Les Réformes universitaires

Les Réformes universitaires
Revue des Deux Mondes4e période, tome 133 (p. 655-675).
RÉFORMES UNIVERSITAIRES

Depuis tantôt une vingtaine d’années que l’on se plaint un peu partout, et à bon droit. de la décadence des études, est-ce que l’une au moins des causes ne s’en trouverait pas dans cette manie de « réformes » dont l’Université de France et nos ministres de l’instruction publique semblent être agités, depuis vingt ans, tout justement ? Il est permis de le croire, et on pourrait au besoin le prouver. Cependant, il n’est bruit que de « réformes » nouvelles, plus profondes ou plus radicales, et s’il y en a déjà quelques-unes d’enragées, on nous dit qu’il s’en prépare ou qu’il s’en médite encore d’autres. Il est question de modifier la composition du « Conseil supérieur de l’Instruction publique ; » on parle de supprimer le « baccalauréat » ou de le remplacer par un « certificat d’études ; » et voici revenir enfin, après quatre ans écoulés, la « loi des Universités ». Je me propose, en les discutant, de rechercher le lien qui rattache ces réformes entre elles, et à d’autres ; et de montrer que de l’assentiment, ou peut-être à l’insu de leurs auteurs, elles ne vont à rien moins qu’à détruire l’enseignement secondaire.


I

On a donné de fort belles raisons pour justifier la transformation de nos anciennes Facultés de médecine, de droit, des sciences, et des lettres en Universités : on en a donné de politiques, on en a donné de métaphysiques, on en a donné de pédagogiques aussi. Celui-ci, — M. Léon Bourgeois, que je suis bien obligé de nommer, parce qu’il est président du Conseil des ministres, et qu’au tant ou plus que celle de M. Combes ou de M. Poincaré, la loi des Universités est sa loi, — nous y a donc montré le dessein « d’assurer dans une démocratie libre et laïque l’unité des consciences et des volontés ; » ce qui serait sans doute un grand bien. L’autre, — qui s’entendait probablement lui-même, ou du moins j’aime à le croire, mais qui n’a d’ailleurs oublié que d’éclairer sa lanterne, — nous promettait que de la constitution des Universités nous allions voir se dégager « la formule de l’enseignement supérieur ! » Il exprimait en même temps l’espérance que les Universités s’inspireraient « des idées propres à chaque région de la France » ; et voulait-il dire par là qu’à Lyon, par exemple, on n’enseignerait pas la même chimie qu’à Bordeaux ? On a chacun sa manière d’entendre l’« unité » des consciences et des volontés ! Mais un troisième développait à nos yeux éblouis l’utilité qu’il y a pour un jurisconsulte ou pour un historien de ne pas ignorer la synthèse des alcools ou la physiologie du cerveau. Que ne parlait-il aussi, tandis qu’il y était, de l’avantage qu’il y aurait pour un chirurgien à connaître l’histoire de la querelle des investitures ? Ce qui nous dispense heureusement d’examiner toutes ces raisons, c’est qu’elles ne sont point des raisons, à vrai dire, mais des phrases. Rien n’empêche dès à présent, et rien n’a jamais empêché les jeunes gens qui faisaient leur médecine à Grenoble ou à Rennes d’y suivre, s’ils le voulaient, un cours de droit romain ou de littérature grecque ; et nous n’avons pas besoin pour cela d’Universités ! Il n’y a pas de « formule de l’enseignement supérieur ! » La science, qui n’a pas d’opinion, ne peut rien sur les consciences ni sur les volontés, lesquelles ne sont en tout homme que le lieu où la manifestation de ses opinions. Et de là je conclus que la loi sur les Universités n’est vraiment, à tous ces égards, qu’un mirage et qu’un leurre.

