Les Ruines de Masada

Les Ruines de Masada
Revue des Deux Mondes, Nouvelle périodetome 13 (p. 401-420).

LES


RUINES DE MASADA.





Il y a un an, je parcourais la Terre-Sainte en compagnie d’amis dévoués ; un des épisodes les plus curieux de ce long pèlerinage a été certainement notre excursion à Sebbeh et aux ruines de Masada, sur la rive occidentale de la mer Morte. Les souvenirs que je donne ici feront comprendre, je l’espère, le double intérêt qui s’attache aux ruines de Masada comme théâtre d’un grand fait historique et comme un des points les plus rarement visités de la Judée.

En quittant Paris, j’étais accompagné de mon fils, de M. l’abbé Michon et de M. Édouard Delessert, qu’avait suivi un serviteur aussi dévoué qu’intelligent. À Trieste, nous fûmes rejoints par MM. Léon Belly et Léon Loysel, qui avaient désiré m’accompagner dans ma course en Orient, mais qui avaient pris les devans, afin de visiter la Lombardie et Venise. Tous ensemble nous parcourûmes d’abord la Grèce, puis nous vîmes Constantinople, Smyrne, Rhodes et Chypre. Le 7 décembre 1850, nous débarquions à Beyrouth. Longeant alors toute la côte de Phénicie jusqu’à Saint-Jean-d’Acre, nous nous dirigeâmes par Nazareth et Naplouse sur Jérusalem, où nous arrivâmes le 23 décembre.

Chemin faisant, j’avais recruté à Nazareth un excellent guide nommé Mohammed-es-Safedy par les Arabes, et Mohammed-Arha-Beyrakdar par les Turcs, dans les rangs desquels il sert aujourd’hui. À Jérusalem, nous fîmes la rencontre de M. Gustave de Rothschild, qui, après avoir visité la Syrie, s’apprêtait à gagner l’Égypte en traversant le désert par El-Arich : il désira faire avec nous l’expédition assez aventureuse de la mer Morte, et prit rang dans notre petite armée. L’effectif de celle-ci avait diminué sensiblement : mon fils, trop jeune encore pour supporter les fatigues et les privations d’un semblable voyage, avait contracté en Grèce une fièvre intermittente si violente, que je me vis forcé de le renvoyer en France. Le jour même où je quittais Jérusalem pour commencer mon exploration du bassin de la mer Morte, mon fils partit, de son côté, pour Beyrouth avec M. l’abbé Miction, qui aima mieux se priver de la partie la plus curieuse de tout notre voyage que de laisser un jeune homme malade courir les routes de Syrie en compagnie d’un drogman inutile et de quelques muletiers sans dévouement. M. l’abbé Michon me donnait.en cette circonstance une preuve d’amitié pour laquelle je suis heureux de lui témoigner ici ma reconnaissance.

Avant de nous mettre en route, il avait fallu requérir la protection de Hamdan, scheikh des Tâàmera, dont nous allions traverser le territoire. Hamdan nous fournit seize hommes d’escorte, lui compris, et nous conduisit jusqu’à Ayn-Djedy[1] ; là, nous dûmes nous mettre sous la protection de Dhaif-Oullah-Abou-Daouk, scheikh des Djahalin, et nous adjoindre par conséquent un large surcroît de cavaliers et de fantassins d’escorte. À Jérusalem, nous avions pris à nos gages un drogman, nommé Matteo, très capable de faire la seule cuisine possible dans le désert, et parmi les Tâàmera qui nous accompagnaient se trouvait un brave garçon, nommé Ahouad, propre neveu du scheikh Hamdan et le plus fidèle comme le plus attentif de nos Arabes. Telle était l’escorte avec laquelle nous arrivâmes au pied de la montagne de Sebbeh et des rochers où s’élèvent les ruines de Masada.

Le 11 janvier 1851, avant le jour, nous étions tous sur pied. La course de Masada, à en juger par la hauteur que nous avions à escalader, promettait d’être rude : il était donc sage de partir avant que le soleil fût tant soit peu haut dans le ciel. Nous pressâmes le drogman Matteo, et après avoir, comme d’ordinaire, pris un potage où il ne manquait guère que du bouillon, après avoir savouré une tasse de café, un tchibouk et une goutte de raki, nous nous mîmes en route. Notre fidèle Ahouad et deux Djahalin à moitié nus nous servaient seuls de guides et d’escorte ; aussi avions-nous bourré nos poches et nos ceintures de pistolets bien chargés, et dont nous avions vérifié préalablement les capsules. Nous commençâmes ainsi bravement l’affreuse escalade qui devait nous conduire au curieux plateau que nous avions tant à cœur d’explorer. Je n’essaierai pas de décrire, après Josèphe, le chemin incroyable que nous suivîmes pour arriver à Masada ; j’aime bien mieux copier textuellement ce qu’en a dit l’historien des Juifs. Qu’était-ce que Masada, et que s’est-il passé en ce lieu sans pareil dans le monde entier ? C’est Josèphe encore qui va nous l’apprendre, et je lui emprunterai la relation presque entière de l’effroyable catastrophe dont Masada fut le théâtre.

Quelques mots avant d’en venir à ce récit. Masada veut dire forteresse ; c’est le mot hébreu ( ?) sans aucune altération. Jamais localité n’a mieux mérité ce nom, qui n’est plus aujourd’hui connu des Bédouins, et qui n’était peut-être qu’une appellation toute différente du nom réel de la localité elle-même. Ce qui me le ferait croire, c’est le sens même du mot Masada et l’existence du nom de Sebbeh, qui seul est resté parmi les Arabes, et qu’ils n’ont probablement pas inventé un beau matin. Après le sac de Masada, appeler encore la forteresse par excellence un lieu que la tactique romaine était parvenue à réduire, c’eût été une véritable dérision, et je m’explique ainsi la disparition du nom de Masada.

Pline parle de cette ville comme d’une forteresse située au sommet d’un rocher, et il la cite avec raison après Engaddi. Strabon l’appelle Moasada, et mentionne les pierres brûlées que l’on rencontre autour de ce lieu singulier. Voyons maintenant ce que nous apprend Josèphe : « Ce fut, dit-il, le pontife Jonathas qui le premier conçut l’idée de fortifier ce point réputé inexpugnable, et qui lui imposa le nom significatif de Masada. Plus tard, le roi Hérode donna à cette place forte une plus grande extension, et il y multiplia les moyens de défense[2]. » Dans un autre passage très curieux, Josèphe s’exprime ainsi : « Il y avait non loin de Jérusalem une citadelle extrêmement forte, construite par les anciens rois, pour y mettre leurs trésors et leurs personnes en sûreté en cas de guerre malheureuse. Les sicaires[3], s’étant emparés de Masada, faisaient de là des courses dans la contrée environnante, ne cherchant à s’emparer que de ce dont ils avaient absolument besoin pour vivre, parce que la crainte les empêchait de commettre leurs brigandages sur une plus grande échelle. Apprenant cependant que l’armée envahissante des Romains était en repos, et que les Juifs de Jérusalem étaient divisés par la sédition et par la plus inique tyrannie, ils en vinrent à commettre des crimes plus grands encore. Le jour même de la fête des Azymes, ils sortirent de Masada quand la nuit fut venue, se ruèrent avec le moins de bruit possible sur tout ce qui leur faisait obstacle, et vinrent fondre sur la petite ville d’Engaddi. Les habitans, surpris sans avoir le temps de se mettre en défense, furent dispersés et rejetés hors de la ville. Tout ce qui ne put fuir, hommes, femmes et enfans, au nombre de plus de sept cents, fut passé au fil de l’épée. Ayant alors pillé les maisons et les jardins remplis de fruits mûrs, ils retournèrent en hâte avec leur butin à Masada. Ils continuèrent ensuite à ravager les bourgades des environs, en se recrutant journellement de tous les bandits qui ne pouvaient plus vivre ailleurs. »

