Les Vieilleries lyon/Les Romans chez nous

LES ROMANS CHEZ NOUS

Lyon est Lyon. Tant pis ou tant mieux, ceux qui sont nés chez nous, y ont vécu longtemps, ont contracté un certain pli. Ils pensent d’une certaine manière, prononcent les mots d’une certaine manière, emploient de préférence certaines locutions, en dépit parfois de toute leur envie de faire les Parisiens. Encore bien que la facilité merveilleuse des communications, le moule uniforme de l’éducation moderne tendent à &ire de plus en plus de toute la France une monotone et fatigante répétition d’elle-même sur tous les points de son territoire, tout n’a pas encore disparu. Même après les percements de la rue Impériale et de la rue de l’Impératrice, il existe encore quelque chose de lyonnais, il existe quelques Lyonnais,

      Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là.

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armes ! » les soldats sortant en désordre, s’alignant en hâte ; le « genou terre ! » de l’officier ; les tambours battant aux champs, tout cela est encore pour nous la résurrection d’un « bout » du Lyon qui bientôt sera ancien.

Je ne note qu’une inexactitude : le petit Chose marchait devant le dais, dit-il, agitant une crécelle. M. Daudet a fait confusion. La crécelle est des pays du Midi. Chez nous on a toujours use de la clochette.

C’est que c’est très amusant d’être dergeon ; le fourniment de petit ecclésiastique, renfermé dans la petite armoire : la soutane noire avec une longue queue ; l’aube, le surptis à grandes manches roides d’empois ; les bas de soie noire ; les deux calottes, l’une en drap, l’autre en velours, et les rabats bordés de petites perles blanches !… Hélas, plus d’une vocation ecclésiastique ne s’est peut-être pas décidée autrement que par ces impressions d’enfance !

Ce fut un triste jour pour le petit Chose, que celui où il fallut quitter la manécanterie pour le collège, où il avait obtenu une bourse d’externe, et où sa blouse quadrillée le faisait considérer comme un « gone » par les autres fils de bourgeois. — « Gone ! » L’auteur a décidément passé son enfance à Lyon.

M. Daudet n’a, dans son livre, peint de Lyon que large comme la main, mais ce petit fragment est vu. Cela suffisait pour lui faire trouver place dans notre cadre. Ce serait en sortir que de parler du reste de l’histoire, pour agréablement

qu’elle soit dite, et finement.

Mme Stella Blandy est un romancier familier des revues parisiennes. Son premier roman, fort court, intitulé la Dernière chanson, est une charmante idylle, où sont représentés fidèlement les paysages doux et un peu tristes du Mâconnais, et des amours rustiques, tristes et doux comme eux.

Revanche de femme parut ensuite. Mme Blandy, qui venait demeurer chaque année deux mois de la belle saison dans une « campagne » aux Massues, fut tentée de placer chez nous le sujet d’un roman. Les scènes principales se passent à Sainte-Foy.

L’auteur a voulu faire figurer dans son ouvrage plusieurs types lyonnais. C’était difficile. Il y a des types que l’on rencontre à Lyon, non ailleurs ; mais, pour les pénétrer et les juger, il faut avoir vécu sa vie avec les personnages. Ceux que Mme Blandy a voulu retracer, non sans quelque intention épigrammatique, ne sont pas plus Lyonnais que Parisiens ou Lillois. Dans leur pâle modelé à l’estompe, il manque de ces traits de crayon, fermes, creusés, qui accusent la physionomie. Il ne suffit pas de dire d’un négociant que « son unique pensée, c’est sa fabrique » ; d’un jeune homme, « qu’il sait toujours sacrifier le goût le plus vif à une occasion de mariage ; » et de Paris, « qu’avec de l’esprit, du savoir-faire et de la hardiesse, on parvient à y acquérir de la notoriété, et partant, une opposition, tandis qu’à Lyon c’est de la religion et un certain sérieux mi-pédant, mi-modeste, qu’il faut afficher, » il ne suffit pas de dire cela pour croire avoir peint Lyon et les Lyonnais. Outre que les propositions ne sont rien moins qu’absolument exactes, les types humains sont autrement compliqués et divers !

Notre auteur, d’après cet ouvrage, ne parait pas avoir été fort satisfait du Lyonnais, et on le croit sans peine. Pour apprécier ce qu’il peut valoir, il faut le pénétrer, pour ainsi dire. Mme Blandy va même jusqu’à montrer quelque étonnement de ce qu’elle croit être chez nous un excès de patriotisme local.

