Les Torpilles offensives

LES TORPILLES OFFENSIVES

La question des torpilles offre une importance capitale ; elle préoccupe très-sérieusement les marines des pays civilisés, et s’impose tout à la fois aux études d’un grand nombre de savants : mécaniciens, physiciens et chimistes. La torpille en effet apporte d’étonnantes complications à la science déjà si complexe du combat naval.

Nous avons raconté ailleurs[1] les débuts de la torpille depuis sa création par deux Américains, Bushnell et Fulton, jusqu’à sa réapparition lors des guerres de Crimée et d’Italie, et le rôle important qu’elle a rempli dans la guerre de sécession, aux États-Unis.

Nous ne connaissions alors que la torpille défensive, celle que l’on place dans les rivières, les entrées de port, et que le choc ou l’électricité enflamme. Ce genre de torpilles, dites dormantes, a fait depuis de considérables progrès ; on peut même affirmer que si ces engins n’ont pas atteint la perfection, ils sont bien près d’offrir aux eaux qu’ils auront à défendre une sécurité absolue, quelque ingénieux que se montre l’agresseur à les découvrir. Le talent dépensé dans cette voie par toutes les marines devait amener ce résultat. Mais ce que l’on n’osait prévoir au début, c’est le rôle offensif de la torpille rendue mobile, qu’elle soit conduite sur l’ennemi par des hommes de la trempe des brulôtiers grecs Canaris et Pépinis, ou des torpédistes américains Davidson et Cushing, ou que la redoutable machine soit remorquée par des bâtiments spéciaux sur le théâtre d’un combat naval (système Harvey), ou enfin que, douée d’une force propre, elle aille frapper un navire désigné à ses coups (systèmes Whitehead-Luppis, Lay, Ericsson, etc.) C’est pourtant sous ces trois formes qu’elle se présente aujourd’hui aux méditations des tacticiens et des ingénieurs, dont l’œuvre, depuis un demi-siècle, recommence sans cesse avant même d’être achevée.

Le Spuyten-Duyvil, bateau torpille américain.

La première marine qui ait fait l’expérience des torpilles, nous l’avons dit, est la marine des États-Unis. Après les avoir employées pour la défense de leurs rivières, pendant leur guerre de sécession, les Américains en vinrent peu à peu à imiter les Chinois et imaginèrent des machines qui, abandonnées au courant des fleuves, allaient éclater contre les flancs des navires qu’ils voulaient détruire. Mais ce peuple ingénieux et hardi ne devait pas en rester à ces essais, si satisfaisants qu’ils fussent.

En 1863, alors que la flotte fédérale bloquait Charleston, il y avait dans ce port un petit bateau dont il faut parler, car il est l’ancêtre des torpilles mobiles. Construit pour les travaux sous-marins, son mécanisme était des moins compliqués ; il consistait en un simple engrenage qui, mû à la main, faisait, évoluer une hélice. Submergé il recevait l’air par le moyen assez élémentaire d’un long tuyau maintenu à la surface de l’eau par un flotteur. Un officier rebelle, dont le nom nous échappe, l’ayant vu, songea aussitôt à l’utiliser pour aller la nuit fixer une torpille sous les flancs de l’un des navires qui cernaient le port.

Dans ce but, il plaça un de ces engins à l’avant du petit bateau et se dirigea droit sur le navire-amiral, qui était l’Hoosatonic ; il l’atteignit, fixa sa torpille et s’éloigna… Un montent après, l’arrière de l’Hoosatonic sautait, et le bâtiment tout entier s’abîmait dans les flots ! Le torpedo-boat était créé.

L’exemple donné devant Charleston ne fut pas perdu. Les Américains commencèrent à construire des petits canots sur le modèle de celui qui avait si bien frappé le navire fédéral, avec cette différence, qu’ils n’étaient pas sous-marins et qu’ils étaient pourvus d’une machine à vapeur.

À l’avant, un espar d’une vingtaine de pieds s’avançait. Un mécanisme très-simple permettait de manœuvrer cette lance, à l’extrémité de laquelle était la torpille. Celle-ci consistait en un vase de cuivre ayant la forme d’une bouteille de champagne, rempli d’une poudre puissante, et dont le ventre était pourvu de cinq détonateurs. La tête de l’espar s’enfilait dans le col de la bouteille, où celle-ci était, retenue par une clavette.

