Les Rôdeurs de frontières/Chapitre 07

Fayard (p. 75-87).


VII

LE VISAGE DE SINGE.


Nous avons vu de quelle façon sommaire le capitaine s’était emparé du territoire qui lui avait été concédé. Nous allons maintenant expliquer comment il s’y était établi, et quelles précautions il avait prises pour ne pas être inquiété par les Indiens qu’il avait si brutalement dépossédés et qui, d’après le caractère vindicatif qu’il leur connaissait, ne se considéreraient probablement pas pour battus et ne manqueraient pas, d’un instant à l’autre, d’essayer de prendre une sanglante revanche et une vengeance terrible de l’insulte qu’ils avaient reçue.

Le combat contre les Indiens avait été rude et acharné, mais, grâce au Visage-de-Singe, qui avait révélé au capitaine les points les plus faibles du Atepett (village) et surtout à la supériorité des armes à feu des Américains, les Indiens avaient été finalement contraints de prendre la fuite et d’abandonner aux vainqueurs tout ce qu’ils possédaient.

Triste butin, consistant seulement en peaux d’animaux et en quelques vases faits avec une argile grossière.

Le capitaine, à peine maître de la place, commença son œuvre et jeta les fondements de la colonie nouvelle ; il comprenait la nécessité de se mettre le plus tôt possible à l’abri d’un coup de main.

L’emplacement du village fut complètement déblayé des ruines qui l’encombraient, puis les terrassiers se mirent à niveler le sol et à creuser un fossé circulaire large de six mètres et profond de quatre, qu’au moyen d’une saignée on fit communiquer d’un côté avec l’affluent du Missouri et de l’autre avec le fleuve lui-même ; derrière ce fossé et sur le sommet du talus formé par les terres que l’on avait rejetées et tassées, on planta une ligne de pieux de quatre mètres de haut reliés entre eux par de forts crampons en fer en ayant soin de laisser des intervalles presque invisibles par lesquels il était facile de passer les rifles et de tirer à l’abri. On ménagea dans ce retranchement une porte assez large pour livrer passage à un vagon et qui communiqua au dehors au moyen d’un pont-levis jeté en travers sur le fossé et qu’on relevait chaque jour au coucher du soleil.

Ces précautions préliminaires une fois prises, une étendue de quatre mille mètres carrés à peu près se trouva entourée d’eau et défendue par une palissade de tous les côtés, excepté sur la face qui regardait le Missouri, à cause de la largeur et de la profondeur du fleuve qui offrait une garantie suffisante de sécurité.

Ce fut sur l’espace libre dont nous avons parlé que le capitaine se mit en devoir d’élever les bâtiments et les dépendances de la colonie.

Ces bâtiments ne devaient, dans le principe, être construits, du reste ainsi que cela se pratique sur tous les défrichements, qu’en bois, c’est-à-dire avec des troncs d’arbres auxquels on laissa l’écorce ; le bois ne manquait pas, grâce à la forêt située à cent mètres au plus de la colonie.

Les travaux furent poussés avec une activité telle que deux mois après l’arrivée du capitaine en cet endroit, tous les bâtiments étaient terminés et l’emménagement intérieur presque complet.

Au centre de la colonie on avait construit sur une éminence ménagée à cet effet une espèce de tour octogone élevée de vingt-cinq mètres environ, dont le toit formait terrasse, et qui était divisée en trois étages : en bas se trouvaient la cuisine et les communs, les chambres d’en haut étaient destinées aux membres de la famille, c’est-à-dire au capitaine, à sa femme, aux deux domestiques des enfants, jeunes et vigoureuses Kentuckiennes, aux joues roses et rebondies, nommées Betzi et Emmy, à mistress Margaret, la cuisinière, respectable matrone entrant dans son neuvième lustre, bien qu’elle n’avouât que trente-cinq ans, et eût encore des prétentions à la beauté ; et enfin au sergent Bothrel. Cette tour était fermée par une porte solide doublée en fer, et au centre de laquelle s’ouvrait un guichet destiné à reconnaître les visiteurs.

