Les Romanciers d’aujourd’hui/Les Romantiques

Léon Vanier, libraire-éditeur (p. 269-300).


CHAPITRE VIII

LES ROMANTIQUES




Léon Cladel. — Catulle Mendès. — Clovis Hugues. — René Maizeroy. — Jacques Madeleine. — Henry d’Argis. — M. de Souillac. — Jean Richepin. — Joséphin Péladan. — Villiers de l’Isle-Adam. — Émile Bergerat. — Mme Judith Gautier. — Bertrand Robidou. — Jean Rameau. — Élémir Bourges. — Barbey d’Aurevilly.


Et le maître étant mort, ceux-ci sont les héritiers du maître, les derniers romantiques, les grands « faiseurs de monstres » dont la race semblait à jamais éteinte, Léon Cladel, Barbey d’Aurevilly, Catulle Mendès, Joséphin Péladan, Jean Richepin, Villiers de l’Isle-Adam, d’autres. Leur romantisme, pour avoir traversé Beaudelaire, diffère assez peu du romantisme de 1830. Ils ont gardé le souci du rare, de l’exception, des cas isolés et extraordinaires. Et la théorie romantique est là toute. Han d’Islande, Hernani, Quasimodo, Marguerite de Bourgogne, Tragaldabas, Albertus, vingt types, l’incarnent au théâtre et dans le roman, en prose et en vers. Les « monstres » prennent pied dans la littérature. Pétrus Borel fait dévorer un père par son fils, après quoi cet anthropophage s’adresse au bourreau, et, sur un ton d’exquise politesse : « Monsieur le bourreau, je désirerais que vous me guillotiniassiez.» Ô psychologie ! Jules Vabre écrit son Essai sur l’incommodité des commodes ; Céleslin Xanteuil propose qu’on scalpe les quarante ; Gautier les compare à des genoux ; Jehan du Seigneur se bat en duel parce qu’on l’a traité de « bourgeois »[1] ; Philothée O’Neddy s’écrie dans Feu et Flamme : Les préjugés ont une telle puissance que si j’assassine par hasard l’homme qui a insulté ma maîtresse,

Les sots, les vertueux, les niais m’appelleront
Chacal…

Et la bonne et douce George Sand elle-même se résigne à « faire des monstres », puisque la mode du temps est aux monstres[2]. D’autres modes, ni meilleures ni pires, ont succédé à celle-là. Mais à lui être demeurés fidèles, par tempérament ou par éducation, il se sera trouvé les sept ou huit mousquetaires qu’on sait, et ce n’est pas là, après tout, une des moindres curiosités de cette fin de siècle, où, faute d’un concept nouveau, les plus antiques formes d’art ont été tour à tour reprises et rajeunies.


I


D’abord Léon Cladel. Au physique, un corps d’ogre et une tête de Christ. La tête émerge d’un hoqueton jaune de terre qu’il porte en ville et aux champs et qu’il surmonte d’un feutre graisseux et démesuré, les jours de pluie. Ce costume-là est déjà une indication.

Les titres de ses livres sont aussi très particuliers : Raca, Les Va-nu-pieds, N’a qu’un œil (que ce candide proposa comme feuilleton à la République française de Gambetta), Mi-diable, Une brute, Gueux de marque, Le Bouscassié, L’homme de la Croix-aux-bœufs, Kerkadec le garde-barrière. Tout cela sonne terriblement. Et à la vérité, les héros de M. Cladel sont à la fois terribles et horribles. C’est la lignée de Han d’Islande et de Gilliat. Voit-il ses semblables ainsi ? Sans doute. En toute chose, le simple et l’humain sont ce qui frappe et ce qu’on voit le moins. Il faut une psychologie très affinée pour y être sensible. Et peut-être n’est-ce point le cas de M. Cladel, ni des romantiques en général.

