Les Tableaux vivants/Texte entier

Les Tableaux vivants (1870)
Éditions Blanche (p. Avertissement-110).



ANECDOTES VÉRIDIQUES TIRÉES DE MES AMOURS AVEC NOS LIBERTINES
ILLUSTRES ET NOS FOUTEUSES DE QUALITÉ.














PRÉFACE

— Comment traiter aujourd’hui ton petit bijou, duchesse ? Dois-je seulement faire frétiller le bout de ma langue agile sur ce frais clitoris que l’eau de violette a parfumé ?

Veux-tu que je le prenne entre mes lèvres, où je le roulerai comme une praline fabriquée chez le confiseur à la mode ? Je lui ferai sentir l’affre de mes dents prêtes à croquer la chair vive. Ne faut-il pas plutôt que cette langue libertine entre tout entière dans la fente ? Tu en tiendras toi-même les lèvres rouges écartées, et tandis que mon doigt frottera lentement le bouton des amours, elle ira chercher une goutte de rosée au fond du calice.

— Rien de tout cela, me dit ma maîtresse. Dis-moi seulement ton poème sur notre mère Ève, et raconte-moi tes anciennes amours.

Je suis poète, vous le voyez bien, ma chère lectrice. Je suis aussi un homme sans préjugés. C’est ce que vous verrez également tout à l’heure. Je me nomme Richard de la Brulaye. Vingt-huit ans, riche, joli cavalier, bonne lame et beau jeu, prêt à aimer beaucoup de femmes et à caresser toutes celles que je n’aime pas et qui sont belles.

À votre service et toujours prêt… Je ferme cette parenthèse.

Assis aux pieds de ma duchesse, la tête sur ses genoux,

je commençai le chant qu’elle désirait entendre :

LE GLAND
OU NOTRE MÈRE ÈVE

On a dit que l’esprit du mal était jadis apparu à notre mère Ève sous la forme d’un serpent.

Ne croyez point cela. Satan ne se plaira jamais à [ne] prendre que la forme humaine, parce que c’est sous cette forme qu’il fait le plus de mal. Il se présentera donc à notre mère sous la forme d’un beau jeune homme.

Ce qu’il lui présenta n’était pas une pomme, c’était un gland.

Ève trouva ce fruit d’amour poli, doux et brillant. De plus, il lui semblait énorme. Elle le jugea de tous points supérieur à celui d’Adam, qui aimait trop à se coucher dans l’herbe et dont les agréments virils étaient toujours un peu crottés.

Satan s’aperçut sans peine de l’impression qu’il produisait sur cette âme naïve. Aussitôt il en abusa.

Il porta ce gland au visage d’Ève et lui dit :

— Baise-le.

Ce qu’elle fit.

Ses lèvres, guidées par la nature, s’escrimèrent si bien que le jus en sortit.

Alors elle reconnut que cet objet précieux n’avait pas moins de saveur que de charme. C’est ce que, dans son ingénuité ordinaire, elle confessa sans détour au séducteur, qui lui dit :

— Attends un peu.

Ce ne serait pas la peine d’être le diable si l’on n’avait point une vigueur diabolique.

Satan jeta donc notre mère sur le gazon et le lui fit à l’épicière.

Il la retourna et le lui fit en levrette.

Il la pria de se coucher sur lui et ce fut elle qui le lui fit en gamin.

Après quoi, n’étant pas encore satisfait, il la retourna pour la seconde fois et le lui fit à la Grecque.

— En cul, madame, ne vous en déplaise, comme à Sodome.

Ève cria bien un peu, mais le trouva bon. »

Ainsi donc elle avait tâté du gland par tous les bouts, humé par toutes les bouches la liqueur divine qui en sort.

Comme cette histoire est difficile à raconter aux enfants, on leur dit que ce gland était une pomme.

C’était bien un gland.

Ma duchesse m’écoutait en riant.

— Voilà une amusante fantaisie, me dit-elle. Maintenant passons aux bonnes histoires. Je veux jusqu’à demain jouir par les oreilles.

Elle me fit asseoir auprès d’elle ; j’avais les deux mains sous ses jupes. La duchesse tenait entre ses doigts roses le héros du petit poème que je venais de dire, monseigneur mon gland, dans une attitude altière.

J’entamai vers dix heures du soir les contes que vous allez lire. Le jour venait que je parlais encore.

Mais écoutez :

I

IL NE FAUT PAS BAISER LA MÈRE

Mesdames, je vous le dis en vérité, la branlade est un moyen de jouir plus efficace qu’agréable. Je crois qu’il fut inventé pour triompher des résistances de la nature. Le premier qui branla fut un fouteur malheureux.

Il y a des créatures déshéritées à qui le ciel a refusé le don du plaisir. Les plus chauds baisers, les plus vives étreintes ne sauraient réchauffer ces marbres vivants ; le doigt est la ressource dernière ; aucune femme ne résiste à un index savant.

Mais celles à qui cette opération est nécessaire jouissent comme elles enfantent. Dans la douleur les doigts de l’amant fouillent leur sein, y cherchent le clitoris rebelle, l’atteignent, le pressent, le frottent avec rage. Et elle :

— Tu m’é… tu m’écorches !

Elle se tord dans un paroxysme nerveux. Le plaisir la déchire comme l’éclair déchire la nue ; il n’a pas plus de durée que l’éclair.

Il y a des clitoris, au contraire, qu’il suffit d’effleurer pour leur donner la vie. La branlade est vraiment une pierre de touche, et si la cavale frémit aux premières atteintes du doigt qui la caresse, usez de ménagement et d’art.

— Si jamais elle n’a été touchée auparavant…

— Ah ! c’est une opération délicate que de branler une vierge.

Là, tout est expérience. On branle à l’aventure. Un soupir, un tressaillement doivent vous avertir que la crise est prochaine. Quelquefois l’ingénue se dérobe :

— Vous al… vous allez trop fort !

Un homme d’esprit qui fut en même temps un grand libertin avait coutume de dire :

— Dieu me fasse la grâce de me donner des doigts lestes !

La légèreté ne suffit pas : il faut encore toucher juste… Le clitoris fuit, il faut le saisir. Vous n’avez peut-être jamais branlé aucune de vos maîtresses, sans que dans le cours de ce travail elle ne vous ai dit :

— Ce n’est pas là !

Que les hommes sont maladroits ! Les femmes savent bien mieux s’y prendre. C’est ce qui justifie Lesbos.

Encore, quand deux femmes se rendent entre elles le service éminent de se branler l’une l’autre, la besogne n’est pas parfaite. La tribade la plus accomplie touche quelquefois à côté.

— On n’est pas là ! me dit Valentine.

Le théâtre de notre rendez-vous était au moins étrange. C’était une fenêtre grillée sur le bord de laquelle Valentine était montée. Et moi de me hisser comme j’avais pu sur une grosse pierre. J’avais passé ma main à travers les barreaux de fer. Inutile de dire qu’il faisait nuit.

Pas le plus petit moyen d’échanger un baiser. Rien que ce stérile chatouillement que je ne pouvais encore appliquer d’un doigt bien sûr.

Aussi je n’éveillai pas même un soupçon de plaisir chez Valentine. D’ailleurs elle me rendit mes caresses. Allongeant la main à son tour à travers les barreaux, elle la fit jouer suivant la bonne leçon que je lui donnais. Le résultat fut prompt. Ma semence tomba par terre.

— C’est ce qu’on appelle plumer l’oie, dis-je à Valentine.

Et dire qu’il ne dépendait que de moi d’entrer dans cette maison, d’y trouver une occasion de tenir cette jolie fille toute nue dans mes bras, d’échauffer cette statue vivante ! Oui, mais il fallait baiser sa mère !

Il faut toujours baiser la mère ! C’est une dure nécessité. Madame de Meissiat avait bien la cinquantaine. Mais elle était toute flamme, — un vrai feu grégeois, qui, une fois attaché quelque part, ne cesse de mordre et ne s’éteint plus. Elle avait juré qu’elle m’aurait, qu’elle me tiendrait enseveli sous l’océan de sa vieille chair. Et Valentine le savait !

Et cette nuit-là, ayant en vain attendu la jouissance de mes attouchements maladroits à travers les barreaux de fer, n’ayant rien senti, et espérant tout d’un long baiser et d’un véritable embrassement que nous pourrions prendre sans contrainte, elle me dit :

— Richard, il vous en coûterait bien peu d’être aimable pour ma mère !

Le lendemain, à deux heures de l’après-midi, je m’exécutai.

J’arrive au castel de Meissiat, je sonne, je demande madame. La serveuse qui m’introduit se met à sourire. Je la jette sur une table, en traversant la cuisine, je la trousse, je la branle. C’était pour m’ouvrir l’appétit.

J’avais bien recommandé à Valentine de se trouver dans le corridor qui conduisait à l’appartement de la mère. Je la joins, je l’embrasse, enfin, je me jette à genoux devant elle. Ma tête se glisse sous ses jupes ; je baise son ventre, ses cuisses. C’était pour me donner du courage.

Quand à ce qui se passa ensuite dans le boudoir de madame de Meissiat, ô noir mystère ! La vieille m’attendait, couchée sur une chaise longue. Encore tout échauffé par les appas de la fille, je ne veux point laisser mon ardeur se refroidir devant la mère. Je saisis cette garce quinquagénaire, sans dire un mot. Seulement, pour éviter le baiser, je l’enfile en levrette.

— Quel homme ! disait-elle ; c’est la foudre !

Un immense derrière gras et mou se dressait devant mes yeux. Je crus frotter du lard rance ; il me sembla pénétrer dans une mare d’eau gluante, et je limai longtemps, car rien ne me frottait, rien ne m’étreignait : je nageais dans le vide.

Mon amoureuse poussait des hurlements épouvantables. Ô la vieille diablesse lubrique ! Je la laissai à demi-morte de ses sales plaisirs.

Je passai dans la chambre de Valentine. La chère fille me purifia elle-même, dans sa propre cuvette, des œuvres maternelles.

Vite je la dépouillai de tous ses voiles. Non seulement, dans nos rendez-vous nocturnes sur la fenêtre grillée, je n’avais pénétré les charmes de cette belle enfant, je ne les avais même jamais vus. Le temple m’apparut, et le dieu au fond [du] sanctuaire. Ce petit dieu inconnu avait un joli visage. Et quelle haleine ! Je la respirai longuement.

Valentine n’était point vierge. Son cousin l’avait dépucelée sans qu’elle en éprouvât rien que de la douleur.

— C’est qu’il était trop vieux ! disait-elle. Je la mis au bord du lit, moi qui étais jeune. L’introduction fut pénible ; elle le supporta bravement.

— Sens-tu quelque chose ?

— Non.

— Quoi ! Les mouvements que je fais dans ton sein, les coups que je te donne ne te causent point de plaisir.

— Non… pas encore… mais va…

J’allais vraiment, j’allais ! J’attendais cette première contraction de tout le corps, ce rapide soubresaut de la croupe, un soupir ou seulement une respiration plus courte et plus pressée, les divins préludes enfin annonçant que la femme aimée n’est pas insensible aux caresses de l’amant. Rien !

Ce corps que je tenais pressé sous le mien m’avait pourtant semblé fait pour l’amour. Valentine était brune, svelte, menue. Peu de tétons, mais des fesses délicates et pleines. Un con brûlant, serré. La bouche lascive, des yeux brillants.

Tout cela n’était que vaines apparences. Ma bouche courait de sa bouche à son sein, mes doigts du clitoris à l’anus, et je limais, et je poussais ! Rien !

Les forces cependant me manquèrent, ma virilité s’en était allée dans un jet de flamme. Je saisis Valentine et la tenant couchée sur mon genou, je me mis à la branler avec rage. Le clitoris était si petit et si fugitif, que je pouvais à peine le fixer sous mes doigts. Je le frottais de toute ma force. Elle se plaignait, elle criait ; elle jouit enfin dans une crise nerveuse.

Fille décevante et glacée, je la quittai pour ne plus la revoir. Je m’en allais humilié, désespéré de n’avoir pu triompher de cette nature rebelle. Jamais, jamais je ne prendrai mon parti d’avoir baisé la mère !

II

LA CHAIR DE POULE

Elle était simple en toutes choses, simple comme un enfant. Elle disait à tout propos : je suis la simplicité même.

Cette simple personne était vraiment une double catin. Je ne la désignerai que par son prénom : Pauline. Peut-être devinerez-vous le nom de son mari. C’est un très haut fonctionnaire.

J’aimais. Un matin m’arriva une lettre anonyme qui m’avertit que ma chaste maîtresse faisait l’amour avec Baptiste, son valet de pied. Je le crus, car je la connaissais capable de coucher avec toute la terre et de chercher des amants même dans la lune. C’est pourquoi lorsque le lendemain elle vint chez moi, je l’accueillis un peu froidement. Je lui aurais volontiers fait fermer ma porte, mais elle entrait… simplement.

Je la vis enveloppée dans un grand manteau de fourrure qu’elle jeta sur un fauteuil ; elle fit de même de son chapeau et vint se poser à côté de moi sur un fauteuil d’un air innocent et délibéré à la fois, — tout simplement.

— Bonjour, cher, me dit-elle. J’ai voulu venir passer une journée, toute une bonne journée près de vous. Simple comme je suis, je n’y ai pas résisté.

— Votre simplicité est-elle déjà rassasiée de l’ingénuité de votre valet Baptiste ? lui demandai-je en la regardant aux yeux.

— Baptiste ? fit-elle. Je n’ai plus de valet de ce nom-là… Et puis que voulez-vous dire ?

Ses mains en même temps devenaient errantes. Et moi ! Ô lâcheté de l’homme qui sent l’aiguillon du plaisir ! Les miennes les imitèrent.

— Parbleu ! dis-je à mon infidèle, vous avez une robe bien lourde.

— Je l’ôterai, répondit-elle — simplement.

Simple en toutes choses, elle portait toujours de simples chemises de toile comme une pensionnaire. Il faisait au dehors un froid très piquant ; elle n’avait pas pris le temps de se réchauffer au feu, elle avait la chair de poule. Cette peau rougie me fit grand pitié. Elle s’en aperçut bien, la coquine, et vint s’asseoir à cul nu sur mes genoux, le visage tourné vers le foyer. Tout cela si simplement !

Ah ! Que cette femme de haut fonctionnaire s’entendait bien à déculotter rapidement un gentilhomme ! Tenant l’objet de son envie dans sa main, Pauline, — simplement — le fit passer sous elle et voulut se le planter…

L’épée n’entra point si aisément dans la gaine. Quelle gaine étonnante ! Elle s’ouvrait encore la première fois qu’on y pénétrait, mais elle résistait à la seconde fois. Le plaisir la gonflait et mettait un bourrelet à la porte.

Il fallait pousser alors, il fallait forcer. L’enflure s’en augmentait encore. On eût dit une blessure tuméfiée dont les bords se resserrent sur le doigt du chirurgien. C’était une sensation presque cruelle et délicieuse… La noble catin se tordait alors, criait, écumait. Ah ! Le beau coup !

