Alphonse Lemerre (p. 7-8).

I


L’automne ! la voilà plus belle que jamais,
Avec sa douceur calme et son moite sourire.
Tous ces enchantements sont bien ceux que j’aimais,
Que, si souvent déjà, j’ai tenté de décrire.

Les rayons du matin glissent dans la vapeur
Qui reste prise aux doigts plus grêles des ramures ;
Le vent léger s’en va comme s’il avait peur
D’ôter un grain aux grappes mûres.

Le soir se fait plus grave et plus religieux,
L’étoile y luit plus tôt d’une flamme moins rose ;
Et par les monts, les bois, les prés, les eaux, les cieux,
Ô jours de l’an passé ! c’est bien la même chose.


— Non, non, dans tous les cœurs l’hymne se change en cri,
La terre sous nos pieds brûle, gronde, tressaille,
Car de coups de canon l’horizon est meurtri :
La France est le champ de bataille !

Dieu ! qui pourrait songer à ses propres douleurs,
Quand la Patrie est là déchirée et sanglante ?
Pour une autre souffrance où donc trouver des pleurs ?
Que dire, qu’appeler la revanche trop lente ?

Ô France ! ils sont venus nombreux et triomphants,
Ils t’ont visée au cœur du bout de leur épée,
Ils veulent maintenant te voler tes enfants,
T’avilir comme ils t’ont frappée.

Debout ! relève-toi de ces derniers vingt ans,
Souviens-toi de l’Argonne et de quatre-vingt-douze,
À tous ces ennemis, ô France, il en est temps,
Sache donc te montrer de ton honneur jalouse.

De ta robuste main reprends ton vieux drapeau,
Déroules-en les plis dans le vent héroïque,
Pour qu’au moins nous mourions comme Hoche ou Marceau
En acclamant la République !


15 août 1870.