Peu de temps après, Simon, fils de Gioras, qui, à cause de son audace, avait été dépouillé de la toparchie de l’Acrabatène par le grand-prêtre Ananus, s’échappa de Jérusalem, placée sous la tyrannie de Jean, et vint demander un asile aux sicaires de Masada. D’abord Simon parut suspect à ceux-ci, et on lui assigna pour demeure la ville basse, où il se fixa avec les femmes qui l’avaient suivi, les sicaires restant exclusivement maîtres de toute la ville haute. Bientôt cependant la part que Simon prenait à toutes leurs expéditions lui valut leur confiance, quoiqu’ils résistassent aux conseils qu’il leur donnait de frapper de plus grands coups. Ce Simon finit par se créer une armée à lui, et, se séparant des habitans de Masada, il alla de son côté faire des incursions dans la Judée entière. Appelé à Jérusalem par le peuple, ce fut lui qui coopéra le plus activement à la défense de la ville contre les Romains ; mais, ayant été fait prisonnier, Simon fut conduit à Rome, où il figura dans le triomphe décerné à Titus. Le dernier acte de cette cérémonie fut la mise à mort du héros juif.

Jérusalem et Machoeros avaient succombé ; il ne restait plus aux Juifs qu’une seule place forte, Masada, et les Romains résolurent d’anéantir, à quelque prix que ce fût, ce foyer d’insurrection. Bassus, préfet de la Judée, était mort, et Flavius Sylva lui avait succédé : sa première pensée fut de marcher contre Masada. Celui qui commandait alors dans la place était un homme éminent et brave, Éléazar, de la tribu de Juda, qui avait poussé à la rébellion bon nombre de Juifs, lorsque le censeur Quirinius avait été envoyé en Judée. Une fois sous les ordres d’Éléazar, les sicaires avaient traité en ennemis ceux de leurs compatriotes qui avaient plié sous le joug romain, pillant et enlevant leurs biens, incendiant leurs maisons. Ils prétendaient, pour légitimer leurs brigandages, qu’il n’y avait pas de différence entre les étrangers et les Juifs dégénérés qui avaient trahi la cause de la patrie, et qui avaient été assez lâches pour se faire de leur plein gré les esclaves des Romains ; « mais c’était là un vain prétexte, ajoute Josèphe, et ils ne tenaient ces discours que pour déguiser leur cruauté et leur cupidité. » Sylva résolut d’écraser ce qui n’était pour lui que le dernier asile de la rébellion. À la tête de son armée, il marcha contre Éléazar et les brigands qui occupaient Masada. Après s’être immédiatement emparé de tous les pays d’alentour, il plaça des garnisons dans les lieux les plus favorables, il entoura la forteresse d’une muraille afin d’empêcher les assiégés de s’échapper, et établit des postes de surveillance. Il choisit pour s’y loger l’emplacement le meilleur, à proximité de la forteresse, et au point où le rocher touchait à la montagne voisine. Là cependant il lui était fort difficile de se fournir les choses nécessaires, car ce n’étaient pas seulement les vivres qu’il fallait apporter de très loin et avec d’énormes difficultés pour les Juifs qui étaient chargés de l’approvisionnement du camp : il fallait y transporter jusqu’à l’eau, parce qu’aucune source n’existe en cet endroit. Après avoir pris ces premières dispositions, Sylva commença le siège avec beaucoup d’habileté et de fatigues à cause de la position de la forteresse qu’il s’agissait de soumettre.

Masada couronne un rocher très élevé dont le circuit est considérable. Ce rocher est entouré de tous les côtés par des vallées tellement profondes, que d’en haut on n’en peut voir le fond ; il est à pic et inaccessible, si ce n’est en deux points où il présente une rampe difficile. Il y a un chemin qui vient du lac Asphaltite vers l’orient, et un autre qui part de l’occident, et par lequel on arrive plus aisément. Le premier, au temps de Josèphe, se nommait la Couleuvre, à cause de son peu de largeur et de ses nombreuses sinuosités, qui lui donnent quelque ressemblance avec un serpent. Ce n’est qu’une anfractuosité dans le flanc des rochers qui dominent le précipice, revenant souvent sur elle-même et s’élevant de nouveau peu à peu, de manière à ne rejoindre qu’à peine un point plus avancé. Il faut qu’on chemine un pied derrière l’autre quand on gravit ce chemin ; un faux pas serait la mort, car les rochers à pic plongent de chaque côté de façon à remplir de terreur les plus audacieux. Quand on a monté ainsi l’espace de trente stades, ce qui reste à franchir est à pic ; mais le rocher ne se termine pas en pointe aiguë, et le sommet présente une esplanade. C’est là que le premier le grand-prêtre Jonathas bâtit une forteresse qu’il appela Masada. Plus tard, le roi Hérode y établit avec un grand soin de nombreuses constructions. Il fit enceindre le sommet d’une muraille ayant sept stades de développement, construite en pierres blanches, haute de douze coudées et épaisse de huit. Cette muraille était flanquée de trente-sept tours hautes de cinquante coudées. Ces tours communiquaient avec des bâtimens construits à l’intérieur et appliqués contre toute la muraille d’enceinte, car le sommet, qui offrait un sol productif et plus facilement labourable que tout autre, fut réservé par le roi à la culture, afin que si les vivres ne pouvaient plus être apportés de l’extérieur, ceux qui se seraient réfugiés dans la forteresse n’eussent pas à souffrir de la famine.

Vers la montée du côté occidental, Hérode construisit aussi un palais placé en dedans des murailles et tourné vers le septentrion. Les murs de ce palais étaient d’une grande élévation et très solides ; ils étaient garnis aux angles de quatre tours de soixante coudées de hauteur. Là se trouvaient réunis des appartemens variés et somptueux, des portiques et des salles de bains soutenus partout par des colonnes monolithes. Le sol et les parois des apparternens étaient ornés de mosaïques. Dans chaque habitation, sur le plateau, autour du palais et devant la muraille, de grandes citernes avaient été creusées dans le rocher pour conserver l’eau, de manière à en fournir en aussi grande quantité que s’il y eût eu là des sources d’eau vive. Un chemin encaissé menait du palais au point le plus élevé de la forteresse sans qu’il fût possible de voir ce chemin du dehors. Du reste, les routes visibles elles-mêmes n’étaient pas faciles à suivre pour les ennemis. Le chemin de l’orient était par sa nature inaccessible, et une tour placée dans un passage très étroit fermait celui de l’occident. Cette tour était distante de la citadelle d’au moins mille coudées, impossible à franchir, difficile à forcer. Au-delà, ceux même qui s’avançaient sans crainte ne pouvaient pas marcher sans difficulté. Ainsi la nature, secondée par l’industrie des hommes, défendait la forteresse contre toute attaque.

