’Alagnon, dans laquelle se trouvent Murat et Neussargues, vallée qui aboutit au col si gracieux du Lioran, la vallée de la Cère, qui part en sens inverse, descend vers Thiézac, Vie et aboutit à la vallée de la Jordanne, rivière arrosant Aurillac.
La voie ferrée traverse ainsi, de part en part, le grand volcan du Cantal. Parmi les autres vallées très pittoresques, citons
celles de la Bertrande, de la Maronne, de la Rhue, de la Sumène,
(fig. 30 et 31), de la Santoire, du Goul, etc. La Truyère coule
dans des gorges profondes et sauvages, séparant le Massif du
Cantal de la chaîne volcanique érodée de l’Aubrac.
Chacune des vallées cantaliennes constitue également une section sensiblement verticale du volcan passant par le centre, et elle permet de voir que la plupart des coulées partent d’un centre unique dont la partie terminale a disparu par l’érosion, mais qui est représentée encore par trois pics : le Griou, le Griounot et l’Usclade, qui jalonnent l’emplacement de l’ancien cratère. Les bords actuels de ce cratère comprennent une série de pics « dessinant une enceinte circulaire de 30 kilomètres de circonférence et délimitant l’ancienne région des cratères, la Caldeira, d’où s’épanchèrent une grande partie des coulées du Massif » (Boule). Ce sont ces pics : Puy Mary (1.787 mètres), Plomb du Cantal (1.858 mètres) (fig. 29), Peyre-Arse (1.767 mètres), Bataillouse (1.686 mètres), Chavaroche (1.744 mètres), Puy Filhol, etc., que l’on aperçoit de loin, en particulier du sommet du Sancy, sous forme de crêtes déchiquetées.
Première phase volcanique. — Le soubassement du Massif cantalien est constitué par les roches cristallines et par les calcaires oligocènes. De même que dans la Limagne et au Mont-Dore, le soubassement n’est pas un plan uniforme et horizontal ; il est découpé par de grandes fractures en une série de voussoirs, de gigantesques marches d’escaliers, qui ont fait remonter les mêmes couches de 600 mètres vers les bords (Aurillac) à 1.100 mètres, vers le centre (fig. 28).
L’activité volcanique ne prit possession du territoire cantalien qu’à la suite des mouvements du sol qui produisirent ce dénivellement en gradins. — Et, comme dans les autres régions volcaniques de l’Auvergne, elle ne fut que la conséquence, le résultat de cette série, de mouvements. Le mécanisme qui fait naître les volcans d’Auvergne est donc le même dans toute cette région.
Si l’on fait abstraction de la grande masse volcanique du Cantal, sortie par le cratère central, dont nous avons parlé plus haut, on trouve à la base du volcan, reposant directement sur les calcaires, le granite et les gneiss, une série de petits volcans, de petits Puy de Dôme, de Pariou, etc., plus ou moins démantelés, qui se sont édifiés sur des fractures délimitant deux compartiments effondrés.
Ainsi, au début de l’activité volcanique, sur l’emplacement du Massif, s’édifièrent un grand nombre de petits volcans (fig. 28) qui donnèrent des laves variées (trachytes, andésites, labradorites, basaltes). À cette époque (Miocène supérieur), le paysage était animé par de grands animaux à aspect africain : les Dinotherium, les Mastodontes, les Rhinoceros, comparables à ceux que nous avons vus sur le bord de l’Allier, tandis qu’une végétation des plus riche ornait les environs. La flore de Joursac, près Neussargues qui a été conservée dans des cinérites et étudiée par M. Marty, comprend plus de 80 espèces, notamment des formes ayant vécu à une altitude de 2 000 mètres (flore alpine) et d’autres qui dénotent une température subtropicale (figuiers, lauriers).
