La souveraineté est la puissance absoluë & perpetuelle d'une Republique, que les Latins appellent majestatem, les Grecs ἄκραν ἐξγουσὶαν, & κυρίαν ἁρκὴν, & κύριον πολίτευμα : les Italiens segnoria, duquel mot ils usent aussi envers les particuliers, & envers ceux la qui manient toutes les affaires d'estat d'une Republique : les Hebreux l'appellent tomadchavet c'est à dire la plus grande puissance de commander. Il est icy besoin de former la definition de souveraineté, parce qu'il n'y a ny iurisconsulte, ny philosophe politique, qui l'ayt definie : iaçoit que c'est le point principal, & le plus necessaire d'estre entendu au traité de la Republique.

Le fondement principal de toute Republique. Et d'autant que nous avons dit que Republique est un droict gouvernement de plusieurs familles, & de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine, il est besoin d'escarcir que signifie puissance souveraine. I'ay dit que ceste puissance est perpetuelle : par ce qu'il se peut faire qu'on donne puissance absoluë à un ou plusieurs à certains temps, lequel expiré, ils ne sont plus rien que sugets, & tant qu'ils sont en puissance, ils ne se peuvent appeller princes souverains, veu qu'ils ne sont que depositaires, & gardes de cette puissance, iusques à ce qu'il plaise au peuple ou au prince la revoquer : qui en demeure tousiours saisi, car tout ainsi que ceux qui accomodent autruy de leurs biens, en demeurent tousiours seigneurs, &[1] possesseurs : ainsi est-il de ceux la qui donnent puissance, & autorité de iuger, ou commaner : soit à certain temps, & limité, soit tant, & si long temps qu'il leur plaira, ils demeurent[2] neantmoins saisis de la puissance, & iuridiction, que les autres exercent par forme de prest, ou de precaire. C'est pourquoi la loy dit, que le gouverneur de pays, ou lieutenant du prince, apres son temps expiré, rend la puissance comme[3] depositaire, & garde de la puissance d'autruy. Et en cela il n'y a point de difference du grand officier au petit, autrement si la puissance absoluë, otroyee au lieutenant du prince s'appelloit souveraineté, il en pourrait user envers son prince, qui ne serait plus qu'un chifre, & le suget commanderait au seigneur, le serviteur au maistre : chose qui serait absurde, attendu que la personne du souverain, est toujours[4]exceptée en termes de droict, quelque puissance,et auctorité qu'il donne à autruy : & n'en donne iamais tant, qu'il n'en retienne tousjours d'avantage[5] : & n'est jamais exclus de commander, ou de[6] cognoistre par prevention, ou concurrence, ou evocation, ou ainsi qu'il luy plaira, des causes dont il a chargé son suget : soit commissaire, ou officier : ausquels il peut[7] oster la puissance qui leur est attribuee, en vertu de leur commission, ou institution : ou la tenir en soufrance tant, & si longuement qu'il luy plaira. Ces maximes ainsi posees, comme les fondemens de la souveraineté, nous conclurons que le dictateur Romain, ny l’Harmoste de Lacedemone, ny le zimnete de Saloni-que, ny celuy qu’on appelloit Archus à Malte, ny la Balie ancienne de Florence, qui avoient mesme charge, ny les Regens des Royaumes, ny autre commissaire, ou Magistrat, qui eust puissance absolue à certain temps pour disposer de la Republique, n’ont point eu la souveraineté :
 ores que les premiers dictateurs eurent toute puissance, & en la meilleure formc que faire se pouvoit, que les anciens Latins disoyent OPTIMA LEGE, car alors il n’y avoit point d’apel, & toutes les officiers étaient suspendus jusques à ce que les Tribuns furent instituez, qui demeuroyent en charge, no obstant la création du Dictateur, et avoyent leur opposition sauve : et s’il y auoit appel intergetté du Didateur, les
Tribuns faifoyent aflernbler le menu peuple,3c donnoyent aflïgnation
aux parties, pour deduire leurs caufes d’appel, &au Didateur pour
fouftenirfon iugement : comme il fe fift quand le Didateur Papirius1.tTum paterFa- Curfor voulut faire mourir Fabius1 Maximus, i. colonel des gens’flc
qui’^îppeUo^ï cheual :&Fabius Maximus 11. Didateur, voulutfaire le femblable en-
prouoco adpopu- Uers Minutius colonel de là queualcrie. En quoy il apert queleDida-lum, qui plus quat, n • -r^ •t-» r • n rt•ti r*tua datura po- tcur n itoit ny Prince,ny Magiltrat iouuerain, commepluiieurs onte-
îuf HoftiUus ceflit ferit, 3c n’auoit rien que vne fimple commiffi on, pour faire la guer-
Limus.hb.7- re,ou reprimer lafedition, ou reformer Feftat, ou inftituernouueaux
officiers. Or la fouueraineté n’eft limitee,.ny en puiffance,ny en char¬
ge, ny à certain temps.Et mefmes les dix commifîaires, cftablis pour re¬
former les couftumes 3c ordonnances, iaçoit quils euflent puiflance
abfolue, 3c fans appel, fi eft-ce qu’ils n’auoyent pas pourtant la fouue¬
rain été,car eftant leur commiffion acheuee,leur puiflance expiroit :tout
ainfi que celle du Didateur :commc Cincinat ayant vaincu l’ennemi, fe
defehargea delaDidature qu’il n auoit eu que quinze iours : Seruilius
Prifcus huid iours : Mamercus vn iour. Aufli le Didateur eftoit nom¬
mé parl’vn des plus nobles Senateurs,fàns edit,ny loy,ny ordonnance,
chofe neceflaire anciennement,aufli bien que à prefent,pourl’eredion
des offices,comme nous dirons enfonlieu.Siondit que Sullaobtintla
DidaturepoutL xxx< ans par la loy Valeria, ie refpondray ce que fift
Ciceron,que ce n’eftoit pas loy,ny didature,ains vne cruelle tyrannie,
laquelle toutesfois il quitta quatre ans apres, alors que les guerres ciuiles
furet apaifees : encores auoit il referué aux Tribuns leur oppofition fran-
che.Et combien que Cefar euft empieté la Di dature p erp etuelle,fi eft-
ce qu’il n’ofta point aux Tribuns le droid d’oppofition : mais d’autant
que la didature eftoit abolie par loy exprefle,& que neantmoins foubs
ce voifle il auoit enuahiFeftat,il fut tué. Maispofons le cas, qu’on elife
vn,ou plufieurs des citoyens, aufquels on donne puiflance abfolue de
manier Feftat, 3c gouuerner entièrement fans deferer aux oppofitions,
ou appellations en forte quelconque, 3c que cela fe face touts les ans, Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/147 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/148 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/149 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/150 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/151 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/152 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/153 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/154 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/155 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/156 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/157 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/158 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/159 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/160 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/161 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/162 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/163 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/164 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/165 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/166 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/167 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/168 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/169 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/170 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/171 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/172 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/173 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/174


  1. l.qui pignori de usucapion.l. quod meo. de acquir. poss. ff.
  2. l.more.de iuris, l.&quia eod ff.
  3. note
  4. note
  5. note
  6. note
  7. note