Elle était longue et charnue tout à la fois ; elle couvrait et enveloppait son homme. Lorsque j’eus pénétré dans son sein après bien des efforts et quelques plaintes, elle commença de montrer ses talents. Roulis et tangage, mouvement d’avant et d’arrière, quelle manœuvre ! Tout à coup elle se déroba. Madame craignait avant tout de faire un enfant. Se laissant glisser à mes genoux, elle engoula vivement ce qui l’enconnait tout à l’heure… Mon foutre jaillit entre ses lèvres. Se les essuyant alors avec ses cheveux qui venaient de se dénouer :

— N’est-ce pas qu’on peut tout faire à son amant, quand on est simple ? me dit-elle.

Je lui donnai bien volontiers le billet d’indemnité qu’elle me demandait pour ce qu’elle venait de faire. Mais à présent que mes désirs étaient assouplis, ma colère renaissait et je me reprenais à penser à monsieur Baptiste. Pauline cependant, qui demeurait accroupie à mes genoux, jouait avec ma raide épée de tout à l’heure qui n’était plus qu’un jonc flexible.

— Richard, comment cela se nomme-t-il ? me dit-elle.

Je ne répondis point.

— Le nom ! Dis-moi le vrai nom ! reprit-elle en le baisant.

— C’est un vit, lui répliquai-je durement ; ne le savez-vous point ?

— Un vit ! Un vit ! répétait-elle. Et cela ?

En même temps elle se relevait et portait ma main entre ses cuisses déjà frémissantes à l’idée d’une mêlée nouvelle.

— Cela ? m’écriai-je, c’est un hôpital ! C’est un lupanar, c’est une place publique ! C’est un vase sans fond, c’est un gouffre ! C’est le bourbier où monsieur Baptiste s’est vautré ! Coquine prostituée à tes valets ! Putain infâme !

Je m’arrêtai, car je vis les yeux de Pauline tout remplis de larmes. Elle se laissa retomber à mes genoux :

— Eh bien ! oui, me dit-elle… c’était à la campagne. Je vous l’avouerai simplement… Le soir… j’étais seule… il faisait de l’orage ! Je le sentais partout en moi cet orage qui me brûlait… Et le petit Baptiste était là dans l’anti-chambre ! Mais je l’ai chassé depuis.

— Assez ! lui criai-je.

Je sautai sur ma cravache, je frappai… Pauline courait par la chambre ; elle alla tomber sur le sofa, la face contre le mur. J’arrachai, je déchirai sa chemise, je mis à nu ses reins et ses fesses et je continuai de frapper à coups redoublés. Ma cravache traçait de longs sillons rouges sur cette chair lascive que je meurtrissais et que j’adorais encore. Pauline mordait l’oreiller du sofa pour étouffer ses cris et tout son corps se tordait en replis si luxurieux, que ma fureur bientôt fit place à une autre ivresse. Je jetai ma cravache loin de moi… Ah ! si vous voulez bien bander, cravachez votre maîtresse !

— Pauline, dis-je à cette admirable catin en l’enfilant par derrière, pardonne-moi et montons au ciel.

— Ah ! ah ! je vous pardonne… simplement, murmura Pauline.

Ce con sans pareil, déjà si fort échauffé par la première jouissance, s’enfla, se gonfla si fortement à la seconde, que mon membre n’en sortit qu’avec un terrible effort, avec le même bruit qu’un bouchon arraché du goulot d’une bouteille d’aï.

III

UN MARI D’AFRIQUE

Je vis madame de Rochemure pour la première fois dans une maison tierce. Cette expression de « maison tierce » veut dire un lieu où l’on ne peut rien faire de toutes les choses qui se font sans témoin, et ces choses ordinairement sont les plus délectables. Mes yeux considérèrent tout de suite madame de Rochemure comme une aimable friandise et dévorèrent ses épaules nues sous une guimpe de dentelles.

Bonnes épaules, grasses et satinées. Je me disais : ces chairs appétissantes sont-elles des chairs fermes ? Peut-être que non. Mais elles avaient un air très vif de jeunesse.

Bien qu’elle eût trente ans environ, madame de Rochemure avait quelque chose d’enfantin dans le visage, un petit nez rond à l’air innocent et des joues savoureuses, des cheveux châtains, la bouche humide. Elle était grande et d’un embonpoint tout rempli de promesses. Je l’entendis qui disait à sa voisine qui la complimentait sur sa belle santé :

— J’ai été plus grasse.

Ce qu’il restait de cette graisse là me suffirait bien, pensai-je à demi-voix.

Elle devina ma pensée et rougit.

Je me fis bientôt présenter chez elle et j’appris à la mieux connaître. C’était une grande diseuse de morale et une sévère étalagiste de vertu, impitoyable à l’endroit des autres femmes qui péchaient. Un jour, elle me dit :

— Sachez que je n’ai jamais eu d’amant !

— Par la morbleu ! Je serai donc le premier ! m’écriai-je. Elle se dressa fière et en colère. Je me jetai à ses genoux pour implorer son pardon, je ne me relevai qu’après l’avoir obtenu sur sa bouche.

— Quoi ! me dit-elle en minaudant, vous m’avez embrassée ! Est-ce bien moi qui me suis laissé faire ? Moi qui …

Elle s’arrêta court. La voix lui manqua soudain comme à une personne qu’on vient de bâillonner par surprise. Et pourtant, je le jure, ce n’était pas sur sa bouche que j’avais appliqué ma main.

Comme elle portait toujours cette bienheureuse guimpe de dentelles, un voile si commode et qu’on écartait si aisément, ses deux seins se trouvaient sous mes lèvres. Ils étaient bien tels que je me les étais figurés, moins solides que frais, mais la matière en était délicate, le bouton fondait sous le baiser. On mordait dans ses épaules comme dans une pêche mûre. Je m’assis sur un tabouret, je l’attirai sur moi… Bref, je l’enfilai.

Elle n’était pas étroite, ni large non plus. C’était un beau lieu où l’on entrait sans obstacle ; il y régnait une humidité comparable à la pluie d’été douce et chaude. Je la troussai jusqu’à la ceinture, et comme nous nous trouvions devant une glace, mes yeux détaillèrent le revers de ses beautés. Du mollet, la cuisse épaisse, deux fesses qui ondulaient comme deux vagues blanches, deux fesses amples, abondantes et veloutées !

— Oh ! murmurait-elle, quelle aventure !… Qui m’aurait dit ? C’est une horreur !

Elle demeurait là percée de mon glaive, sans faire un mouvement et se contentant de me presser du poids de sa chair. Je fus obligé de mettre cette belle croupe en branle, et de la diriger à ma guise, la poussant, la repoussant de mes deux mains. Le miroir réfléchissait ce voluptueux exercice.

— Oh ! me dit-elle, ne regardez point !…

Elle ne jouissait pas, elle semblait seulement gagnée tout entière par un attendrissement infini qui avait sa source dans son cœur et de là se répandait dans toutes ses veines. Comme elle me pria de ne point lui faire d’enfant, je la soulevai à l’instant suprême ; elle avança la main avec beaucoup de bonne grâce et m’acheva fort lestement entre ses doigts.

Ran plan ! Ran plan plan ! Qu’est-ce que cela ? Ce sont les pas du colonel qui ressemblent au bruit régulier du tambour. J’ai oublié de dire que monsieur de Rochemure était colonel de l’héroïque deux cent trente-deuxième demi-brigade. Madame de Rochemure n’eut que le temps de s’essuyer les doigts avec son mouchoir, moi de me rajuster. Le colonel, entrant dans le vestibule de la maison et passant sa tête par la porte entrebâillée du boudoir, nous vit tous les deux honnêtement assis au coin du foyer.

— Bonsoir, comte, me cria-t-il. Le soleil vient de se coucher. Je vais faire comme le soleil. Bonsoir, ma chère amie.

— Bonsoir, Gustave.

Là-dessus le colonel monta dans sa chambre.

La colonelle vint comme une grosse poule blanche se percher sur mes genoux. Le temps se passa doucement entre nous, soyez-en sûrs. Elle me demandait si je la méprisais pour m’avoir cédé si vite. Et moi je lui répondais que j’espérais bien lui donner encore tout à l’heure une nouvelle preuve d’estime.

Tout à coup le colonel ouvrit sa fenêtre.

— Marie ! cria-t-il de l’étage supérieur.

Elle ne fit qu’un bond de mes genoux à la croisée du boudoir. Je la suivis.

— Le comte est-il encore là ? demanda le colonel.

— Oui, mon ami.

— Oui, colonel.

— Sacrebleu ! Savez-vous bien qu’il fait beau temps ?

— Un temps superbe, mon ami.

— Un temps d’ange, mon colonel.

— Ces belles nuits vous ôtent l’envie de vous coucher et de dormir.

— Ne vous… ne vous fatiguez pas, mon ami.

Pourquoi s’était-elle interrompue au début de sa phrase ? C’est que, placé derrière elle, la voyant accoudée sur le bord de la croisée et me présentant la croupe, j’avais osé…

— Vous avez raison, dit le colonel. Après tout, rien ne vaut une bonne nuit passée dans son lit…

J’avais osé la trousser. Je cherchais à passer sous cette belle lunette de chair blanche pour atteindre le but de mes désirs ranimés. Mais quoi ! Est-ce que je rêvais… Madame de Rochemure, étendant la main derrière et empoignant l’ennemi, le dirigeait par une autre route.

— Bonsoir, Marie, dit le colonel. Bonsoir, comte.

— Bonsoir, mon ami.

— Bonsoir, mon colonel.

Il referma sa croisée.

— Vraiment, dis-je tout bas à ma belle reine de Sodomie, voulez-vous ?

Elle ne répondit pas, mais elle me dirigeait toujours. Le chemin était frayé, car j’entrai sans plus de peine dans ce temple là que dans l’autre. La main de madame de Rochemure, diseuse de morale, prêcheuse de vertu ; cette main si habile à exprimer la volonté de l’étonnante créature sans le secours de la parole, saisit la mienne et la fit passer par devant. J’obéis à cet ordre muet de toute l’agilité de mes doigts.

Alors la croupe friande se mit en mouvement, d’abord à petits coups, puis à toute vitesse. Et moi, perforant la belle jusqu’aux entrailles, je la branlai en conscience. Cette fois, elle se tordit sous le plaisir ; elle s’empara de mon autre main et la mit sur sa bouche pour étouffer les cris qui s’en échappaient. Comme ce genre de jouissance est stérile de sa nature, je ne pris point la peine de répandre ma semence par terre.

— Parbleu ! dis-je, j’avais oublié que votre mari avait servi en Afrique ! C’est lui qui vous a appris ?

— Oui, fit-elle tout bas, c’est bien mal, mais je n’aime que cela.

IV

L’ADULTÈRE EN ROBE DE MARIÉE

Ce fut au milieu d’un bal donné par M. de Saint-Chérin, son père, après une valse enivrante, aux accords mourants de l’orchestre, que Suzanne m’entraîna hors des salons dans un boudoir et de là dans sa chambre, dont elle ferma la porte au verrou. Se jetant alors à mon cou, elle colla brusquement sa bouche à la mienne.

— On veut me marier à ce marquis de Berg-op-Zoom que je déteste, et c’est toi que j’aime !

— Ce magot là n’aura pas du moins ton premier baiser.

— Non ! il ne l’aura pas. Ah ! Richard, que n’êtes-vous millionnaire ?

— Si je suis pauvre, c’est une raison de plus pour me donner encore un peu du bien de ce Berg-op-Zoom. Encore un baiser.

— Deux baisers.

— Vous m’aimez ?

— Je vous aime.

— Et si je vous demandais d’être à moi… à moi tout entière avant que d’être à lui.

— Ah !… que faites-vous Richard ?

D’une main j’écartais son corsage, de l’autre je soulevais les plis de gaze dont elle était enveloppée. Ce beau corps était tout moite de la chaleur du bal. Une odeur d’essence de violette mêlée à je ne sais quel parfum subtil et fauve s’éleva dans la chambre. Une goutte de sueur roulait comme une rosée tiède entre les deux seins de la jeune fille, une autre perlait sur sa cuisse. Mes doigts se noyèrent dans une motte épaisse, une véritable fourrure… Je la branlai.

Quand je songe à présent combien elle était belle avec son énorme chevelure noire tordue à la diable, avec ses yeux également noirs, brûlants et doux, ses traits hardis, sa bouche un peu épaisse, d’un rouge éclatant, je crois être encore au commencement de mon rêve. Suzanne avait au-dessus de la lèvre une moustache, une vraie moustache de jeune garçon. En vérité, elle était presque aussi velue qu’un homme. Mais elle avait une main de duchesse et un pied de fée.

Je m’agenouillai devant elle, me glissant sous ses jupes légères, qui retombèrent sur moi et m’ensevelirent sous leurs plis. Ma bouche rencontra un clitoris plus gros et plus long que ne l’ont la plupart des femmes. Je me mis à le sucer avec une avidité presque furieuse.

Je pense toujours avec indignation qu’il y a des malheureux Béotiens qui n’ont jamais fait ce genre de caresses à leur maîtresse et qui se flattent de la connaître.

Il n’y a que le baiser pour pénétrer dans l’intimité d’une femme et lui aller jusqu’au cœur. Le membre est aveugle, les lèvres et la langue sont autrement subtiles et sûres…

Il y a des cons (pourquoi reculer devant les mots ?) qui sentent le fauve ; il y en a qui ont la saveur de la framboise.

Suzanne se tenait la tête renversée sur mon épaule ; elle jouissait… Excusez-moi si je vous dis que je mis alors mon glaive à l’air et qu’elle l’empoigna de ses deux mains.

— Apprends-moi comment il faut faire, dit-elle.

Sa robe de tulle rose en fut tout inondée.

Cependant le bal était près de sa fin. Il fallait que Suzanne retournât au salon. J’essuyai sa robe. Pour elle, me montrant une armoire, elle me dit :

— Cache-toi là jusqu’à ce que je revienne.

J’obéis. Cette armoire où j’entrai respirait une odeur enivrante. Là étaient suspendues les toilettes que Suzanne avait portées. Je me mis dans ma cachette à réfléchir à mon double bonheur. Je n’épousais point Suzanne et j’allais l’avoir toute à moi ! Je n’attendis pas longtemps son retour… Suzanne rentra, suivie de sa femme de chambre. Je me renfonçai dans ma cachette entre une jupe de soie bleue et une mante de dentelle, ramenant les plis de la jupe sur mon visage et ménageant seulement un passage à l’un de mes yeux.

— Dépêchons ! dit Suzanne en entrant… Vite Julie, j’ai grande envie de dormir ce soir.

Elle dégrafa son corsage elle-même. Sa robe tomba.

— Mademoiselle, dit Julie, ne se fera donc point de coiffure de nuit ?

— Non ; ôtez-moi seulement ces fleurs.

La jupe de dessous suivit la robe.

— Que mademoiselle est pressée !… Mademoiselle s’est-elle amusée ce soir ?

— Oui, oui… Ne bavardez pas, Julie.

— Mademoiselle veut-elle le bidet ?

Suzanne regarda vers l’armoire et sourit, hésita, sourit encore et se mit à cheval sur le bidet.

La camériste vint derrière elle et lui enleva sa chemise pour lui passer le peignoir de nuit. Suzanne se releva prestement, nue comme la mère Ève.

— Une serviette, Julie ! Une serviette ! criait-elle.

Julie lui présenta cette serviette. Suzanne la prit, congédia la fille, en disant qu’elle se mettrait toute seule au lit, et ferma la porte au verrou.