Quant aux ressources intérieures, elles étaient plus abondantes encore. Il y avait du blé caché en quantité suffisante pour un temps très long ; il y avait aussi beaucoup de vin, d’huile, de graines légumineuses de toute espèce, et des dattes accumulées dans les magasins. Éléazar et ses brigands, lorsqu’ils s’emparèrent par ruse de la forteresse, y trouvèrent toutes les provisions en aussi bon état que si le tout y eût été récemment déposé, bien qu’il se fût écoulé près d’un siècle depuis l’époque où ces munitions avaient été emmagasinées pour résister à l’invasion romaine. Les Romains eux-mêmes, lorsqu’ils se lurent rendus maîtres de la place, y trouvèrent les restes de ces provisions, qui semblaient toutes fraîches. Il est vraisemblable qu’il faut attribuer à l’atmosphère du lieu cette étonnante conservation des vivres, et que la hauteur de la citadelle y garantit l’air contre toute influence délétère de la plaine. La citadelle renfermait en outre des armes en quantité suffisante pour équiper dix mille hommes, du fer brut, de l’acier et du plomb. Il était facile de juger que de pareilles précautions n’avaient point été prises sans motifs très sérieux. Aussi dit-on qu’Hérode s’était fait construire ce château comme une place de refuge contre le double danger qu’il redoutait. D’abord il craignait que le peuple juif ne le fît descendre du trône pour y replacer les descendans des rois ses prédécesseurs ; d’un autre côté, il se préoccupait bien plus fortement encore des intrigues de la reine d’Égypte Cléopâtre. Celle-ci, en effet, ne prenait pas la peine de cacher ses desseins, et elle pressait ouvertement Antoine de faire mettre à mort Hérode pour lui donner le royaume de Judée. Long-temps même après qu’Hérode eut construit Masada, il arriva que la prise de cette forteresse fut le dernier acte à accomplir pour les Romains dans leur guerre contre les Juifs.

Quand Sylva eut enfermé dans une muraille tout le terrain environnant la place, et lorsqu’il eut mis tous ses soins, toute sa vigilance à empêcher que personne ne pût s’échapper, il commença le siège au seul point sur lequel une attaque pouvait être dirigée. Après la tour qui fermait le chemin de l’occident vers le palais et le sommet le plus élevé, il y avait une éminence de rocher d’une grande étendue, mais inférieure à Masada d’environ trois cents coudées : on l’appelait Leukè. Aussitôt que Sylva l’eut gravie et occupée, il y fit accumuler de la terre par ses soldats. Grace à un travail opiniâtre, une jetée d’environ deux cents coudées de haut fut construite ; le terrain cependant n’en parut pas assez solide, ni l’élévation assez grande pour que les machines de guerre y pussent être établies. On construisit donc au-dessus de la jetée une plate-forme composée de rochers énormes, haute et longue de cinquante coudées. On y plaça des machines semblables à celles que Vespasien d’abord et Titus ensuite avaient employées pour prendre les villes ; on bâtit une tour de soixante coudées de haut, entièrement revêtue de fer, et du sommet de laquelle les Romains, avec force balistes et scorpions, écartaient les défenseurs de la muraille et ne leur permettaient même pas de montrer la tête. Ayant en même temps fait fabriquer un immense bélier, Sylva ordonna de battre le mur sans relâche, et il parvint à en renverser une partie. Pendant ce temps-là, les brigands occupaient et élevaient en toute hâte un retranchement intérieur qui ne pût, comme le mur d’enceinte, souffrir de l’action des machines. Afin que ce second mur fût mou et pût amortir les coups les plus violens, il fut construit de la manière suivante : des poutres étaient placées en long et bout à bout ; deux rangées parallèles de poutres disposées ainsi étaient distantes l’une de l’autre d’une quantité égale à l’épaisseur de la muraille ; l’intervalle des deux rangs de poutres était rempli de terre, et, pour contenir cette terre accumulée, d’autres poutres placées transversalement reliaient les poutres établies en long. Cette construction ressemblait donc en quelque sorte à celle d’un édifice ; de plus, les coups des machines appliqués à une paroi qui cédait étaient ainsi amortis, et les chocs, en tassant les matériaux, ne rendaient que plus solide l’ouvrage tout entier. Quand Sylva s’en fut aperçu, pensant qu’il viendrait plus facilement à bout de ce retranchement par l’incendie, il ordonna aux soldats d’y jeter force matières embrasées. Le mur, presque entièrement construit en bois, prit feu sur-le-champ, et, s’embrasant jusqu’au bout, il projeta une flamme immense. Dans les premiers momens de l’incendie, le vent qui soufflait du nord rendit la position des assiégeans horrible, car, rabattant la flamme, il la rejetait sur eux de façon à les désespérer et à leur faire craindre que leurs propres machines ne fussent brûlées ; mais tout à coup le vent, tournant au sud comme par un décret de Dieu, reporta avec violence l’incendie sur la muraille et la mit en feu depuis la base jusqu’au sommet. Les Romains, ainsi favorisés par la Providence, rentrèrent tout joyeux dans leurs quartiers avec le dessein bien arrêté de monter à l’assaut le surlendemain. Pendant la nuit, ils redoublèrent de vigilance afin que pas un des assiégés ne pût s’échapper.

Une telle précaution était inutile. Éléazar ne songeait pas à la fuite pour lui-même, et il était décidé à ne permettre à personne de la tenter. Voyant son dernier rempart détruit par le feu, ne trouvant plus aucun moyen de salut, même dans le courage du désespoir, réfléchissant d’ailleurs aux affreux traitemens réservés par les Romains vainqueurs aux femmes et aux enfans, il se résolut à mourir avec tous les siens. Persuadé que c’était le meilleur parti qu’il leur restait à prendre, il réunit les plus braves de ses compagnons et les excita, par ses paroles, à accomplir cette effroyable résolution. Il leur fit voir les conséquences d’une capitulation, l’abjection de l’esclavage et les traitemens les plus infâmes. « Voilà sur quoi vous pouvez compter, si vous êtes pris vivans, leur dit-il ; demain matin, au point du jour, ce sera fait de nous, et il ne nous reste plus que la liberté de mourir avec tous ceux qui nous sont chers. L’ennemi, qui n’a d’autre espoir que celui de nous prendre vivans, n’est pas assez puissant pour nous empêcher de mourir. Vous n’êtes plus assez forts pour le vaincre. Vous saviez que Dieu lui-même était contre nous, et qu’il avait condamné à périr la race juive qu’il a cessé d’aimer ; s’il nous eût été propice, ou du moins s’il ne nous eût pas maudits et condamnés, pensez-vous qu’il eût permis que la ville sainte fût détruite de fond en comble ? Nous qui restons les derniers de notre race, qu’a fait Dieu pour nous ? Il nous a accablés de sa colère. Cette forteresse inexpugnable, à quoi nous a-t-elle servi ? ces munitions, ces armes, qu’en avons-nous pu faire ? Rien. La flamme qui frappait nos ennemis est revenue sur nous-mêmes. N’est-ce pas la colère de Dieu qui nous a vaincus ? Si nous avons des fautes à expier, que du moins les Romains n’aient pas la joie d’être l’instrument de la vengeance divine : soyons-le nous-mêmes. Nos femmes, tuées par nous, échappent à l’outrage, nos enfans à la servitude : après eux donnons-nous mutuellement la mort ; nous aurons sauvé notre liberté et gagné une noble sépulture. Détruisons d’abord nos trésors et la forteresse, nous tromperons ainsi la cupidité des Romains. Ne laissons après nous que les vivres, pour qu’ils sachent bien, ces Romains, que nous n’avons pas été vaincus par la famine, et que nous avons mieux aimé mourir que devenir leurs esclaves. »