À dix mètres à peu près de la tour et communiquant avec elle au moyen d’un passage souterrain, se trouvaient l’habitation des chasseurs, celle des ouvriers de toute sorte et enfin celle des bouviers et des laboureurs.

Venaient ensuite les écuries pour les chevaux et les étables destinées aux bestiaux.

Puis, disséminés çà et là, de vastes hangars, des ateliers et des magasins destinés à renfermer les produits de la colonie.

Mais ces divers bâtiments avaient été construits de façon à se trouver isolés les uns des autres, et assez éloignés pour que, en cas d’incendie, — ce qui était cause du mode de construction employé, — la perte d’un bâtiment n’entraînât pas fatalement celle des autres ; plusieurs puits avaient été creusés de distance en distance, afin de distribuer l’eau abondamment partout, sans être obligé d’aller puiser à la rivière.

Enfin, pour nous résumer, nous dirons que le capitaine, en vieux soldat expérimenté et habitué à toutes les ruses de la guerre des frontières, avait pris les précautions les plus minutieuses pour éviter, soit une attaque, soit même une surprise.

Trois mois s’étaient écoulés depuis l’établissement des Nord-Américains ; cette vallée jadis inculte et couverte de forêts, était maintenant labourée en grande partie ; les défrichements opérés sur une grande échelle avaient reculé les premiers plans de la forêt à près de deux kilomètres de la colonie ; tout offrait l’image de la prospérité et du bien-être dans ce lieu où, si peu de temps auparavant, l’incurie des Peaux-Rouges laissait la nature produire en liberté les quelques fourrages indispensables à leurs bestiaux.

Dans l’intérieur de la colonie, tout présentait le spectacle le plus vivant et le plus animé : tandis que, au dehors, les bestiaux paissaient sous la garde de quelques bouviers à cheval et bien armés, que les arbres centenaires tombaient sous les coups redoublés des cognées des bûcherons ; au-dedans, tous les ateliers étaient en pleine activité, de longues colonnes de fumée s’élevaient des forges, le bruit des marteaux se mêlait au grincement des scies ; sur le bord du fleuve, d’énormes piles de bois préparés en planches s’élevaient à peu de distance d’autres composées de bois de chauffage ; plusieurs embarcations étaient amarrées au rivage, et de temps en temps on entendait au loin résonner les coups de feu des chasseurs qui exécutaient une battue dans la forêt afin d’approvisionner la colonie de venaison.

Il était environ quatre heures de l’après-dîner ; le capitaine, monté sur un magnifique cheval noir, marqué de blanc aux quatre pieds, traversait au petit pas une prairie nouvellement défrichée.

Un sourire de satisfaction intime déridait le visage sévère du vieux soldat à l’aspect du changement prodigieux que sa volonté et sa fiévreuse activité avait, en si peu de temps, opéré sur ce coin de terre ignoré, appelé dans un avenir prochain, il n’en doutait pas, à acquérir, grâce à sa position, une grande importance commerciale ; il approchait de la colonie, lorsqu’un homme, caché jusqu’à ce moment par un amas de souches et de racines d’arbres empilées et laissées là pour sécher, apparut subitement à ses côtés.

Le capitaine réprima un geste de mauvaise humeur en apercevant cet homme dans lequel il reconnut Visage-de-Singe.

Nous dirons ici quelques mots de ce personnage appelé à jouer un rôle assez important dans le cours de ce récit.

Itsichaichè était un homme d’une quarantaine d’années, d’une taille haute et bien découplée ; il avait une figure chafouine éclairée par deux petits yeux vérons ; son nez recourbé en bec d’oiseau, sa bouche large aux lèvres minces et rentrées lui donnaient une expression sournoise et méchante qui, malgré l’obséquiosité cauteleuse et féline de ses manières, et la douceur calculée de sa voix, inspirait à ceux que le hasard mettait en rapport avec lui une répulsion instinctive que rien ne pouvait vaincre.

