Les Rêveurs (Fernand Séverin)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 243-244).


Les Rêveurs


Combien chères en vous, bouquets élus d’enfance,
Frères en rêve pur qui n’oserez mourir,
Ces blessures du cœur, si lentes à guérir !

Suaves patients embellis par l’offense,
D’où rayonne sur vous ce charme des douleurs
Et fleurit en vos yeux l’angoisse en pâles fleurs ?

Ah ! d’où surtout vous vient cette beauté de l’âme,
Et sur votre chair pâle où le mal est inscrit
Quelle haine drapa le blanc manteau du Christ ?

Nous ne savons qui c’est de l’homme ou de la femme
Dont la jeune beauté vous voisine le plus,
Et nous songeons au fruit des couples dissolus.

Mais non, chère langueur si douce et si fluide,
Tu dérives de mieux que du vain ici-bas,
Et ta sérénité ne s’en ouvrira pas.


Et tu te feras jour à travers notre vide,
Reléguant loin de toi les rares empressés
Du geste de se taire et de tes yeux baissés.

Il est vrai que la chair niera tes auréoles
Et que tu passeras par des landes d’ennui ;
Et pourtant nous voilà contents en notre nuit !

Car nous t’avons surpris de timides paroles,
Et si vile que soit la terre à ta beauté,
Tu n’oseras t’ouvrir l’au delà souhaité.