Ainsi parla Éléazar, mais tous ceux qui étaient présens n’accédèrent pas tout d’abord à sa proposition. Quelques-uns cependant se préparaient à lui obéir et montraient presque de l’allégresse en pensant qu’une pareille mort était belle. Ceux qui hésitaient avaient pitié de leurs femmes et de leurs enfans, et, voyant leur fin si prochaine, ils s’entre-regardaient avec des yeux pleins de larmes et témoignaient ainsi qu’ils repoussaient le conseil d’Éléazar. Celui-ci, les voyant trembler et reculer devant cet héroïque dessein, commença à craindre que ceux mêmes qui avaient applaudi à son discours ne se laissassent amollir par les supplications et les larmes des plus timides ; il reprit donc la parole et se remit à les exhorter. S’animant de plus en plus, il leur parla de l’immortalité de l’ame avec une énergie toujours croissante et en poursuivant de regards obstinés ceux qui ne pouvaient cacher leurs larmes. Il parvint, par ce nouveau discours, à les enflammer de telle façon que, s’il faut en croire Josèphe, tous les assistans, sans en excepter un seul, arrêtèrent Éléazar lorsqu’il voulait continuer de parler. Pleins d’une ardeur frénétique et poussés par le démon, ils se précipitèrent à l’œuvre et commencèrent la perpétration d’un crime sublime avec la rage de gens dont aucun ne voulait être le second à agir. On les vit embrasser leurs femmes et leurs enfans avec une tendresse convulsive et les poignarder ensuite d’une main ferme. Il n’y en eut pas un seul qui hésitât à verser le sang des êtres qui lui étaient chers malheureux auxquels cette effroyable extrémité était devenue nécessaire, et pour qui le plus léger des maux était d’égorger de leurs propres mains leurs enfans et leurs femmes ! Après cette scène de carnage, les survivans, écrasés par l’horreur de ce qu’ils venaient de faire et pressés de rejoindre dans la mort ceux qu’ils avaient frappés, entassèrent toutes leurs richesses, qu’ils livrèrent aux flammes. Le sort ayant aussitôt désigné dix d’entre eux auxquels fut dévolu l’horrible soin de tuer tous les autres, ceux-ci se couchèrent auprès des cadavres chauds encore de ceux qu’ils avaient aimés, et, les tenant embrassés, présentèrent tour à tour la gorge à leurs héroïques bourreaux. Les dix élus accomplirent intrépidement leur tâche jusqu’au bout, et, lorsqu’ils eurent fini, ils désignèrent au sort, à leur tour, celui qui donnerait la mort aux neuf autres et se tuerait ensuite de sa propre main. Ainsi ces hommes avaient assez de confiance en eux-mêmes pour être assurés qu’il n’y avait pas à choisir entre eux, et que l’un ne valait pas mieux que l’autre pour achever cette horrible tragédie. Le dernier vivant visita tous les cadavres étendus autour de lui, et, après s’être assuré qu’il n’en restait pas un seul qui eût encore besoin de son ministère, il mit le feu au palais et se passa enfin son épée au travers du corps. Tous périrent convaincus qu’il ne restait pas après eux un seul être animé que les Romains pussent prendre vivant. Ils s’étaient trompés pourtant, car une vieille femme, avec une parente d’Éléazar, distinguée par son savoir et sa sagesse, et cinq enfans réussirent à se cacher dans un aqueduc souterrain où, dans l’ardeur qui les poussait à en finir, les acteurs du drame que nous venons de raconter ne songèrent pas à les aller chercher. Les brigands de Masada moururent ainsi au nombre de neuf cent soixante, y compris les femmes et les enfans.

Dès le point du jour, les Romains, comptant sur un combat acharné, accoururent en armes et s’élancèrent de leurs retranchemens dans la place au moyen d’échelles. Ils ne trouvèrent pas un ennemi devant eux, mais la solitude, le silence et l’incendie partout. Ils étaient loin encore de soupçonner ce qui s’était passé, et ils poussèrent d’une seule voix un grand cri, pour voir s’il ferait surgir quelque figure humaine. Les pauvres femmes cachées l’entendirent seules ; elles sortirent de leur refuge, et la parente d’Éléazar raconta tous les détails de cette horrible nuit. D’abord les Romains ne purent ajouter foi à ses paroles, et ils se refusèrent à croire à un tel dévouement. Ils s’efforcèrent d’éteindre l’incendie, et pénétrèrent bientôt dans le palais au travers des flammes et par le chemin couvert. Rencontrant alors des monceaux de cadavres, ils ne se laissèrent pas aller à la joie d’une victoire remportée sur des ennemis, mais ils n’eurent que de l’admiration pour la grandeur de l’action dont ils ne pouvaient plus douter et pour le sublime mépris de la mort par lequel tant d’hommes de cœur s’étaient illustrés à tout jamais. Voilà comment finirent ces hommes que Josèphe appelle des brigands ! Je doute que les annales humaines offrent beaucoup de faits semblables.

Depuis longues années, j’avais perdu de vue l’histoire de la guerre des Juifs, jamais mes études ne m’y avaient reporté ; j’ai donc visité Masada sans y attacher aucun souvenir. D’ailleurs le nom de Sebbeh que j’entendais seul prononcer aux Arabes n’était pas fait pour me rafraîchir la mémoire, et j’avoue en toute humilité que, quand même j’eusse été certain que je foulais le sol de Masada, privé de livres comme je l’étais dans ma course aventureuse, il m’eût été parfaitement impossible de dire ce qui avait rendu ce lieu célèbre entre tous. Que ceci serve d’exemple à d’autres voyageurs, et s’ils ne veulent pas se priver volontairement des émotions les plus vives, qu’ils préparent leurs explorations en lisant et en lisant beaucoup d’avance ! Je déplorerai toute ma vie la fâcheuse ignorance à laquelle je dois le regret de n’être pas resté un jour de plus à Sebbeh, malgré l’impossibilité d’y trouver de l’eau. Si jamais il m’est donné d’y retourner quelque jour, je ne ferai pas de même, et à tout prix je rapporterai de Masada tout ce que je pourrai recueillir de dessins et de plans.