Ah ! si peut-être il s’était agi de créer des Universités « autonomes et indépendantes », à l’allemande ou à l’américaine, nous en eussions pu discuter l’idée ! Mais qu’est-ce que des Universités qui ne disposeront ni de leur budget, ni de leurs programmes, ni du choix de leurs maîtres ? « L’indépendance d’un établissement d’enseignement supérieur, — disait M. Challemel-Lacour dans la séance du Sénat du 10 mars 1892, suppose deux conditions : qu’il est dans une large mesure maître de son budget, et qu’il est maître de son programme. Eh bien, de ces deux conditions, vos Universités n’en obtiendront aucune ! » On ne saurait mieux dire, mais on peut dire davantage ; et, pour nous, une condition plus nécessaire encore, le grand ressort, le principe d’indépendance et de vie d’un « établissement d’enseignement supérieur,» c’est le droit de choisir et de nommer ses maîtres. Mais s’il faut que les chaires continuent d’être à la nomination du ministre, et de trois ou quatre candidats que lui présentera le Conseil général de l’Université, s’il continue de lui être loisible. comme cela se voit tous les jours, de choisir le dernier sur la liste, je comprends parfaitement que l’État se réserve ce droit, et je ne lui dispute pas, mais il ne faut pas que l’on nous parle en ce cas d’«indépendance » ou de « liberté ». D’un bout de la France à l’autre bout, si l’Université de Lyon n’est pas maîtresse d’appeler à elle un professeur éminent de l’Université de Lille ou de Nancy ; et, quand une donation ou un legs permettront d’instituer une chaire nouvelle, s’il n’appartient pas uniquement à l’Université qu’on en a gratifiée, d’en désigner le premier titulaire, il n’y a rien de fait, si j’ose user ici de cette expression familière, et il n’existe pas. À vrai dire, d’Universités. On n’en a que le nom sans la chose ; l’ombre et non la réalité ; la vaine apparence au lieu de la substance.

Or les partisans les plus déterminés de la loi des Universités sont-ils prêts à consentir cet abandon de pouvoir ? Ou sont-ils prêts encore, ainsi que le demandait jadis M. Challemel-Lacour, — non pas du tout, on se le rappelle, par aucun esprit de tendresse ou de faveur pour la loi, sont-ils prêts seulement à laisser chaque Université régler son budget comme elle l’entendra, et lui permettront-ils, entre autres libertés, d’attribuer à telle chaire, pour des raisons dont elle sera seule juge, un crédit double, ou triple, ou quadruple de celui qu’elle affecte à une autre chaire ? Ou sont-ils enfin prêts à lui donner le droit d’organiser à son gré ses programmes ; de n’y tenir compte que des intérêts « propres à chaque région » ; d’avoir chacune à soi « son petit religion, » je veux dire « sa formule d’enseignement supérieur ? » Mais, s’ils n’y sont pas prêts, — et collectivement, dans un pays comme le nôtre, s’ils ne peuvent pas prendre, pour « assurer l’unité des consciences et des volontés », les moyens que l’on prendrait partout ailleurs si l’on voulait la rompre, — il ne s’agit donc presque plus que d’une question de mots ; et la substitution des Universités aux corps de Facultés n’est plus qu’une affaire d’amour-propre. On en convient d’ailleurs, et que ce qui leur manque surtout aujourd’hui, « c’est un nom, un nom nécessaire, qu’elles ont déjà reçu de l’usage courant, mais qu’elles ont besoin de tenir de la loi, comme une consécration de leur existence. » C’est ce qui s’appelle, entre parenthèses, respecter les intentions des pouvoirs publics ! et nos Chambres, depuis quinze ans, s’étant constamment opposées à la transformation des Facultés en Universités, nous pouvons voir une fois de plus ici l’estime que l’on fait des «vœux du pays » — lorsqu’ils sont contraires à ceux de l’administration. Mais si la loi des Universités n’a pas plus d’importance, et qu’il n’y aille que d’un simple changement de nom, comment se fait-il, demandera-t-on, qu’elle ait soulevé naguère de si vives discussions ? et par hasard, ni d’un côté ni de l’autre, avec ce manque de sincérité que l’on décore du nom de politique, n’aurait-on osé dire, les uns, tout ce qu’ils craignent et les autres, tout ce qu’ils espèrent de ce changement ? C’est bien notre opinion. Un changement de nom va quelquefois plus loin que l’on ne pense ; s’il est rare qu’il opère une transformation du fond même des choses, il la prépare, en y disposant les esprits ou en y inclinant les habitudes ; on en voit découler des conséquences fâcheuses ; et pour notre part, c’est ce que nous redoutons.