Alors je sortis de l’armoire. Je couvris de millions de baisers cette chair brûlante et dorée. Tout était nouveau pour moi dans ces pays inconnus… Non ! Je n’oublierai jamais une mèche noire et soyeuse qui s’échappait du vallon ouvert entre ces admirables fesses… Cette chère fille était si bien disposée par la nature à l’amour et au plaisir, qu’elle ne s’étonna point quand je glissai ma langue par ce friand sentier…

— Tu baises aussi cela ! me dit-elle.

Une nuit la rendit experte en tout et savante. Ah ! le bon billet qu’avait Berg-op-Zoom !…

Huit jours après, ils se marièrent. Le matin, avant la cérémonie, Suzanne m’avait écrit : « Viens ! Julie cette fois est avertie. Elle t’introduira par le jardin. Je veux que tu me baises dans ma robe de mariée ! »

J’arrivai. La camériste m’attendait.

— Julie, ma fille, lui dis-je, vous pouvez faire votre fortune comme je ferai le premier enfant du marquis de Berg-op-Zoom, votre nouveau maître. Prenez, et soyez muette !

Julie prit ma bourse et me fit de grands serments.

Cependant les voitures de la noce roulaient au pied de la maison. Suzanne ne fit qu’un saut de son carrosse tout neuf à sa chambre. Le matin même, elle avait fait ajouter à la porte un verrou de plus.

Nous ne prîmes point le temps d’aller jusqu’au lit. La première chaise nous reçut tous deux. Je fis le cheval, Suzanne fut l’écuyère. C’est peut-être la posture la plus favorable au prolongement du plaisir.

Au pillage la robe de mariée ! Je troussai ma cavalière, froissant tout ensemble les jupes immaculées et le voile mystique. Suzanne portait sur le front la fleur symbolique des vierges. Jamais fleur d’oranger ne reçut pareille injure. Tout à coup la voix de Berg-op-Zoom retentit dans la maison :

— Suzanne, ma chère Suzanne !

— Ne va pas croire que je ferai jamais à ce magot les mêmes caresses qu’à toi ! me disait Suzanne. Elle me suçait en même temps la bouche. L’adorable fille, ma glorieuse élève, n’avait jamais mis tant d’art dans l’acte sacré. Elle se soulevait et se laissait alternativement retomber sur moi. Mon membre pénétrait dans son sein jusqu’à la garde, puis sortait, rentrait encore.

Bientôt sentant que le plaisir allait nous gagner malgré nous, elle demeura immobile, étroitement serrée contre, enconnée jusqu’à l’âme. Je glissai un doigt entre ses deux fesses brunes et satinées d’où s’échappait ce bouquet de soie noire qui était un de ses charmes le plus piquants. J’enfonçai ce doigt avec emportement ; j’aurai voulu toucher ses entrailles !

Nos bouches demeuraient collées, nos langues confondues…

À ce moment Berg-op-Zoom s’avisa de frapper à la porte.

— Suzanne, ouvrez-moi, ma chère Suzanne.

Elle avait sans doute un peu perdu la tête, car elle répondit tout haut :

— On ne peut plus entrer nulle part !

Le fait est que partout elle était remplie. Je ne pus m’empêcher de rire, et le mouvement que ce rire étouffé imprima à tout mon corps acheva notre volupté.

Berg-op-Zoom s’en allait grognant à travers les couloirs. Le pauvre homme ! La besogne était faite !

Il eut son premier enfant au bout de neuf mois moins une semaine, juste deux cent soixante jours après le bal dont j’ai décrit l’heureuse fin.

V

SUR UNE LUNETTE, OU LES
BIZARRERIES DE LA NATURE.


Madame Céleste de Congey m’ayant invité à un grand repas qu’elle donnait à ses amis, je m’y rendis sans me faire prier. Madame était en grand habit, fort décolletée. Deux beaux globes qui sortaient à demi de son corsage faisaient sourciller les douairières. Ce fut bien pis lorsqu’en buvant Céleste se mit à rire. Ce verre de xérès ne passa point. La belle toussa ; dans l’effort causé par cette toux maudite, le sein gauche rompit sa barrière et bondit hors de sa prison.

Elle l’y remit lentement et sans se troubler, tout en examinant du coin de l’œil l’effet que la vue de ses charmes avait produit sur les convives masculins. Elle vit bien, la friponne, que le plus ému c’était moi…

Ô nature ! Nature ! Capricieuse en tes desseins, tu as voulu placer le cœur près du ventre. Et ainsi l’émotion de l’un précipite le cours de l’autre. C’est ce qui m’arriva. Je fus obligé vers la fin de la soirée de chercher fortune, et, me coulant le long d’un corridor obscur, j’arrivai dans un cabinet qui me parut être une garde-robe. Il y régnait une douce odeur d’essence de jasmin qui n’est rien moins qu’ordinaire en ces lieux-là… Je vais, tâtant avec la main, je trouve une chaise percée. Nécessité n’a point de loi…

Tout à coup, comme je finissais mon œuvre, un bruit de pas légers, un froufrou de soie se fait entendre dans le corridor… On pousse la porte, on entre… Je ne bouge point.

La dame savait bien où était située la chaise percée… Elle prend ses mesures en conséquence. Elle vient à reculons, soulève ses jupes, qui m’enveloppent comme une épaisse nuée, et deux fesses rondes, pleines, grasses, chaudes, satinées, s’abattent sur moi, croyant se poser sur un autre trône.

— Ah !… Au secours !… Quelle horreur !… Qui est là ? Un homme !…

Le malheur, c’est que tout en se posant, elle avait commencé de pisser… Un flot brûlant m’inonde les cuisses.

— Au secours !… Un homme !…

— Madame, au nom du ciel, ne criez pas !

— Un homme !…

Comme si elle avait besoin d’entendre ma voix pour savoir que c’était à un homme qu’elle avait affaire ! Certain signe parlant le lui disait bien… La marque de mon sexe s’agitait sous elle.

— Monsieur !…

Elle poussait toujours.

Mes bras entourèrent ce fessier magnifique, mes deux mains se croisèrent sur ce ventre rebondi.

— Monsieur, monsieur, qui êtes-vous ?

— Je suis votre voisin de table.

Et ma main…

— Monsieur !… ici !… et faisant ce que vous faites !

— C’est vous qui le faites !… Moi, j’ai fini.

Et certain battant de cloche s’avançait sous le noble fessier de madame.

— Ici !… répéta-t-elle… Vous êtes un pourceau !… Vous sentez mauvais… Pouah ! monsieur… L’insolent ! Prétendriez-vous ? Il entre !… Fi ! que c’est dégoûtant ! Ah ! ah !…

Elle jouissait, elle pissait. Quelles délices et quelle horreur !…

— C’est vous, Richard !… c’était vous ! me dit-elle… Sur une chaise percée !… Je n’oserai plus jamais vous regarder en face… Comment allons-nous nous tirer d’ici à présent ?

— Il est indispensable, chère belle, que vous vous leviez la première et que vous me laissiez…

— Vous essuyer… Pouah !… Tenez, il y a là, dans le coin, un bidet plein d’eau fraîche… Moi, je vais aller dans ma chambre me purifier sur une cuvette.

— Mais c’est moi qui ai tout reçu !…

Le fait est que cette chère Céleste m’avait mis, en pissant sur moi, dans un état à ne point reparaître au salon.

Il faut vous dire que cette garde-robe était l’arrière-cabinet de toilette de madame de Congey et communiquait avec sa chambre. Je rejoignis la belle dans cette chambre après m’être plongé dans le bidet. Elle m’aida à me dépouiller de tous mes vêtements, que nous mîmes à sécher devant le foyer, et nous nous rebaisâmes.

Ainsi commencèrent mes amours avec Céleste de Congey.

VI

LA FRAISE

— Assez dormi, ma belle… Le ciel est pur, le temps est doux, les oiseaux gazouillent sous la feuillée toute neuve ; mets ta robe blanche, ma mie, nous irons tous deux au bois.

Laurette y consentit de grand cœur vraiment ; nous montons en chemin de fer, nous descendons à la gare de Sèvres, nous montons vers la forêt.

Arrivés sous les ombrages, bien sûrs d’être seuls et sans témoins, nous nous reposâmes un moment. Laurette me présenta sa bouche, j’y mis un baiser, deux baisers, dix baisers. Mais Laurette était distraite. Je suivis la direction de son regard, j’aperçus une source fraîche filtrant sous l’herbe et qui formait un petit bassin naturel entouré de pâquerettes. Je compris l’envie de ma maîtresse et je la menai vers la source. Elle se mit à cheval au-dessus de l’eau, je voulus la laver moi-même.

Alors nous nous enfonçâmes sous le bois. Au bord d’une allée je vis des églantiers en fleur. Je dis à ma mie :

— Laurette, regarde ces églantines. Si j’étais poète, je les comparerais au bout de tes seins.

— Oh ! dit-elle, ils sont moins roses.

— Je parie que non.

— Je gage que si !

Ma foi, j’ouvris son corsage et nous voilà comparant. C’est moi qui avais raison.

Un peu plus loin Laurette aperçut des fraises.

Elle se mit à les picorer au milieu des ronces et bientôt, s’en trouvant les mains pleines, à les manger avec délices. Je demandai ma part du festin ; elle m’invita à venir la prendre sur sa bouche.

Nos lèvres se poursuivent, se mêlent toutes barbouillées de ce jus rouge et parfumé. Cependant ce jeu ne pouvait que nous conduire à un autre. Laurette commençait à rouler de grands yeux blancs. Je devinai bien vite ce langage.

— Eh bien ! lui dis-je tout bas, couche-toi donc dans l’herbe.

Quand elle y fut couchée, je relevai sa robe et ses jupons blancs. Elle ne disait rien, ne bougeait pas et tenait ses deux cuisses serrées. Je me mis à frapper sur son ventre blanc, ferme et rondelet en disant :

— Toc, toc ! Ouvrez, madame.

Les deux cuisses de Laurette s’ouvrirent doucement.

— Bonjour, l’autre petite bouche, disais-je. Ah ! Laurette, si nous lui faisions aussi manger des fraises ?

— Mets-en donc une au bout de ton doigt, soupira-t-elle, et essayons.

— Pas si sot ! m’écriai-je. C’est bien au bout de ma langue que je la mettrai.

Je le fis comme je l’avais dit. Je poussai la fraise du bout de ma langue. Laurette pâmée me disait :

— Pousse, pousse encore… Ah ! Richard ! ah ! quel régal ! La jolie façon de manger des fraises !

Telles étaient mes amours alors. J’avais vingt ans. Mon cœur se réjouit encore au souvenir de ces jouissances naïves et de cette heureuse journée. Ô vérité ! ô nature !

VII

SECOURS AUX VEUVES

C’était dans la ville de Moulins… Imaginez un sombre réduit au fond d’une cour, une chambre à deux lits bonne pour un commis-voyageur et son chien et communiquant par un pont de bois à un autre corps de logis qui se louait bourgeoisement et qui ne faisait point partie de l’hôtel. Car la scène se passe dans un hôtel.

Nous arrivons à Moulins, mon ami Calprenède et moi ; on nous indique le Coq d’or. Nous nous y rendons sans résister. Point de chambre, rien que ce taudis : il y avait fête dans la ville. Il fallut bien nous accommoder du taudis, et l’on va voir si nous eûmes lieu d’en être mécontents.

À peine installés, nous nous mettons en devoir de faire connaissance avec les êtres. Le pont divisé en deux par une barrière. La nuit tombait. Calprenède, apercevant de l’autre côté une lumière et curieux de savoir si elle ne brillait point dans la chambre de quelque belle, ébranle l’obstacle, qui cède. Nous avançons, protégés par l’obscurité, et par une fenêtre ouverte le dialogue suivant arrive à nos oreilles :

— Encore sur la cuvette, Julie !… Êtes-vous bien sûr que l’eau froide soit bonne pour calmer les inquiétudes dont vous souffrez ?

— Aussi, ma sœur, ai-je mis de l’eau tiède.

— Je ne sais si cela est meilleur.

— Ah ! Nanine !

— Julie, vraiment, ce que le bon Dieu a fait en nous privant de nos maris, c’est avoir muselé la nature.

— Je vous en réponds. J’ai là-dessus de terribles choses à vous dire. Je m’essuie, je reviens près de vous.

— Julie, puisque c’est vous qui gouvernez la maison, vous devriez bien me donner de vieille serviettes. Les neuves me grattent trop fort. Je suis devenue si sensible de là…

— Je sens nuit et jour des chatouillements ! Le sang m’incommode ! J’ai des chaleurs…

— J’ai des palpitations de cœur insupportables…

— Allons-nous à l’église faire notre prière du soir, Nanine ?

— Hélas ! Julie, nous avons besoin de prier.

La lumière s’éteignit. Les deux sœurs venaient sans doute de sortir. Calprenède et moi nous nous regardâmes.

— Par quel moyen prendre ces deux tourterelles sans mâles ?

— Comment tirer ces deux bons coups cuits à point ?

Comme nous rêvions depuis un moment, Calprenède s’écria :

— J’ai un godemichet dans ma malle.

Dans ces grandes crises du désir on se comprend à demi-mot. Calprenède va quérir l’instrument providentiel. Nous approchons de la fenêtre entr’ouverte et nous sautons. Nous voilà dans la place. Un cabinet à traverser d’abord. La fameuse cuvette est au milieu. Nous pénétrons dans une chambre où brûle une bougie. Au fond est une alcôve.

Comme j’allais poser le godemichet sur le lit, Calprenède m’arrêta par une réflexion bien naturelle.

— Si nous agissons ainsi, me dit-il, les deux pauvres veuves, en trouvant cette belle pièce sur leur lit, se demanderont qui l’y a mise. Elles penseront que l’on est entré ici ; elles chercheront le visiteur, et si nous nous cachons dans le cabinet, elles nous y trouveront aisément. Ce seront alors des cris, des frayeurs. On accourra, et l’on nous mettra au poste…

— Où nous n’aurons plus de ressource que de faire l’amour au factionnaire !…

— Ce n’est pas ce jeu-là qu’il faut jouer.

Et nous rêvons de plus belle.

Mais deux garçons d’imagination ne sont jamais à bout. Le résultat de notre méditation fut qu’il valait mieux sortir après avoir fait un beau paquet du godemichet sous une honnête enveloppe, joindre nos deux veuves à l’église voisine, leur faire présenter le paquet par le premier polisson venu quand elles quitteraient l’église, les devancer alors, revenir, raccommoder avec soin notre pont, pour ne laisser aucune trace de notre passage, nous jeter alors dans le cabinet, nous cacher derrière une montagne de linge sale que nous y voyions accumulé, et attendre…

Nous partîmes pour l’église. Chemin faisant l’idée nous vint de nous informer auprès des voisins, le plus adroitement possible, de la qualité des deux veuves. Le mal, c’est que nous ne les avions point vues. Si elles allaient être trop laides ! Si elles avaient plus de quarante ans !

Un louis mis dans la main d’un garçon épicier fit l’affaire. Le drôle nous apprit en souriant que les deux dames étaient de fort honnêtes personnes, veuves l’une d’un officier, l’autre d’un receveur des contributions, peu fortunées toutes deux, mais vertueuses, irréprochables et très avenantes. L’aînée n’avait guère plus de trente ans.