Le mécanisme qui faisait mouvoir la lance permettait de l’incliner sous l’eau dans la mesure nécessaire pour atteindre le navire au point que l’on supposait le plus vulnérable.

Le premier essai de ce genre de bateau eut lieu dans la nuit du 9 avril 1864 contre le Minnesota, navire amiral fédéral, mouillé à Hampton-Roads, devant Newport-News. Le canot employé dans cette affaire se nommait le Squib et avait été confié au fameux capitaine Davidson. Aidé de deux hommes, celui-ci descendit la rivière dans le Squib et s’approcha d’abord de l’Atalanta ; mais ce bâtiment étant près du rivage, et d’ailleurs environné d’embarcations, les torpilleurs se dirigèrent sur le navire le plus voisin, qui se trouvait être le Roanoke ; malheureusement ce dernier n’était guère plus accessible que le premier, occupé, qu’il était à faire son charbon, et par conséquent presque entièrement entouré de chalands.

Le Squib fut hélé ; Davidson répondit qu’il venait du fort Monroë et qu’il apportait des dépêches pour l’amiral ; bénévolement on lui indiqua alors le lieu où était mouillé le navire de cet officier.

La lune brillait au ciel, çà et là cependant, obscurcie par quelques nuages, ce qui ne permettait pas au Squib de se diriger aussi bien que le désirait son audacieux équipage. Avant d’atteindre le Minnesota, Davidson fut donc interpellé plus d’une fois par les navires près desquels il dut passer. Il leur fit la réponse qu’avait déjà reçue le Roanoke, et continua sa course ; mais en approchant du Minnesota les qui vive ! devinrent plus impérieux, et ordre fut donné de délivrer ses dépêches au tender, qui était en arrière.

Davidson comprit que le moment était venu d’agir. Lançant donc son canot, il contourna le navire de façon à l’atteindre sur tribord.

L’officier de quart, croyant à une faute de manœuvre, réprima vertement le commandant du canot ; mais celui-ci ne tenant aucun compte de l’observation dont sa gaucherie simulée était l’objet, l’officier comprit enfin le péril qui le menaçait et donna aussitôt le signal d’alarme. « C’est le canot-torpille Squib des confédérés ! » lui cria Davidson. Au même moment, le Squib frappait le Minnesota à 8 pieds au-dessous de sa ligne d’eau, tout près de l’hélice.

Le choc fut si violent que l’arbre de l’hélice fut projeté hors du centre, quatorze canons de la batterie furent démontés, et plusieurs matelots jetés hors de leurs hamacs. Le Squib, cause de ce désordre était lui-même dans une situation difficile : le choc ayant fait sortir de leurs paliers les tourillons de son unique cylindre, il se trouvait dans l’impossibilité de s’éloigner. Quelques matelots et marines du navire fédéral, revenus de leur surprise, lui tirèrent plusieurs coups de carabine et quelques coups de canon de bordée ; mais le Squib était trop près de la frégate pour être atteint. Enfin son mécanicien, qui avait conservé toute sa présence d’esprit, ayant remis les tourillons à leur place, la machine reprit son mouvement et le canot, favorisé par l’obscurité, rentra dans la rivière, sous une pluie de projectiles dont aucun ne le toucha.

Les confédérés ne furent pas seuls à faire usage des canots-torpilles. M. Wood, professeur de machines à l’École navale d’Annapolis, inventa un bout-dehors et un obus-torpille qui, pendant la guerre, fut appliqué à quelques canots d’avant-poste. Ce bout-dehors diffère de l’espar des confédérés en ce qu’il est creux ; il contient intérieurement un plus petit bout-dehors ou tige. Le tout est avancé ou abaissé au moyen d’un mécanisme. C’est avec un bateau de ce genre que le lieutenant Cushing, de la marine fédérale, entreprit l’expédition qui l’a rendu célèbre.