Et comme il voit les êtres, il voit les objets. Il n’y a rien d’amusant comme la nature décrite par M. Cladel, si ce n’est peut-être l’histoire commentée par lui[3] Je renvoie sur ce point à N’a qu’un œil, dont les très calamiteuses aventures se déroulent à la veille de la Révolution. Il est malaisé d’accumuler plus d’horreurs (pillages, viols, meurtres, tortures, incendies) en trois cents pages. Mais M. Cladel met à cette besogne une candeur de petit garçon épelant dans une école primaire la leçon de son instituteur. Il n’est point cause, au reste, si les choses lui apparaissent ainsi. La réalité se déforme naturellement pour lui, comme pour ces bœufs dont on dit qu’ils voient les objets quatre fois au-dessus de leur grandeur vraie. Il voit, il pense, il écrit de même. Sa phrase, pareille à ces grosses souches raboteuses, éclate en jets et en enchevêtrements de toute sorte. C’est inextricable : on y étouffe, et il fait bon d’en sortir. Que restera-t-il de son œuvre ? Hélas ! Vous souvenez-vous de ce Langlade dont parle quelque part M. Halévy ? « Langlade était l’auteur de la plus grande phrase de toute la littérature française : cette phrase avait 72 lignes. » — Et c’est tout ce que la postérité se rappelait de Langlade.


II


Mais M. Catulle Mendès restera. Il restera, parmi les romantiques de la dernière heure, comme le plus magnifique exemplaire de l’art du décalque. Son tempérament ne le disposait à aucun genre bien particulier. Il s’est fait romantique, comme il se serait fait naturaliste ou symboliste avec une égale souplesse. Car c’est un merveilleux virtuose, capable de se plier à toutes langues et de les parler toutes, fors la sienne. Dans son romantisme, il n’y a à bien prendre qu’une chose qui lui appartienne en propre : la sensualité, une sensualité raffinée et d’autant plus excitante, qui n’est pas là seulement pour chatouiller et gagner la clientèle, mais qui s’épand aussi, je crois, par quelque vice de l’encéphale. Dans ce genre, les amateurs possèdent de lui toute une bibliothèque de chaise longue : Pour lire au bain, Tendrement, Lili et Colette, les Îles d’amour, Le nouveau décaméron, de ces livres comme les aimait la belle dame de Jean-Jacques et qu’elle ne trouvait incommodes qu’en ce qu’on ne les peut lire que d’une main[4]. La plupart de ces livres sont, au reste, de simples recueils de nouvelles. Mais dans les romans (Zo’har, la Première maîtresse, etc.), la veine libertine coule tout aussi large. Mettons à part, si vous voulez, un livre entièrement beau et sain : Les mères ennemies.

Malheureusement, il n’est pas que cette littérature n’ait fait école. M. Clovis Hugues, qui fut mieux inspiré, jadis, a donné dans Madame Phaéton une contrefaçon assez réussie des romans de M. Mendès. C’est suffisamment lubrique et atourné. Je crois bien que le délicat M. Maizeroy relève aussi du genre. Sur le champ littéraire, tout au moins, l’auteur de Deux amies[5] peut tendre le petit doigt à l’auteur de Zo’har. En somme, toutes ces classifications reviennent à : dis-moi qui te lit, je te dirai de qui tu procèdes. Ce qui fait que M. Jacques Madeleine avec Un couple M. d’Argis avec Sodome, et M. de Souillac, avec Zé Boïm, pourraient bien appartenir à la même école d’indécence et de préciosité.


III


Avec MM. Richepin, Péladan, Villiers de l’Isle-Adam, celui-ci zingari, celui-là mage, cet autre chevalier de l’Ordre de Malte, nous entrons dans un romantisme plus honnête et quelquefois aussi plus original.