— Seulement, nous dit le garçon peseur de sucre, elle est un peu… boiteuse.

— As-tu entendu ? dis-je tout bas à Calprenède. L’une est boiteuse !… Nous les reconnaîtrons à présent !

La boutique où nous étions entrés se trouvait justement en face de l’église. L’office du soir finissait.

— Regarde ! me dit Calprenède. Voici nos amantes !

Un autre louis d’or détermina le garçon épicier à nous servir de messager et à se montrer discret comme la tombe. Nous lui remîmes le paquet, qui, outre la pièce de résistance, contenait un billet. Quant à nous, nous jouons des jambes, nous rentrons à notre logis, nous franchissons et raccommodons notre pont, nous pénétrons dans le cabinet, nous nous couchons à plat ventre derrière le linge sale. Les deux sœurs arrivaient.

— Qu’est-ce qu’il peut y avoir dans ce paquet, Nanine ?

— Je ne sais, ma sœur.

Et Nanine traversa le cabinet pour aller en fermer la fenêtre et les persiennes.

Nous étions immobiles, sans haleine… Julie défaisait le paquet. Elle poussa un grand cri. Nanine accourut.

— Un membre !…

— Un membre d’homme !

— C’est une farce qu’on veut nous faire.

— Quelque insolent !

— Il y a un billet, Nanine.

— Lisons ce billet :

« Présent de deux voyageurs compatissants à deux touchantes infortunes. »

— Julie, il faut jeter cela par la fenêtre.

— Êtes-vous folle, Nanine ? On le ramasserait… et alors…

— Jetons-le au feu.

— C’est en caoutchouc : ça ne brûlerait point.

— En caoutchouc ?

— Tenez ! Nanine, vous avez bien envie de le regarder… Oh ! La vue n’en coûte rien. La meilleure revanche que nous puissions prendre contre le méchant qui nous a envoyé cet outil-là, c’est de ne jamais témoigner que nous l’avons reçu…

— Et de le garder ?

— Il est encore moins embarrassant de le garder que de le détruire.

— Voyons !… Que c’est drôle !…

— Toutes les persiennes sont-elles fermées ?

— Oui, oui… Avec les deux… les deux boules !…

— C’est bien gros !

— Brr !… Ça fait mal à voir… Nous pourrions le jeter dans les latrines.

— Sotte ! c’est là qu’on le trouverait en vidant la fosse.

— Mais enfin, si vous le gardez, qu’en comptez-vous faire, Julie ?

— Vous le prêter, Nanine, pour vous éviter de vous servir de vos doigts. Ce matin, je vous y ai prise !…

— C’est vrai, je n’y tenais plus !… Mais, là, croyez-vous qu’on pourrait se servir de ce joujou toute seule ?

— Sans doute… Cependant à quoi sert ce ruban ? J’y suis… Par exemple, je pourrais me le passer autour de la taille, m’attacher l’objet, et alors…

— Alors ?

— Ne faites donc pas la niaise ? Ne comprenez-vous pas que si je me le mettais ainsi, l’outil se dresserait tout droit devant moi et que je pourrais alors vous faire l’amour comme un homme ?

— Quelle horreur ! Vous n’oseriez pas ni moi non plus.

— J’aurais de la peine à m’y décider… Relevez donc un peu vos jupes, Nanine, que je voie comment cela peut bien marcher !…

— Mais vous me troussez… Julie !… Mais elle me met la ceinture… Voyons ! je ne veux pas qu’on me voie toute nue !… Nous ne songez pas à essayer ce joujou dégoûtant, je pense !… Ôtez cela, ôtez cela !

— Le voilà attaché… Que c’est drôle !… Savez-vous que vous êtes grasse et fraîche ? Quelles cuisses rondelettes !…

— Oh ! Je ne ressemble pas du tout à un homme.

— Vous pourriez cependant jouer le rôle d’un homme… Nanine, essayons un peu.

— Si vous n’étiez pas mon aînée, Julie, je crois que je vous donnerais un soufflet pour les propositions que vous me faites.

— Un soufflet ! Laissez donc ! J’ai plutôt envie de vous embrasser, moi… Tenez !…

— Fi ! fi ! Elle se trousse aussi, elle se frotte les bords de son… ! Vous me dégoûtez ! vous dis-je… Elle m’enlace !… Julie !… Mais c’est qu’elle est tout en feu !… Votre mari Gustave disait bien que vous aviez du tempérament…

Pauvre Gustave !… Mais vous voyez bien que nos jupes retombent !

— Mettons-nous en chemise !…

Julie s’élança, ferma tous les verrous, y compris celui du cabinet où je me trouvais caché en compagnie de Calprenède.

— Bon ! lui dis-je.

— J’ai ma bague de diamant pour couper une vitre au bon moment, quand elles jouiront, fit-il.

La porte du cabinet était vitrée en effet, et garnie d’un rideau de mousseline. Nous n’y pouvons tenir plus longtemps. Nous nous levons, nous venons coller nos yeux à ce rideau transparent.

En chemise toutes les deux ! Le garçon épicier avait eu bien raison de dire qu’elles étaient accortes. Elles se ressemblaient beaucoup, petites, grasses, rondes et fermes l’une et l’autre. En chemise, ai-je dit ? C’est vrai, mais troussées jusqu’à la ceinture !… Julie alla ouvrir les rideaux de l’alcôve.

— Julie ! Julie ! s’écria Nanine. C’est donc vous qui ferez le cavalier.

— Oh ! que non point ! dit Julie. C’est trop gros pour toi, Nanine. Moi, j’ai eu ma petite Lili. Je suis bien plus large depuis mon accouchement. Il faut essayer sur moi. Viens…

— Ah ! je n’oserai jamais.

— Sotte !… Je vais me mettre au bord du lit… Tiens ! me voilà dans la posture… Viens donc… Faut-il aller te chercher ?

— Hélas ! Julie… Eh bien ! ma foi, tant pis, tu as raison… J’arrive !

— Embrasse-moi d’abord… Oh ! ne crains point !… Sur la bouche. C’est l’illusion que nous cherchons !… Tu es un homme. Tu es mon mari Gustave… Sur la bouche !… Mets-le… mets-le moi !…

— Ah ! friponne !…

— Aïe ! aïe !… Tu me déchires… Arrête-toi… Je me vantais trop d’être large !…

— Comment faire, Julie ? Si cela ne peut entrer ?

— Comme te faisait ton mari Onésime… Il n’entrait pas dans toi tout de suite… Il te caressait avec les doigts… avec la langue, il te faisait peut-être minette…

— Julie, je ne peux pourtant vous lécher.

— Suce-moi seulement le bout du sein.

— Que vous êtes pervertie, ma sœur !

— Là, là… Si tu voulais un moment, avec ton doigt… je t’en prie… Là, là… bien ! merci !… je sens que je me… que je me mouille. Fais entrer l’instrument… Aïe !… il entre… Embrasse-moi encore… Aïe ! aïe !… Quelle tête énorme !… Va.

— Je pousse, je pousse… Tant pis !

— Tu… tu m’éventres !… Il est… il est au fond… Ah !…

— À mon tour ! À mon tour, Julie !

— Je ne peux ! Je ne peux ! Je suis brisée… Attends un peu !

— Non ! non ! Je brûle… Tiens ! Je t’attache la ceinture. Prends ma place… je vais prendre la tienne… Vite ! vite ! je me meurs !

— Eh bien ! soit… Sur le bord du lit, à ton tour… Écarte-toi bien… C’est cela !… Quel joli petit chat, coquine !… Ah ! si j’étais vraiment un homme, je te lécherais, ma petite sœur…

— Branle-moi seulement… Julie ! Julie !… Rien qu’avec ton doigt, tu me fais… tu me fais jouir… Ciel !…

— Je mets l’outil, je pousse !

— Ah ! quelle douleur !… quel supplice !… J’en pleure ! J’y renonce !…

— Écarte-toi encore… Tu auras beau crier à présent !

— Ah !… Je sens !… Julie !… holà !…

— Crie ! crie !… La tête est passée… tout ira !

— Baise-moi, lèche-moi… Seigneur !… Va !… Encore un coup ! Mon Dieu !… Mon Dieu !…

Calprenède faisait jouer son diamant sur une des vitres de la porte et tirait doucement le verrou.

Les deux sœurs s’étaient couchées sur le lit, côte à côte, épuisées, anéanties.

— Ah ! Julie !

— Ah ! Nanine !

— Ces jeux-là ne valent point la nature, ma sœur.

— Avouez, Nanine, que si nous tenions en ce moment chacun un joli garçon, nous commettrions le péché.

— Madame, dit Calprenède en s’avançant, je ne sais si nous sommes de jolis garçons…

— Au secours ! des hommes !… des voleurs !…

— Mesdames, dis-je, prenant la parole à mon tour, si vous criez, vous vous perdez vous-mêmes.

— Sans compter, reprit Calprenède, que nous conterons l’histoire de ce membre en caoutchouc…

— Que madame tient encore attaché devant elle, continuai-je en montrant du doigt le godemichet passé autour de la ceinture de Julie et qu’elle ôtait furtivement…

Nous nous accommodâmes sans trop de peine…

Le choix entre ces deux amants tombés du ciel appartenait de droit aux dames. Julie choisit Calprenède. Je devins le lot de Nanine ; et comme il n’y avait qu’un lit, chacun des deux couples fut témoin des exploits du couple voisin.

Calprenède enfilait Julie du côté de la ruelle, et moi Nanine sur le bord de cette couche si longtemps arrosée des pleurs des deux veuves, témoin de leurs regrets et de leurs jouissances solitaires.

— Monsieur, me dit Nanine, je vous en prie, ne m’engrossez pas.

— Monstre ! cria Julie à Calprenède, ne va pas me faire un enfant !

— Madame, dis-je à Nanine, prêtez-moi donc le secours de votre main.

— Achève-moi avec ta patte blanche ! cria Calprenède à Julie.

Elles ne se firent pas prier ; toutes les deux elles nous branlèrent ; le même cri de joie leur échappa quand elles virent s’échapper la liqueur divine…

— Nanine !

— Julie !

VIII

UN CHAPITRE DES LIAISONS
DANGEREUSES

La comtesse Laurence était toujours fort parée, et certainement elle avait besoin de l’être. Petite, menue pour le monde, non pour ceux dont les regards savent percer les jupes et les voiles de toute sorte, et qui devinaient une croupe saillante et de robustes flancs, on lui voyait de pauvres mignonnettes épaules, des bras presque grêles et pourtant de la gorge.

Mais elle avait deux grands charmes, une peau douce, veloutée, chaude comme celle des pêches exposées au soleil, sur l’espalier, un regard toujours noyé dans une sorte d’extase étrangement lascive.

D’ailleurs son attitude ordinaire disait tout le contraire de ses yeux. Elle marchait fièrement, elle parlait avec une orgueilleuse nonchalance et traitait les gens de Turc à More. Qui jamais eût osé lever sur la comtesse Laurence un regard d’envie ? Elle était bien connue pour adorer le comte son mari et mépriser le reste des hommes.

Cependant les connaisseurs disaient : Le tout avec cette jeune Baucis serait de bien choisir son moment. C’est ce que je pensais tout le premier.

Un jour d’été il m’arriva d’aller rendre visite à Laurence. Elle était seule dans un petit salon qui s’ouvrait sur le jardin. Je la vis de loin à demi couchée sur un sofa. Elle se souleva péniblement quand on m’introduisit :

— C’est vous ? me dit-elle… Ah ! vous arrivez à point pour fermer les jalousies. Ce soleil me brûle.

Je fermai les jalousies et revins m’asseoir auprès de Laurence.

— Et Robert ? lui demandai-je.

Robert, c’était le comte, c’était son mari.

Elle eut un petit tressaillement de tout le corps et ferma les yeux.

— Robert est absent, dit-elle. Ne le saviez-vous pas ?

Je le savais bien, et c’est ce qui m’amenait. Vous les connaissez, ces vertus solides, ces épouses modèles pour qui les caresses de l’époux sont le pain quotidien. Terribles affamées quand monsieur est en voyage !

Les jouissances impromptues sont les meilleures. Le coup en robe est délicieux parce qu’il se consomme au moment juste où l’on a envie. Le désir est dans toute sa force, l’action est prompte comme la foudre. « Mon ami, nous n’avons qu’un moment… » La phrase s’achève dans un baiser. La belle vous jette les bras autour du cou, vous la renversez sur un sofa, vous la troussez et…

Les mœurs modernes, la pruderie bourgeoise et la crainte des rhumatismes qui menacent nos tempéraments affaiblis, ont ôté beaucoup de charme à cette vive et chaude affaire. De nos jours les femmes portent culotte ; quelquefois même ces culottes sont de flanelle. Est-il un homme digne de ce nom qui voulût faire l’amour dans des culottes ?

On les arrache comme on peut. Le mieux est de céder à son indignation et de les jeter au feu, si c’est en hiver. Les flammes font justice de cette ignominie.

La comtesse Laurence croyait devoir à son rang d’être culottée !… Je la déculottai prestement. Elle ne protestait pas le moins du monde. Pas un geste, pas un mot, pas un murmure, et tandis que je parcourais tous ses mystères, elle se tenait la tête renversée sur le sofa, la bouche entr’ouverte, les dents serrées.

C’est alors que j’appris à connaître sa peau douce et chaude. L’attache du genou n’était pas bien pure, mais quelles cuisses savoureuses. Ce fessier, d’une abondance étonnante pour une si petite personne, roulait sous ma main. Et la comtesse Laurence était toujours muette comme une image.

Je mets ma muette en posture, je pénètre dans son sein. Pour étroite, elle ne l’était pas. Mais jamais je ne sentis connin si bouillant. On croyait entrer dans de l’écume chaude.

— Ah ! chère, lui dis-je, assis auprès d’elle après ce premier engagement, chère, vous en mouriez d’envie !

Je croyais que, la chose étant faite, elle allait enfin desserrer les dents ; mais point. Elle me ranimait habilement avec ses mains un peu maigres, un peu longues, toujours en silence. Lorsqu’elle me vit prêt à fournir une seconde course, elle se leva, me fit signe de la suivre, me conduisit elle-même jusqu’à la porte de l’hôtel et me montra auprès de cette porte un pavillon où je me jetai, au lieu de mettre le pied dans la rue.

Un instant après elle m’y rejoignit. Nous nous trouvâmes dans une pièce meublée d’un lit. Laurence m’embrassa, toujours muette, se déshabilla, toujours impassible.

Non, ce n’était pas une statue antique, et, par exemple, elle avait deux seins aussi abondants que ses fesses, qui ne donnaient pas l’idée de deux coupes de marbre et qui flottaient un peu au-dessous de son épaule maigre.

— Ah ! fit-elle en venant me présenter ces appas trop riches, ici je ne craindrai plus de parler haut. Vous pouvez me dire vos folies.

Et plus bas elle ajouta :

— Nous pouvons même en faire…

— Prononcez, lui dis-je, choisissez entre celles qui vous plairont davantage.

— Oh ! murmura-t-elle, je n’ose le dire. J’aime assez à… être fouettée !

