Les Tremblements de terre/I/12

J.-B. Baillière et Fils (p. 202-248).


CHAPITRE XII


VITESSE DE PROPAGATION DES SECOUSSES
À TRAVERS LE SOL


En présence des nombres disparates fournis par l’observation directe des vitesses de propagation du mouvement dans les tremblements de terre, on a senti la nécessité de recourir à l’expérimentation pour déterminer d’une façon sûre la vitesse de translation des secousses dans des sols de nature diverse.

Parmi les personnes qui se sont occupées de la question, nous citerons particulièrement Pfaff, Mallet, Abbot et Milne.

Les expériences d’Abbot sont de beaucoup celles qui ont eu lieu sur la plus large échelle. Cette habile expérimentateur a eu en son pouvoir des moyens d’action dont on dispose rarement dans le monde savant. Pour en donner une idée, il nous suffira de dire que, chargé par le gouvernement des États-Unis de faire sauter les récifs qui encombraient l’entrée du port de New-York, il a pu utiliser, dans une expérience mémorable, l’explosion de 22 680 kilogrammes de dynamite.

Les observations de Pfaff sont le résultat d’expériences de laboratoire qui, par leur nature même, sont de bien moindre valeur que celles qui proviennent d’études faites sur le terrain. Elles ont pour base la formule établie jadis par Newton, laquelle donne la vitesse cherchée en fonction de la densité de la roche traversée par le mouvement vibratoire et de son coefficient d’élasticité (de compression).

Soit la vitesse en question,
la densité de la matière expérimentée,
son coefficient d’élasticité,
l’intensité de la pesanteur,
on a :

Les nombres obtenus par Pfaff pour la vitesse cherchée sont les suivants :

Dans le granite .  .  .  .  .  .  .  .   539m
Dans le calcaire  .  .  .  .  .  .  .   547
Dans les schistes  .  .  .  .  .  .   737

Des expériences de laboratoire analogues ont été faites, en 1881, par Milne et Gray au laboratoire de physique du Collège impérial de Tokio (Japon). Les expériences ont été exécutées avec des cylindres de roche de 0m,60 de longueur et de 0m,04 de diamètre que l’on soumettait à des expériences successives de tension et de torsion.

Les opérateurs ont pu, en partant de ces expériences, calculer la vitesse de propagation des vibrations longitudinales et des vibrations transversales. Le tableau qui suit représente les résultats obtenus.

Vitesse de propagation
du mouvement
longitudinal.
m
Vitesse de propagation
du mouvement
transversal.
m
Granite  .  .  .  .  .  .  .  . 3951,88 2191,42
Marbre  .  .  .  .  .  .  .  . 3812,50 2081,32
Tuf  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 2851,75 2091,38
Roche argileuse  .  .  . 3482,18 2541,56
Schiste ardoisier .  .  . 4512,78 2861,81

La comparaison des chiffres précédents montre que le rapport de la vitesse des vibrations longitudinales à celle des vibrations transversales, dans un même milieu, varie suivant la nature de la matière expérimentée. Il a été trouvé égal à 1,83 dans le marbre et à 1,36 dans le tuf. Ainsi, c’est dans les rochers les plus élastiques que la différence entre les deux vitesses en question est la plus grande.

Ce résultat expérimental contredit, dans une certaine mesure, la donnée théorique établie par Poisson, lequel avait établi qu’entre la vitesse de propagation des vibrations longitudinales et celle des vibrations transversales, il existait un rapport fixe représenté par . Cependant, si l’on tient compte de toutes les influences accidentelles qui modifient les conditions de l’expérience, le désaccord entre la théorie et les données de la pratique paraît beaucoup moins important.

R. Mallet, dont les travaux sur la question sont demeurés célèbres, a entrepris aussi des recherches de laboratoire pour obtenir la vitesse de propagation dans différents milieux. Dans une première série d’études, il a opéré sur des échantillons de diverses roches, taillés sous formes de cubes, et a déterminé leur compressibilité, ce qui lui a permis de fixer leur module d’élasticité et, par suite, la vitesse de propagation du mouvement dans un milieu composé de même matière[1].

Dans une seconde série, il a fixé la valeur de ce module en établissant la hauteur à laquelle une bille d’ivoire tombée d’une hauteur connue rebondissait après avoir frappé une roche soumise à l’expérience.

La bille tombant d’une hauteur de 1m,50 sur du schiste quartzeux rebondissait de 0m,70, tandis que, frappant la plaque de schiste micacé, elle ne remontait qu’à une hauteur de 0m,45. Ces observations l’ont conduit pour la propagation du mouvement dans le quartz schisteux à une vitesse d’environ 3600 mètres par seconde et dans le schiste micacé à une vitesse d’à peu près 3400 mètres.

Or des expériences faites sur le terrain par ce savant distingué, lui ayant appris, d’autre part, comme nous le verrons ci-après, que dans les mêmes roches en place les commotions se propageaient bien plus lentement à cause du défaut d’homogénéité du milieu parcouru, il est arrivé à cette conclusion que les 7/8 de la vitesse de propagation dans un solide compact se trouvaient perdus dans les conditions normales en raison de l’hétérogénéité et de la discontinuité des matières rocheuses telles que la nature les présente.

Ces conclusions de Mallet sur la discontinuité des roches étaient vraies en ce qui regarde les schistes. Elles ne le sont plus autant quand il s’agit du granite. Les ingénieurs qui se sont occupés de l’évaluation de la résistance des matériaux de construction admettent, comme expérimentalement démontré, que le module d’élasticité de l’acier étant représenté par 29, celui du granite est égal à 9. La vitesse de propagation des vibrations longitudinales dans l’acier étant de 5400 mètres par seconde, celle du même mouvement dans le granite est d’environ 3000 mètres, ce qui s’éloigne peu, comme nous le verrons plus loin, des données de l’observation.

Les expériences exécutées sur place par M. R. Mallet appartiennent à deux séries de recherches. La première a été effectuée, en 1849, sur la plage de Killeney (côte orientale de l’Irlande) et dans l’île Dalkey, située en face. Celles de Killeney ont eu pour but de déterminer la vitesse de propagation du mouvement dans le sable, celle de Dalkey ont été faites sur le granite[2].

Le sable de la plage de Killeney était essentiellement quartzeux, dépourvu de cohérence, envahi par la mer à marée haute et mouillé encore à 2m,50 à marée basse au moment des expériences. Chaque ébranlement était produit par l’explosion de 19kg,330 de poudre. Le lieu de l’observation était situé à 1/2 mille (792 mètres) du lieu de l’explosion. Le mouvement se transmettait à travers le sable le long de la plage. On constatait son arrivée au lieu d’observation au moyen d’un bain de mercure de 0m,30 de longueur, 0m,10 de largeur et 0m,05 de profondeur. L’apparition de rides à la surface du mercure était constatée au moyen d’un télescope doué d’un grossissement de 23 diamètres, incliné de 45° sur l’horizon et recevant la lumière d’une lampe placée en face. Le temps était apprécié au moyen d’un chronographe Wheatstone, permettant sa mesure à 0,02 de seconde près.