Contrairement à ce qui arrive d’ordinaire, l’habitude de le voir, au lieu de diminuer et de faire disparaître cette impression fâcheuse, ne faisait au contraire que l’accroître.

Il s’était consciencieusement et honnêtement acquitté de ses devoirs de guide en conduisant sans encombre les Américains à l’endroit qu’ils voulaient atteindre ; mais depuis cette époque, il était demeuré avec eux, et s’était pour ainsi dire impatronisé dans la colonie, où il allait et venait à sa guise, sans que personne s’occupât de ce qu’il faisait.

Parfois, sans rien dire, il disparaissait pendant plusieurs jours puis revenait tout-à-coup, sans qu’il fût possible de tirer de lui aucun renseignement, ni de savoir ce qu’il avait fait et où il était allé pendant son absence.

Cependant il y avait une personne à laquelle le sombre visage de l’Indien avait constamment causé une vague terreur et qui n’avait pu surmonter la répulsion qu’il lui inspirait, sans qu’elle pût expliquer sur quoi baser ce sentiment qu’elle éprouvait : cette personne était mistress Watt. L’amour maternel rend clairvoyant : la jeune femme adorait ses enfants, et lorsque parfois le Peau-Rouge laissait par hasard tomber un regard indifférent sur les innocentes créatures, la pauvre mère se sentait frissonner dans tous ses membres, et elle se hâtait de soustraire à la vue de cet homme ces deux êtres qui étaient tout pour elle.

Parfois elle avait essayé de faire partager ses craintes à son mari, mais à toutes ses observations le capitaine n’avait répondu que par un haussement significatif des épaules, supposant qu’avec le temps cette impression s’affaiblirait et finirait par disparaître ; cependant comme mistress Watt revenait sans cesse à la charge avec la persévérance et l’entêtement d’une personne dont les idées sont positivement arrêtées et ne changeront plus, le capitaine impatienté et n’ayant aucune raison plausible pour protéger contre sa femme qu’il aimait et respectait un homme pour lequel il ne professait pas la moindre estime, il lui promit enfin de l’en débarrasser, et, comme en ce moment l’Indien était absent de la colonie depuis plusieurs jours, il se réserva aussitôt son retour de lui demander une explication de sa conduite mystérieuse, et, si l’autre ne lui répondait pas catégoriquement et d’une manière satisfaisante, de lui signifier nettement qu’il ne voulait plus le voir dans la colonie, et qu’il eût en conséquence à s’éloigner sur-le-champ et pour toujours.

Voilà dans quelles dispositions se trouvait le capitaine envers Visage-de-Singe, lorsque le hasard le plaça sur son chemin au moment où il s’y attendait le moins.

En apercevant l’Indien, le capitaine arrêta son cheval.

— Mon père visite la vallée ? lui dit le Pawnée.

— Oui, répondit-il.

— Oh ! reprit l’Indien, en jetant un regard circulaire autour de lui, tout est bien changé, maintenant les bestiaux des Grands-Couteaux de l’Ouest paissent tranquilles sur les territoires dont ils ont dépossédé les Pawnées-Serpents.

L’Indien prononça ces paroles avec une voix triste et mélancolique qui donna à penser au capitaine et lui donna une certaine inquiétude.

— Est-ce un regret que vous exprimez, chef, lui demanda-t-il, il me semblerait assez hors de propos surtout dans votre bouche, puisque c’est vous-même qui m’avez vendu le territoire que j’occupe.

— C’est vrai, fit l’Indien avec hochement de tête ; Visage-de-Singe n’a pas le droit de se plaindre, c’est lui qui a vendu aux Faces-Pâles de l’Ouest le terrain où reposent ses pères et où lui-même et ses frères ont si souvent chassé l’elk et le jaguar.

— Hum ! chef, je vous trouve lugubre aujourd’hui, qu’avez-vous donc ? Étiez-vous en vous éveillant ce matin, couché sur le côté gauche, dit-il, en faisant allusion à une des superstitions les plus accréditées parmi les Indiens.