Charmant désir ! Je le satisfis sur l’heure. Je me mis à fouetter Laurence à grands revers de main. Sa croupe en fut bientôt toute rouge. Elle s’animait, elle se pâmait, elle écumait à ce jeu barbare. Je la vis qui se branlait elle-même avec une fureur tandis que je frappais. Sa jouissance fut rapide.

— Encore ! encore ! criait-elle. Je recommençai à la fouetter, elle recommença à se branler. Épuisée, palpitante, elle alla tomber sur le lit. Je ne tardai pas à l’y suivre ; mais, la voyant inerte, brisée, je n’espérais plus rien tirer d’elle, lorsque, se glissant sur moi, m’enveloppant de ses replis comme un serpent, elle mit mon dard entre ses seins et commença à le frotter.

Bref, elle me le faisait en tétons, la chaste comtesse !

Nous le fîmes ensuite en levrette ; nous épuisâmes toutes les postures. Enfin, il fallut nous quitter. En embrassant une dernière fois Laurence, je lui dis :

— Soyez sûre de ma discrétion, ma chère.

— Oh ! fit-elle, je compte bien m’y prendre comme il faut pour l’assurer !

Je partis. Je n’avais fait aucune attention à cette parole traîtresse. Deux jours après, le comte revenait. Le lendemain de ce retour, je reçus le billet suivant :

« Vous avez abusé d’une amitié de dix ans pour me faire le dernier outrage. Ni la vertu, ni les reproches de la comtesse ne vous ont rappelé à vous-même. La crainte des mauvais propos du monde m’empêche seule de vous en demander raison. »

Laurence en effet prenait le meilleur moyen de s’assurer de ma discrétion ; elle me faisait jeter à la porte ; elle disait sans doute que j’avais essayé de la violer !

IX

MONTRE EN ARGENT OU LE SAUT
DE LEUCADE

Blanche de Beauvoir à la marquise de la Galissière.

« Madame,

« Je vous ai vue hier aux Italiens. Je vous aime. »

La marquise de la Galissière à mademoiselle Blanche de Beauvoir.

« Mademoiselle,

« J’ai reçu de vous hier un étrange billet. C’est une mystification sans doute. Expliquez-vous. »

Blanche à la marquise.

« Si vous me demandez de m’expliquer, c’est que vous m’avez comprise à demi-mot. Eh bien oui ! je vous aime, je vous désire ; mes yeux vous ont avant-hier dévorée toute vive. Êtes-vous au-dessus du préjugé qui repousse le plus doux et le plus solide des plaisirs ? — le plus doux parce que c’est du fruit défendu, le plus solide parce qu’il est le seul durable ? Est-il vrai que vous ayez couché avec la princesse Edwige ? Je la vaux bien. »

La marquise à Blanche.

« Êtes-vous discrète comme la tombe ? »

Blanche à la marquise.

« Discrète comme la tombe, brûlante comme la flamme. »

La marquise à Blanche.

« Lorsque j’allais rendre visite à la princesse Edwige, je trouvais auprès d’elle un beau cavalier pour finir notre entretien quand nous étions lasses de causer toutes les deux ensemble. À trois le temps s’écoule plus doucement. »

Blanche à la marquise.

« Il te faut de quoi éteindre l’incendie que j’aurai allumé. Je me procurerai ce beau cavalier, marquise de mon cœur. À demain. »

La marquise à Blanche.

« Mais il ne se montrera que lorsque nous l’appellerons ! »

— Vois-tu, me dit Blanche, qui m’avait envoyé chercher et qui venait de me conter son histoire, elle a encore de la pudeur. Mon cher, sais-tu que c’était là ma seule ambition ! Gamahucher une femme du monde !

Excusez-moi, belle lectrice : le beau cavalier que cette friponne de Blanche allait offrir à la marquise, c’était votre serviteur.

J’avais trouvé Blanche à sa toilette, et je vous réponds qu’elle en fit une minutieuse où je l’aidai de mon mieux. C’est moi qui la couvris d’essences et de poudre à la maréchale. Vous savez que c’est une belle fille toute blanche, toute blonde, toute ronde. Nous étions là tous les deux, moi faisant couler quelques gouttes d’eau de Portugal sur sa motte dorée, elle recevant cette libation avec une impatience fébrile. Je voulus prendre quelques libertés. Elle m’arrêta :

— Gardons nos forces tous les deux, me dit-elle.

La camériste entra, portant un paquet cacheté à l’adresse de Blanche. Nous fîmes sauter les cachets. Le paquet contenait un superbe godemichet dans un étui d’argent aux armes princières avec cette inscription gravée : « Edwige à son ange ! »

Pendant que nous admirions cette pièce curieuse, une voiture s’arrêta au pied de la maison. Blanche me jeta dans un salon contigu à son boudoir :

— Je t’introduirai quand il en sera temps, me cria-t-elle.

Eh ! morbleu, pourquoi pas tout de suite ? Je me mis à secouer la porte ; mais elle était fermée au verrou. J’essayai de coller un de mes yeux à la serrure… On ne voyait rien ; mais on entendait.

J’entendis des chuchotements, des baisers, des gloussements de poules amoureuses, un froufrou de robe qui glissait par terre, des bottines légères qu’on jetait au loin, puis un silence…

— Toute nue ! toute nue ! cria Blanche. Ah ! je te tiens, marquise !

— Appelle-moi putain ! dit la grande dame.

— Oh ! le joli bibi !

— Ah ! le beau con !

Le sofa gémit. Ce furent alors des soupirs, des hurlements furieux… Soudain il y eut une interruption causée par Blanche, qui toussait, qui crachait, qui étouffait.

— Cher ange ! dit marquise, qu’as-tu donc ? Un de mes poils dans ta gorge ?

— C’est qu’on n’en a jamais vu de si longs !… Ah ! le voici !…

Et les soupirs de recommencer.

— Mamour ! cria la marquise ; l’homme est-il là ?

La porte s’ouvrit. Quel spectacle !

Blanche, nue comme une reine sauvage, m’introduisit. Sur le sofa je vis sa complice étendue dans le même costume de nature, le corps tout marbré de baisers et de morsures, les cuisses écartées, les flancs agités de tressaillements convulsifs, la tête renversée sur les coussins et le visage couvert d’un mouchoir.

— Blanche ! murmurait-elle, je n’en puis plus ; qu’il vienne !

Parbleu ! j’arrivais. Ces cuisses bondissantes et le buisson noir entr’ouvert, tout cela me transportait d’une fureur sacrée. Je sautai sur le sofa, j’enconnai la belle. Au premier coup qu’elle me rendit, le mouchoir tomba.

— Ma cousine la Galissière !

— Mon cousin de la Brulaye !

— Ah ! tant pis !… Je… je le fais !

— Je dé… je décharge !

La jouissance nous avait saisis tous les deux comme la foudre et nous avait épargné l’embarras d’une si étrange rencontre…

— Puisque vous m’avez baisée, mon cousin…

— Puisque je vous ai foutue, ma cousine…

Blanche se tordait de rire !

— Ils étaient parents ! criait-elle ; ils étaient parents !

Cependant la marquise, d’une voix languissante, demandait à Blanche où était le godemichet de la princesse. Blanche apporta le monstre en triomphe, et sur un signe de sa complice se l’attacha autour des reins ; puis elle voulut le mettre à la marquise.

Mais celle-ci ne s’amusait pas à des jeux si simples ! Elle fit coucher Blanche sur le sofa et l’enfourcha résolument. L’énorme godemichet n’entra point sans la faire gémir ; mais il entra enfin. La marquise alors, s’adressant à moi, me dit :

— Mon cousin, prenez ce qui vous reste.

Ce qui me restait, c’était le cul !

Je m’en accommodai, comme on pense. Les entrailles où j’allais pénétrer étaient de ma famille ! Comme je me présentais un peu brusquement, ma cousine m’arrêta d’un coup bien appliquée de son croupion de satin.

— Savez-vous seulement sodomiser ? me dit-elle. Ah ! Richard, l’habileté n’est point d’entrer jusqu’au fond. Il y a au bord un muscle, un anneau qui serre…

— Oui, c’est le sphincter, répondis-je…

— Et c’est là qu’il faut se tenir pour être heureux ! C’est là que vous sentirez des contractions délicieuses. N’enfoncez pas ! N’enfoncez pas !

— Ah ! s’écria Blanche, quelle femme ! Comme elle sait tout cela !

Qui m’eût dit que je recevrais des leçons de socratisme de ma cousine la Galissière ! J’obéis à ses prescriptions… Je me tins dans le sphincter. Elle me fit sentir ces contractions divines !…

— Vois ! C’est le baiser du cul ! me disait-elle.

X

LE BAS GRIS-PERLE ET
L’ÉTOILE ROUGE

La belle Lamperière était une veuve aux yeux clairs, fort riche et de formes opulentes comme sa bourse. Peut-être n’était-elle pas en tout point aussi parfaite que la Vénus d’Arles, à qui les flatteurs la comparaient. On pouvait même trouver quelque chose d’un peu lourd et de mal dégrossi dans sa taille, et ses épaules montraient une chair passablement épaisse et trop serrée. En revanche, la nature lui avait départi une jambe !…

Et au bout de cette jambe un pied alerte. Elle était ordinairement chaussée de bas de soie gris-perle avec des pantoufles roses. Quel est le voluptueux qui ne sache point que le bas gris-perle est le dernier mot de la volupté ?

Au moment où je vous la présente, la belle Lamperière est fort empêchée, car je suis assis dans un fauteuil auprès, tout près d’elle ; je la tiens embrassée, et je viens même de passer une main sous sa jupe !

On a beau être du meilleur monde, on n’en est pas moins sensible, et le chatouillement dont elle ne pouvait se défendre incommodait fort la belle Lamperière.

— Est-ce que je rêve ? me dit-elle… Quoi !… C’est la seconde fois que vous me voyez seul à seule !… Vous ne m’estimez point !…

— Je voudrais vous estimer trois fois de suite sans reprendre haleine, répondis-je tout hors de moi. D’ailleurs, c’est la faute de vos bas gris-perle.

Ma main ne quitta point son poste, et le dialogue suivant s’engagea entre la belle Lamperière et moi :

Elle : Ce bas gris-perle n’est pas une raison.

Moi : Il vous fait une jambe céleste. Dieu m’est témoin que je n’ai voulu d’abord vous prendre que la cheville… Mais, ma foi !…

Elle : Aïe ! vous m’écrasez le genou !

Moi : Mais non ; ce n’est point votre genou !… C’est plus haut que je caresse… Quelle peau ! Du satin rose comme vos mules !

Elle : Oui, oui, je suis assez contente de ma peau… Si vous continuez, je vais appeler…

Moi : Ah ! le petit nombril mignon !…

Elle : J’appelle ma femme de chambre !

Moi : Je l’ai payée !

Elle : Vous avez payé ma femme de chambre ! Monstre !… Voulez-vous me laisser !

Moi : Bon ! Vous ne pouvez pas tout garantir à la fois ! Si vous défendez le devant, je prends le derrière !…

Elle : Vous êtes un homme sans délicatesse… Pour qui me prenez-vous donc, monsieur ?

Moi : Pour moi !

Elle : Je suis une honnête femme, et depuis la mort de M. de Lamperière, jamais aucun homme !… C’est une abomination, un viol, un meurtre !…

Moi : Je vous en prie, ouvrez un peu votre robe au lieu de me dire des choses sans raison… Donnez-moi ce beau sein… Vraiment, on dirait qu’il est trop dur !

Elle : Eh bien oui !… Mais vous laisserez le reste… Tenez, le voici… J’ai encore la complaisance de le tirer de sa prison pour vous !…

Moi : Le bout en est couleur de chocolat… J’en vais manger !

Elle : Non, non… Brr… ça donne le frisson !

Moi. : Maintenant offrez-moi votre bouche.

Elle : Ma bouche !… Eh bien !… Ah ! vous me feriez pâmer ! Non, je ne veux pas… Non, je ne desserrerai pas les cuisses… Votre main ne passera pas… Vous me faites mal… Vous avez des ongles !… Mais vous me mettez toute nue !… Au moins vous plairait-il de baisser ma robe ?…

Moi : Vraiment oui ! Vraiment oui !… Pourquoi n’irais-je pas aussi fermer les rideaux ! J’aime bien mieux regarder ce que je tiens. Dieu ! Ce bas gris-perle !… Vous avez des formes bien nourries, ma chère… Je vais y mordre à belles dents… Voyez-vous ce manchon noir !…

Elle : C’est trop de trois doigts… Deux seulement !… Ah !… Frottez plus doucement… Quel homme !… Grand Dieu !… Je… je…

Moi : Tu as joui, tu es contente… Qu’allons-nous faire à présent ? Veux-tu qu’avec ma langue dans la gueule de ce beau chat ?…

Elle : Pour cela, aujourd’hui non !… Non, non, non !… Vous ne m’avez pas laissé le temps de faire ma toilette.

Moi : Que ce détail ne vous inquiète pas ! J’aime le goût du fruit… Mais pourquoi vous dérobez-vous ainsi, ma belle ?…

Elle : Rien… une douleur là…

Moi : Dans le bas-ventre ! Une petite colique… Tu te retires encore, tu m’en veux !

Elle : Oui, je vous en veux… Surtout je m’oppose à ce que vous me fassiez…

Moi : Minette ?… Oh ! oh ! Vous ne me pardonnez point de ne vous avoir pas fait une déclaration dans les règles !

Elle : Mes règles !… Qui vous a dit ?… Mes règles !… Non non, pas encore… Si mes calculs sont justes, ce ne sera que pour demain.

Moi : Du diable si je pensais à cela !… Mais que regardez-vous donc dans les plis de votre chemise ?

Elle : Il n’y a rien ! Il n’y a rien ! J’en étais sûre !

Moi : Nous disons donc que tes règles ne viendront que demain… Et quand tu les aurais à présent, ma chère !…

Elle : Vous dites cela… Au fond, vous êtes comme tous les hommes… Les femmes sont plus amoureuses dans ces vilains moments-là… Mais nous n’en profitez point… Ça vous dégoûte !

Moi : Laisse donc ! Laisse-moi voir… Justement, dans le pli de ta cuisse, voilà une petite trace rouge !…

Elle : Quelle horreur !… Lâchez-moi !… Partez… Vous reviendrez dans trois jours… Lâchez-moi !

Moi : Bah ! Tu auras beau te débattre ! Je te tiens. Ôte plutôt ta robe… Ôte-la, veux-tu ?… Toute nue avec tes bas gris où vont tomber des gouttelettes rouges, ce sera charmant.

Elle : Ah ! Richard, si je vous croyais sincère… je ferais ce que vous voulez.

Moi : Regarde la preuve de ma sincérité… Est-ce assez dur ?… Je suis tout en feu.

Elle : Quoi ! vous vous mettriez comme cela… dans le sang !…

Moi : Je t’avertis que je ne vais pas même te laisser ta chemise.

Elle : Mais… mais que faites-vous ?… C’est que je n’ai plus que mes bas ! Vraiment, j’ai honte…

Moi : Où irons-nous pour faire le joli petit jeu ?…

Elle : Dans la chambre voisine il y a un lit.

Moi : Ici, il y a un divan de soie rouge… et le rouge te va bien… Là, viens devant le miroir. Tu verras ce gros chose qui est si dur entrer dans ton chat et en sortir…

Elle : Quelle idée !… Je le veux bien.

