Les Souspirs amoureux de François Beroalde de Verville/Si ma mort vous plaisoit par un sort favorable

XXII.



Si ma mort vous plaisoit par un sort favorable
Ores je perirois, pour vous monstrer l’honneur
Que je vous veux porter, encores qu’en rigueur,
Maistresse vous teniez mon ame miserable.

Je ne possede rien qui soit tant desirable
À mon amie, que l’œil par qui j’ay pris l’humeur
Des vostres pour ma vie, & toutefois mon cœur
Le hait si vous n’avez sa lumiere agreable.

J’aime ce qui vous plaist, je hay ce qui vous fasche
Afin de vous complaire incessamment je tasche
De regler mes pensers selon vostre vouloir,

Si donq ma mort vous plaist, donnez m’en tesmoignage
Et pour vous obeir plain de brave courage

Vous me verrez passer l’onde du fleuve noir.