Les Souspirs amoureux de François Beroalde de Verville/Je ne suis plus celuy qui respiroit la vie

XII.



Je ne suis plus celui qui respiroit la vie
De vos yeux, mon Soleil, je ne suis qu’un vain corps,
Amour qui m’a frappé de ses traits les plus forts
Pour triompher de moy, a mon ame ravie :

Mon esprit erre en bas en la plaine obscurcie,
Et mon corps au tombeau, croist le nombre des morts :
Ma vie sous l’horreur des meurtrissans efforts
Qui bourrellent mon cœur, de moy s’est departie.

Je suis l’ombre amoureux de vos rayons formé,
Lorsque de vos beautez chastement enflammé,
Je tirois de vos yeux une seconde essence.

Puis doncques que je suis de vous seule animé,
Il faut que comme vous, de vous je sois aymé,
Ou pour le moins nourry d’une juste esperance.