— Non, reprit-il, le sommeil de Visage-de-Singe a été exempt de mauvais pronostics, rien n’est venu altérer le calme de son esprit.

— Je vous en félicite, chef.

— Mon père donnera du tabac à son fils, afin qu’il fume le calumet de l’amitié à son retour.

— Peut-être, mais d’abord j’ai une question à vous adresser.

— Mon père peut parler, les oreilles de son fils sont ouvertes.

— Voici longtemps déjà, chef, répondit le capitaine, que nous sommes établis ici.

— Oui, la quatrième lune commence.

— En effet, depuis notre arrivée, bien souvent vous nous avez quittés sans nous en avertir.

— À quoi bon ? l’air et l’espace n’appartiennent pas aux Visages-Pâles, je suppose, le guerrier Pawnée est libre d’aller où bon lui semble : c’était un chef renommé dans sa tribu.

— Tout cela peut être vrai, chef, et ne m’importe guère, mais ce qui m’importe beaucoup, c’est la sûreté de ma famille et des hommes qui m’ont accompagné ici.

— Eh bien, fit le Peau-Rouge, en quoi le Visage-de-Singe peut-il porter atteinte à cette sûreté ?

— Je vais vous le dire, chef, écoutez-moi attentivement, car ce que vous allez entendre est sérieux.

— Le Visage-de-Singe n’est qu’un pauvre Indien, répondit avec ironie le Peau-Rouge, le Grand-Esprit ne lui a pas donné l’esprit clair et subtil des Visages-Pâles, cependant, il essaiera de comprendre mon père.

— Vous n’êtes pas aussi simple qu’il vous plaît de le paraître en ce moment, chef, je suis certain que vous me comprendrez parfaitement, si vous voulez vous en donner la peine.

— Le chef essaiera.

Le capitaine réprima un mouvement d’impatience.

— Nous ne sommes pas ici dans une des grandes villes de l’intérieur de l’Union américaine où la loi protège les citoyens et garantit leur sûreté ; nous sommes, au contraire, sur le territoire des Peaux-Rouges, éloignés de toute autre protection que la nôtre ; nous n’avons de secours à attendre de personne, et, au contraire, nous sommes entourés d’ennemis vigilants qui guettent le moment propice de nous attaquer, et de nous massacrer s’ils le peuvent ; il est donc de notre devoir de veiller nous-mêmes avec la plus grande vigilance à notre sûreté que la moindre imprudence compromettrait gravement. Comprenez vous cela, chef ?

— Oui, mon père a bien parlé, sa tête est grise, sa sagesse est grande.

— Je dois donc surveiller avec soin, reprit le capitaine, les démarches de toutes les personnes qui de près ou de loin appartiennent à la colonie, et lorsque leurs démarches me semblent suspectes, leur demander des explications qu’elles n’ont pas le droit de me refuser : or, je suis contraint de vous avouer à mon grand regret, chef, que la vie que vous menez depuis quelque temps me semble plus que suspecte, qu’elle a éveillé mon attention et que j’attends de vous une réponse satisfaisante.

Le Peau-Rouge était demeuré impassible ; pas un muscle de son visage n’avait bougé : le capitaine qui l’examinait attentivement ne put surprendre sur ses traits la moindre trace d’émotion. L’Indien s’attendait à la question qui lui était faite, et il était prêt à y répondre.

— Le Visage-de-Singe a conduit mon père et ses enfants depuis les grands villages en pierre des Grands-Couteaux de l’Ouest jusqu’ici. Mon père a-t-il eu un reproche à adresser au chef ?

— Aucun, je dois en convenir, répondit franchement le capitaine ; vous vous êtes honnêtement acquitté de votre devoir.

— Pourquoi, maintenant, une peau couvre-t-elle le cœur de mon père et le soupçon s’est-il introduit dans son esprit sur un homme contre lequel, il le dit lui-même, il n’a pas le moindre reproche à faire valoir ; est-ce donc là la justice des Visages-Pâles ?