Huit expériences ont été faites dans ces conditions. Le temps employé par l’ébranlement pour se transmettre au mercure a été en moyenne de 3s,7312, dont il faut retrancher une correction importante de 0s,3197 due au temps nécessaire à l’allumage de la poudre. La différence de ces deux nombres est de 3s,4125, ce qui conduit à une vitesse de 248 mètres par seconde.

La série d’expériences entreprise sur le granite a été effectuée à l’aide du même dispositif. Dans chaque expérience, on employait 9kg,072 de poudre. La matière explosive était enfoncée dans des trous de mine de 3m,60 de profondeur et de 0m,087 de diamètre.

Le tableau suivant représente les données de l’expérience et les vitesses qui en ont été déduites :

Distances du lieu
de l’explosion
au séismoscope.
m
Temps employés
à la transmission
du mouvement.
s
Vitesses
déduites.
m
Granite
fendillé.
342 0,93 367 Moyenne, 371.
337 0,86 392
312 0,87 359
311 0,87 357
349 0,93 375
321 0,85 377
Granite
compact.
306 0,62 493 Moyenne, 473.
313 0,73 429
324 0,65 498

Dans ces expériences sur le granite, la correction faite par M. R. Mallet pour le temps perdu par l’allumage de la poudre a varié de 0s,23 à 0s,26 ; elle a donc été un peu moindre que la correction analogue faite pour les expériences exécutées sur le sable[3].

La seconde série de recherches opérées sur place par le savant ingénieur a eu pour objet l’étude de la vitesse de propagation du mouvement dans des micaschistes plus ou moins quartzeux. Elle a été faite, de 1856 à 1861, à Holyhead, dans l’île d’Anglesey. On était alors en train d’exploiter de grandes carrières dans cette localité, afin d’établir près de là un port de refuge. L’escarpement vertical produit dans le micaschiste par l’exploitation avait alors environ 45 mètres de haut. Les bancs alternants de quartz et de micaschiste sont dirigés N. 24° E. ; ils plongent au N.-O. sous un angle de 25° par rapport à l’horizon.

Le bain de mercure servant de séismoscope était installé à Pen y Brin, lieu situé à un mille environ de la tranche des carrières. Les instruments employés pour l’observation étaient les mêmes que dans les expériences de Killeney. Cependant des perfectionnements de détail avaient été apportés au dispositif adopté. Par suite, la correction relative à l’allumage de la poudre, de 0s,320, qu’elle était primitivement, se trouvait réduite à 0s,056. En revanche, Mallet tenait compte d’une correction à 0s,014 due à la perte de temps produite par défaut d’instantanéité des contacts électriques, et enfin d’une troisième correction de 0s,065 due à l’inertie du mercure.

Deux autres corrections auraient encore dû être faites, l’une due au temps employé pour le transport de l’électricité dans les fils conducteurs, l’autre provenant de l’erreur personnelle, attribuable aux observateurs chargés d’enregistrer mécaniquement le moment de l’explosion et l’instant de l’arrivée du mouvement au séismoscope. Mais Mallet les a considérées l’une et l’autre, après quelques essais, comme également négligeables.

Le tableau suivant représente les données fondamentales de ces expériences et les vitesses qui en ont été déduites :

Distance du lieu
de l’explosion
au séismoscope.
m
Charges
de poudre
employées.
kg
Vitesses déduites
(toutes corrections
faites).
m
1984 1,341 336 Vitesse moyenne,
368 mètres.
1943 1,179 338
*1952 2,222 405
*1535 5.443 418
1593 1,996 344

Dans cette série d’expériences, les foyers d’explosion étaient disposés le long de l’escarpement des carrières suivant une ligne faisant un angle de 73°30′ avec celle qui réunissait le lieu d’observation avec le point d’explosion le plus rapproché. De cette situation résultait que dans les expériences successives la ligne suivant laquelle avait lieu la transmission la plus directe du mouvement au séismoscope était variable et les couches traversées n’étaient pas exactement les mêmes. Dans les deux expériences marquées d’un astérique sur le tableau précédent, les bancs traversés étaient beaucoup plus quartzeux que dans les autres. C’est ce qui explique pourquoi elles ont conduit à des vitesses plus grandes. On voit ainsi que dans les micaschistes proprement dits, la moyenne a été de 339 mètres, tandis qu’elle a atteint 406m,50 dans la zone plus riche en quartz.

On voit encore d’après les nombres qui figurent sur le tableau ci-dessus que la vitesse augmente avec la charge employée.

Le général Abbot, chargé par le gouvernement des États-Unis de faire sauter les rochers de Hallet’s Point à l’entrée du port de New-York (fig. 26) a utilisé les énormes explosions qu’il a produites pour déterminer la vitesse de propagation des mouvements dans le granit. Son procédé expérimental diffère peu de celui de Mallet. Il s’agit toujours d’un bain de mercure ébranlé par le mouvement provenant d’une explosion et transmis par le sol. La matière explosive est généralement la dynamite, quelquefois la poudre. L’inflammation est déterminée par la décharge d’une forte batterie. Comme dans les expériences de Mallet, l’enregistrement de l’instant d’arrivée de la secousse se fait à la main ; mais les corrections à faire par suite de l’erreur personnelle des observateurs sont de peu d’importance à cause de la distance notable qui sépare le lieu d’explosion et le point d’observation. L’inflammation des matières explosives peut d’ailleurs être considérée comme presque instantanée.

Les stations d’observation choisies étaient au nombre de quatre ; une d’entre elles se trouvait sur la terre ferme


Fig. 26. — Explosion des rochers de Hallet’s Point.
près du bord sud de l’East River ; les trois autres avaient été prises dans l’île de Long-Island.