Moi : Tiens, mets-toi à genoux. J’arrive par derrière… Vois, le miroir réfléchit ton ventre, tes seins. Et cette motte brune ! Tu as des fesses de marbre…

Elle : Laisse-moi le plaisir de le mettre… Il entre… Aujourd’hui je suis large… C’est le sang qui vient et qui rend le passage humide ; mais ordinairement…

Moi : Vois-tu ? Il va, il vient… Je sors, je rentre tout doucement, je vais au fond… Voilà le sang ! Voilà le sang !… Une étoile rouge sur le bas gris !… Je vais te branler.

Elle : Richard ! Richard ! Pas de vilains mots !… Branle fort !

Moi : Le sang ! Flic ! Flac ! Comme je barbote !

Elle : Je voudrais t’embrasser… Je ne peux pas… Tiens ! Je t’embrasse dans le miroir… Ah !… je… je jouis… Toi aussi !… Il m’inonde !…

Moi : Sacredieu !

Elle : Retire-toi, mon chéri…

Moi : J’ai l’air d’avoir trempé mon membre dans le sang de tous les ennemis de la France !

Elle : Que cherches-tu ?

Moi : Une serviette.

Elle : Ce sang te fait mal à voir maintenant que ta passion est assouvie : tu n’as que le dégoût !

Moi : Parbleu ! Je vais bien te prouver le contraire tout à l’heure quand je serai en état… Tu vas m’y remettre avec ta main quand je me serai essuyé… Ma chère, tu baises à ravir.

Elle : Ah ! Richard ! Richard ! Que je t’aime !… Viens t’asseoir sur ce sofa… La serviette que tu cherches… la serviette ce sera ma bouche !

XI

SUR UN TRÔNE

Être abordé le soir par une duègne qui vous remet un billet, être invité à monter dans une voiture et mené au rendez-vous, un bandeau sur les yeux, c’est ce qui ne se voit plus guère de nos jours ; c’est ce qui m’arriva une nuit de décembre.

Une main légère et parfumée m’enleva mon bandeau ; mais la pièce où l’on venait de m’introduire était sombre. Je sentis dans mes bras un corps plus frais que les roses du matin, à peine enveloppé dans un peignoir de batiste. Les baisers volèrent, le sacrifice se consomma dans l’obscurité sur un divan de satin.

Quand tout fut consommé, ma mystérieuse amante me prit par la main et me conduisit dans une pièce brillamment éclairée et somptueusement meublée. Je vis bien que j’avais affaire à une très grande dame : je me crus dans la tour de Nesle.

« Je suis la princesse de Schleiz-Sondershausen-Loerrach, me dit-elle. J’ai le titre d’altesse sérénissime. Le prince, mon mari, envoie chaque année un quart de député à la Diète, et trois soldats pour son contingent à la grande armée fédérale. Nous avons en tout trente-un mille sujets. Notre armée particulière se compose de dix hommes superbes, plus un général, deux colonels, quatre capitaines et huit lieutenants. Quand je la passe en revue, je crois faire un rêve ; car enfin me voilà princesse, et il n’en est pas moins vrai que je suis venue au monde dans une étable et que j’ai perdu mon pucelage des œuvres de Jean-Pierre, sous un coudrier.

Ce sont de singulières aventures que les miennes. Je vous les conterai quelque jour. Je crois qu’il est bon de vous en présenter d’abord l’héroïne. »

— Bon ! dis-je, Votre Altesse oublie que je la connais déjà quelque peu.

— Parce que vous m’avez baisée ! dit-elle. Oh ! cela ne suffit point. Vous me connaîtrez tout entière, je n’y mettrai point de façons. De la tête aux pieds, me voici !

En même temps elle laissait tomber son peignoir et se montrait nue devant mes yeux.

— Vous le voyez, reprit-elle, je suis plutôt grande que petite. Bien qu’habillée je paraisse fort mince, j’ai toujours eu l’embonpoint qu’il faut, et je n’en souhaite pas davantage. Ma taille est fine sans doute, mais bien garnie ; ma gorge est pleine ; elle plaît aux gourmets : les gourmands même y trouvent leur compte. Je peux bien dire que j’ai la chair la plus friande du monde. Joignez à cela cette peau parfaitement blanche et douce et si froide, principalement à l’endroit des reins. Touchez là. N’est-ce pas une volupté toute particulière que de se rafraîchir les mains sur mes fesses ?

Je suis souple comme une couleuvre. Vous savez maintenant si j’enlace un homme avec des anneaux d’acier ! La jouissance ne me lasse point. C’est ce que je vous montrerai tout à l’heure. Mes cheveux vous plaisent-ils ? Aimez-vous cette nuance ardente ? Frisez la jolie moustache d’or qui ombrage mon bijou mignon, et dites si ce n’est pas le plus agréable bijou qu’il y ait dans la France entière. L’Allemagne n’a rien de mieux. On ne l’ouvre point sans le forcer, il se défend, il serre, il pince et surtout il brûle !

Êtes-vous content de mon visage ? J’ai le teint des blondes et vous ne sauriez décider si mes yeux sont bleus, car la nuance ne laisse point que d’en changer suivant la nature des émotions qui m’agitent ; elle est variée comme les désirs de mon cœur.

Le poète de la cour, homme hardi dont les regards ne craignent point de se promener souvent au bord de mes nobles jupes, m’a fait deux madrigaux pour me prouver : 1o que mes sourcils étaient semblables à l’arc de Diane ; 2o que mes oreilles sont plus roses que la coquille de Vénus. Je consens à tout cela ; mais pardessus tout c’est ma bouche qu’on aime. Je le crois bien ! Baise-moi, mon ami. As-tu jamais senti des lèvres si savoureuses ? Et la langue ! Tu sauras tout ce que cette langue-là peut faire.

Je ne t’ai rien dit encore de mes mains. Il n’y en a pas de plus vives et de plus légères ; elles passent, elles glissent, elles courent, elles vont partout. Quant à mes pieds, ce sont deux trésors… d’autant que la jambe est faite au tour. Contemple un peu ces cuisses… Oui… oui, baise-les, mords-les : elles en valent la peine !… Je me retourne !… Agenouille-toi devant ce sublime derrière : de plus grands que toi l’ont bien fait !… Je ne rougis point de le dire, c’est en le prêtant aux augustes goûts du prince, mon époux, que j’ai conquis mon rang d’altesse. Le bon prince jurerait qu’il en a eu les gants !… Le pauvre homme !… Mais je me suis échauffée en parlant de moi-même… Viens !

En même temps, elle frappait trois coups sur un timbre d’argent. Trois filles d’honneur entrèrent.

Sur un geste de leur noble maîtresse, deux d’entre elles s’approchèrent de moi et se mirent en devoir de me déshabiller. Je me laissai faire, confondu de tant d’honneur qu’on me rendait. La troisième alla chercher un bassin d’or et une éponge fine, et se mit à laver les appas les plus secrets de la princesse. Elles se retirèrent. La princesse alors s’élança dans mes bras, et, nus tous les deux, nous échangeâmes de délicieuses caresses. Je voulus couronner ces préludes… Mais elle m’arrêta.

— À quoi servirait d’être souveraine, me dit-elle, si c’était pour jouir en bourgeoise !

Elle frappa de nouveau sur le timbre d’or. Tout le fond de la chambre s’enleva par enchantement comme un rideau, et un théâtre m’apparut sur lequel il y avait un trône. La princesse en monta les gradins d’un air majestueux, m’invitant d’un signe à la suivre. Une musique invisible et délicieuse se fit entendre, et de la coulisse sortit un essaim d’admirables filles à peine vêtues d’une écharpe enroulée autour des flancs et dansant des pas voluptueux. Un bel adolescent parut, monta les degrés du trône.

— Zénaïde, dit-elle, mets-le-moi !

Zénaïde, la belle esclave Zénaïde, prit mon dard entre ses doigts roses et l’introduisit dans l’auguste con.

L’adolescent se tenait auprès de nous, immobile. À quoi pouvait bien servir sa présence ? C’est ce que je vis un moment après. La princesse ayant glissé sous moi, étendit la main vers le membre raidi de son jeune serviteur, l’empoigna et s’en servit comme un levier pour se hisser et se remettre en place ; mais ayant en main cette belle pièce, elle ne la lâcha plus. Pour moi, tandis que je jouais des reins, je sentis une langue agile qui se glissait entre mes fesses. La belle houri me postillonnait !

Cependant les danses continuaient. Les bayadères avaient dénoué leurs écharpes flottantes, rien ne me cachait plus la vue de leurs charmes. Animé par ce spectacle enchanteur et par l’attouchement délicieux qui m’était fait au derrière, je fournis deux postes à ma princesse, sans souffler ni déconner.

— Je te fais aide de camp du prince, me dit-elle.

J’ai servi pendant trois mois Son Altesse monseigneur de Schleiz-Sondershausen-Loerrach ; et sa confiance en moi fut si grande qu’il me donna souvent sa femme la princesse à baiser, pendant que lui-même il la sodomisait. Je tiens de sa munificence le grand cordon de Saint-Socrate, qui est, comme on le sait, un ordre noble.

Mais un jour le prince voulut changer la disposition du groupe et me faire prendre la place de la princesse, c’est-à-dire me mettre au milieu !

Je le quittai.

XII

LES MATINÉES D’UNE COURTISANE

C’était en juillet. Il faisait chaud. La chaleur m’excite. À dix heures du matin, je me rendis chez la petite Coralie, que je trouvai sortant du bain.

Elle était étendue sur une causeuse (et pourquoi ne dit-on pas une fouteuse ?), enveloppée dans une couverture de laine et entourée de ses deux soubrettes Rosine et Nana, en simple chemise toutes deux.

À la chaleur du baiser que je lui donnai en entrant, Coralie comprit que j’étais d’humeur galante.

— Toi ! me dit-elle en riant, tu viens me demander l’aumône !

— Oh ! madame, dit Nana, qui vient de s’assurer que sa maîtresse disait vrai, madame, il bande !

— Il bande ! répéta Rosine.

Je pris deux louis dans ma poche et, en tenant un de chaque main, je priai ces deux aimables filles de rejeter la couverture de leur maîtresse et d’ôter elles-mêmes leur chemise, ce qu’elles ne me refusèrent point.

Elles étaient forts brunes l’une et l’autre ; Coralie, au contraire, était assez blonde, assez petite, un peu trapue même, avec des seins qui ressemblaient à des boules d’ivoire, des flancs bien remplis, la cuisse et la jambe replètes, mais la cheville fine avec des amours de pieds, comme on n’en voit qu’à Paris ou en Espagne. Quant à son joli fessier rose, tout le beau monde masculin et féminin même l’a pincé, mordu, fouetté. Quel charmant visage de coquine avait Coralie ! Fi ! Le minois impudent ! Quels yeux à la perdition de toutes les âmes ! Et quelle bouche également faite pour l’amour et pour rire au nez du genre humain, tout en lui mangeant son argent !

— Tiens ! me dit-elle en me jetant son pied au visage, baise l’instrument de ton plaisir ; je vais te le faire entre ces deux petons-là !

Ah bien oui ! Le timbre résonna à la porte de l’appartement. Nana, en costume de la mère Ève, courut s’informer du visiteur et revint éperdue.

— Madame, c’est monsieur le duc ! Je l’ai fait entrer dans le boudoir.

— Mon doux ami, me dit Coralie en se levant, souffre que j’aille gagner cinquante louis.

Drelin, drelin, drelin ! Ce fut au tour de Rosine d’aller aux nouvelles.

— Madame, madame, c’est le gros banquier !

— C’est cinquante autres louis vraiment ! s’écria Coralie en battant des mains.

Drelin, drelin, drelin ! Cette fois les deux filles y coururent ensemble.

— Madame, c’est le petit Lousteau !

— Cent louis, celui-là ! dit Coralie, mais en un billet payable à sa majorité. Il faut battre monnaie comme on peut quand on a affaire aux enfants. Eh bien ! Que tous les trois attendent ! Mes filles, présentez-moi le joli membre de mon ami.

Rosine et Nana me déculottèrent avec complaisance. Coralie prit et commença de rouler entre ses deux pieds ce qu’elle voulait bien nommer mon joli membre.

Ne savez-vous pas que les filles de Corinthe avaient une renommée pour l’exquise façon dont elles savaient branler avec leurs pieds leurs amants d’Athènes ou de Béotie ? Les pieds de Coralie étaient aussi joliment tournés qu’agiles. Ils saisirent mon membre entre leurs deux plantes satinées.

Elle donna l’ordre à ses deux caméristes de se ranger auprès d’elle, l’une à gauche et l’autre à droite, et se mit à en chatouiller une de chaque main. Ses deux petites menottes disparaissaient dans le chat noir des deux filles. Ses deux petons glissaient, volaient, tournoyaient autour de mon vit enflammé, tantôt frottant doucement du talon les deux boules qui contiennent la liqueur divine, tantôt de la pointe et du pouce s’aventurant jusqu’au couloir de Sodome…

Tout à coup elle s’arrêta.

— Si je congédiais mes trois amoureux ! dit-elle.

— Madame, dit Nana, veut-elle que j’aille les prier l’un après l’autre de revenir dans deux heures ?

— Sotte que tu es ! fit Coralie. Si tu veux qu’ils reviennent, dis-leur plutôt d’aller au diable !

Ainsi fut fait. Lorsque Nana rentra dans la chambre après avoir rempli cette mission délicate, elle put voir un flot blanc qui s’élevait en l’air… C’était mon foutre jaillissant.

— Madame ! s’écria cette charmante fille d’un air consterné, n’est-ce pas là du bien perdu ?…

— Oui, dit sentencieusement Rosine, il ne faut pas gaspiller le bien du bon Dieu, madame…

Coralie éclata de rire :

— Mes filles ! cria-t-elle, voulez-vous remettre notre bon ami en état de vous plaire !

Chères filles ! Déjà elles faisaient avancer leurs charmes et étendaient les mains.

— N’y touchez pas ! s’écria Coralie. C’est par les yeux qu’il faut ranimer notre ami. Venez là, mes filles ! Venez là !

En même temps elle se couchait sur le sofa, les cuisses ouvertes et légèrement relevées.

— Qui m’aime me baise ! dit-elle.

Rosine et Nana s’élancèrent ensemble. Nana joignit le but la première, et la motte de Coralie disparut sous sa bouche libertine. Rosine se consolait comme elle pouvait en embrassant sa maîtresse et en lui suçant les seins ; et moi je branlais et je postillonnais Nana, dont la croupe se trouvait près de mon visage. Des cris, des soupirs, des imprécations impies annoncèrent que Coralie allait jouir.

— Nana ! cria-t-elle, regarde s’il bande encore !

Ce dont Nana s’assura en faisant un peu reculer sa croupe, qui rencontra mon membre devenu d’airain.

— Oui, madame, soupira-t-elle.

Dans la position où elle se trouvait, c’est au con de Coralie qu’elle parlait. Le fripon entendit à merveille. Coralie me fit asseoir au milieu du sofa, et s’assit sur moi. Dans cette posture, la jouissance est lente et les trous-bonbons les moins étroits se resserrent. D’après les ordres de sa maîtresse, Rosine vint s’agenouiller devant nous.