Maintenant que j’ai raconté l’expédition de Sylva, il est temps que je raconte l’expédition plus pacifique à laquelle j’ai pris part. Tournant immédiatement le dos à nos tentes, nous nous acheminâmes vers le flanc droit du large ravin qui nous séparait de la montagne de Sebbeh. La pente était raide et la rocaille roulante ; mais, à tout prendre, nous avions vu de pires chemins. Au bout de quelques minutes, nous n’eûmes plus devant nous qu’un étroit sentier dont les chèvres mêmes auraient eu peine à se contenter : nous avancions évidemment sur le casse-cou que Josèphe appelle la Couleuvre ; mais j’affirme, et mes compagnons ne me démentiront pas, que l’historien des Juifs l’a flatté. C’est une escalade sans interruption et à quelques centaines de pieds de hauteur à pic, centaines de pieds qui vont toujours en se multipliant. Décidément, il ne ferait pas bon regarder à gauche en montant cette route beaucoup trop pittoresque, car le vertige vous prendrait infailliblement. Ces abîmes dent nous ne pouvions apercevoir le fond exercent une sorte d’attraction presque invincible, contre laquelle nous avions toutes les peines du monde à nous défendre. Il fallait donc en montant regarder toujours à droite ; en descendant, nous regarderions à gauche : c’était une consolation. Un de nos compagnons, M. Loysel, ne tarda pas à trouver ce genre de promenade mal plaisant ; il s’assit tranquillement sur une pointe de rocher, alluma une pipe et écrivit sur son calepin de voyage : 11.janvier, course à Sebbeh. Son serviteur, fraîchement sorti de l’artillerie cependant et familiarisé avec de pareilles fatigues par plusieurs années de séjour en Afrique, lui tint compagnie. Déjà nous étions à quelques cents pieds plus haut, et nous osions à peine jeter un regard derrière nous, quand nous nous aperçûmes que nos deux compagnons nous avaient faussé bande sans même nous souhaiter bon voyage. Le reste de la petite caravane avait tenu bon, et nous suivions, essoufflés et haletans, nos trois Bédouins, qui semblaient parcourir une route royale. Nous avions l’amour-propre de ne vouloir pas reculer devant ce qui paraissait facile à ces sauvages d’acier, et nous allions de l’avant. Enfin nous touchâmes à une sorte de plateau fort tourmenté et fort étroit d’abord, sur lequel débouchait un ravin déchiré qui s’éloignait vers le nord-ouest. Ce plateau s’élargit rapidement, et nous nous trouvâmes au milieu de décombres et de murailles, indices certains d’habitations antiques.

À notre gauche, la crête du précipice était bordée par un mur continu en pierres sèches amoncelées simplement, et ce mur plongeait rapidement, avec le flanc qui le portait, vers le fond du ravin, au nord duquel était assis notre camp. Ici pas de doute possible, nous étions arrivés au point que Josèphe appelle Leukè. À notre gauche commençait la Couleuvre, que nous venions de suivre, et qui descend vers la mer Morte ; derrière nous devaient être le chemin de l’occident et les restes de la tour qui le coupait. Les deux sentiers se rejoignaient ici. Malheureusement nos minutes étaient comptées, et les décombres du camp de Sylva, placé sur ce point même et sur les débris de la ville basse où demeura Simon, fils de Gioras, nous cachaient les ruines de cette tour, construite sans doute beaucoup plus bas, et le tracé de ce chemin, que nous ne songeâmes pas à aller reconnaître. Les restes qui couvrent le plateau supérieur étaient les seuls auxquels nous pensions en ce moment, les seuls que nous croyions dignes d’intérêt. En faisant face à l’est, nous avions le rocher à pic de Masada, rocher de deux cents pieds de haut, dans le flanc escarpé duquel paraissaient quelques rares ouvertures, semblables à celles des nécropoles, placées à une cinquantaine de pieds au-dessous du sommet, et sans aucune anfractuosité qui permît d’y parvenir. Il était bien certain pour nous qu’on n’y pouvait avoir accès que par quelque conduit souterrain ouvert dans l’intérieur de la forteresse. C’était maintenant celle-ci qu’il s’agissait d’atteindre, et nous comprîmes d’un regard que la partie la plus périlleuse de notre ascension allait commencer.

Une crête étroite comme la lame d’un couteau domine une jetée factice, formée de terre blanche très meuble, qui joint Leukè au flanc du rocher de Masada. C’est là tout ce qui reste de la jetée de Sylva. La plate-forme qui la couronnait s’est écroulée, par l’action des pluies et du temps, sur le terrain peu solide qui lui servait de base. Toutes les pierres ont roulé dans les précipices béans à droite et à gauche, et il n’est plus resté d’autre chemin que cette crête dangereuse que nous avions devant nous, et qu’il nous fallait suivre comme des danseurs de corde sans balancier. Nos trois Arabes passent d’abord, moi ensuite, puis tous nos amis ; en quelques instans, nous avons franchi l’abîme, et nous voilà cramponnés au flanc du roc de Masada. Ici recommence une escalade infernale, et à cinquante pieds plus haut nous atteignons le reste d’une rampe sur laquelle nous pouvons reprendre haleine. Cette rampe est maintenue du côté du précipice par les débris d’un mur de soutènement bâti en belles pierres de taille. Ce mur et la rampe n’ont que quelques mètres de longueur ; ensuite l’escalade recommence, tout aussi difficile qu’avant.

Enfin nous touchons au sommet, et un tronçon de chemin, encaissé entre le précipice et un reste de mur bâti en pierres de taille, aboutit à une porte bien conservée, de bel appareil et à voûte en ogive. Voilà du coup l’ogive reportée à l’époque d’Hérode-le-Grand, ou tout ou moins de Titus et de la destruction de Masada. Sur les pierres de taille de cette porte ont été écorchés avec une pointe, à une époque indéterminée, des croix, des signes semblables au symbole de la planète Vénus, et des lettres grecques telles que des Δ et des T. Sont-ce des signes d’appareilleur ? J’en doute à cause de l’apparence peu ancienne de ces signes grossiers, dont la couleur assez claire tranche sur le fond de la pierre, qui est d’une teinte beaucoup plus foncée. Ces signes, du reste, sont les uns droits et les autres inclinés ou même renversés, ce qui pourrait venir à l’appui de l’opinion qu’ils ne sont que des signes de repère employés par les constructeurs de la porte. Pour ma part, je ne me charge pas de trancher cette question. Au-delà de cette porte s’ouvre devant nous un vaste plateau : c’est celui de Masada. Dieu soit loué ! nous y sommes tous arrivés sains et saufs, et, comme nous ne nous sommes pas arrêtés une seule seconde, cinquante minutes nous ont suffi pour nous élever du camp jusqu’aux ruines.

La crête qui nous y avait conduits est garnie d’édifices ouvrant sur le plateau et adossés au mur d’enceinte : ce sont des espèces de cases carrées, bien conservées encore, et dans les parois desquelles paraissent fréquemment de petites ouvertures disposées en quinconce, comme les trous d’un pigeonnier. Devant nous, à moins de cent pas, était une ruine qui ressemblait presque à une petite église avec abside circulaire. — C’est le Qasr, le palais, me dirent mes Bédouins. J’y courus en hâte. La salle principale est terminée par cette abside en cul de four, percée d’une petite fenêtre ronde. Toute l’abside est en belles pierres de taille d’appareil. Les murailles contre lesquelles elle est appliquée sont couvertes d’un crépi très dur, dans lequel sont appliquées des mosaïques d’un genre tout neuf pour moi : ce sont des milliers de petits fragmens de pots cassés rougeâtres, encastrés dans le mortier et qui forment des dessins réguliers, seul ornement des murailles de cette salle. Quelques petits cubes réguliers, de couleur rouge, blanche et noire, me donnèrent à penser que la salle était pavée en mosaïque. J’encourageai donc mes Bédouins par l’appât d’un bakhchich, et, pendant que je prenais le plan de la grande salle et des petites salles attenantes, les décombres furent écartés du sol, et une jolie mosaïque, formée d’entrelacs circulaires, fut remise au jour. Elle était malheureusement tout effondrée, et je ne me fis pas dès-lors le moindre scrupule d’en faire enlever quelques échantillons. Quelques fragmens de moulures en marbre blanc furent dessinés et cotés. Le sol était jonché de débris de poterie rouge et de morceaux de verre dont j’emportai des échantillons. Personne de nous ne perdit son temps ; et M. Édouard Delessert leva la porte ogivale d’entrée, pendant que M. Belly et moi nous travaillions de notre côté.