L’observation des mouvements du mercure se faisait à l’aide de deux télescopes, l’un A ayant un grossissement de 6 diamètres, l’autre B possédant un grossissement de 12 diamètres. Le premier de ces instruments ne permettait pas d’apercevoir les premières vibrations produites, que l’on distinguait au contraire très bien avec le télescope B : c’est pourquoi avec celui-ci on a trouvé des vitesses beaucoup plus grandes qu’avec l’autre. Dans la célèbre opération du 24 septembre 1876, on a fait partir d’un seul coup, au moyen d’un circuit électrique unique, 38 trous de mine contenant ensemble 50 000 livres (22 680 kilogrammes) de dynamite. Le tableau qui suit résume les données diverses de ces expériences et les résultats qu’elles ont fournis :

DATE
de l’expérience


CHARGE
employée

kg
distance
du lieu
d’explosion
au point
d’observation
m
téle-
scope
employé


heure de
l’arrivée
des
secous-
ses1
s
fin du
phéno-
mène

s
vitesses


m
18 août 1876 90,718 dynam. 8 046 B 5,0 » 1609
24 septembre 1876 22 680,00 ― 8 260 A 7,0 63,0 1180
13 403 B 5,3 72,3 2530
16 813 A 10,9 23,5 1378
20 541 B 12,7 19,0 1618
10 octobre 1876 31,750 poudre 2 180 A 5,8 instant 378
6 septembre 1876 181,130 dynam. 1 880 A 1,8 7,8 1015
B 0,7 17,8 2686
12 septembre 1877 90,718 ― 2 115 A 1,05 8,8 2051
B 0,8 17,1 2660
12 septembre 1877 31,750 poudre 2 115 A 1,3 4,8 1694
B 0,8 15,1 2564
1 Le temps est compté à partir de l’origine de l’explosion.

Si l’on néglige toutes les expériences faites avec le télescope A considéré comme trop peu sensible, il reste six expériences qui donnent pour la moyenne des vitesses observées dans le granite le nombre de 2270 mètres par seconde.

La vitesse diminue avec la distance parcourue, comme cela ressort du tableau résumé ci-après :

kg m Vitesse.
90,718  à ................. 2 115 2660
――    à ................. 8 046 1009
22 680,000  à ................. 13 403 2530
――    à ................. 20 541 1618

La vitesse augmente avec la charge, comme le montrent les quatre expériences du 12 septembre 1877.

La comparaison du résultat de l’expérience du 10 octobre 1876 avec l’avant-dernière des expériences du 12 septembre 1877 accuse une différence entre les vitesses observées dans les deux cas, qui paraît au premier abord très singulière. En effet, dans les deux expériences la charge a été la même et les distances du lieu de l’explosion au lieu d’observation sont à peu près identiques. Le même télescope a servi dans les deux cas à constater l’apparition de rides à la surface du mercure.

La différence des vitesses observées tient à ce que, dans l’expérience du 12 septembre 1877, la poudre était enfoncée dans un trou de mine de 1m,80 de profondeur, recouverte par une masse d’eau épaisse de 9 mètres, tandis que dans celle du 10 octobre 1876 la masse d’eau recouvrant la mine était profonde seulement de 4 mètres. Dans le premier cas la masse d’eau n’a été soulevée par l’explosion qu’à une très médiocre hauteur ; dans celui-ci au contraire, elle a été projetée en gerbe à plus de 100 mètres de hauteur ; l’ébranlement communiqué au sol a perdu par ce fait une grande partie de son intensité et la vitesse de propagation du mouvement a par suite considérablement diminué[4].

Après la publication des recherches exécutées par le général Abbot en 1876, R. Mallet, qui à cette époque était aveugle et presque mourant, lut avec un vif intérêt le détail des expériences faites à Hallet’s Point. Il crut devoir alors adresser plusieurs critiques au travail effectué. L’année suivante, Abbot répondit à ces critiques et, pour les lever complètement, exécuta des expériences nouvelles. Parmi les objections faites par Mallet, une seule nous paraît rester debout, c’est celle qui est relative à la multiplicité des chemins qu’a pu suivre l’onde séismique entre le lieu de l’explosion et le lieu d’observation. C’est ainsi, par exemple, que dans l’une des expériences d’Abbot où le lieu d’observation se trouvait situé à Wilet’s Point sur les bords de l’East River, le mouvement pouvait être transporté soit entièrement par les rochers du sous-sol, soit par les assises détritiques superficielles, soit par la masse d’eau qui sépare Hallet’s Point de Wilet’s Point. De même dans les autres expériences où le lieu d’observation se trouvait dans Long-Island, on se demande pourquoi le mouvement se serait transmis par le sol dans cette île longue et étroite plutôt que par la mer qui la bordait de chaque côté. On voit donc que l’on est en droit de poser la question du milieu dans lequel la propagation du mouvement s’est faite et où l’on a déterminé la vitesse de ce mouvement. Il est à remarquer du reste que les mêmes objections peuvent être faites aux expériences de Mallet lui-même. Dans les expériences faites à Killiney, par exemple, sur la plage de sable qui bordait le rivage, on peut se demander si le mouvement s’est propagé par le sable sec de la surface, par le sable mouillé plus profond, par les schistes métamorphiques recouverts par le dépôt littoral ou bien par l’eau de la mer contiguë.

Bref, dans toutes ces expériences, le milieu traversé est incertain et la conclusion pratique qui découle de ces remarques, c’est que, dans les expériences de ce genre, il faut éviter de se placer au contact de milieux différents et en particulier s’écarter autant que possible des nappes d’eau.

On doit à Milne une suite nombreuse d’expériences faites à Tokio, dont quelques-unes ont eu pour but principal de déterminer la vitesse de propagation des mouvements dans le sol. On sait que ce savant distingue dans le mouvement transmis par le sol et provenant d’un choc souterrain trois composantes : l’une verticale, l’autre dirigée suivant une ligne qui joint l’épicentre au lieu d’observation et appelée par lui composante normale ; enfin, une troisième, horizontale, comme la précédente, mais de direction perpendiculaire à celle-ci, et à laquelle il donne le nom de composante transversale.

Il résulte de ces expériences : 1o que les trois composantes se propagent avec des vitesses inégales ; 2o que celle qui marche le plus vite est la composante verticale ; vient ensuite la composante normale ; et enfin on constate que le mouvement de la composante transversale est sensiblement le plus lent.

Les expériences de Milne ont été singulièrement favorisées par ce fait qu’il opérait sur un milieu désagrégé dans lequel les mouvements se transmettaient avec une grande lenteur. Mais, d’autre part, il reconnaît lui-même que le défaut de sensibilité de ses appareils enregistreurs et la faiblesse des moyens d’ébranlement dont il disposait ôtaient à ces expériences une partie de leur précision. Le sol sur lequel elles se sont faites se compose d’une couche de sable, de limon et de gravier ayant 25 mètres d’épaisseur et reposant sur des tufs volcaniques.

Dans une première série d’expériences faites en collaboration avec Thomas Gray, l’ébranlement était produit par la chute d’un marteau-mouton pesant 775 kilogrammes, tombant d’une hauteur de 10m,50.

Les expérimentateurs ont trouvé que la vitesse de propagation de la composante verticale était de 192 mètres, celle du mouvement normal de 134 mètres par seconde et celle du mouvement transversal de 109 mètres.