La chère créature se mit à nous lécher ainsi tous deux à la fois. Un coup de langue au clitoris de Coralie, un autre coup à la racine de mon membre. Je le faisais sortir, elle l’engoulait tout entier. Il rentrait dans le con de Coralie et je recommençais ce jeu charmant. Nana, à genoux derrière Rosine, tenait le croupion de sa commère serré entre ses cuisses et la branlait…

On sonna une fois, deux fois, trois fois. C’étaient les trois amoureux qu’on avait envoyés au diable et qui revenaient chercher le paradis.

— Oui… oui… disait Coralie toute pâmée… Après le plaisir… Les affaires… Je vais aller gagner mes deux cents louis !

Quelle belle vie que la vie d’une courtisane ! On baise, on jouit, on s’enrichit, on a toutes les joies ensemble.

XIII

LA GOULE

C’étaient de douces et honnêtes amours que les nôtres. Le sacrement seul y manquait. Ma petite Lucette s’en consolait en me disant : « Je suis ta femme devant Dieu ! » J’avais vingt ans, [elle] dix-sept. Tout n’était pour nous que poésie au monde. Nous parlions du ciel et du bonheur des anges, et lorsque nous consommions le voluptueux sacrifice, nous appelions cela : confondre nos âmes.

Nos plaisirs étaient faits de si chastes caresses ! Le soir, assis devant le foyer, Lucette sur mes genoux, comme nous devisions tous les deux ! Si mes mains s’égaraient sous les jupes de ma maîtresse, elle soupirait : « Ah ! le vilain homme ! » Et se renversant sur mon épaule, attirant ma tête vers la sienne, elle me buvait longuement les yeux, tandis que je la branlais. Bientôt le lit nous recevait et se remplissait de plaintes et de murmures.

Si je voulais baiser du haut en bas le joli corps de Lucette, elle ne s’y refusait point ; seulement elle soufflait la bougie. Dans l’obscurité, elle devenait plus libertine et me rendait tout. Mais la pudeur lui revenait avec le jour. Il y eut un matin une brouille sérieuse entre nous, parce que j’avais voulu la mettre toute nue devant son miroir.

Nous nous aimions depuis un an, quand la famille de Lucette, qui habitait la province, la rappela tout à coup. Peu de temps après, je sus qu’on l’avait mariée à un capitaine de dragons.

Deux ans plus tard, je traversais le jardin des Tuileries, quand une femme passa :

— Quoi ! Lucette, est-ce vous ?

— Richard !

— C’est bien vous ! Comment êtes-vous ici ? Ah ! Lucette !

— Mon mari est en garnison à Paris et je n’ai pas manqué de le suivre.

— Votre mari !… Taisez-vous, infidèle, ingrate ! lui dis-je en souriant. Comme vous m’avez bien planté pour ce capitaine !

— Dame ! Il m’épousait, lui !

— Il vous épousait ! Voilà le grand mot !… Eh bien vous avez fait ce que j’aurais fait moi-même si j’avais été Lucette… Mais peut-on vous aller voir ?

— Ne vous avisez pas de venir chez moi ! Mon mari est un jaloux !

— Il me percerait avec la pointe de son grand sabre !… Ah ! Lucette !… Si j’osais vous prier de venir chez moi !…

— Mon Dieu ! fit-elle, il n’y aurait peut-être pas besoin de me prier bien fort !… Je veux causer avec vous, Richard.

Il y eut à ce moment un éclair dans ses beaux yeux si doux et toujours volontiers humides. « Voilà, me dis-je, une heure du berger qui sonne et que je n’attendais point. » Je mis le bras de Lucette sous le mien. Nous arrivâmes à mon logis tout en riant et en jasant. Lucette, une fois la porte bien close, me donna le plus amoureux, le plus chaud des baisers. Je me mis à penser au capitaine. Pauvre dragon. Je délivrai sa petite femme de son chapeau, de son manteau, et je la fis asseoir sur un sofa. Nouveaux baisers.

Cependant mes mains la parcouraient toute entière. Quelle fut ma surprise de voir sa main, sa main si timide autrefois, se glisser dans mon pantalon, l’ouvrir, en tirer ce que vous pensez bien !… Eh quoi ! Est-ce que je rêvais ? Elle se jeta sur ce noble outil (j’ose dire qu’il est noble !) et le baisa ! Lucette, Lucette, est-ce bien vous ? Quel chemin vous a fait faire le capitaine !

Je venais de lui ôter sa robe… Son sein était aussi pur, son épaule aussi fraîche et ronde qu’autrefois. Le reste à l’avenant. Je murmurai si bas, si bas qu’elle aurait pu ne point l’entendre :

— Faut-il ôter aussi cette chemise ?

Elle se mit à rire et la chemise tomba.

Mes lèvres allaient chercher la coupe où jadis il ne m’était permis de boire que dans l’ombre… Ô changement ! Ô mystère ! Ô surprise des surprises !

— Tête-bêche alors ! me dit Lucette.

La voilà posée sur moi, sa coupe d’amour sur ma bouche, tandis que sa bouchette rose s’attaquait à ce membre que naguère elle osait à peine toucher du bout des doigts. Du premier coup elle se le poussa jusqu’au fond de la gorge. Quelle langue alerte ! Quelles lèvres savantes ! Lucette pompait de toute son âme, avec une passion ! avec une fureur ! avec des soupirs ! avec des cris étouffés ! avec des bondissements de reins ! avec des mouvements enragés de tout le corps !… La liqueur enflammée s’élança : elle la but, elle la savoura avec délices !

— Je n’en ai pas perdu une goutte ! me dit-elle.

— Lucette, balbutiai-je, est-ce votre mari qui vous a appris ?…

— Non ! C’est le petit lieutenant, fit-elle. Mon mari me baise… et cela ne me fait plus rien du tout…

— Lucette, je ferais bien comme votre mari…

Mais elle ne m’écoutait point : elle s’était jetée à mes genoux, secouant, baisotant encore mon dard qui ployait. Quelle étrange passion ! Ses mains pressaient mes testicules vides, sa langue battait pays tout alentour ; tous ses désirs, toutes ses forces, toute son âme étaient tendus vers la seule gloire de me ranimer. À moi elle ne songeait plus : je n’existais pas pour elle. Vraiment, elle n’avait plus de pensée que pour lui. Lui, c’était mon membre !

Voyant qu’elle ne parvenait pas à le raffermir par ces moyens qui ne me plaisaient pas uniquement comme à elle, l’étonnante créature se releva et se mit à me chevaucher, pressant mon outil rebelle entre ses cuisses mignonnes et le frottant du bord de ce joli connin, qu’elle regardait elle-même comme un saint bon à ne plus être fêté. Au rebours des autres femmes, elle se servait des voies et moyens de la nature comme d’un excitant et d’un artifice pour arriver aux fins que la nature doit réprouver.

Je recouvrai bientôt ma vigueur sous cette étreinte, et serrant Lucette contre moi, je l’enfilai si prestement et avec tant de justesse qu’elle était pénétrée jusqu’au fond avant d’avoir pu se défendre. Mais elle était robuste ; elle déconna résolument, et se laissant retomber à mes genoux, ressaisit mon dard et l’engoula.

Engouler ! C’est bien le mot. J’avais affaire à une goule ! Tandis qu’elle me suçait pour la seconde fois avec la même frénésie, je n’avais point le courage de me dérober à ses caresses dévorantes. « Rien pour moi, me disais-je. Tout pour lui. Elle ne s’occupe pas même de savoir si je suis content, pourvu que je bande et qu’elle en ait la bouche pleine ! »

J’étais jaloux de mon membre !

XIV

LES COUVENTS À LA MODE

C’était la Régence alors… Non, c’était l’Empire seulement, le Bas-Empire, petite époque de petits cyniques aux sens menteurs et au cœur tremblant. Étrange époque où d’étranges modes s’étaient introduites ! On menait sa fille à l’église et sa maîtresse au bordel !…

C’est ce que me dit Thérèse de Charnac, dont j’étais alors le jouet et l’esclave. Elle me raconta que la plus chère de ses amies avait été conduite la veille chez la Saint-Vigor. Elle ajouta :

— C’est la mode !…

Elle était grande, brune, passablement maigre, cette Thérèse, admirablement faite pour porter des habits d’homme. Je lui donnai les miens, je la culottai moi-même… En route pour le couvent de la Saint-Vigor et fouette cocher !

— Bon ! murmurèrent les nonnes en la voyant entrer, encore une tribade !

— Tu les entends ! dis-je à Thérèse.

— Elles se trompent ! fit-elle. Tribade !… Pas encore !

Il régnait dans cette salle, brillamment éclairée, une forte odeur mélangée d’iris et de sueur, de musc et de foutre. La pièce d’ailleurs était meublée et tendue de velours rouge. Rien de plus froid ni de plus banal. Pas même une image galante à la muraille. On eût dit le boudoir d’un notaire.

La servante cria :

— Toutes ces dames au salon !

Des dames, il en venait de partout. On en vit entrer par toutes les portes, en robes jaunes, en robes rouges, en robes bleues. Corsage ouvert jusqu’à la ceinture et laissant passer et ruisseler la gorge ; jupes attachées par un fil, prêtes à tomber en un moment. Vénus alors, la Vénus impudique émergeait toute nue de ce flot de velours, de dentelles ou de soie, — nue, toute nue, absolument nue comme un ver.

Thérèse s’était assise tremblante et confuse, malgré sa hardiesse naturelle, au bout d’un sofa. La troupe cynique vint tournoyer autour d’elle.

— Bonjour, beau garçon.

— Fais ton choix, bel homme.

— Viens ! Je sais ce que tu es, je te lécherai, je te sucerai… Oh ! nous sommes accoutumées à amuser les dames de la cour…

— Faites votre choix ! cria la servante.

— Viens, mon homme, dit une grosse fille qui aimait à rire… Tu es bien ce qu’il me faut. Qu’est-ce que je demande ?… Un louis et dix pouces !… Ce gaillard-là doit être monté comme un cheval !

Mais une grande et forte ribaude, qui portait on ne sait pourquoi un costume de Suissesse avec des tresses flottantes, et qu’on appelait Gretchen, vint s’asseoir sur les genoux de Thérèse, et, passant la main sur le pantalon de la belle avec une gravité comique, s’écria :

— Il bande ! Alors ce furent des cris, des vivats, des rires, des trépignements dans toute la salle.

— Gretchen ! Qu’il te le fasse devant nous !

— En levrette, en levrette !

— Il bande ! Il bande !

Et la servante répéta :

— Faites votre choix ! d’une voix de tonnerre.

Sur un signe que je leur fis, Gretchen la Suissesse et une de ses complices, qui s’appelait Ida, entraînèrent madame de Charnac. Je les suivis. Thérèse murmura je ne sais quelle protestation inintelligible ; et moi je lui dis :

— C’est la mode !

Dans la chambre où nous entrâmes, il y avait un grand lit tout entouré de glaces. Gretchen se mit en devoir de déculotter sa belle visiteuse, dont les dents claquaient comme si on l’avait conduite au dernier supplice, et pourtant déjà les doigts de l’adroite Suissesse la chatouillaient.

Ida me disait :

— Faites-nous votre petit cadeau.

Je déposai quatre louis sur la cheminée. Et comme cette fille s’empressait autour de moi je lui montrai Thérèse entièrement déculottée !…

— Tout pour elle ! m’écriai-je.

Bientôt je les vis nues toutes les trois. Les glaces qui entouraient le lit reflétaient ces trois corps enlacés. Les deux prostituées du ruisseau tenaient embrassée entre elles la prostituée du grand monde. Elles la mirent au bord du lit. Ida, s’agenouillant devant elle et lui tenant les deux jambes sur ses épaules, lui portait à l’anus le feu de ses baisers. Sa langue fourmillait dans le chemin de Sodome.

Gretchen la Suissesse s’est couchée en travers du lit. Elle suce les seins de Thérèse. Sa bouche glisse et descend, happant cette chair brune. Elle entr’ouvre de deux doigts la porte non plus de Sodome, mais de la nature, et saisit le clitoris entre ses lèvres. Thérèse crie, se tord et m’appelle…

— Jouis, putain ! lui dis-je. Jouis à crever, à rendre l’âme… Fais-toi lécher : c’est la mode !

C’était la mode à la cour de ce temps-là. On dit que la souveraine avait un troupeau sacré de filles d’honneur dont les charmes les plus intimes et les plus profonds n’avaient point de secrets pour elle. On dit qu’armée d’un godemichet elle avait eu leurs prémisses à toutes. Les restes étaient pour les fonctionnaires de l’Empire…

Voilà ce que savait bien madame de Charnac.

— N’y a-t-il pas ici un godemichet ? soupira-t-elle d’une voix mourante.

Gretchen sauta sur un meuble dont elle ouvrit un tiroir. Des godmichets, il y en avait dix, il y en avait vingt ! La Suissesse m’assura qu’ils n’avaient servi qu’à des dames de la cour. C’est ce qui me fit dire :

— Ont-ils la vérole ?

Mais déjà la Suissesse était armée d’une pièce magnifique qu’elle avait attachée à sa ceinture et s’élançait sur le lit, culbutant sous elle madame de Charnac haletante.

Ces femmes de haut rang ont, comme on dit, les yeux plus grands que le ventre. Il faut donc qu’elles aient les yeux bien grands !… Sans doute. Mais c’est aussi que le membre artificiel de Gretchen la Suissesse était énorme !…

Il entra pourtant. Ida le dirigeait avec art. Gretchen ne poussait qu’avec mesure…

— Mes amies, vous me déchirez !… Vous m’assassinez !… Ah ! j’en suis… j’en suis toute pleine !…

On entendit comme un craquement. Puis elle poussa un cri terrible…

— Ne vous plaignez pas ! lui dis-je, c’est la mode !

Longtemps, bien longtemps, jusqu’à une heure avancée de la nuit, se prolongèrent ces jeux à la mode. Le dernier coup de la dernière partie fut le plus piquant. Vraiment on me fit l’honneur de m’y donner place et voici comment.

Représentez-vous votre serviteur étendu horizontalement sur le lit. Madame de Charnac ou la prostituée du grand monde est au bord, enfilée par Gretchen à la façon des bêtes. Ida, accroupie sous elle, la lèche doucement, et la grande dame elle-même, s’abattant sur moi, me suce avec fureur… Puis se relevant, les yeux troubles, chancelante, étourdie :

— Fais-moi rhabiller et sortons d’ici, me dit-elle. Lorsque nous fûmes remontés en voiture, je me mis à la contempler avec admiration comme une personne digne de son rang par sa luxure.

— Êtes-vous contente ? lui demandai-je.

Elle leva doucement les épaules.

— Bah ! me dit-elle, c’est la mode !

XV

LE MANCHE DU GIGOT

— Allons donc ! fit Cora. Tu te vantes ! Si tu voyais, là, devant tes yeux, un jeune garçon bien beau, bien blanc, qui te présenterait le derrière, tu aurais peur et tu te sauverais à toutes jambes !

— Ah ! chère enfant, lui dis-je, vraiment non. Il faut connaître de tout un peu et…

— Bah ! reprit Cora en riant, tu aimes trop les femmes !

— C’est, en effet, ce que je vais te prouver sur l’heure !