Lyon, dit-elle, est plein d’honnêtes gens, de gens instruits, intelligents même parfois, qui poussent jusqu’au culte, jusqu’à la dévotion, l’amour de leur vieille cité. D’autres villes sont plus illustres, plus pittoresques ou plus gaies que Lyon ; nulle n’est plus aimée. Ce n’est pas comme l’on aime généralement sa patrie que les indigènes des Terreaux, des Brotteaux ou de Perrache chérissent leur ville ; ils ont pour elle la faiblesse d’un amant pour sa maîtresse ; ils admirent tout d’elle, surtout ses imperfections…

Il n’est pas possible, j’imagine, de faire plus bel éloge de nous autres Lyonnais, en croyant faire une épigramme. J’en sais, en effet, des Lyonnais comme cela, et si vous connaissez Puitspelu, vous en connaissez au moins un !

En 1874, Mme Blandy publia Bénédicte Winiefçka, où Lyon et sa banlieue servent aussi de décor à l’action.

Ce livre, écrit avec une délicatesse féminine, a un mérite : il est chaste, il possède de l’influence moralisante des romans anglais. Je ne dirai pas que les portraits y soient d’un lyonnais bien marqué, ni même qu’ils soient bien profondément fouillés. Cependant, entre cet ouvrage et le précédent, l’auteur parait avoir pénétré un peu plus avant parmi nous. Je note même des observations caractéristiques ; Mme Blandy fait dire à l’un de ses personnages : « Nous sommes gens pratiques, gens d’affaires, c’est entendu ; mais qui ne voit que ces dehors ne nous connait pas bien. Ces qualités du terroir se combinent en nous avec une propension à l’enthousiasme… La plupart de ces commerçants-nés que l’on trouve à Lyon sont de pensée active et chaude sous les dehors que vous savez ; quelques-uns d’entre eux vont même jusqu’aux utopies… »

Et l’auteur ajoute « Pareille tendance se retrouve, mais amplifiée, dans les classes populaires, ce qui prouve surabondamment que cette alliance de l’idéalité et du réalisme journalier est bien le trait de la race… »

Le romancier ici a vu juste, très juste. Il paraît indiquer, du reste, que la lecture des Lettres et fragments d’un jeune Lyonnais, Joseph Pagnon, qui furent publiés en 1869 par un de ses amis, lui a ouvert quelques-uns de ces côtés intéricurs du caractère lyonnais, que la seule fréquentation des personnes pouvait difficilement faire deviner.

Tels sont, à ma connaissance, les principales compositions littéraires dont les auteurs ont placé les scènes à Lyon. C’est peu par le nombre. Mais si les fictions sont rares, combien abondantes seraient les réalités que l’on ne peut transporter ici. Que de romans, tristes le plus souvent, qui n’ont jamais été écrits ! Notre ville, dans son enveloppe de brouillards gris et glacés, a renfermé et renferme encore, si l’on ne me l’a pas changée, bien des cœurs ardents, passionnés, quoique l’on sache ici dissimuler, mieux qu’ailleurs, ce qui est au fond de soi. Le Lyonnais se livre peu. Mais lorsque, jeune, l’on a eu de chaudes amitiés, lorsqu’on a pu entrer un pen avant dans quelques âmes, on voit que l’infuence de la passion est aussi grande, plus profonde même que sous de plus brillants soleils. Ce n’est pas vainement qu’un jeune Lyonnais, mort à vingt- trois ans, écrivait : « Ah ! que Dieu doit être beau, puisque ce vase d’argile qu’il nous a donné, pour notre perte ou notre sanctification, a tant d’ineffable beauté[1]… » Seulement, tout réfléchi, je crois bien que ce n’est pas pour notre sanctification[2].

1872-1874.

  1. Joseph Pagnon, Lettres et fragments, 1869.
  2. Depuis que ces pages ont été écrites, il a paru quelques romans d’auteurs lyonnais. L’espace nous force à n’en citer que deux : Les Canuts, de MM. E. et J. Vingtrinier, peinture curieuse et très cherchée du Lyon de 1831-1834 ; et un Mariage lyonnais, de M. Coste-Labaume, spirituelle et vive étude de physionomies lyonnaises sous le second Empire.