Les Siècles morts/Iesous Christos, Theou Uios, Soter
ILS sont venus les temps où les flots et la terre
Entendront tout à coup, dans le ciel solitaire.
Sonner des sept clairons l’irrésistible appel ;
Où les soleils voués à l’abîme éternel,
Ultimes naufragés de la hauteur mouvante,
Sombreront dans la mer qui hurle d’épouvante.
Comme un grand cavalier, dans les cieux assombris,
Hommes ! Dieu surgira sur les derniers débris.
Ravageant les cités, la Mort au front livide,
Ivre de sa fureur, dans l’immensité vide
Suivra ses pas sanglants jusqu’aux noirs horizons.
Tout se taira ; sanglots, rumeurs des frondaisons,
O rages, cris d’effroi, tumultes de l’espace,
Silence ! La Justice a rugi sur sa trace.
Tremblez ! Et cependant, vêtu d’humaine chair,
Hôte d’un corps mortel, ô peuple impie et cher,
Elisant parmi tous la race qui chancelle,
Outragé, flagellé, meurtri, je viens vers elle
Unir à ses douleurs le sang que j’ai versé.
Une pitié divine emplit mon cœur percé.
Inutile trépas, puisque la cicatrice
Ouverte au flanc d’Adam survit au sacrifice !
Salut toujours offert et toujours dédaigné !
Seigneur ! par le gibet où ma vie a saigné,
O Père ! accepte enfin pour le rachat du monde
Ta filiale Hostie et le sang qui l’inonde,
Et dans l’asile heureux de l’infaillible port
Reçois l’homme sauvé par la croix et la mort !