Les Renaissances/Lemerre, 1870/Cieux nocturnes

Les Renaissances Voir et modifier les données sur WikidataAlphonse Lemerre, éditeur (p. 85-86).


Cieux nocturnes

À Eumène Queillé.


 

IL est un grand tombeau dont l’horreur me poursuit,
Large, froid, et peuplé de silences funèbres :
— C’est l’immense tombeau qu’ouvre sur nous la nuit
Dans l’azur dilaté par l’effroi des ténèbres.

Comme des jours furtifs où glisse la pâleur
D’un ciel d’or très lointain, au travers d’un mur sombre,
Les étoiles, filtrant leur clarté sans chaleur,
Blanches, rompent parfois la tristesse de l’ombre.


Des réveils immortels nous mesurant l’espoir,
Rares, ces mornes feux dont la lumière tremble
Luisent, sans l’éclairer, dans le sépulcre noir
Dont nous sommes les morts et les vers tout ensemble.

Des étoiles fuyant le chœur silencieux,
Parmi les trépassés trépassé solitaire,
Pour pardonner aux nuits l’épouvante des cieux
J’attends qu’un Dieu nouveau, pitoyable à la terre,

Ainsi qu’un fossoyeur, les deux bras étendus,
Ferme ce vide horrible, et, de sa main géante,
Versant dans l’éther creux un flot d’astres perdus,
Comble avec des soleils sa profondeur béante !