Quand nous eûmes fini nos croquis, nous commençâmes la visite du plateau entier. Partant donc du Qasr, qui est directement à l’est de la porte ogivale, et nous dirigeant vers le nord, nous trouvâmes une grande citerne rectangulaire où il n’y a naturellement pas une goutte d’eau, et qui est aujourd’hui envahie par les broussailles. Plus loin, au nord-ouest du Qasr, est une enceinte quadrangulaire, de construction beaucoup plus ancienne que le Qasr et que les autres édifices. Un fossé large et profond la sépare du reste du plateau, à partir du flanc gauche d’une tour carrée en ruine qui domine le terrain et qui est au centre de la face placée en regard du Qasr. Nous y montâmes, et de là nous vîmes tout l’intérieur de cette forteresse plus ancienne coupé dans le sens du sud au nord par des files non interrompues de décombres formés de grosses pierres noires irrégulières, restes d’édifices écrasés sur place. Je ne doute pas que cette enceinte ne soit celle de la Masada bâtie par Jonathas au dire de Josèphe. Tout le reste donc est l’œuvre d’Hérode-le-Grand. Quelques murs sont bâtis en grosses pierres régulières reliées entre elles par de petites pierres tenant lieu des joints du ciment. Ce genre de construction se retrouve aux citernes de Jérusalem et d’El-Birèh. Vers l’est, c’est-à-dire du côté de la mer Morte, il n’y a plus de traces d’une muraille aussi belle et aussi solidement bâtie que celle qui dominait le plateau de Leukè. Cela se conçoit, il n’y avait pas d’attaque craindre de ce côté, où les oiseaux seuls peuvent atteindre directement. Un cordon de décombres borde cependant partout la crête du plateau de Masada. Du bord où nous étions alors, nous jugeâmes à merveille de l’état merveilleux de conservation des travaux de siège exécutés sous les ordres de Sylva, et il me fut très facile d’en prendre un plan cavalier. Quatre redoutes carrées commandent, l’une le ravin de gauche, et les trois autres l’Ouad-el-Hafaf (vallée des ruines). À partir de ces postes, qui sont reliés entre eux par un retranchement de rocaille, commencent deux retranchemens de même construction qui saisissent le rocher de Masada comme entre les deux branches d’une tenaille. Ces lignes de circonvallation sont immenses, et elles règnent sans interruption sur le flanc gauche de la montagne de Sebbeh aussi bien que sur le flanc de la haute montagne qui fait face à Masada de l’autre côté de l’Ouad-el-Hafaf. Cette ligne venait probablement se fermer au camp même de Sylva, ou, ainsi que je l’ai vérifié, vient aboutir la branche de gauche. Au reste, le plateau est libre d’édifices, si ce n’est vers la pointe nord, où sont le Qasr et une citerne, et vers la pointe sud, où sont une autre citerne et un amas de ruines appartenant peut-être à une caserne. Dans le flanc sud du rocher sont percés un puits et un caveau garnis sur toutes leurs parois d’un ciment très solide et très uni, On ne peut y descendre qu’en s’exposant à un véritable danger, parce que l’on est pour ainsi dire suspendu au-dessus de l’Ouad-el-Hafaf, qui s’ouvre à plus de quinze cents pieds plus bas : il faut atteindre l’entrée d’un petit escalier de quelques marches qui débouche dans le souterrain. Il serait difficile de n’y pas reconnaître l’un de ces magasins dans lesquels étaient accumulées les provisions qui pouvaient, à Masada, rester des années sans se détériorer.

Chemin faisant, nous rencontrâmes encore une citerne ou mieux un puits, et, revenant au côté ouest, c’est-à-dire au côté dans lequel est ouverte la porte d’entrée, et contre lequel sont disposées des tours carrées et des habitations assez bien conservées ayant l’aspect bizarre de pigeonniers, grace aux trous réguliers dont leurs parois sont percées, nous achevâmes tant bien que mal le tour de la place. Certes, ce n’eût pas été trop de deux journées employées sans perte de temps pour recueillir des notes et des croquis dignes de Masada. Nous y étions restés plus de deux heures ; mais nos Arabes nous pressaient de redescendre au camp : ils faisaient sonner bien haut la nécessité d’aller coucher le même soir à un endroit où gens et bêtes trouveraient de l’eau à boire, et cet argument, vu la chaleur affreuse dont nous souffrions, l’emporta sur notre amour des ruines.

Nous nous mîmes en devoir de redescendre : monter était un jeu, et nous ne pûmes nous rendre compte du danger qu’il y a à grimper à Masada que lorsqu’il nous fallut reprendre en sens inverse le chemin qui, la première fois, nous avait paru si difficile. En passant devant le ravin étroit qui débouche sur Leukè, le plus jeune de nos Djahalin eut l’heureuse idée d’y entrer pour voir s’il n’y trouverait pas un peu d’eau dans quelque creux de rocher. Tout à coup il poussa le cri d’allégresse fi-maïeh (il y a de l’eau), et chacun de courir. Il faut avoir ressenti la soif dans un pays pareil pour se faire une idée du bonheur avec lequel nous plongeâmes pour ainsi dire la tête dans cette eau malpropre, afin d’en boire autant que nous pourrions. Français et Bédouins, couchés à plat ventre autour de la flaque d’eau croupie, s’en abreuvèrent à satiété, s’y trempant la tête et les bras sans s’inquiéter le moins du monde du dégoût qu’ils pouvaient causer au voisin. Parlez-moi de la vie du désert pour mettre à néant les scrupules et les répugnances du petit-maître le plus musqué. Ragaillardis par cette bonne fortune inespérée, nous nous remîmes en marche, et à dix heures et demie nous rentrions au camp, c’est-à-dire à la place où avait été notre camp, car les tentes avaient été repliées, et tous nos bagages avaient pris les devins pour gagner au plus vite, dans l’intérêt de nos bêtes de charge, la source vive qu’on nous promettait pour le campement du soir.

Notre drogman Matteo avait eu tout le temps de préparer le déjeuner auquel on peut croire que nous fîmes honneur. Tous nos fantassins étaient partis avec nos bagages, et nos scheikhs, avec leurs cavaliers, causaient tranquillement assis en cercle sous un soleil de feu, avec leurs chevaux attachés près d’eux à la hampe de leurs lances. Pendant notre absence, Hamdan était rentré de la course qu’il avait faite dans la montagne afin de se procurer les deux moutons sur lesquels nous comptions pour la veille au soir. On lui avait demandé 100 piastres par tête de mouton, et en homme qui ne cède pas facilement à des exigences trop fortes, il avait mieux aimé revenir les mains vides que de nous induire en une dépense qui lui semblait exorbitante. Cela était fort raisonnable sans doute, mais il semble quelquefois dur d’être raisonnable dans le désert et de marchander quand il s’agit de vivres après lesquels on doit courir pendant deux jours, en s’exposant comme cette fois à n’en pas trouver. Il fallut faire contre fortune bon cœur et remercier même le scheikh des Tâàmera de l’intérêt tout particulier qu’il prenait au bon emploi de nos finances.