Deuxième phase volcanique. — À cette première phase d’activité volcanique succéda, au Pliocène, sans doute sous l’influence de nouveaux tassements qui déplacèrent les points de sortie du magma profond, une nouvelle activité, qui se concentra dans un périmètre très restreint (vers le Puy de Griou). De cette zone centrale, de cette caldeira sortirent alors successivement des coulées boueuses, des cendres, des projections variées, alternant avec des flots de lave, trachytiques et andésitiques. M. Lacroix a signalé récemment, dans la vallée de la Jordanne, de curieuses roches grenues intrusives (monzonites et gabbros) au milieu des projections. Mais ce qui domine surtout, ce sont ce qu’on appelle les brèches andésitiques, d’origine ignée, ayant encore actuellement plus de 1.000 mètres d’épaisseur, qui ensevelirent les petits volcans de la première phase. On conçoit qu’une pareille accumulation de matériaux fut une œuvre de longue haleine. Dans les périodes de calme du volcan, la végétation s’installait de nouveau sur ses flancs, puis une nouvelle éruption la faisait disparaître sous une pluie de cendres (de Saporta, Boulay, Laurent, Marty). On a pu reconstituer ainsi comme au Pas de la Mougudo, à Niac, Las Clauzades, Capels, etc., comme dans le Massif du Mont-Dore, une série de « Pompéi végétales » admirablement conservées dans les cinérites et comprenant des Bambous, des Hêtres, des Chênes à feuilles persistantes, des Érables, des Lauriers, des Tilleuls, dont certaines espèces ont vécu à plus de 2500 mètre d’altitude, etc.
Des séries de dômes et dykes de phonolite s’édifièrent ensuite en plusieurs points du massif, à la façon de la Montagne Pelée, en traversant toutes les formations antérieures. Ainsi prirent naissance les Puys de Griou, de Menet et d’Ouzière, etc.
L’activité volcanique se termina par une sortie générale de laves basaltiques, qui s’étalèrent sur les flancs du grand volcan, où elles forment encore aujourd’hui un revêtement presque continu et un manteau protecteur couvrant de vastes surfaces. Les laves se sont étendues parfois sous forme de plateaux (Planèzes de Saint-Flour).
L’édification du Massif du Cantal était terminée à la même époque (Pliocène moyen) que celle du Cézallier et du massif Mont-Dore.
Phases glaciaire et d’érosion. — Peu après (Pliocène supérieur), des glaciers s’installèrent sur les hauteurs du volcan cantalien (Julien), de même que sur celles du Cézallier et du Mont-Dore. Il en partait de vastes champs de glace qui
descendaient dans les plaines où ils ont laissé de nombreuses
traces de leur passage.
M. Boule a fait remarquer que les trois massifs précités dessinaient vers l’O. (fig. 1), un vaste hémicycle d’où les glaciers convergeaient dans la vallée de la Dordogne. C’est là, en effet, que les traces glaciaires sont les plus manifestes.
Après un premier retrait des glaciers, marqué par une période torrentielle et le creusement des vallées (Pléistocène inférieur) eut lieu une deuxième périodes glaciaire moins importante que la première, durant laquelle les glaciers, beaucoup moins étendus que les premiers, ne se tenaient plus sur les plateaux, mais formaient de véritables boyaux de glace dans les vallées. Les moraines typiques de Neussargues, d’Arpajon (Cantal), indiquent l’extension de ces glaciers.
Les premiers hommes ont dû être les témoins de cette dernière phase glaciaire, car M. Boule a signalé des silex taillés chelléens sous les moraines des environs d’Aurillac (Carnejac).
La seconde phase glaciaire ne dut pas durer longtemps, la température devint plus clémente, les glaciers disparurent définitivement, et l’homme put enfin prendre possession de ces grandes régions volcaniques façonnées par le feu et la glace et revenues au calme et à la vie normale.
Les laves et les minéraux des volcans d’Auvergne. — Dans leur ensemble, les volcans d’Auvergne ont donné des laves de composition très variée ; les unes très vitreuses (obsidiennes), les autres bien cristallisées : grenues, (gabbros et monzonites), ou microlitiques trachytes, basaltes porphyroïdes etc. ; les unes très acides (rhyolites, trachytes) ; les autres très basiques (basaltes) ; mais ces laves offrent de multiples termes de passage au point de vue chimique et minéralogique. En voici une liste incomplète : Rhyolites, perlites, trachytes, domites, phonolites, téphrites, néphélinites, andésites, labradorites, basaltes, basaltes porphyroïdes et demi-deuil, dolérites et dolérites néphéliniques, gabbros et monzonites, etc.
