Les Stoïques/Quand Jésus s’en allait

Quand Jésus s’en allait de bourgade en bourgade,
Quand il était bien las de la route du jour,
Quand il laissait errer son regard tour à tour
Du scribe au péager, du pécheur au malade ;
Simple & grand, fort & doux, quand il avait donné
À tous le pain de vie & les eaux jaillissantes,
Quand il sentait gronder les haines menaçantes
Et savait qu’il mourrait de tous abandonné ;
Quelquefois une larme, un soupir, un murmure,
Humble hommage d’une âme où l’amour avait lui,
Naissait sur son passage & venait jusqu’à lui :
Dieu lui donnait cela comme baume à l’injure.
Et le Christ, raffermi par ce faible soutien,
Reprenait le chemin qui finit au supplice.
Ce miel lui suffisait au bord de son calice
Et qu’on lui dît : Merci, car tu m’as fait du bien !
Or, c’est la sainte joie & l’attribut suprême
Que Dieu s’est réservés dans son éternité
D’être pour l’homme ingrat l’amour & la bonté,
Et d’être le pardon lorsqu’il pleure & qu’il aime.
Mais l’urne était si large & le flot si fécond,
Que Dieu le fit pencher sur la fange où nous sommes
Et qu’il dit à Jésus d’amener tous les hommes
À cet amour sans borne, à cette mer sans fond.