Dans une autre série d’expériences (3e série de Milne), l’ébranlement était produit par l’explosion de 0kg,906 de dynamite enfoncée dans un trou de 1m,80. Dans toutes ces expériences, le mouvement était recueilli au moyen de séismographes enregistreurs disposés sur une même ligne droite passant par le lieu de l’explosion. Les stations d’observation, également écartées les unes des autres, étaient reliées avec le lieu de l’explosion par une communication électrique. En chaque station, l’appareil enregistreur principal était un séismographe à charnière (bracket-séismographe) au-dessous duquel un mouvement mécanique communiqué en temps convenable faisait circuler, avec une vitesse connue, un papier enduit de noir de fumée. Le courant électrique produisant l’explosion se trouvait marqué par un trait sur le papier enfumé, et peu après le mouvement transmis était enregistré par le séismographe. Les vitesses trouvées pour le mouvement normal sont comprises entre 81 et 90 mètres par seconde, celle du mouvement transversal a été trouvée seulement de 54 mètres.

Une autre série d’épreuves (4e série de Milne) a été faite sur un terrain de même nature, mais situé à un niveau plus haut et, par conséquent, moins humide. L’ébranlement était encore engendré par des explosions de dynamite enfoncée dans des trous profonds de 2m,50 à 3 mètres. Trois stations A, B, C, étaient distantes l’une de l’autre de 46 mètres ; la plus rapprochée du lieu de l’explosion était la station A. Trois expériences ont été faites ; le tableau ci-dessous en donne les résultats. La première colonne indique les distances de A au centre explosif, la seconde énonce les charges de dynamite employées et les suivantes les vitesses trouvées pour la propagation des mouvements entre A et B, puis entre B et C.

DISTANCE
DE A
AU LIEU
DE
L’EXPLOSION
CHARGE
DE
DYNAMITE
VITESSES
DU
MOUVEMENT
VERTICAL
DE A à B
VITESSES
DU MOUVEMENT
NORMAL
VITESSES
DU MOUVEMENT
TRANSVERSAL
DE
A à B
DE
B à C
DE
A à B
DE
B à C
m
30,50
26,90
19,50
kg
1,359
1,359
1,132
m
136,67
173,81
211,90
m
108,80
108,80
108,80
m
101,56
123,52
82,96
m
78,69
72,50
58,86
m
80,21
82,96
68,32
Moyenne..........  174,13 108,80 102,48 69,84 77,16

Les nombres contenus dans ce tableau sont plus petits que ceux qui résultaient de la première série d’expériences, ce qui tient, sans doute, à ce que, dans ce dernier cas, les opérations se faisaient sur un terrain plus sec et conduisant encore moins bien les vibrations que le terrain des premières opérations.

Enfin Milne a fait une série d’expériences (5e série) sur un terrain moins humide encore que dans le cas précédent, en agissant avec des charges variées de dynamite et en trois stations A, B et C, distantes l’une de l’autre de 61 mètres. Des circonstances accidentelles ont rendu cette série d’épreuves moins profitable que les précédentes. Les vitesses des composantes normales n’ont pu être sûrement observées. Quant aux mouvements verticaux, dans quatre expériences leur vitesse a pu être appréciée. La distance du point A à la source de l’explosion a varié de 33 à 18 mètres, et la charge de dynamite employée de 1kg,120 à 0kg,566. La vitesse moyenne de la composante verticale entre A et B a été trouvée seulement de 106m,14, et entre B et C de 64m,96, ce qui vient à l’appui de ce qui a été dit ci-dessus relativement à l’influence de la sécheresse du terrain.

Milne conclut encore de ces résultats expérimentaux que la vitesse de propagation diminue avec la vitesse au centre explosif et qu’elle augmente avec la charge de dynamite employée.

Les expériences que j’ai entreprises en collaboration avec M. Michel Lévy sur la vitesse de propagation des mouvements dans le sol peuvent être divisées en deux séries :

Dans la première, notre mode d’opération est le même qui avait déjà été mis en pratique par Mallet et par Abbot. Le séismoscope est un bain de mercure et l’enregistrement de l’arrivée du mouvement se fait à la main.

Dans la seconde, l’enregistrement est automatique ; l’erreur personnelle est évitée. De plus, nous avons opéré dans l’intérieur d’une mine et observé, par conséquent, la transmission du mouvement dans des conditions ayant plus d’analogie avec celles qui sont réalisées dans un tremblement de terre. Nous avons pu ainsi au moins atténuer le reproche que Hayden avait adressé à nos premières expériences, ainsi qu’à celles de Milne. Pour faire comprendre la gravité de ce reproche (qui aurait dû être également adressé aux expériences de Mallet et Abbot), nous croyons devoir le reproduire ici textuellement :

« Les mesures expérimentales, dit Hayden, qui ont été faites pour la mesure de la vitesse de propagation du mouvement dans les roches me semblent inapplicables. L’élasticité de la partie superficielle du sol ne peut être comparée à celle des roches profondes qui transmettent les grandes vagues d’un tremblement de terre, pas plus qu’on ne peut comparer l’élasticité d’un amas de limaille de fer à celle d’une masse indéfinie d’acier compacte. La différence est aussi grande que la distance du ciel à la terre (toto cœlo). »



Fig. 27. — Coupe de l’appareil (page 225).

Il y a évidemment une grande exagération dans ce jugement. On sait, en effet, que les foyers des tremblements de terre sont en général situés à une très médiocre profondeur, et les expériences de notre seconde série d’étude semblent indiquer, comme on le verra ci-après, que les mouvements transmis par le sol sont modifiés par le voisinage de la surface, plutôt dans leur allure que dans leur vitesse de propagation.

Nos premiers essais ont été opérés à l’aide de l’appareil nadiral combiné avec l’emploi du téléphone et de l’enregistreur à plume électrique de M. Marey. Un faisceau lumineux projette l’image d’un réticule sur un bain de mercure qui la renvoie à l’œil de l’observateur. Les moindres rides de la surface du mercure amènent le déplacement de l’image du réticule. L’objectif de notre appareil avait une distance focale de 1m,20. On était averti du moment du choc à l’aide d’un téléphone et les enregistrements se faisaient à la main au moyen d’un commutateur électrique.

Nous avons opéré au Creuzot en utilisant le choc du marteau-pilon de cent tonnes ; les vibrations se propageaient dans les grès permiens ; elles ont pu être observées jusqu’à 1050 mètres de distance. Des expériences analogues ont été faites sur la terrasse de Meudon avec un marteau-mouton de 600 kilogrammes, tombant de 8 mètres et installé au bas de l’Orangerie ; les vibrations se transmettaient dans les sables appartenant à l’étage de Fontainebleau et ont été observées jusqu’à une distance de 500 mètres.

