Les Souspirs amoureux de François Beroalde de Verville/Ha que cet œil est beau, je meurs quand je l’admire

XXXII.



Ha que cet œil est beau, je meurs quand je l’admire,
Ha qu’il me fait de mal, ha qu’il me fait de bien,
Hé ! que doux & amer est le foible lien,
Dont si estroitement par sa force il m’attire.

Helas ! qu’il est cruel il cause mon martyre,
Car plus il me destruit lors que plus je suis sien,
Hé : que ses feux sont doux, au monde il n’a a rien
D’agreable & de beau, que l’air que j’en respire.

Hé ! maistresse attendez, attendez ma Deesse,
Ne me cachez encor ce bel œil qui me blesse :
Mais quoy, vous estes fiere au reson de mes pleurs.

Vous me le destournez, & puis douce cruelle,
Me le faisant revoir d’une belle estincelle
Vous allumez en moy un million d’ardeur.