Je n’insisterai pas longuement sur la mort prochaine et assurée dont les « petites » Universités se sentent menacées par le développement des «grandes ». Les « petites » Facultés, — établissemens d’État, inscrits comme tels au budget, et uniquement alimentés ou soutenus par lui, — pouvaient continuer de subsister à côté des « grandes » ; et nous avions vingt moyens d’en perpétuer l’existence. Mais supposez que les « petites » Universités soient désormais réduites à leurs propres ressources, dont le plus clair leur sera fourni par les contributions universitaires, droits d’inscription, droits d’examen, droits de bibliothèque, etc. ; et il est évident, pour toutes sortes de raisons, que les « grandes » Universités les auront promptement réduites à mourir de faim. Ce sera l’histoire de la destruction des « petits magasins » par le Louvre et le Bon-Marché. Tant pis pour elles ! dira-t-on, il n’y a rien d’éternel en ce monde ! et de monter à la tribune pour y entonner l’hymne ou l’ode au Progrès ! Oui, si l’on n’avait pas fait dépenser à telle ville, comme Poitiers, 445 000 francs en vingt ans, de 1870 à 1892, ou 870 000 francs à telle autre, comme Grenoble, « pour constructions ou aménagement de Facultés ! » Que veut-on qu’elles fassent de leurs installations scolaires ? qu’elles les transforment en greniers à foin, ou en casernes de cavalerie ? Si l’État a beaucoup de droits, il n’a pas celui d’induire les municipalités en dépenses, et quand la dépense est faite, le droit de déclarer qu’on l’a faite en pure perte. C’est ce qui a soulevé contre la création des Universités une partie de l’opinion provinciale ; et, comme on en avait jadis exprimé l’intention, au lieu de ne créer que cinq ou six grandes Universités, si l’on en crée autant qu’il y a de « ressorts académiques » en France, l’État n’en aura pas moins manqué à ses engagemens : il aura seulement joint l’ironie à la mauvaise foi.

Remarquez encore qu’à un autre point de vue, si de vieilles villes, de très vieilles villes, comme Aix en Provence, comme Besançon, comme Dijon, ont conservé jusque de nos jours, avec une physionomie personnelle, un goût héréditaire des choses de l’esprit, c’est d’elles, et non pas de Lyon, ni de Marseille, qu’il faudrait faire des villes d’Universités ou d’études. Nos futurs médecins, — qui semblent être parfois les seuls à qui l’on ait songé dans toute cette affaire, — y trouveraient sans doute moins de cadavres à disséquer, mais nos futurs professeurs, ou nos futurs jurisconsultes y trouveraient en revanche plus de calme et de recueillement, moins de distractions, moins de « cafés-concerts », et plus de loisirs. Puisqu’on ne parle tout autour de nous que de « décentralisation intellectuelle », l’occasion serait belle d’essayer ; et, pour conserver quelque chose de son ancienne gloire, je sais plus d’une ville, comme celles que j’ai nommées, qui feraient au besoin plus de sacrifices qu’une plus grande. Mais la constitution des Universités produira l’effet précisément contraire. Nous payons déjà nos étudians pour les instruire, et je n’oserais pas l’affirmer, mais je crois que c’est ce qui ne se voit qu’en France. Les grandes Universités les paieront plus cher pour les attirer à elles ; et comme d’ailleurs elles leur proposeront de les « amuser » en même temps que de les instruire, ils s’empresseront de répondre à l’appel. Quel avantage y voit-on bien ? Et, comme dit Molière, se crève-t-on un œil pour y mieux voir de l’autre ? se coupe-t-on un bras ? et où l’on trouve de la vie, quelle est cette politique étrange que de l’éteindre, — afin qu’elle soit plus intense ailleurs ?

Mais voici qui est plus fâcheux et plus grave encore. Si l’on a certainement beaucoup fait, depuis tantôt vingt ans, pour l’enseignement supérieur, on a beaucoup moins fait pour l’enseignement secondaire. C’est un tort, et un grand tort. Car, — à moins que l’on ne connaisse des moyens de « former » des Claude Bernard et des Pasteur, — l’enseignement supérieur, en dépit de son nom, a chez nous pour fonction principale de former des médecins, des avocats, des avoués, des notaires, des pharmaciens et des professeurs ; et c’est donc ce que l’on appelle un enseignement professionnel. On y mène grand bruit de la «solidarité des sciences » et de la nécessité de les enseigner toutes ensemble « dans toute leur étendue ». « Ces barrières artificielles mises entre les différentes parties de la science, — s’écriait naguère M. Léon Bourgeois,

— sont non seulement contraires à l’idée philosophique de

l’unité de l’esprit humain, mais elles sont contraires aux nécessités mêmes de la découverte et de la recherche scientifique, qui s’affranchit elle-même de ces lisières et de ces liens. » A quoi nous ne répondrons pas que, si la « recherche scientifique » s’en affranchit « elle-même, » il n’est donc pas besoin de l’y aider. Mais, en réalité, tandis que l’on parle d’une manière, nous voyons qu’on agit d’une autre, et, pour n’en donner qu’un exemple entre vingt, qu’est-ce que cette séparation toute nouvelle, ou plutôt cette spécialisation » des licences, que le Conseil supérieur achevait de voter l’autre jour ? En fait, c’est à dix-huit ans qu’un jeune homme qui ne connaît rien encore de ses véritables aptitudes se croit aujourd’hui suffisamment instruit de tout ce qu’il ignore ; décide qu’il fera de « l’histoire » ou des « mathématiques» ; et s’enferme pour toujours dans sa « spécialité ». Les Facultés l’y encouragent déjà de toutes les manières. Mais les Universités feront bien mieux encore, ou bien pis. Dans les conditions d’État, si je puis ainsi dire, ou elles sont déjà presque organisées, elles ne se soucieront bientôt que de préparer leurs élèves aux examens d’État. Et l’on voit venir le jour où, Dieu sait sous quel prétexte ! elles découronneront l’enseignement secondaire en lui enlevant l’enseignement de la « rhétorique » et de la « philosophie » pour, de désintéressé qu’il est encore, achever de le rendre professionnel et préparatoire. C’en sera fait ce jour-là de l’enseignement secondaire ; c’en sera fait de « la culture générale », et, — n’était que je serais entraîné trop loin aujourd’hui si je voulais le montrer, — je dirais volontiers : c’en sera fait de l’éducation « des classes moyennes ».