Tandis que je le lui prouvais et qu’elle jouait des reins :

— Tu te vantais, tout à l’heure, me disait-elle, tu te vantais ; tu n’as pas tant de vices, et, même pour une fois, tu ne serais pas pédéraste… Mais va… va !…

Au bout d’une heure, j’avais oublié ce petit débat. Deux jours après, Cora m’écrivit pour me prier d’aller déjeuner le lendemain avec elle et une petite amie « avec qui je m’arrangerais bien. » Ce sont là les termes de sa lettre.

Le lendemain j’arrivai à l’heure dite. Le déjeuner était servi dans le boudoir tendu de satin rouge. Cora me présenta la jeune amie, qui se nommait Hyacinthe.

Hyacinthe était une grande fille, blanche, potelée, avec des cheveux du plus beau rouge vénitien que l’on pût voir. L’idée me vint aussitôt qu’ils étaient teints, suivant la mode du jour, que je goûte fort. Hyacinthe qui paraissait dix-huit ans au plus, avait de beaux yeux d’un brun clair, avec une grande pureté de traits et une bouche divine. Je lui demandai la permission de la baiser. Ce qu’elle m’accorda sans hésiter. Une fraîche haleine m’embauma. Cora, se penchant alors à mon oreille, me dit :

— Tu sais que je ne suis point jalouse !

On se mit à table ; les propos s’échauffèrent. Cora caressait Hyacinthe, à qui elle disait en me montrant du doigt :

Rends-lui mes caresses.

La bouche d’Hyacinthe vint de nouveau s’attacher à la mienne. Nos langues se mêlèrent… J’étais ravi de tant de grâce, de fraîcheur et de naïf abandon.

— Hyacinthe, donnez-moi votre sein à sucer, lui dis-je.

Là-dessus, voilà-t-il pas Cora qui part d’un grand éclat de rire ! Hyacinthe l’imite, les deux folles se pâment. Et moi je leur dis :

— Qu’avez-vous ? Cela les fit rire plus fort.

Cependant nous commencions de sabler le champagne. Les yeux de Cora se couvraient d’un voile, ceux d’Hyacinthe brillaient comme deux clairs soleils. Je la tenais serrée contre moi. Les mains de la belle enfant s’égarèrent, cherchant la preuve de l’émotion qu’elle me causait. C’était là une avance marquée que je n’avais garde de ne pas lui rendre.

Je passe donc une main sous ses jupes. Quelle peau ! quelles cuisses bien modelées !… Je monte et… je rencontre un grand vilain linge…

— Ah ! Hyacinthe, quel malheur ! Vous avez vos…

— Que veux-tu ! me cria Cora, qui riait de plus belle, ce n’est pas le bon jour !… Mais moi, Hyacinthe, moi, je n’ai pas mes affaires !

Ce disant, un verre de champagne à la main, elle se jette sur le sofa, troussée jusqu’à la ceinture. Hyacinthe tombe à genoux devant elle et lui baise le ventre et la motte ; et moi de tirer Hyacinthe en arrière.

— Que m’importent les règles ! Est-ce qu’un homme échauffé s’arrête devant cet accident de la nature ? Est-ce qu’un peu de sang pur qui coule sous l’assaut d’un membre amoureux n’est pas un condiment de plus au plaisir ?

Voilà ce que je disais à Hyacinthe, qui m’écoutait tout en léchant doucement le clitoris de Cora, qui commençait à jouir… Soudain celle-ci se leva.

— Tu le veux ! me cria-t-elle.

— Si je le veux ! répondis-je avec ardeur ; règles ou non, j’enfilerai Hyacinthe, et toi après elle, et Hyacinthe encore après toi !

— Seigneur, dit plaisamment Cora, que votre volonté soit faite !

Elle annonça qu’elle voulait diriger la chaude action qui allait s’ouvrir entre la belle Hyacinthe et moi. Elle fit mettre Hyacinthe à genoux sur le sofa. Je troussai la jeune hétaïre, et tandis qu’on lui ôtait la serviette, je baisais ses jolies fesses. La croupe m’apparut un peu courte, mais d’une rondeur parfaite avec des chairs moelleuses et une peau de velours… Cependant la serviette tombe.

— Une, deux, trois… en avant ! crie Cora.

J’avance une main frémissante et je trouve un… un vit !… un énorme vit !…

Cora, retombée sur un fauteuil, se mourait encore de rire.

— Va, va ! me criait-elle… Ah ! tu as voulu tâter d’un joli garçon !… Mais tu n’oseras point… Je te l’ai bien dit que tu n’aurais pas le courage… Eh bien !… Eh bien !… mais il l’enc…

— Je l’encule ! m’écriai-je.

— Mais, fit Cora en se redressant, je veux ma part… Arrêtez, mes amours, arrêtez !… Hyacinthe me le fera par devant, tandis que tu le lui feras par derrière.

— Par tous les diables ! non ! répondis-je résolument ; je garde tout ! Il me faut le manche du gigot !

J’étais entré sans difficulté dans l’admirable derrière du bel et sensible Hyacinthe, je maniais à pleines mains son membre, plus dur que du fer. Quelle sensation étrange !

J’avais sodomisé bien des femmes, un homme jamais. Le plaisir est différent. Est-ce le préjugé qui s’y mêle ? Est-ce la victoire remportée sur ce préjugé ridicule qui rend la jouissance plus âcre et plus véhémente ? Oui ou non, la nature m’a-t-elle donné la faculté de jouir ? Elle n’a fait la distinction des sexes ni des moyens !

Jamais je n’avais pressé de fesses si moelleuses que celles de ce jeune garçon. Je le pénétrai jusqu’aux entrailles, je le branlai avec fureur, et son foutre brûlant inonda ma main… Cora se tenait à nos côtés, ivre de désir, rugissante, et nous débitant mille injures :

— Pourceaux ! Pédérastes infâmes ! Gibier de Sodome ! Et moi, ne jouirai-je donc point ?…

Hyacinthe, épuisé, venait de s’asseoir sur le sofa. Sous sa robe de femme, encore relevée jusqu’à la ceinture, ses cuisses brillantes m’apparurent… Ah ! je n’étais pas moins ivre que la pauvre Cora, déshéritée et altérée de plaisir ! Que ce jeune Hyacinthe était séduisant ! Quand tout en lui semblait si féminin, était-il bien sûr que ce fût un homme ? Il n’y avait point jusqu’à ce membre si gros et si robuste, jusqu’à cette pièce superbe qui ne montrât encore je ne sais quelle grâce inconnue ! Je ne pus m’empêcher d’y attacher mes lèvres !…

Mais Cora se jeta sur nous comme une lionne. Il n’était que juste de céder aux fureurs de la pauvre fille dépourvue.

— Baise-la, Hyacinthe, m’écriai-je, baise-la donc !

Le spectacle qu’ils me donnèrent tous les deux me rendit capable d’un second combat. Mais cette fois je priai mon jeune ami de quitter ses vêtements de femme : j’avais le courage de mon crime !

Hyacinthe, nu, m’apparut comme un de ces beaux adolescents dont parlent les poètes antiques. Le charmant enfant, brûlant de me plaire, voulut me procurer une jouissance nouvelle : il s’agenouilla devant moi.

Ah ! Qu’il était à ce jeu plus habile qu’une femme ! Il n’a point connu le bonheur, celui qui n’a pas été sucé par un bardache !

ÉPILOGUE

J’avais dit.

Ma duchesse se leva comme un ouragan. Elle alla se jeter au bord du lit.

— Tes contes m’ont mise en feu. Je ne peux te dire ce que j’en pense. Je brûle, viens !

Comme elle se troussait elle-même, son noble bijou mignon m’apparut sous sa perruque blonde entre ses cuisses écartées. L’affaire ne fut pas longue, mais on pense bien qu’elle fut chaude. En trois tours de reins le plaisir arriva.

La duchesse revint s’asseoir devant le foyer, pensive et la tête dans ses mains. Au bout d’un instant, je l’entendis soupirer :

— Que je voudrais voir un godemichet !

Je ne répondis point. J’allai tout droit à ma redingote, j’en tirai l’objet demandé.

— Le voilà donc ! s’écria-t-elle.

Elle le mit sur la cheminée devant la pendule ; le miroir lui renvoyait l’image de ce merveilleux instrument, qui était énorme ; de cette façon elle le voyait deux fois.

Cependant elle se déshabillait.

Quand elle fut nue, elle prit de la main droite le godemichet, de la main gauche elle saisit mon membre, qui avait retrouvé sa roideur la plus belle.

— Duchesse de mon cœur, lui dis-je, l’artifice par devant, la nature par derrière !…

— Je le veux bien, dit-elle.

Et ma duchesse se mit à genoux sur le sofa. Le temple de Gomorrhe s’ouvrait devant mes yeux ; ma langue enfila d’abord cette mystérieuse avenue ; puis j’y présentai mon membre. J’introduisis en même temps le godemichet par devant.

— Ah ! disait-elle, tu me déchires de toutes parts ! Ce sont de cruelles délices… les délices de l’enfer !…

Elle jouissait comme une damnée.

Une abondante ablution d’eau fraîche calma le feu qui la dévorait après ce terrible exercice. Nous gagnâmes le lit ; elle s’endormit épuisée dans mes bras. L’éclat du soleil, qui pénétrait dans sa chambre malgré les rideaux et les volets bien fermés, troubla bientôt la tranquillité de ce sommeil réparateur. Les rêves enveloppèrent ma duchesse, et quels rêves ! « Blanche le faisait à la marquise, disait-elle tout haut, car les songes lui rapportaient le souvenir d’une des histoires que je lui avais contées. Oh ! les cochonnes !… Blanche, tu le fais bien… Il n’y a qu’une femme pour faire minette à une autre femme…»

Les visions de Lesbos troublaient ma duchesse. Visiblement elle désirait faire l’expérience de ce plaisir inconnu. Je l’en félicitai à son réveil ; je lui répétai ce qu’elle avait dit en songe.

— Tu veux être tribadée ! lui dis-je.

Elle ne s’en défendit que faiblement…

— Et par qui serais-je tribadée ? me répondit-elle ; je ne me connais point d’amies qui aient ces goûts-là…

— Cherchons ! lui dis-je en l’embrassant. Cherchons et nous trouverons. Duchesse de mon âme, n’as-tu point d’abord tes femmes de service ?…

Elle se frappa le front :

— J’ai Fanny ! s’écria-t-elle.

Fanny était une de ses filles de chambre, une fière gaillarde fraîche comme une cerise sauvage qui, uniquement chargée de la toilette de sa maîtresse, ne faisait aucun ouvrage servile et dégoûtant.

Je m’écriai :

— Appelons Fanny !

Ma duchesse sonna :

— Tu feras le marché ! me dit-elle.

Fanny entra.

— Bonjour, friponne, lui dis-je. Combien gagnes-tu par mois pour habiller ta maîtresse ?

— Cent francs, monsieur…

— En veux-tu trois cents ? Lève cette couverture et viens baiser la motte d’or de la duchesse qui t’attend !

— Ah ! dit Fanny, je le faisais pour bien moins à madame la baronne de Mentroshdorff, que je n’aimais point… et j’aime madame la duchesse !…

Elle s’avançait, elle était au bord du lit, quand la duchesse prit la parole :

— Déshabille-toi, ma petite Fanny, fit elle d’une voix faible.

Et Fanny obéit. Elle était brune et robuste, ferme comme une beauté des champs, bien que lascive comme une coquine des villes. Lorsqu’elle fit tomber la chemise, une motte noire nous apparut recouvrant un con vermeil…

Cependant la duchesse se préparait. Elle ouvrait les cuisses et fermait les yeux ; Fanny s’abattit sur elle comme un vautour sur sa proie, et j’entendis le bruit de deux lèvres savantes baisant et suçant, puis un clapotement de langue, puis des soupirs, puis des mots entrecoupés. La duchesse répétait son rêve :

— Comme elle le fait bien ! disait-elle. Il n’y a qu’une femme pour trouver le bon endroit !… Va… ma chère fille… va, ce n’est pas trois cents francs par mois que je te donnerai… c’est cinq cents !… cinq cents !… cinq cents !… Ah ! cochonne !… Ah !…

Cette mignonne duchesse avait, ma foi, déchargé comme un homme… une perle liquide brillait dans les frisons d’or de sa motte. Elle fit coucher Fanny à ses côtés ; elle lui mania les seins, elle se mit à la branler sournoisement.

— Que cette Fanny est appétissante ! disait-elle… Vois, Richard, comme ses tétons sont durs et quelles fesses rebondies ! Si tu voulais la baiser pendant qu’avec le godemichet, elle me baiserait à son tour !…

Ainsi fut fait. Armé du godemichet attaché autour de ses flancs par une ceinture solide, Fanny enfile ma duchesse. La friponne me présente ces deux fesses rebondies que sa maîtresse vantait tout à l’heure. Je passe sous ce beau pont, je vais foutre Fanny en levrette, j’entre, je pousse… Aïe !… Ciel !… Quelle volupté ! Ce con de fille de chambre était comme une râpe ! Cette soubrette avait ce que n’ont point les duchesses, ce que j’avais en vain cherché dans les marquises, le CASSE-NOISETTE. Cela me serre, cela me pince. Et ces pinces et cet étau agissant comme une pompe aspirante et foudroyante sur mon membre surpris, émerveillé… Je jouis, je décharge, je retombe de tout mon poids sur les reins de Fanny, qui s’aplatit sur sa maîtresse. Dans ce mouvement le godemichet s’élance, notre duchesse est percée jusqu’au cœur. Elle crie, nous crions. Des hurlements furieux remplissent la chambre ; la duchesse veut baiser Fanny avec le godemichet à son tour. Elle va, elle pousse, elle trotte, elle galope. Fanny demande grâce.

— Point de grâce ! crie la duchesse.

Et ce sont de nouveaux cris, des plaintes inarticulées, des hoquets suprêmes. Fanny s’évanouit tout net.

C’est alors que ma duchesse, une main posée sur ce corps inerte qu’elle a vaincu, l’autre bras passé autour de mon cou, me dit :

— Richard, j’ai donc trouvé le moyen de concilier l’amour que j’ai pour toi avec ma curiosité du plaisir. Grâce à ce godemichet et à Fanny, je jouirai tant qu’il me plaira et je te resterai fidèle ! Tu dois être content de moi !

— Ravi, charmé, duchesse de mon cœur, mais qui t’a procuré tout ce que tu viens de sentir ? N’est-ce pas la complaisance d’un amant ? Il veut maintenant sa récompense.

— Parle ! dit-elle.

Fanny s’éveillait. Je commandai à ma duchesse de s’étendre sur elle. Leurs cons enflammés se joignaient ainsi et s’embrassaient. Moi, placé derrière la duchesse, je me mis à les pénétrer alternativement l’une et l’autre. Je quittai l’étui de la servante pour enfiler celui de la maîtresse, et je limai ainsi plus d’une heure, tandis qu’elles se baisaient avec rage.

Après quoi je demandai à mes deux jouisseuses d’achever ce service avec leurs bouches. Les voilà toutes deux agenouillées devant moi, léchant tour à tour le dieu Priape ! Elles me pompaient alternativement. Quand vint le moment suprême, elles se disputèrent les dernières gouttes de la liqueur sacrée, et mêlèrent ensuite leurs lèvres barbouillées de mon sperme !