Les résultats acquis sont les suivants : l’appareil est très sensible ; non seulement on est averti de l’arrivée des vibrations, mais on en constate les caractères. On voit notamment les très petites vibrations, qui précèdent l’arrivée du premier choc important. Dans la propagation à la surface du sol, le premier maximum n’est pas unique et est suivi de plusieurs autres, qui vont en décroissant. On constate ainsi qu’un seul choc initial produit à distance une série de vibrations qui durent pendant plusieurs secondes.

La vitesse moyenne constatée dans les grès permiens du Creuzot a été d’environ 1200 mètres ; dans les sables supérieurs du bassin tertiaire de Paris, elle est tout au plus égale à celle du son dans l’air (340 mètres).

Mais ces premières expériences étaient affectées d’une cause d’erreur personnelle considérable : quelque effort que l’on fasse, l’œil et l’oreille sont surpris par l’arrivée du mouvement et du son ; la main est infidèle et enregistre irrégulièrement. Nous avons dès lors senti la nécessité d’une inscription automatique du phénomène, qui puisse en donner une image exacte et éliminer les diverses causes d’erreur.

La photographie seule pouvait nous en fournir le moyen. Il s’agissait donc de mettre, à la place de l’œil, une plaque sensible, entraînée dans un mouvement régulier ; nous avons confié à la maison Breguet la construction d’un appareil basé sur ce principe (fig. 28).

La lumière est fournie par une petite lampe à incandescence s, modèle Trouvé. Le filament de charbon est rectiligne, vertical et très rapproché d’un diaphragme placé en avant du globe de la lampe. Cette disposition a pour but d’éviter autant que possible la production de pénombre. Les faisceaux lumineux, dont l’axe fait environ 25 degrés avec l’horizontale, tombent sur une lentille L (diamètre, 12 centimètres ; distance focale, 60  centimètres). Le centre de cette lentille est situé à 1m,20 du filament lumineux et on concentre les rayons sur un bain de mercure M, contenu dans un vase cylindrique en fer (diamètre, 16 centimètres ; hauteur, 35 millimètres ; poids du mercure, 8 kilogrammes). La distance du centre de la lentille au centre du bain est de 15 centimètres. L’image réfléchie vient se former sur une plaque sensible P, à 1m,05 du centre du bain de mercure.

Pour la mise au point, la lampe est portée sur une pièce articulée qui glisse le long d’un support vertical en fer. On peut donner exactement à cette pièce articulée l’inclinaison convenable, puis à l’aide d’une vis de rappel, faire avancer ou reculer la lampe. C’est donc en agissant sur la position du point lumineux, sans modifier celle de la plaque sensible que l’on assure la mise au point définitive (fig. 27).

La plaque sensible est contenue dans une chambre noire et portée par un disque circulaire D, armé d’un axe horizontal a. La chambre noire est très aplatie d’avant en arrière, de telle sorte que la plaque sensible est à fleur d’un petit orifice circulaire, excentré sur la verticale passant par le centre du disque.

De cette disposition résulte que, lorsque le faisceau lumineux vient former son image sur la plaque sensible à travers cet orifice, cette image trace un cercle sur la plaque en mouvement. Ce cercle a une épaisseur et une intensité constantes aussi longtemps que le bain de mercure est immobile, il s’élargit et la lumière s’étale dans le cas contraire ; en même temps la partie centrale, fortement impressionnée, se rétrécit et se garnit d’une large pénombre (fig. 29 et 30).



Fig. 28. — Appareil pour la mesure des vitesses de propagation du mouvement
à travers le sol.

L’orifice de la chambre noire est fermé par deux volets juxtaposés, l’un au-dessus de l’autre, dans un même plan vertical.

Un électro-aimant (système Hughes) déclenche le volet inférieur qui démasque l’orifice ; en même temps un petit mouvement d’horlogerie, muni d’un régulateur r à ailettes, entre en jeu et fait tomber le volet supérieur au bout d’un temps déterminé, de manière à masquer de nouveau l’orifice.

Ainsi le jeu successif des deux volets ne permet à l’image lumineuse d’impressionner la plaque sensible que pendant un temps donné, inférieur à la durée d’une rotation totale.

L’axe de rotation du disque traverse le fond de la chambre noire, et il est actionné par un puissant mouvement d’horlogerie permettant d’obtenir à volonté un tour en 5 secondes ou en 10 secondes.

Un embrayage avec frein fait fonctionner à volonté l’appareil d’horlogerie ou l’arrête.

La marche a été contrôlée au moyen de contacts électriques combinés avec un enregistreur Marey vérifié au diapason. L’erreur maxima pour la rotation de 5 secondes est de 83 cent millièmes par seconde ; pour la rotation de 10 secondes, elle est de 13 cent millièmes.

L’introduction et la sortie de la plaque sensible présentaient de graves difficultés, eu égard à la mobilité du disque et à la nécessité de ne découvrir la plaque très sensible qu’après son insertion dans la chambre noire. Le châssis est métallique et le volet E, qui le ferme, se retire complètement au moment de l’expérience.

Pour introduire le châssis dans les guides portés par le disque tournant, on commence par amener celui-ci dans une position fixe, déterminée par un cran d’arrêt. Puis on ouvre la paroi supérieure de la chambre noire, on introduit le châssis qui se fixe spontanément à l’aide d’un ressort. On rabat la partie supérieure de la chambre noire ; elle est munie d’une fente étroite garnie de drap, par laquelle on relève à frottement le volet du châssis, qui reste suspendu au moyen d’un taquet.

Une fois l’opération terminée, et le disque fixé de nouveau au cran d’arrêt, on abaisse le volet du châssis qui se trouve exactement en face de ses rainures. Une vis, dont la tête dépasse la chambre noire, fixe le volet sur le châssis et permet d’enlever le tout après ouverture de la chambre noire.

Pour juger de la position de l’image et la mettre au point, on introduit un châssis spécial muni d’un verre dépoli et percé à sa partie postérieure d’un trou circulaire correspondant à l’orifice de la chambre noire. Celle-ci présente également à sa partie postérieure un trou correspondant fermé par un volet mobile. On a soin de faire tomber l’image sur un trait vertical gravé sur le verre dépoli passant par le centre du disque.

La chambre noire porte sur sa face antérieure, à gauche, un petit pertuis latéral, dans lequel s’engage un petit tube en ébonite fermé à une extrémité et ouvert du côté de la plaque sensible. Ce tube est traversé par deux conducteurs en aluminium et contient une petite lentille à court foyer qui projette sur la plaque sensible l’image de l’étincelle électrique jaillissant entre les deux conducteurs (fig. 27 et 28).

Nous avons fait une double série d’expériences : l’une, en utilisant le marteau-pilon de 100 tonnes du Creuzot ; l’autre, en nous servant d’explosifs.