C’est M. Richepin qui l’a dit lui-même : « En moi cohabitent un rhétoricien de la décadence et un zingari de la grande route, rétameur de casseroles, maquignon et acrobate. » Le curieux, c’est qu’il ait vu aussi clair en lui. Rhétoricien, il l’est, par une virtuosité de langue au moins égale à celle de M. Mendès, par l’aisance avec laquelle il se plie au ton de chaque genre, par son amour du lieu commun et de l’antithèse. Je laisse de côté ici le poète ; dans le roman, il a des pages de description minutieuse et pointilleuse qui rappellent Dickens[6] ; telles de ses tirades à panache sont d’un Alexandre Dumas supérieur[7] ; la sobriété et l’horreur muette de certains dialogues font penser à Mérimée[8] ; par le heurté et le vif de quelques analyses, il dépasse Vallès[9] ; d’autres fois, — moins souvent — c’est M. de Montépin en personne qu’il nous présente, mais un Montépin correct et presque académisable[10] Du rhéteur, il a encore l’ampleur d’accent, l’adroite sophistique qui sait plaider le faux et le vrai, les généralisations faciles surtout. Ses grossièretés, rhétorique ; ses blasphèmes, rhétorique toujours. Il a cherché une affaire au bon Dieu pour avoir l’occasion de jongler avec des vocables plus sonores. Il peut tout, il est capable de tout. Il n’est pas jusqu’à la simplicité qu’il n’ait atteinte quand il a voulu. Sœur Doctrouvé est la merveille du genre. Dans les premières pages de Césarine, rien que par sa notation nette et sèche des choses, il emplit l’âme d’une grande horreur physique. Rhéteur donc, si vous voulez, mais assurément un maître rhéteur, et, comme il dit encore, comme cette étrange Miarka, la « fille à l’ours », qu’un caprice de la destinée jeta de sa roulante tribu à la banalité des villes, une sorte de zingari civilisé, un zingari qui aurait fait ses classes, traversé la rue d’Ulm et les littératures anciennes, et qui garderait du tempérament ancestral les fièvres, les colères, les spasmes, l’amour enfantin du tam-tam et des paillettes, et le culte aussi des grandes choses naturelles[11].

Vous avez vu le zingari ; ci-joint le mage. C’est M. Joséphin Péladan que je veux dire. Que cette magie ne contienne pas un tantinet de mystification, je n’oserais pas l’affirmer ; je n’oserais pas affirmer le contraire non plus. M. Péladan a l’air si convaincu, et M. de Gayda, et M. Jouhney, et Mme Olympe Audouard ! Dès qu’il s’y mêle une religion, toute pratique devient respectable. Au reste, M. Berthelot vous dira que la chimie est sortie de l’alchimie, que tout n’est point à mépriser chez les théurges, et que c’est à l’un d’eux, par exemple, Cardan, qu’on doit en algèbre la solution des équations du 3e degré. M. Péladan n’a fait, que je sache, aucune découverte algébrique notable. Mais il a écrit sous ce titre général : La décadence latine une série de romans[12] qu’il est permis de trouver lourds, confus, prétentieux, mais dont je reconnais ici la très éclatante puissance. Au demeurant livres malsains pour la santé de l’esprit, gardez-vous-en précieusement, âmes faibles déjà. J’aurais peur pour ma raison de vivre avec de pareils livres…

Et s’avance le chevalier de Malte, M. le comte de Villiers de l’Isle-Adam[13]. Ah ! peuple de gobeurs que nous sommes ! Je ne me soucie guère du chevalier, mais pour le « penseur » comme on dit, c’est le plus beau vide avec la plus belle affectation de la profondeur que je sache[14]. Affectation ? Et de quel autre mot d’abord veut-on que j’appelle tout cet étalage de guillemets, de tirets, de points de suspension et de lettres italiques et majuscules, où M. de Villiers cherche ses effets les plus sûrs ? — « L’Année Dernière, Au Clair de Lune, au Colosseum, la Petite Voix Séduisante M’EST Venue et M’A DIT : Smith ou Jones (le Nom de l’Auteur N’est Ni Celui-ci, Ni Celui-là), Mon Bon Ami, etc., etc. » — La phrase est de Thakeray singeant chez les snobs d’outre-Manche un charlatanisme analogue : mais, pour le ridicule et le creux, pour la manie de fixer sur des riens notre attention surprise et déroutée, elle pourrait être tout aussi bien de M. de risle-Adam. Car, même ce procédé-là, il n’y a rien de neuf chez lui. Et, pour le reste, sa plaisanterie de pince-sans-rire n’est qu’une traduction assez basse de l’humour de Swift ; son Tribulat Bonhomet n’est que la caricature du Homais de Flaubert, sorti lui-même du pharmacien anonyme d’Hermann et Dorothée[15] ; son macabre fait sourire à côté de celui de Poë, et, dans la farce, Marc Twain, qu’il transpose[16], lui est vingt fois supérieur. Reste son style. Je me garderai d’en rien dire. Il l’a trop bien jugé lui-même, le jour qu’il l’a fait consister en « d’étranges consonnances, presque nulles (oh ! combien nulles, parfois !) de signification ».