Les minéraux produits par l’action volcanique ou par les sources thermales qui en sont le complément, sont également nombreux et variés. Ils rappellent ceux qui se forment actuellement dans les volcans en activité : le Vésuve, l’Etna, etc., mais il serait trop long de les énumérer ici. — On peut dire qu’au point de vue minéralogique et pétrographique, les volcans d’Auvergne forment une série de régions des plus typiques.
J’ai essayé, dans cette courte esquisse, de donner une idée générale de la plus belle région volcanique de l’Europe ; j’ai indiqué sommairement pourquoi il y avait des volcans en Auvergne, comment ces volcans s’étaient successivement édifiés sous l’influence des mouvements du sol, principalement des tassements de compartiments de l’écorce terrestre, dont la dénivellation (que l’on peut mesurer) atteint parfois 500 et même 1.000 mètres. Le tassement de ces voussoirs, en pesant sur le magma fondu, a pu amener, ou au moins contribuer à amener, dans une large mesure, la sortie des laves. L’éruption des matières fondues, accompagnée de gaz et de projections, s’est faite en des points isolés, comme dans la Limagne, ou le long de fractures, donnant ainsi naissance à des chaînes volcaniques, telles que la Chaîne des Puys et la Chaîne de la Sioule, ou à des massifs imposants, comme le Mont-Dore et le Cantal, qui sont, avec des dimensions plus considérables, les antiques Vésuve et Etna auvergnats.
Les mouvements du sol qui ont conduit à l’édification de ces volcans, ainsi qu’à l’édification de ceux du Velay et de l’Aubrac, ont été longuement préparés depuis l’Éocène supérieur ; ils ont fait naître également les autres montagnes du Massif Central, le Forez, la Margeride, les Cévennes, avant que les Alpes aient achevé leur dernier mouvement ascensionnel. Il y a donc un enchaînement remarquable des phénomènes orogéniques, hydrologiques et volcaniques, tous sous la dépendance du refroidissement terrestre.
Les phénomènes volcaniques ne sont que la résultante de cette série de mouvements.
Ce sont surtout les volcans qui ont régénéré la topographie de l’Auvergne, en jetant à travers son territoire cette grande écharpe montagneuse de 120 kilomètres de long, qui lui donne cette originalité, cette grandeur et cette variété de sites qui lui attirent tant de visites.
Par la variété des laves et des minéraux produits par l’action volcanique, par les restes des mondes anciens (animaux et végétaux) qu’ils recèlent dans leurs flancs, par les traces des glaciers qui ont buriné leurs surfaces, par les nombreuses sources thermales auxquelles ils ont donné naissance, etc., les volcans d’Auvergne constituent une région pleine d’harmonie et prodigieusement intéressante.
Si ces volcans n’existaient pas, l’Auvergne serait une contrée banale, relativement pauvre, en grande partie granitique et gneissique comme la Creuse et la Corrèze.
Supprimez, par exemple, par la pensée, les volcans de la Limagne, il ne resterait plus qu’une plaine monotone, infertile, sableuse, sans collines, rappelant la Sologne ; il n’y aurait plus de ces belles et riches cultures que nous admirons, plus de sources minérales et partant plus de ces stations thermales, comme Vichy, Royat, Châtel-Guyon, etc., qui contribuent tant à la vie économique et à la prospérité de ce pays.
On peut donc dire que, si les volcans d’Auvergne ont jadis semé la terreur au milieu des populations animales et fait périr des Mastodontes, des Rhinocéros, des Éléphants, des Hippopotames et des Ours, et si les derniers volcans ont jeté aussi l’effroi chez les premiers hommes, ils ont produit encore plus de bienfaits dont nous bénéficions aujourd’hui.
Ils n’ont pas été seulement des agents de destruction, mais ils ont créé les choses les plus belles et les plus utiles, puisque ce sont eux qui, aujourd’hui, constituent le charme, la richesse et l’attrait de l’Auvergne.
L’esquisse que je viens de donner de ces volcans, conduit à se poser cette question un peu troublante : sont-ils complètement éteints ? Rappelons que l’activité volcanique s’est manifestée dans la Limagne, par poussées successives, au moins à 7 reprises différentes, séparées par un laps de temps considérable, qui se chiffre par plusieurs centaines de milliers d’années, temps pendant lequel les volcans ont, pour ainsi dire, sommeillé. Mais c’était là un pseudo-sommeil ; car, chaque fois, cette activité s’est renouvelée, sur un territoire plus étendu et, toujours, sous l’influence de nouveaux effondrements, de nouveaux tassements.