À notre arrivée, Abou-Daouk, après le salut et les complimens d’usage, nous avait priés d’expédier promptement notre déjeuner, afin de pouvoir gagner avant la nuit le point où nous devions camper. Nous ne nous le fîmes pas répéter, et, mangeant les morceaux doubles, nous fûmes bientôt prêts à monter à cheval. J’avoue que pour ma part ce fut avec un vif sentiment de bien-être que je me retrouvai en selle, et que ce qui en toute autre occasion m’eût paru un exercice fatigant, après la course de Masada et malgré la nécessité de continuer ma carte du pays, me sembla le plus voluptueux des repos.

Les ruines de Masada, célèbres à juste titre, n’ont pas été souvent visitées par les Européens. MM. Robinson et Smith, qui les premiers ont identifié d’instinct Sebbeh avec Masada, n’ont vu cette localité que des hauteurs d’Ayn-Djedy, c’est-à-dire qu’ils n’ont pu contempler que de quelques lieues le profil de la montagne sur laquelle existait Masada. C’est donc d’après les rapports des Arabes qu’ils ont émis avec une admirable perspicacité une opinion que l’inspection de la localité et des ruines qu’elle renferme devait vérifier de la manière la plus évidente. Leur exploration est du vendredi 11 mai 1838. Quatre années plus tard, du 12 au 15 mars 1842, M. Wolcott, missionnaire américain, et M. Tipping, peintre anglais, escaladèrent les premiers le plateau de Masada et vérifièrent l’exactitude de la supposition admise par MM. Robinson et Smith. M. Robinson, dans le livre intitulé : The Biblical Cabinet[4], a publié textuellement deux lettres intéressantes écrites, l’une de Sebbeh, l’autre de Jérusalem, par M. Wolcott, et dans lesquelles ce zélé voyageur donne avec assez de détails le récit de sa course à Masada. Il a parfaitement observé les lieux, reconnu les différens édifices mentionnés par Josèphe et les travaux de siège construits par Sylva. Pour M. Wolcott, toutes les constructions qui se voient encore à Masada sont de la même époque, c’est-à-dire du temps d’Hérode ; mais la porte ogivale qui servait d’entrée à la ville est une ruine moderne. La présence d’une ruine moderne à Masada offrirait certes un fait bien plus extraordinaire que celui de l’emploi de l’arc ogival dans des édifices construits par Hérode. Quant à la forteresse de Jonathas, elle me paraît très nettement reconnaissable ; mais des appréciations plus ou moins exactes n’enlèveront point à M. Wolcott le mérite d’avoir le premier reconnu les ruines illustres de Masada. Je n’adresserai qu’un reproche au révérend missionnaire américain, c’est de s’être amusé à faire rouler jusqu’au bas du rocher plusieurs pierres arrachées aux ruines de la forteresse. L’expédition américaine qui a suivi à Masada celle de MM. Wolcott et Tipping s’est donné le même plaisir. Il est heureux, en vérité, que les voyageurs soient rares à Masada, car, si, tous avaient la même fantaisie, il finirait par ne plus y avoir de ruines de la forteresse juive qu’à douze cents pieds plus bas.

Le samedi 29 avril 1848, au point du jour, M. le capitaine Lynch, commandant de l’expédition américaine, fit partir d’ Ayn-Djedy, où il était campé, MM. Dale, Anderson et Bedlow, avec un drogman, un soldat turc et des guides arabes, pour aller visiter les ruines de Sebbeh. Au coucher du soleil, les explorateurs rentrèrent au camp, et c’est en se servant de leurs différens rapports que M. Lynch a publié le récit de leur course à Masada[5]. Comme il s’agit d’une localité des plus intéressantes, et sur l’état de laquelle on ne peut rassembler trop de lumières, j’ai pensé devoir reproduire ici ce récit, dont, à quelques détails près, il faut louer l’exactitude.

Un peu après huit heures, dit M. Lynch, MM. Dale, Anderson et Bedlow arrivèrent à l’Ouady-Sebbeh, et découvrirent une route clairement marquée, de quinze pieds de large, et indiquée par deux rangées parallèles de pierres, qui continuèrent avec des interruptions pendant un quart de lieue[6]. À neuf heures, quand la chaleur du soleil commençait à devenir étouffante, ils atteignirent une caverne basse dans la face sud de la montagne, au-dessus de l’Ouady-Seyâl, profonde ravine qui sépare le rocher de la chaîne continue du nord. Là ils mirent pied à terre, car il était impossible d’aller plus loin à cheval. De là, quelquefois sur leurs mains et leurs genoux, ils grimpèrent le long du rocher à pic, dont le côté perpendiculaire est percé d’ouvertures comme le roc de Gibraltar. Ils étaient enclins à croire que le sentier par lequel ils étaient montés était celui que Josèphe appelle la Couleuvre… Ils passèrent le ravin sur un espace calcaire qui, bien que considérablement au-dessous du plus haut point du rocher, réunit l’escarpement sud de Seyâl à l’escarpement nord de Masada, et ils atteignirent le sommet un peu avant dix heures du matin. Tout ce sommet est entouré d’un mur à pic sur le précipice. Passant sous une porte à ogive dont la clé de voûte et les voussures sont en pierres de taille curieusement marquées de lettres grecques a et d’autres ressemblant au symbole planétaire de Vénus, les unes droites, les autres renversées, d’autres encore avec des croix grossières et la lettre T fruste, ils arrivèrent à un espace d’à peu près trois quarts de mille de longueur du nord au sud, et d’un quart de mille de l’est à l’ouest. Il y avait très peu de végétation, excepté au fond de quelques excavations qui semblaient avoir servi de citernes ou de greniers, et qui étaient à moitié remplies de mauvaises herbes et d’une espèce de lichen. Ailleurs, la terre était aussi stérile que si elle avait été semée de sable. Cependant Hérode en parlait comme étant d’une nature grasse et mieux faite pour l’agriculture qu’aucune vallée. Hérode avait aussi creusé des puits profonds en grand nombre à toutes les places qui n’étaient pas habitées[7], au-dessus et autour du palais et devant le mur, et, par ce moyen, il essayait d’avoir de l’eau pour plusieurs usages, comme s’il eût existé des sources.

« A l’extrémité nord et ouest du rocher, et près de la pointe qui est probablement le promontoire blanc mentionné par Josèphe[8], ils remarquèrent une de ces excavations d’une étendue considérable remplie en grande partie des ruines et des décombres de ses propres murs, en même temps que des chardons et des mauvaises herbes de bien des siècles. Dans le coin sud-ouest du rocher, ils en trouvèrent une plus grande encore, bien cimentée, avec une galerie et une suite de quarante marches, éclairée par deux fenêtres sur le côté sud du rocher[9]. Cette grande chambre était garnie de cailloux : très riches, aussi nette et aussi propre que si elle eût été terminée de la veille. Cette chambre les porta à croire qu’il y en avait beaucoup de semblables éclairées par les ouvertures qu’ils avaient vues à l’extérieur du rocher en montant à Sebbeh, mais ils ne purent y pénétrer.

