Les Vivants et les Morts/Vous emplissez ma vie

Les Vivants et les MortsArthème Fayard et Cie (p. 108-109).


VOUS EMPLISSEZ MA VIE


Nous ne serons jamais une seule momie

Sous l’antique désert et les palmiers heureux…

Mallarmé.

Vous emplissez ma vie et vous êtes ailleurs,
Votre esprit loin du mien voit se lever l’aurore ;
Vous êtes tout mêlé au monde extérieur,
Quand je ne l’entends plus, votre voix parle encore.

Mon cœur à votre cœur toujours communicant,
Se représente avec un dévorant délice
Le pain qui vous nourrit, l’eau vous désaltérant,
L’air que vous respirez, et qui seul m’est propice.

Mon cœur toujours tendu et prolongé vers vous
Ressemble par l’effort à ces rades marines
Qui jettent sur les flots un bras triste et jaloux
Vers les dansants vaisseaux qu’entraînent les ondines.


— Tu vis, et c’est cela ton radieux péché !
Je le sens bien, ta vie est la cible éclatante
Que vise mon angoisse avide et haletante ;
Je rêve d’un désert où ton doux front, penché,
Souffrirait avec moi la soif et la famine…
— Ô mon cher diamant, je suis la sombre mine
Qui souhaite garder ton noble éclat caché !

Est-ce donc pour mourir que je t’ai recherché ?