C’était en 1864. Les navires fédéraux étaient sur le Roanoke, devant Plymouth. Deux fois l’Albemarle ; monitor confédéré, avait paru au milieu d’eux, et chaque fois leur avait fait les avaries les plus graves. « Las de le combattre sans résultats avantageux, dit le secrétaire de la marine dans son report de 1864, le commandant des forces navales dut se préoccuper d’en avoir raison par des moyens autres que les moyens ordinaires, et choisit dans cette intention le lieutenant W. B. Cushing. On mit à sa disposition un des canots destinés au service d’avant-garde, sur lequel on plaça une torpille Wood d’une puissance extraordinaire. Le lieutenant Cushing reçut l’ordre de faire ses préparatifs, et l’exécution suivit de près, aussi brillante que rapide. Avec quatorze officiers et matelots qui s’offrirent pour le seconder, il remonta le Roanoke jusqu’à Plymouth dans la nuit du 27 octobre, attaqua le bélier amarré à quai, défendu par son équipage et par un détachement de soldats postés à terre, et le coula. »

« Le lieutenant Cushing revint seul avec un de ses hommes, ajoute le Report ; tout le reste fut tué. Mais le succès de cette audacieuse entreprise faisait tomber la plus solide défense de Plymouth. »

Ce type de bateau-torpille (picket-boat) a survécu à la guerre de sécession. Il n’y a pas aujourd’hui une seule marine qui n’en ait un plus ou moins grand nombre dans ses arsenaux.

Ou doit aux fédéraux un autre modèle de bateau-torpille : le Spuyten-Duyvil. Il a 74 pieds de long et jauge 130 tonneaux. Il est muni de compartiments dans lesquels on peut introduire de l’eau jusqu’à le couler à la hauteur de la ligne du pont. Ce pont, qui dans ce cas est la seule partie du navire qui émerge, est doublé de plaques de fer. Au milieu se trouve la guérite du pilote ; elle est également cuirassée. Le système de torpilles adopté pour ce type de bateaux est celui dont M. Wood est l’inventeur ; il est manœuvré de l’intérieur par un mécanisme puissant : une cloison s’abaisse et l’espar armé de sa torpille va frapper l’ennemi sous sa ligne de flottaison et sans qu’une goutte d’eau puisse entrer dans le navire agresseur[2].

La guerre de sécession ayant pris fin au moment de son lancement, le Spuyten-Duyvil n’a servi jusqu’à présent qu’à faire sauter, avec un succès dont notre dessin représente fidèlement les effets, les barrages que les Américains avaient établis sur quelques-unes de leurs rivières.

Le Spuyten-Duyvil détruisant des obstructions sous-marines.

Son infériorité par rapport aux picket-boats est, à notre sens, d’être plus visible, et par suite moins propre à un coup de main. Celui que l’amiral Porter fait construire en ce moment à Brooklyn, dans le plus grand mystère et sur des plans semblables, ne nous paraît pas mieux conçu, au moins au point de vue de l’invisibilité. Il est néanmoins supérieur à son aîné sur ce point qu’il « est muni, dit le New-York Times, d’un éperon long de 40 pieds à l’extrémité duquel fonctionne une machine qui, sous l’action de l’électricité, pourra envoyer de petites torpilles contre l’ennemi. » Mais les essais donneront-ils gain de cause à son auteur ?…

Nous le répétons, s’il est possible de trouver dans une escadre un certain nombre d’hommes décidés et capables de manœuvrer ce genre de bateaux (picket-boats, plus ou moins vastes), un navire bien gardé aura toujours des chances nombreuses d’échapper à leur contact ; et leur action ne saurait être effective que dans des circonstances particulières et assez rares.

La même critique peut être adressée à l’invention de M. Harvey, qui, elle aussi, malgré l’engouement dont elle est encore l’objet de la part de quelques marins, ne saurait avoir, dans les rencontres navales un effet décisif. Voici en quoi elle consiste :

Manœuvre de la torpille Harvey.