IV


On peut grouper encore à cette place, sous la rubrique « romantiques *, quelques écrivains, comme M. Bergerat ou M. Elémir Bourges, dont le romantisme se tempère d’observation. Ce ne sont point des romantiques « purs » ; mais la nuance ne laisse pas que d’offrir quelque intérêt.

M. Émile Bergerat est surtout connu par les chroniques qu’il signe au Figaro du pseudonyme de Caliban. Dans ces chroniques-là, M. Bergerat est « zutiste », et c’est un peu lui qui a créé le groupe ou qui l’a baptisé, tout au moins. Romancier, il rentre dans le rang. Voir Le viol, où il y a le souvenir de Mlle de Maupin. Le petit Moreau est une étude à part (très honnête, très discrète, attristée et douce) du sentiment maternel.

Mme Judith Gautier, fille du grand Théo et belle-sœur de M. Bergerat[17], reste aussi dans la tradition. On cite ses drames, ses « salons », ses bons mots ; on ne cite presque jamais ses romans, et c’est dommage, car il y a de la chaleur et de l’emportement dans Le lion de la victoire et dans La reine de Bengalore.

M. Bertrand Robidou, qu’on connaît moins[18], a prodigué dans tous les genres, histoire, philosophie, roman, théâtre, poésie, un talent qui semble n’avoir rien perdu à se répandre sur un objet si vaste. Ses vers sont fort beaux, particulièrement l’épisode d’Elohim etJaweh que cite M. Jules Tellier (Nos poètes). Dans le roman, n’eùt-il écrit que la Dame de Coëtquen, qu’il mériterait une place distinguée entre ses confrères. Mais je recommanderai surtout de lui Les Mériahs, où j’ai trouvé sous la fantasmagorie du sujet un sens philosophique très profond.

M. Jean Rameau est aussi un poète, et ses débuts firent quelque fracas, voici quatre ans. Comme romancier, on cite de lui Possédée d’amour et le Satyre. S’il faut dire, ce dernier livre n’est point tout à fait indigne de M. de Montépin, et telles pages, dans le premier, atteignent au dramatique sombre de Ponson du Terrail.

Le cas de M. Elémir Bourges mériterait une dissertation à part qui pourrait s’intituler : Comment on ne doit pas se faire un style [19]. Voici un romancier plein de vie, très au courant de son art, expert au groupement des personnages et au jeu des sentiments ; ce romancier rencontre par surcroît une donnée de premier ordre, quelque chose, si vous voulez, comme la donnée des Rois en exil. Bien entendu que le sujet est tout moderne, qu’il ne s’agit point d’une reconstitution archaïque à la Flaubert. M. Bourges est ce romancier-là, et pour traiter ce sujet-là, avec ces qualités-là, il ira emprunter à Saint-Simon (voyez la belle idée), au maître du style soudain, primesautier, tout en à-coups, au classique par excellence de l’incorrection et de la négligence, quoi ? Ses incorrections, ses négligences d’abord ; il se fera un cahier de ses expressions et de ses tours les plus ordinaires ; il étudiera méticuleusement jusqu’aux places des que, des si, des virgules ; il s’embrouillera à plaisir d’incidentes ; il ne risquera de métaphores qu’autant qu’elles auront déjà servi aux Mémoires ; et ainsi pendant trois cents pages. Le résultat, c’est qu’un lettré ne saurait lire toutes ces belles choses, ramené qu’il est perpétuellement à leur origine, et que voilà trois cents pages et bien du talent de gaspillés.