« A la distance d’environ cent pieds au-dessous du sommet nord, sur un rocher inaccessible à pic, ils virent les ruines d’une tour ronde, et à quarante ou cinquante pieds au-dessous, sur un autre rocher, les murs de fondations d’une enceinte carrée avec un mur triangulaire aboutissant par les angles de la base au mur de la tour circulaire et au mur ouest de l’enceinte carrée. Ils reconnurent qu’il était impossible d’aller visiter ces ruines. Outre les restes de la tour ronde ou donjon, il y avait sur le sommet des fragmens de mur avec des retraits circulaires, recouverts de briques carrées, des portes en ogive, des fenêtres à meneaux entourant en partie un enclos qui était peut-être la cour du château, maintenant comblée par des fragmens de toute nature, de marbre, de mosaïque et de poterie.

« Les fondations et les portions inférieures du mur bâti par Hérode autour du sommet de la colline sont encore debout sur le côté est. Les officiers s’amusèrent à déplacer quelques-unes des pierres, à les jeter par-dessus le rocher, à les regarder tournoyer et bondir jusqu’au bas, à douze cents pieds, avec une rapidité plus effrayante que celle des pierres lancées par les balistes romaines, lorsque Sylva faisait le siége de la forteresse. Une des fenêtres, apparemment un fragment de chapelle, donnait sur la cour : c’était celle qui avait l’apparence d’une ogive, et c’était celle que nous avions vue en passant sur les embarcations[10]. De là, on pouvait voir le mur dans toute son étendue, avec ses extrémités nord et sud bien marquées, même à travers la vapeur qui les couvrait…

« Immédiatement au-dessous d’eux, le long de la base du rocher pouvait être tracé le mur de circonvallation que Sylva bâtit à l’extérieur autour de toute la place. Continuant leurs explorations vers les bords sud et est, ils suivirent un passage dangereux à mille pieds de hauteur au-dessus du ravin, et qui aboutissait à une grande plate-forme encombrée de fragmens de maçonnerie appartenant évidemment aux ruines du mur qui fermait le rocher supérieur. Se traînant par-dessus les pierres, ils atteignirent une excavation que les Arabes appellent une citerne, ce qui est probablement juste, car, en descendant, ils virent des passages étroits ou aqueducs. L’un de ces passages était une cave oblongue coupée dans le roc, de trente pieds de longueur sur quinze de largeur et dix-huit ou vingt de profondeur ; elle était cimentée de tous les côtés. À gauche de l’entrée et dans la cave, il y avait quelques marches se terminant par une plate-forme. Comme les parois, les marches étaient enduites de ciment : au-dessus était une ouverture où l’on ne pouvait arriver par les marches. En faisant des entailles dans le mur, les visiteurs essayèrent d’y atteindre. C’était l’entrée d’une cave basse grossièrement taillée avec une fenêtre ouvrant sur le flanc escarpé de l’Ouady-Senin. Sur les murs grossiers et sans ciment, on voyait des croix peintes en rouge, et sur la poussière des empreintes fraîches des pieds du whâl ou bteddin[11]. Ils essayèrent de visiter la face sud de la montagne en suivant en zigzag le long d’une sorte de corniche qui dépassait de quelques pieds la surface du roc ; mais ils durent rebrousser chemin à cause de la nature molle de la pierre et de l’effrayante profondeur du précipice béant au-dessous. En revenant sur leurs pas, ils observèrent une singulière ruine placée à peu près au centre du carré. Les morceaux carrés de pierre, cimentés avec une grande régularité, étaient cellulaires des deux côtés et si détériorés par le temps, qu’ils ressemblaient à une ruche d’abeilles. Ils croient que c’était un magasin ou une caserne. À leur retour dans le caveau, les Arabes leur demandèrent si leur visite avait été fructueuse. Ces peuples pensent que nous venons ici pour chercher des trésors ou visiter des endroits que nous considérons comme sacrés. Dans l’Ouady-Seyal, il y avait beaucoup de seyals ou d’acacias. Le rapport des officiers semble confirmer la supposition de MM. Robinson et Smith, que les ruines de Sebbeh sont celles de Masada. À chaque pas sur notre route, nous trouvons que des observateurs soigneux et instruits nous ont devancés, et dans ces précurseurs ce n’est pas sans une grande satisfaction que nous reconnaissons nos compatriotes. »

Tel est le récit de M. le capitaine Lynch ; on voit qu’il concorde fort bien avec ce que nous avons observé nous-mêmes. Seulement je ferai remarquer qu’il n’est pas exact de concéder à MM. Robinson et Smith, si riches de leurs propres observations, l’honneur d’avoir visité les premiers les ruines de Masada cet honneur appartient incontestablement à MM. Wolcott et Tipping. Les officiers envoyés à Sebbeh par M. Lynch n’y sont venus que les seconds, et ce n’est pas sans un certain orgueil que nous nous trouvons les troisièmes qui aient tenté cette périlleuse exploration.


F. DE SAULCY.

  1. L’Engaddi de l’Écriture sainte.
  2. Bell. Jud., VII, 8, 3.
  3. Josèphe appelle ainsi les Juifs qui, ne voulant pas se soumettre à la domination étrangère, avaient juré de mourir jusqu’au dernier en faisant une guerre acharnée aux Romains. De nos jours, nous avons entendu maudire par des français les brigands de la Loire, qui méritaient tout aussi justement ce nom infâme que les derniers défenseurs de l’indépendance juive. Et c’est un Juif traître à sa patrie qui flétrit du nom de sicaires la poignée de héros qui s’était réfugiée à Masada : O passions humaines, vous ne cesserez jamais d’égarer la conscience des peuples !
  4. Vol. XLIII, p. 67 et suivantes.
  5. La relation complète du voyage de M. Lynch forme deux volumes qui ont paru à Philadelphie en 1850 sous ce titre : Expedition to the Dead Sea and the Jordan.
  6. Je n’ai point aperçu cette route bordée de pierres, parce que nous n’avons pas suivi le même chemin. En effet, les officiers américains, puisqu’ils ont cheminé sur le flanc de la montagne depuis l’Ouady-Seyâl, qui est à plus d’une lieue du roc de Sebbeh, ont marché du nord au sud vers Masada. La route qu’ils ont prise est-elle la Couleuvre de Josèphe ? est-ce celle que j’ai gravie ? Je laisse à d’autres le soin de le décider. Ce qui me parait probable, c’est qu’ils ont fini par rejoindre notre sentier de chèvres, vu qu’il n’y en a pas d’autre pour aller de la mer Morte à Masada.
  7. Je ne me charge pas de défendre la traduction que donne M. Lynch du texte de Josèphe.
  8. Leukè était à trois cents mètres au-dessous du plateau de Masada. M. Lynch fait donc ici une confusion de lieux.
  9. Si c’est la même excavation que celle que j’ai visitée moi-même, j’ai bien mauvaise mémoire, car des quarante marches de l’escalier je ne puis m’en rappeler que quatre ou cinq au plus. Du reste, ces messieurs citent une cave toute différente au même point, et j’ai bien peur qu’il n’y ait également ici confusion.
  10. On sait que l’expédition du capitaine Lynch, après avoir descendu le Jourdain du lac de Tabarieh à la mer Morte, a parcouru par eau tout le bassin de cette mer.
  11. C’est probablement d’un beden ou antilope que le capitaine Lynch veut parler.