collectionLes SavetiersLa Renaissance du livre1910ParisVLes SavetiersLa chanson française du XVe au XXe siècle.djvuLa chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/599-100
LES SAVETIERS
Les savetiers de la savatterie
A Saint-Pierre-aux liens faisant leur confrérie
Dedans l’église sont entrés deux à deux. Place à Messieurs.
Des procureurs assis dedans leurs places,
Les voyant venir faisant laides grimaces
Disent à leurs clercs : Que demandent ces gueux ? Place à Messieurs.
Les femmes ont dit : voilà grand’ diablerie
De toujours parler de la savatterie.
Ces procureurs ne se passent point d’eux. Place à Messieurs.
Et quand ce vint à aller à l’offrande,
Maistre Guillaume est sorti de sa bande
Disant aux jeunes : laissez passer les vieux, Place à Messieurs.
Maistre Tobie reconnu bien capable
D’aller aux Trois Maillets faire dresser la table,
Car des procès il est solliciteux ; Place à Messieurs.
Et quand ce vint à sortir de Saint-Pierre,
Aux Trois Maillets ils ont couru grand erre[1]
Et le bedeau qui marchait devant eux : Place à Messieurs.
Bien altérés ils ont fait leur entrée,
Pour premiers mets des cardes, de poirée,
Des pois au lard on leur mit devant eux. Place à Messieurs.
Après suivaient le boudin et l’andouille
De gros navets et des plats de citrouille,
Les aloyaux y étaient deux à deux. Place à Messieurs.
Les pieds de porc, les grouins et les oreilles
Dans ce festin leur semblaient des merveilles,
C’étaient leurs mets les plus délicieux. Place à Messieurs.
Les raves étaient à deux doubles la botte,
Il y avait cinq ou six carottes,
Ragoût du tout réservé pour les vieux. Place à Messieurs.
Voilà de quoi fut composée la fête,
Mais le dessert y était plus honnête ;
Car le fromage y était tout véreux. Place à Messieurs.
Marrons pourris, poires et pommes molles,
En les mangeant ils semblaient de la colle,
Car leurs mentons en étaient tout baveux ; Place à Messieurs.
Le vin clairet à trois sols ou à quatre ;
Il en fut bu jusques à deux cents quartes ;
Si ivres étaient qu’il leur ressort des yeux. Place à Messieurs.
Ils sont sortis lorsqu’on ne voyait goutte ;
De son logis chacun a pris la route ;
Minuit était avant qu’être chez eux. Place à Messieurs.
Ceux qui ont fait cette chanson jolie
Étaient présents à cette confrérie,
Et au festin allèrent avec eux. Place à Messieurs.
(Le Nouveau Entretien des bonnes compagnies, 1635.)