Les Ruines/Lebigre, 1836/Chap22 7

§ VII. Septième système. Culte de l’ame du monde, c’est-à-dire de l’élément du feu, principe vital de l’univers.


« Mais d’autres, répugnant à cette idée d’un être à la fois effet et cause, agent et patient, et rassemblant en une même nature des natures contraires, distinguèrent le principe moteur de la chose mue ; et posant que la matière était inerte en elle-même, ils prétendirent que ses propriétés lui étaient communiquées par un agent distinct, dont elle n’était que l’enveloppe et le fourreau. Cet agent pour les uns fut le principe igné, reconnu l’auteur de tout mouvement ; pour les autres ce fut le fluide appelé éther, cru plus actif et plus subtil ; or, comme ils appelaient dans les animaux le principe vital et moteur, une ame, un esprit, et comme ils raisonnaient sans cesse par comparaison, surtout par celle de l’être humain, ils donnèrent au principe moteur de tout l’univers le nom d’ame, d’intelligence, d’esprit ; et Dieu fut l’esprit vital qui, répandu dans tous les êtres, anima le vaste corps du monde. Et ceux-là peignirent leur pensée tantôt par You-piter, essence du mouvement et de l’animation, principe de l’existence, ou plutôt l’existence elle-même ; tantôt par Vulcain ou Phtha, feu-principe et élémentaire, ou par l’autel de Vesta, placé centralement dans son temple, comme le soleil dans les sphères ; et tantôt par Kneph, être humain vêtu de bleu foncé, ayant en main un sceptre et une ceinture (le zodiaque), coiffé d’un bonnet de plumes, pour exprimer la fugacité de sa pensée, et produisant de sa bouche le grand œuf.

« Or, par une conséquence de ce système, chaque être contenant en soi une portion du fluide igné ou éthérien, moteur universel et commun ; et ce fluide, ame du monde, étant la divinité, il s’ensuivit que les âmes de tous les êtres furent une portion de Dieu même, participant à tous ses attributs, c’est-à-dire étant une substance indivisible, simple, immortelle ; et de là tout le système de l’immortalité de l’ame, qui d’abord fut éternité. De là aussi ces transmigrations connues sous le nom de métempsycose, c’est-à-dire de passage du principe vital d’un corps à un autre ; idée née de la transmigration véritable des éléments matériels. Et voilà, Indiens, boudhistes, chrétiens, musulmans ! d’où dérivent toutes vos opinions sur la spiritualité de l’ame : voilà quelle fut la source des rêveries de Pythagore et de Platon, vos instituteurs, qui eux-mêmes ne furent que les échos d’une dernière secte de philosophes visionnaires qu’il faut développer.