Les Syrtes/Les bonnes souvenances

Premières Poésies : 1883-1886Société du Mercure de FranceLes Syrtes. Les Cantilènes (p. 57-58).


LES BONNES SOUVENANCES


Irisant le ciel gris de nos mornes pensées,
Ravivant les soleils éteints des renouveaux,
Elles passent toujours au fond de nos cerveaux,
Un bon souris sur des lèvres jamais plissées.

Leur prunelle est l’aurore, et leur natte tressée
Est fulgurante ainsi que l’éclat des flambeaux.
Leur prunelle est la nuit, et, sur le cou massée,
Leur chevelure est bleue ainsi que les corbeaux.


Aux accords pénétrants d’anciennes ritournelles,
Elles bercent nos cœurs pleins d’ennui ; ce sont elles
Qui pansent doucement nos blessures mortelles,

Elles qui, sur nos cils, viendront sécher nos pleurs.
— Et le temps, émondeur de beautés et de fleurs,
Met sur leur front vieilli de plus fraîches couleurs.