Sommes-nous arrivés aujourd’hui à la fin de cette longue période qui dure depuis près de trois millions d’années, et l’Auvergne est-elle entrée enfin dans une phase définitive de calme ou bien verra-t-elle s’ouvrir de nombreux cratères vomissant le feu ?
Mais d’abord, on ne peut pas dire que les volcans d’Auvergne, principalement ceux de la Limagne, des Puys et du Mont-Dore soient définitivement entrés dans la période de repos. Il y a de nombreux signes qui attestent encore la vitalité, atténuée sans doute, mais manifeste cependant, d’un foyer incandescent très rapproché de nous, puisqu’il n’en est séparé que par une vingtaine de kilomètres (une simple pellicule comparativement au rayon terrestre). Ces signes sont un sous-sol deux fois et demi plus chaud que dans les autres régions françaises, les dégagements considérables d’acide carbonique qui en proviennent, dégagements qui se chiffrent, dans la Limagne seulement, par plus de cent millions de litres par jour (deux cent mille kilos) ; ce sont encore les sorties de bitume, provenant de la condensation de carbures d’hydrogène, l’existence de pétrole à mille mètres de profondeur ayant la même origine que le bitume ; ce sont aussi les innombrables sources thermales dont certaines ont une température atteignant près de 50 degrés ; gaz et liquides, faisant issue par des failles, des fractures qui prennent leur origine à la surface des réservoirs où les roches sont en fusion.
Bien que la série de ces phénomènes indique la dernière phase de l’activité des volcans, il ne s’en suit pas que ces derniers ne puiseront pas une nouvelle énergie, une nouvelle vitalité, sous l’influence de mouvements du sol et de la chute de voussoirs dans le bain fondu. Or, ces mouvements existent et existeront tant que l’écorce terrestre pourra se contracter, se plisser en certains points et, par contre-coup s’effondrer en d’autres points, et peser de tout son poids sur le magma en fusion de la profondeur.
Si l’Aubrac et le Cantal semblent tombés dans la décrépitude définitive, et si le Mont-Dore en approche, il n’en est pas ainsi de la région des Puys et de la Limagne où nous constatons la série des phénomènes dont je viens de parler.
En un mot, sans vouloir jeter en aucune façon l’alarme dans les esprits, j’estime qu’il n’est pas impossible que, dans un avenir lointain, très lointain sans doute, l’activité volcanique ne se réveille en Auvergne. C’est tout ce que nous pouvons dire. Il est probable que nos arrière-petits-fils ne verront pas fumer les volcans dans nos plaines fertiles ni sur les cimes de nos montagnes.
Je souhaite que la puissance de séduction que dégage ces antiques régions volcaniques de l’Auvergne, régions si bouleversées, soumises à de si nombreuses vicissitudes : tour à tour montagnes de feu, puis montagnes couvertes de glace, et aujourd’hui si belles dans leur tranquille sérénité, laisse aux milliers de savants et de touristes, qui les visitent chaque année, un souvenir durable et plein de charme[1].
γ1 granite. — ζγ1 gneiss. — p′ρ, cinérite inférieure acide. — ρ<up/m, coulées de rhyolite et de perlite. — φm, filons et coulées de phonolite et de basalte inférieurs. — αm, coulée d’andésite inférieure. λm, coulée de labradorite inférieure. Cet ensemble est d’âge miocène supérieur. Les autres venues éruptives sont pliocènes. p0 τ1, cinérites supérieures. τ1, Trachytes et rhyolites supérieures. βm, basaltes miocènes. β0, basaltes compacts. β p, basaltes porphyroïdes. α3, andésites. β1-α, basaltes demi-deuil. φ1, phonolites supérieurs, p1.g, conglomérat ponceux. — β1b, basaltes limburgitiques.
- ↑ Les figures qui illustrent cette brochure sont empruntées à l’ouvrage : Ph. Glangeaud, les Régions volcaniques du Puy-de-Dôme (Bull. des services de la Carte géologique de la France, no 123). Plusieurs nous ont été gracieusement prêtées par le Syndicat d’Initiative d’Auvergne, de Clermont et par le Syndicat d’Initiative du Cantal. La figure qui orne la couverture est due à M. Eusébis.