V

J’ai gardé pour la fin et pour la bonne bouche, comme on dit, M. Barbey d’Aurevilly. M. Jules Barbey d’Aurevilly ne veut point paraître notre contemporain. Voilà quatre-vingt et un ans qu’il se meurt à petit feu d’être né dans ce méchant siècle de bourgeoisie, et les protestations dont il emplit ses volumes sont encore le seul prétexte qu’il ait trouvé à vivre. Du moins, on l’a « distingué ». Il dit d’un de ses héros qu’il était pareil à un portrait qui marche[20]. M. d’Aurevilly a un peu de cet air-là, et un peu aussi de celui d’une gravure de modes. Mais il soigne cet archaïsme et ce dandysme, et volontiers se condamne au petit lit de fer dans une mansarde mal close pour quelque belle cravate blanche à pois d’or, dont il épinglera méticuleusement les ailes sur son pourpoint de Casimir, comme un grand papillon. On ne peut trop l’admirer. J’ouvre son Mémorandum, et j’y lis de huit pages en huit pages : « Le coiffeur est venu. » J’y lis aussi qu’il compte acheter une limousine de charretier normand et la doubler de velours noir pour l’hiver. Et je vois, sur son portrait, qu’il est beau, d’un genre de beauté qui n’est point, pour parler sa langue, la beauté niaise et tempéramenteuse d’Antinoüs, mais la beauté insolente, impériale, juanesque, qu’il donne, comme un peu de lui, à ses héros Mesnilgrand et Ravilès. Porter beau est pour lui une première manière de se « distinguer », dans ce siècle où la figure humaine, tolérable seulement chez la femme et l’enfant, « s’en va comme tout le reste »[21]. Et, par le reste, entendez les mœurs, la suprématie des nobles, la religion, tout, jusqu’aux ridicules, qui chez nous « ont moins de gaieté et de variété par eux-mêmes que ceux de nos pères »[22]. Je crois voir que M. d’Aurevilly s’est étudié à fond. Il est donc aristocrate, et c’est sa seconde manière de se « distinguer. » Son aristocratisme consiste surtout à dire : Tudieu ! Il est le dernier gentilhomme au monde qui sache dire encore : Tudieu ! Que voilà un joli juron : Tudieu ! Mais il a aussi un répertoire de phrases sévères sur la civilisation actuelle. Cette civilisation, il n’y découvre « que des usines et des latrines[23]. » C’est bien dur. Les « classes moyennes » le dégoûtent. « Bourgeois, cela dit tout[24]. » Monsieur Thiers, fi ! Odilon Barrot, pouah ! Ils étaient petits, laids et honnêtes. Sodérini, qui fut gonfalonnier à Florence et la pire des canailles, valait mieux, s’étant conservé très beau dans le portrait de Vinci. Et Sodérini fut bon catholique, ce qui le rapproche encore de M. Barbey. Car ce dandy et cet aristocrate s’est fait une troisième et dernière « distinction » de son catholicisme, mais un catholicisme que vous n’imaginez point, bonnes âmes, et où il entre des hystéries, du sadisme et de la diablerie, un catholicisme à la Gilles de Retz et d’il y a quatre cents ans. En vérité, et quoi qu’il dise, bien en a pris à M. d’Aurevilly de naître notre contemporain. Le Saint-Office aurait pu ne pas trouver à son goût ce genre de dévotion-là[25]