— Ne sortons pas de la question, chef, et surtout ne la changeons pas, s’il vous plaît ; je ne pourrais pas vous suivre dans toutes vos circonlocutions indiennes ; je me bornerai donc à vous signifier nettement que si vous ne voulez pas me dire clairement la cause de vos absences réitérées et me donner une preuve certaine de votre innocence, vous ne remettrez plus les pieds dans l’intérieur de la colonie, et je vous obligerai à vous éloigner du territoire que j’occupe pour ne plus y revenir.

Un éclair de haine jaillit de l’œil du Peau-Rouge, mais éteignant instantanément la flamme de son regard, il répondit de sa voix la plus douce :

— Le Visage-de-Singe est un pauvre Indien, ses frères l’ont repoussé à cause de son amitié pour les Faces-Pâles, il espérait trouver parmi les Grands-Couteaux de l’Ouest, à défaut d’amitié, de la reconnaissance pour les services qu’il leur a rendus, il s’est trompé.

— Il ne s’agit pas de tout cela, reprit le capitaine avec impatience, voulez-vous répondre oui ou non ?

L’Indien se redressa, et s’approchant de son interlocuteur assez près pour le toucher :

— Et si je refuse ? dit-il en lui lançant un regard de défi et de colère.

— Si tu refuses, misérable ! je te défends de reparaître jamais devant moi, et si tu oses me désobéir, je te châtierai avec le fouet de mes chiens !

À peine le capitaine avait-il prononcé ces paroles insultantes, qu’il s’en repentit : il était seul et sans armes avec l’homme auquel il venait de faire une insulte mortelle, il essaya d’arranger les choses.

— Mais Visage-de-Singe, continua-t-il, est un chef, il est sage, il me répondra, car il sait que je l’aime.

— Tu mens ! chien des Visages-Pâles, s’écria l’Indien en grinçant des dents avec rage, tu me hais presque autant que je te hais moi-même.

Le capitaine exaspéré leva la houssine qu’il tenait à la main, mais au même instant l’Indien, bondissant comme une panthère, s’élança sur la croupe du cheval, enleva le capitaine des arçons, le jeta rudement sur le sol, et, rassemblant la bride :

— Les Visages-Pâles sont des vieilles femmes peureuses, dit-il, les guerriers Pawnées les méprisent, et leur enverront des jupons.

Après avoir prononcé ces paroles avec un accent d’amer sarcasme impossible à rendre, l’Indien se courba sur le cou du cheval, lui lâcha la bride, poussa un éclat de rire strident et partit ventre à terre, sans s’occuper davantage du capitaine qu’il abandonna tout contus de sa chute.

James Watt n’était pas homme à endurer, sans essayer de se venger, un tel traitement ; il se releva aussi rapidement que cela lui fut possible, et appela à grands cris, afin d’amener auprès de lui les chasseurs et les bûcherons disséminés dans la plaine.

Quelques-uns avaient vu en partie ce qui s’était passé, et s’étaient élancés en toute hâte au secours de leur capitaine, mais avant qu’ils ne fussent arrivés auprès de lui, qu’il n’eût eu le temps de leur expliquer ce qui était arrivé et de leur donner ses ordres, afin de poursuivre à outrance le fugitif, celui-ci avait disparu au milieu de la forêt, vers laquelle il avait dirigé sa course rapide.

Cependant les chasseurs, à la tête desquels s’était mis le sergent Bothrel, s’étaient précipités à la poursuite de l’Indien, en jurant qu’ils le ramèneraient mort ou vif.

Le capitaine les suivit du regard jusqu’à ce qu’il les eût vu s’enfoncer les uns après les autres sous le couvert, puis il regagna la colonie à pas lents, réfléchissant à la scène qui venait d’avoir lieu entre lui et le Peau-Rouge, et le cœur serré par un sombre pressentiment.

Quelque chose lui disait intérieurement que, pour que Visage-de-Singe, ordinairement si prudent et si circonspect, eût agi ainsi qu’il l’avait fait, il fallait qu’il se crût bien fort et bien certain de l’impunité.