Fig. 29. — Figure schématique donnant une idée des perturbations apportées
par des chocs dans le tracé de l’image.

Dans la seconde série d’expériences, seulement, notre appareil était muni du tube en ébonite que nous avons précédemment décrit.

Première série d’expériences avec emploi de marteau-pilon et sans étincelle. — Dans les essais faits au Creuzot avec le marteau-pilon, le déclenchement du volet de l’appareil était déterminé par un courant électrique dont le circuit se fermait au moment du choc. Un séismographe à pendule, de l’invention de M. Gautard, chef électricien au Creuzot, était fixé sur l’un des montants du marteau-pilon et entrait en oscillation sous l’action du choc ; c’est le début de cette oscillation qui provoquait l’établissement du courant.



Fig. 30. — Figure schématique donnant une idée des perturbations apportées
par un choc dans le tracé de l’image.

Le faisceau lumineux ne tombait pas, au moment même du choc, sur la plaque sensible ; diverses causes d’erreur contribuaient à ce fait : d’abord le pendule n’entre pas instantanément en mouvement, il met un temps appréciable à lancer le courant ; le déclanchement du volet et sa chute, jusqu’au moment où il découvre le faisceau lumineux, durent également un temps appréciable.

Ces diverses causes de retard dans le point d’origine du tracé lumineux sont en partie compensés par l’inertie du mercure, qui met un certain temps à se rider et retarde par conséquent le moment où le phénomène du mouvement vient imprimer sa trace.

Nous avons cherché à évaluer la différence de ces causes d’erreur qui agissent en sens opposé sur l’arc de cercle à mesurer.

s
Déclanchement du pendule[5] 0,243
Mouvement du pendule avant l’établissement du courant  0.043
Déclanchement du volet 0,020
Demi-chute du volet 0,024

Somme    0,348
Inertie du mercure, minimum[6] 0,039

Retard total, différence 0,301

Le chiffre élevé de ce total nous a induits à n’utiliser nos expériences du Creuzot que par différence. Dans ces conditions, il nous a suffi de supposer que les erreurs restent constantes, hypothèse qui s’est trouvée justifiée par l’accord des nombreuses observations faites en une même station.

Expériences faites au Creuzot (fig. 31). — 1o Hangar à 225 mètres du marteau-pilon de 100 tonnes (Maison Pittavy).

Aucune mesure de vitesse n’est possible, les causes de retard dépassant légèrement le temps, que les premières vibrations mettent à parcourir 225 mètres.

La durée totale des vibrations atteint cinq secondes. Le maximum d’effet paraît très voisin de l’origine des vibrations, comme le montre la photographie.

2o Maison Barba, à 490 mètres.

Six expériences ont été faites dans cette station. Le temps compris entre le moment où le faisceau lumineux tombe sur la plaque sensible et celui où s’y impriment les premières vibrations sensibles a été trouvé :

s
Dans la première expérience, égal à    0,10
Dans la deuxième expérience 0,11
Dans la troisième expérience 0,12
Dans la quatrième expérience 0,10
Dans la cinquième expérience 0,10
Dans la sixième expérience 0,10

Moyenne    0,105

C’est cette valeur qui, comparée à la valeur analogue provenant des expériences faites au polygone plus éloigné, nous a conduits à une valeur numérique de la vitesse de propagation des premières vibrations.

Des plaques, impressionnées à la maison Barba, montrent le détail des maxima successifs.



Fig. 31. — Plan de la région du Creuzot où ont été faites les expériences de transmission des vibrations du sol produites par la chute du marteau-pilon de cent tonnes.
À PARTIR DU COMMENCEMENT
DU CERCLE
TRACÉ PAR LA LUMIÈRE
(chute du volet).
DES VIBRATIONS
SENSIBLES
Expérience
no 5
Expérience
no 5
Expérience
no 5
Expérience
no 5

Premières vibrations sensibles 
1er maximum
2e maximum
3e maximum
4e maximum
s
0,10
0,25
0,70
1,00
1,90
s
0,10
0,25
0,80
1,05
»
s
»
0,15
0,60
0,90
1,80
s
»
0,15
0,70
0,95
»

Les observations à l’œil dans l’appareil nadiral confirment les données précédentes et montrent le passage très net de quatre à cinq maxima, dont le premier est le plus marqué.

3o Polygone à 1050 mètres.

Ici le phénomène se marque plus faiblement, et l’ébranlement général du sol fait que les petites vibrations du début sont moins sûrement déterminées. C’est donc une valeur minima de la vitesse à laquelle on est conduit. À partir du commencement du cercle tracé par la lumière (chute du volet).

s
Première expérience.......................... 0,55
Deuxième expérience.......................... 0,60
Troisième expérience......................... 0,55
Quatrième expérience......................... 0,60
Cinquième expérience......................... 0,60

Moyenne.................. 0,58

Entre le polygone et la maison Barba, il existe une différence de distance de 1050 — 490 = 560 mètres. Les premières vibrations parcourent donc cet espace en 0s,580 — 0s,105 = 0s,475. D’où résulte, une vitesse moyenne de 1180 mètres dans les grès permiens.

Les plaques sensibilisées indiquent que les vibrations durent au moins 10 secondes au polygone ; les maxima successifs s’atténuent et s’égalisent en une série de vibrations générales du sol.

Deuxième série d’expériences avec emploi d’explosifs et d’étincelle. — Dans les expériences suivantes, l’ébranlement a été produit par des explosifs, dynamite ou poudre de mine. Les moyens restreints dont nous disposons ne nous ont pas permis d’employer plus de 15 kilogrammes de dynamite par expérience, et nous avons constaté que, dans ces conditions, les vibrations ne s’enregistrent pas dans notre appareil au delà de 400 mètres.

Encore est-il nécessaire que l’explosif soit disposé dans un trou percé dans la roche vive. Les trous que nous avons utilisés présentaient une profondeur de 80 centimètres. Pour la poudre, nous avons employé le bourrage ordinaire ; pour la dynamite, il suffisait de la couvrir d’eau.

Le défaut de sensibilité a été racheté par l’extrême précision du dispositif nouveau que nous avons adopté ; nous ne nous préoccupons plus du moment précis de la chute du volet que nous faisons tomber quelques centièmes de seconde avant l’explosion.

Celle-ci est déterminée par la décharge d’une bouteille de Leyde faisant partie de l’appareil électrique Bornhard, et cette décharge est envoyée dans un circuit unique interrompu pour le passage de l’étincelle et pour l’inflammation des amorces.

Le bouton qui détermine la décharge de l’appareil Bornhard s’enfonce en deux temps. Il appuie d’abord sur un contact établissant le courant qui fait déclancher le volet. Puis, poussé à fond, il fait partir le coup explosif, en même temps que l’étincelle qui s’imprime sur la plaque sensible.