  1. Cette haine du bourgeois est bien caractéristique. Vous la retrouverez chez presque tous, et c’est en particulier le thème favori de M. Richepin et de M. Barby d’Aurevilly.
  2. « Pendant longtemps, dit M. Émile Faguet, George Sand a reçu et reflété. En 1831, elle disait gaiement : « Les monstres sont à la mode, faisons des monstres. » Les monstres de George Sand ne pouvaient pas être très monstrueux ; mais c’étaient, en effet, des êtres bien extraordinaires. » Etudes littéraires sur le XIXe siècle, art. George Sand.
  3. Voyez par exemple, pages 209 et suiv., N’a qu’un œil. Il y a aussi le latin de M. Cladel. Page 198 du même livre : salve, regina ; salve, rege (pour rex), etc. Observez que le livre commence ainsi : « Xénophon, Horace, Virgile, Tacite, Juvénal, Esope, Aristophane, Eschyle, Sophocle, Euripide, Homère, et tous les autres classiques, grecs et latins, m’avaient excédé terriblement. » On le croirait.
  4. L’œuvre de M. Mendès « est quelque chose comme la villa d’Hadrien, qui contenait des réductions de tous les monuments de l’univers. Seulement, dans l’édifice composite, vous trouverez un coin décoré d’un goût bien personnel, et c’est l’alcôve. » J. Tellier (Nos poètes, p. 204).
  5. Et de Bébé Million, et du Boulet, de P’tit-mi. des Deux femmes de mademoiselle, etc. etc.
  6. Voir, par exemple, le début de Sœur Doctrouvé.
  7. Voir la confession du pape dans Les Débuts de César Borgia.
  8. Cf. Les Débuts de César Borgia.
  9. Cf. La Glu ; Madame Andrée.
  10. Cf. Monsieur Destrémeaux ; Une Histoire de l’autre monde.
  11. Remarquez qu’il y a presque toujours un saltimbanque dans ses livres. Vous en trouverez dans Les Braves gens, dans Miarka, dans les Morts bizarres, dans la Chanson des gueux, dans Monsieur Destrémeaux, dans Une Histoire de l’autre monde, etc.
  12. Cf. Curieuse, Le Livre suprême, L’Initiation sentimentale, etc.
  13. Mort depuis. Ses principaux livres sont : Les Contes cruels, L’Amour suprême, L’Eve future, Axel, etc.
  14. N’est-ce pas à propos de son Nouveau Monde, que M. Weiss écrivait : « Dans tout autre domaine que le théâtre il est aisé d’appliquer des principes de cénacle… On conçoit gigantesque. On turlupine les maîtres reconnus et acceptée, et on ne s’est pas seulement donné la peine de les comprendre. On est luministe et immenséïste. On fait… des romans réfractaires, sans pieds ni têtes, où les ateliers du haut de Montmartre et les capharnaüms du boulevard Saint-Michel reconnaissant avec exaltation la vie comme elle est, exactement, superbement comme elle est … »
  15. Le rapprochement, que je ne fais qu’indiquer ici (le premier, je crois), mériterait d’être suivi avec quelque développement. C’est tout un, le pharmacien de Madame Bovary et celui de Hermann et Dorothée.
  16. Voir particulièrement Le Vol de l’éléphant blanc, de Marc Twain, et La Légende de l’éléphant blanc, de M. de Villiers.
  17. Plus, épouse divorcée de M. Catulle Mendès.
  18. On trouvera sur M. Robidou de bons articles de M. Mario Proth et de M. Oscar Comettant. J’y renvoie. Tout récemment, son Histoire du clergé pendant la Révolution a fait faire un pas considérable à l’étude de ce grave problème.
  19. Je laisse de côté ici Sous la hache, sorte de roman révolutionnaire dans le genre un peu usé du Quatre-vingt-treize de Hugo. L’auteur confesse lui-même qu’il s’agit dun fond de tiroir.
  20. Cf. Les Diaboliques.
  21. Cf. Mémorandum.
  22. Cf. Idem.
  23. Cf. Mémorandum.
  24. Voir la note 1 de la page 273
  25. Barbey d’Aurevilly est mort récemment. Ce fut, du reste, et sous toutes les poses de cette vie outrée, criarde, puérile, un véritable écrivain, un de ceux qui ont leur marque particulière, la fleur de coin dans l’expression à quoi on reconnaît les batteurs de style. Voir L’Ensorcelée, Une vieille maitresse, Les Diaboliques, Un prêtre marié. Ce qui ne meurt pas, etc. Peut-être aussi qu’il ne m’eût point fallu tant m’attacher à ce dandysme et à ce diabolisme. Je me demanae maintenant si c’est bien là tout l’homme, la synthèse de cette « âpre et solitaire destinée », dont a parlé M. Bourget, et à laquelle « le grand Barbey » aura dû « de séjourner dans un monde de visions magnifiques et de conserver une superbe intégrité de sa pensée ». J’hésite ; je ne serais pas éloigné de croire que c’est plutôt l’extérieur, la surface, l’enveloppe, ce qu’il voulait montrer de lui pour occuper les yeux. Et il peut se vanter d’avoir réussi, et que c’est bien ainsi qu’il n’a cessé d’apparaître à ses contemporains. Sa vraie vie, nul, dit-on, ne sait ce qu’elle a été. Elle tient peut-être dans ce Too late (trop tard !) dont il fit sa mélancolique devise. L’autre, au contraire, sa vie extérieure, il l’a étalée avec une complaisance si marquée qu’on peut le soupçonner de l’avoir fait exprès pour détourner des curiosités gênantes.