Les Vivants et les Morts/À Mistral

Les Vivants et les MortsArthème Fayard et Cie (p. 300-301).


À MISTRAL


Ô Mistral, la Mireille antique,
— Chloé qui dansait dans le thym —
Suspend sa flûte bucolique
Au vert laurier de ton jardin !

Elle s’approche et te contemple ;
Et, dans le vent rapide et pur,
C’est toi la colonne du temple,
C’est toi l’olivier sur l’azur !

Tu étincelles dans l’espace
Par tes airs de pâtre et de roi ;
Ton cœur enveloppe ta race
Et ton pays descend de toi !

Sous le soleil et les étoiles
Tu tiens ta lyre au son hautain,
Comme un vaisseau gonfle sa voile
Et bondit sur les flots latins !


Le vent bleu, sur la pierre blanche,
De ses beaux bras audacieux
Trempés dans le parfum des branches,
Étale ton nom sous les cieux !

La musique glissante ou vive
Baigne et soulève tes pipeaux
Comme un fleuve franchit sa rive
Et s’étend parmi les roseaux…

— Ainsi nous recherchions l’Histoire,
L’Hellade avec ses temples roux,
Quand c’est toi, la Nef, la Victoire,
Et le Grec béni de chez nous !

Et Chloé, fille de Sicile,
Retrouve en toi le sol natal ;
Son miroir, sa lampe d’argile,
Elle les consacre à Mistral,

Heureuse, après un si long somme,
De voir, dans l’azur et le vent,
Que Daphnis, le plus beau des hommes,
A pris l’éclat d’un dieu vivant…