Dans chaque station, une fois les différents appareils disposés dans une situation déterminée, nous avons procédé à une explosion de quelques étoupilles à très petite distance. La comparaison de la plaque ainsi obtenue avec les plaques correspondant aux autres expériences permet d’éliminer par différence toutes les causes d’erreur, surtout quand les intensités des diverses vibrations recueillies sont comparables.

Expériences faites à Montvicq, près de Commentry (fig. 32). — Le bain de mercure a été installé dans la cave d’une maison[7] des environs de Montvicq, située en plein granite à grands cristaux, dit porphyroïde. La cuve à mercure était posée sur un plateau en fer surmontant un pieu de même métal d’environ 1 mètre enfoncé dans le granite. Pour assurer l’union intime du sol avec ces différents éléments, on avait coulé du ciment à prise rapide.

Deux expériences ont été faites en faisant éclater deux



Fig. 32. — Plan des environs de Montvicq, où ont été faites les expériences de transmission des vibrations du sol produites par l’explosion de dynamite.
cartouches de 100 grammes de dynamite dans un puits en fonçage distant de 21 mètres de l’appareil. Ces expériences ont eu pour but, non de mesurer la vitesse de propagation des vibrations, mais leurs allures à petite distance.

Elles auraient pu être utilisées comme point de départ pour les différences ; mais on a préféré se servir à ce point de vue de l’ébranlement produit par trois étoupilles éclatant à 4m,50 du bain de mercure.

1er essai. — Explosion de 200 grammes de dynamite à 21 mètres.

s
Commencement des vibrations   0,01
Maximum 0,05
Fin du phénomène 0,59

2o essai. — Trois étoupilles à 4m,50.

Durée totale du phénomène qui commence par les
vibrations maxima.................................
0s,35

3e essai. — 4 kilogrammes de dynamite no 2 à 150 mètres.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,06 2450
Milieu du 1er maximum (se confond avec
le commencement du 2e).
Milieu du 2e maximum 0,285 526
Commencement du 3e maximum 0,555 270
Milieu du 3e maximum 0,645 232
Commencement du 4e maximum 0,765 196
Fin du 4e maximum 1,385 108

4e essai. — 10 kilogrammes de dynamite no 2 à 350 mètres.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations     0,111 3141
1er maximum 0,311 1125

Commencement du 2e maximum 0,641 543
Milieu du 2e maximum 0,761 459
Commencement du 3e maximum 1,201 291
Fin du phénomène 1,601 219

Ainsi, comme dans les grès permiens du Creuzot, un seul ébranlement produit un cheminement superficiel de plusieurs ondes distinctes, à partir d’une distance comprise entre 21 et 150 mètres.

On remarquera que les résultats du 4e essai indiquent une vitesse plus considérable que ceux du 3e, comme si la vitesse des premières vibrations sensibles allait en augmentant avec la charge, conformément aux observations d’Abbot. Mais, si sensible que soit l’appareil, les données n’atteignent pas plus d’un centième de seconde de précision, et dès lors l’essai no 3 n’est pas suffisant pour permettre de poser cette conclusion. L’essai no 4 est plus satisfaisant à tous les points de vue.

Expériences faites à Commentry dans les grès houillers compacts (fig. 32 et 33). — À Commentry, nous avons utilisé les galeries de mine pour étudier la propagation des vibrations en dehors de l’influence immédiate de la surface.

Nous avons fait deux séries d’expériences ; dans l’une, l’appareil enregistreur était installé à la surface du sol, à 15 mètres environ de l’orifice du puits ; les explosions étaient produites dans l’intérieur de la mine à des distances directes variant de 145 à 383 mètres.

Dans l’autre série, l’appareil était installé lui-même dans une galerie de la mine et l’explosion se faisait dans une autre galerie.

Les grès houillers sont des arkoses composées de grains de quartz et de feldspath assez grossiers, fortement cimentés par un ciment siliceux, avec intercalations très rares de quelques bancs schisteux.

Première série. — 1er essai. — Appareil en dehors du puits ; explosion dans la mine avec 3 kilogrammes de dynamite à 158 mètres de distance directe.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,07 2260
Maximum 0,15 1026
Fin des vibrations sensibles 0,30 513
Coup par l’air sortant du puits 0,74 »

Le chemin complexe suivi par l’air est d’environ 221 mètres, correspondant à une vitesse de 300 mètres.

2e essai. — À même distance, 158 mètres, avec 4 kilogrammes de poudre de mine et 100 grammes de dynamite.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,07 2200
Maximum 0,15 1026
Fin des vibrations sensibles 0,33 466
Coup par l’air 0,75 294

3e essai. — 4 kilogrammes de dynamite à 200 mètres.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,09 2200
Maximum 0,17 1164
Fin des vibrations sensibles 0,45 440
Coup par l’air 0,97 »

La longueur du chemin parcouru par l’air est d’environ 292 mètres ; la vitesse, de 301 mètres.

4e essai. — 243 mètres ; 4 kilogrammes de dynamite.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,11 2173
Coup par l’air 0,14 »

Chemin parcouru par l’air, 334 mètres ; vitesse approximative, 302 mètres dans l’air.

5e essai. — 383 mètres ; 8 kilogrammes de dynamite.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,15 2526
Maximum 0,21 1805
Fin du phénomène 0,31 1222

Si l’on compare les résultats avec ceux qui ont été obtenus à la surface du sol dans le granite, à des distances peu différentes, on est frappé de la dissemblance des phénomènes.

Les vibrations ne se prolongent pas lorsqu’elles ne cheminent pas à la surface du sol, et l’on observe un seul maximum.

Les explosions préliminaires d’étoupilles ont eu lieu à 4 mètres et la durée des vibrations enregistrées a varié (3 étoupilles) de 0s,38 à (4 étoupilles) 0s,41.

Seconde série. — L’appareil était installé dans une galerie à 226m,38 de profondeur ; l’explosion a été produite dans une autre galerie, à 145 mètres de distance directe et à une profondeur de 142m,79. On a employé 4 kilogrammes de poudre de mine (fig. 32 et 33).

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,07 2000
1er Maximum 0,15 933
Fin des vibrations 0,30 466
Coup par l’air 0,94 295

Distance approximative parcourue dans l’air, 277 mètres ; vitesse, 295 mètres.

Quatre étoupilles enflammées à 5 mètres ont produit des vibrations ayant duré 0s,50.

Expériences faites à Saligny, dans la mine de manganèse des Gouttes-Paulmier (Allier). — Contrairement à nos prévisions, nous avons constaté que les vibrations se transmettent très difficilement dans le marbre cambrien compact des environs de Saint-Léon.