Étant donné un navire de guerre, ce navire, allant au combat, remorque de chaque bord une torpille amarrée à un câble filé à 100 mètres de l’arrière ; une bouée soutenant la torpille la maintient à une profondeur telle que la caisse immergée ne puisse pas passer sous la quille du navire qu’elle est destinée à heurter. Mais pour qu’elle frappe en plein dans la carène, la caisse contenant la matière explosible et la bouée doivent avoir une forme allongée, effilée, de manière à diminuer la résistance à la marche dans l’eau. Cette caisse est munie d’un appendice fixe, qui, maintenu sous une inclinaison déterminée, fait l’office de gouvernail ; l’appareil tout entier s’écarte ainsi du navire qui le remorque, jusqu’à faire un angle de 45 degrés environ. La figure formée par le bâtiment agresseur et les deux torpilles remorquées est celle d’un V renversé (Ʌ), ouvert de 90 degrés.

Lorsque la torpille est convenablement disposée, on enlève la clavette de sûreté, qui neutralise le mécanisme percutant, et il suffit, dans cette situation, d’un léger choc sur le bras du levier supérieur pour déterminer l’explosion. Les expériences ont constaté que si la torpille rencontre le bâtiment ennemi ou glisse le long de ses flancs, un des deux leviers dont elle est pourvue fonctionnera invariablement ; de ce côté les résultats sont certains. L’appareil est également maniable à bord. Son infériorité provient des manœuvres spéciales et tout à fait extraordinaires imposées au navire torpilleur. Ainsi l’explosion ayant lieu au contact, ce bâtiment doit courir sur l’ennemi et le ranger de façon que l’une des torpilles vienne heurter la carène. Quoi qu’en dise M. Harvey, dans ses Instructions, cette opération est assez difficile pour qu’en beaucoup de cas elle devienne un obstacle insurmontable au succès. Il est logique de penser d’ailleurs qu’un cuirassé muni d’une forte artillerie, bien servie, ne la laissera pas s’exécuter aussi tranquillement que le suppose M. Harvey. Sa torpille ne nous paraît donc ne devoir exercer sur l’ennemi qu’un effet moral. Il est vrai que cet effet peut jouer dans une lutte, et sur un officier manquant de coup d’œil, de décision, de sang-froid, un rôle capital.

Les tentatives faites dans ces derniers temps pour doter la torpille d’une force motrice indépendante auront sans contredit sur les futurs engagements maritimes, si elles aboutissent (ce qui nous semble certain), une action beaucoup plus marquée. Pour ce motif, et bien qu’elle ne soit pas encore l’idéal, la torpille Whitehead-Luppis mérite l’attention des hommes qui dirigent en ce moment leurs études sur la question qui nous occupe.

Son invention est due à M. Luppis, officier de la marine autrichienne, et à M. Whitehead, ingénieur d’une manufacture de Fiume. Le gouvernement anglais, après que l’Autriche l’eut essayée pendant plusieurs années, en paya le secret 250 000 francs, avec promesse de verser une seconde somme de 125 000 s’il était reconnu qu’il fut possible de le rendre pratique. M. {{{2}}} exhiba sa machine devant quelques officiers anglais, en 1870, dans la Medway. C’était un vase en fer, en forme de cigare, d’environ 4m,25 de long et mû au moyen d’une hélice et d’une machine à air comprimé. Un gouvernail automatique dirigeait l’appareil, et son immersion était réglée par un système de valves.

Le bâtiment destiné à lancer la torpille Whitehead porte à l’avant, dans la direction de la quille, un tube spécial fixe sous la flottaison. Au moyen de l’air comprimé, on lance le projectile-torpille, dont le moteur entre en action au sortir du tube et communique sa vitesse à la torpille. Cette vitesse a été, dans la Medway, d’environ 4 mètres 10 par seconde ; il faudrait donc à la torpille 66 secondes pour franchir les 270 mètres qui constituent sa portée estimée.