Au voisinage de la mine de manganèse des Gouttes-Paulmier, une galerie d’écoulement coupe transversalement la bande de marbre sur plus de 100 mètres de longueur. Notre appareil a été installé au fond de cette galerie ; les explosions ont été faites à la surface du sol à des distances variées.

Nos premières expériences faites au delà de 200 mètres, même avec 15 kilogrammes de dynamite, ont été infructueuses. D’ailleurs, le défaut de transmission des mouvements du sol était accusé par ce fait que ni les coups de masse ni les étoupilles éclatant à quelques mètres du bain de mercure ne l’agitaient sensiblement. Il n’y a donc pas lieu d’être étonné de la faible vitesse observée, bien qu’elle ne cadre pas avec les expériences connues de laboratoire sur l’élasticité du marbre.

En l’absence d’une expérience réussie avec des étoupilles, nous avons dû nous contenter de comparer deux essais faits, l’un à 55 mètres et l’autre à 115 mètres. Eu égard à la sensibilité de notre appareil, les vitesses sont exactes à environ un dixième près.

1er essai à 55 mètres avec 8 kilogrammes de dynamite no 1. Cheminement à peu près parallèle aux strates redressées.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 2,087 632
Milieu du 1er maximum 0,252 218
Commencement du 2e maximum 0,492 112
Milieu du 2e maximum 0,692 91
Fin des vibrations sensibles 1,312 42

2e essai à 115 mètres avec 6 kilogrammes de dynamite no 1. Cheminement à peu près parallèle aux strates redressées.

s Vitesses.
m
Commencement des vibrations 0,182 632
Milieu du 1er maximum 0,392 294
Commencement du 2e maximum 0,642 179
Milieu du 2e maximum 0,792 145
Fin des vibrations sensibles 1,812 63

Des expériences ci-dessus, il résulte qu’une distance de a été parcourue en 0s,095, ce qui donne une vitesse de 632 mètres par seconde pour les premières vibrations sensibles.

En résumé, ces expériences semblent indiquer que la propagation des vibrations ne se fait pas de la même façon à la surface du sol, que lorsqu’on évite le cheminement superficiel. Dans le premier cas, il y a, pour un ébranlement unique, une série de maxima successifs, et le phénomène se prolonge longtemps. Dans le second cas, il n’y a qu’un maximum observable et les vibrations s’éteignent rapidement.

En un mot, les photographies obtenues à distance dans une mine ressemblent à celles que donnent à la surface du sol les ébranlements voisins de la cuve à mercure.



Fig. 33. ― Plan et coupe des galeries de mines de Commentry
qui ont servi à l’étude de la propagation des vibrations.
dehors de l’influence immédiate de la surface.

Les différentes formations géologiques donnent des vitesses très variables : à ce point de vue, il peut être intéressant de rapprocher les principales vitesses que nous avons déterminées.

Vitesses.
Dans le granite, de 2450m à 3141m
Dans les grès houillers compacts, de 2000 à 2526
Dans les grès permiens moins agglutinés 1190
Dans le marbre cambrien 632
Enfin, dans les sables de Fontainebleau, environ 300

Dans le cours de nos expériences à Commentry, nous avons déterminé rigoureusement le retard dû à l’inertie du mercure. Pour cela, nous avons recueilli l’image de la fente lumineuse sur une plaque sensible en laissant l’appareil immobile, et en même temps nous avons fait passer l’étincelle de l’appareil Bornhard et obtenu également son image.

Nous avons ainsi déterminé exactement l’arc de cercle compris entre la position de l’image de l’étincelle et celle du point du tracé circulaire qui correspondrait à l’arrivée de la secousse, si elle n’éprouvait aucun retard.

Puis, dans une seconde expérience, nous avons recueilli l’image produite par une commotion produite au contact de l’appareil, la plaque sensible étant soumise comme d’habitude à un mouvement de rotation de vitesse connue. L’arc de cercle compris entre la position de l’image de l’étincelle et celle du trouble causé par la commotion est un peu plus court que le précédent, à cause du retard apporté par l’inertie du mercure. La différence des deux mesures donne la valeur de cette inertie, que nous avons trouvée égale à 0,07 de seconde. Cette valeur est notablement plus grande que celle que nous avions trouvée comme minimum au Creuzot et sensiblement égale à celle qui avait été obtenue par Mallet avec un vase à mercure dont la forme et la contenance différaient de celles du vase que nous avons employé.

Récemment, M. Noguès a publié dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences (t. CVI, p. 1110) le résumé d’expériences faites sur le même sujet à l’aide d’un dispositif analogue à celui de Mallet et d’Abbot. Il a obtenu les résultats suivants :

1o Dans les trachytes porphyroïdes du cap de Gates (province d’Almeria Espagne) :

Vitesses.
En direction des filons métallifères 1500m
Normalement 1500 à 1450m

2o Dans les granites de la sierra de Santa Elena et de Linares (province de Jaen) :

En direction des filons de galène 1480 à 1500
Normalement 1400 à 1450

3o Dans les calcaires compacts triasiques de la sierra Alhamilla et Gador (province d’Almeria) :

En direction des filons ou parallèlement aux couches. 1400m
Normalement 1200

4o Dans les schistes anciens de la sierra Alhamilla et de Santa Elena :

En direction des filons 800
Normalement 750 à 700

M. Noguès conclut avec raison que la vitesse de transmission des ébranlements souterrains ne varie pas seulement avec la nature de la roche, mais qu’elle dépend de plusieurs facteurs dont quelques-uns sont fort difficiles à déterminer.

Il ajoute que l’on ne saurait appliquer les nombres trouvés par l’expérience sur des roches données, au calcul de la vitesse des ondes séismiques dans les tremblements de terre, quand ceux-ci se produisent en dehors des régions où les expériences ont été faites.

  1. Les cubes employés avaient 18 millimètres de côté. Les matières expérimentées ont été le quartz et le schiste micacé de Holyhead (Anglesey). (R. Mallet, Phil. Transc., 1862, p. 663.)
  2. Report of British Assoc., 1851.
  3. Phil. Trans., Soc. Roy. de Londres, 1861, p. 655.
  4. Essayons Club of the Corps of Engineers ; National Acad. of sciences (23 décembre 1877) ; American Journal of sciences, t. XV. p. 178.
  5. Cette cause d’erreur, de beaucoup la plus importante, ressort de nos expériences à la maison Pittavy. Elle est mise en évidence par le seul fait que les photographies obtenues dans cette station montrent le mouvement commencé avant la chute du volet.

    Les autres causes d’erreur ont été déterminés directement avec l’enregistreur Marey.

  6. On trouvera plus loin les détails de nos expériences sur l’inertie du mercure.
  7. Maison de la veuve Lafanchère (voir le plan ci-joint, fig. 32).