Comme on le voit, la torpille Whitehead est, pour ainsi dire, un éperon prolongé, et allant frapper le navire ennemi sur un point où l’artillerie a de nombreuses chances de rester inefficace. Le seul inconvénient qu’on lui reconnaisse est celui-ci :

Au moment du lancement, il est nécessaire que la vitesse du bâtiment qui projette la torpille soit inférieure à celle qu’on peut imprimer au projectile. Il convient donc, à cet instant, de modérer la marche du navire, jusqu’à ce qu’elle soit d’un nœud (1 875 mètres) ou d’un nœud et demi inférieur à celle de la torpille. Cette précaution est de toute nécessité pour éviter les causes d’accidents. Elle représente aussi une obligation que les marins signalent comme un embarras des plus graves. On entrevoit facilement, en effet, les conséquences auxquelles peut entraîner une diminution aussi notable de la vitesse normale. On comprend tout le danger qu’il y a, pour l’agresseur, à ralentir sa marche au moment même où il s’approche de l’ennemi et s’expose à ses coups. D’autre part, la torpille n’étant plus fixée à l’avant du bâtiment, mais au contraire lancée comme un projectile vers un but mobile, l’incertitude du résultat, qui est le choc, augmente rapidement avec la distance du bâtiment à atteindre. Enfin pour lancer sa torpille à propos, l’agresseur doit, tenir compte de la direction du bâtiment qu’il attaque, apprécier sa vitesse et manœuvrer ensuite pour présenter son avant sous un angle de tir difficile à préciser avec des données aussi problématiques.

Il peut arriver néanmoins que des circonstances se prêtent à une bonne manœuvre de la torpille, ainsi qu’il arriva lors de l’expérience faite dans la Medway, par l’Oberon sur l’Eagle, qui fut atteint avec un plein succès à une distance de 118 mètres. La torpille Whitehead devient alors une arme contre laquelle aucun navire ne saurait lutter. Mais ces conditions de réussite se reproduiront-elles deux fois ?…

Pour donner une plus grande certitude à l’action de la torpille Whitehead, en Angleterre (et, croyons-nous, en France) on s’efforce de remédier aux défauts qui ont donné lieu aux critiques que nous venons de reproduire, tandis qu’en Russie, en Allemagne, en Italie, en Autriche, aux États-Unis, on recherche, avec des engins de formes diverses, une utilisation absolument pratique de l’air comprimé. Les Américains, dont les chantiers ont cessé, depuis leur guerre de sécession, de construire des navires de guerre, montrent, en revanche, dans cette voie nouvelle l’activité qui est le trait le plus saillant de leur physionomie nationale. Le constructeur du Spuyten-Duyvil, M. Lay, a fait agréer du gouvernement un bateau-torpille automobile dont les expériences n’ont pas encore donné les résultats que son inventeur en espérait. Il y a, pensons-nous, plus de fond à faire sur la torpille mobile sous-marine que son compatriote M. le capitaine John Ericsson se propose d’expérimenter prochainement. Les obstacles qu’il prétend surmonter sont nombreux et de plus d’un genre, mais il a dans le succès une foi si profonde, qu’on ne peut se défendre de la partager. M. John Ericsson s’est acquis d’ailleurs, dans le monde scientifique et marin, une place exceptionnelle. C’est lui qui, concurremment avec l’Anglais Smith, a rendu pratique l’usage de l’hélice. Son propulseur est le premier qu’aient employé la France et les États-Unis. Lors de la guerre de sécession, il a imaginé le type Monitor, adopté depuis par toutes les marines. Enfin dans ces derniers temps, il a puissamment contribué, avec le capitaine Coles, à imposer les tourelles tournantes aux grands cuirassés.

Tel est le degré de perfection atteint par les torpilleurs à l’heure où nous écrivons. Si leur science a fait, depuis une dizaine d’années, d’immenses progrès et dans la forme des engins, dans la composition des substances qui les chargent, et enfin dans les moyens propres à en produire l’explosion, il leur reste, pour en faire des armes d’une valeur absolue, bien des problèmes à résoudre. Il ne nous paraît pas, quant à nous, que ce résultat soit impossible ; nous avons même lieu de supposer qu’on l’atteindra dans un avenir très-rapproché. Ce jour-là, l’art du combat naval aura dit son dernier mot, la guerre d’escadre, épuisé ses combinaisons. Encore une fois la science, plus puissante que le droit, aura primé la force.

Léon Renard.


  1. Le Fond de la mer. — Paris, Hetzel ; in-8o.
  2. La gravure que nous donnons du Spuyten-Duyvil (p.177) est extraite de la nouvelle édition de notre ouvrage les Merveilles de l’art naval. — Hachette et Cie, 1873.