Est-ce là ce que l’on souhaite ? Mais en tout cas, de réforme en réforme, c’est où l’on s’achemine. « Il est temps, s’écriait jadis un fougueux publiciste, il est temps de précipiter les inutiles du sommet où la Révolution française les a laissés, mais où l’évolution économique du XIXe siècle doit enfin les atteindre... A-t-on le droit d’employer l’argent des contribuables laborieux à faire des parasites et des déclassés ?... N’est-ce pas une injustice envers le commerce et l’industrie que d’écrémer la jeunesse au profit du barreau et de la bureaucratie ?... Nous avons, par nos lois comme par nos mœurs, maintenu la fausse hiérarchie de l’ancien régime... Il est temps de remettre les gens à leur place, de glorifier le travail fécond, d’apprendre à la jeunesse que l’aristocratie des arts libéraux n’est plus de notre siècle. » Il ne s’adressait point à des sourds, et son conseil a été entendu. Le « travail fécond, » c’est, aux yeux de nos politiciens, le travail dont les produits s’échangent immédiatement contre une douzaine de chemises ou une paire de souliers ; c’est le travail dont le rendement s’évalue hic et nunc en pièces de cent sous. Et pour en venir à mon second point, si vous cherchez la raison de l’espèce de haine dont on est animé, — mais surtout dans nos futures Universités, — contre le baccalauréat, vous la trouverez là.

II


Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ;


dit un proverbe classique, et c’est ainsi que, pour essayer de se débarrasser du baccalauréat, il n’est pas de reproches que ses adversaires ne lui fassent, voire de « crimes » qu’ils ne lui imputent. Mais parlent-ils sérieusement, ou se moquent-ils de nous, quand ils se plaignent, avec feu Vallès, que le baccalauréat jetterait tous les ans dans la circulation sociale, par dizaines de mille, les déclassés et les révoltés ? et comment ne voient-ils pas que ce n’est pas le procès du baccalauréat qu’ils font là, mais le procès de l’organisation et de la diffusion même de l’enseignement ? Supposé qu’en effet il y ait bientôt en France plus d’avocats que de plaideurs, de médecins que de malades, ou de professeurs que d’élèves, ce n’est pas le baccalauréat qui en est responsable, ni la manière dont on le « prépare », ni la nature des matières qui en constituent le programme, mais c’est la rage que l’on a d’appeler, d’obliger à recevoir l’enseignement plus d’ambitions que l’on n’a de moyens d’en satisfaire ; c’est la manie d’imposer le bienfait prétendu de l’enseignement à tel qui n’y songeait guère ; et, pour peupler tant de bâtimens scolaires qui ressemblent à des palais, mais qui coûtent plus cher, c’est l’habitude que l’on a prise d’appointer, comme des espèces de petits fonctionnaires, les enfans de nos lycées ou les boursiers de nos Facultés. Ajouterai-je là-dessus que ceux qui dénoncent ainsi les dangers « sociaux » du baccalauréat sont les mêmes qui réclament l’équivalence du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne et de l’enseignement secondaire classique ? et, si cette équivalence ne peut manifestement aboutir qu’à multiplier les « déclassés, » en les fabriquant à meilleur marché, que signifient alors tant de doléances et de déclamations ? Le mal est réel, mais il est plus profond, il est surtout plus intérieur qu’on n’a l’air de le croire ; et non seulement une mesure comme la suppression du baccalauréat n’y porterait pas de remède, mais j’ose dire qu’elle l’aggraverait.

Est-il plus juste, ou plus loyal, d’imputer au baccalauréat la décadence des études ; » et n’est-ce pas prendre ici la cause pour l’effet ou l’effet pour la cause ? Car si l’on n’a rien omis, depuis tantôt vingt ans, de ce qu’il fallait faire pour affaiblir ou désorganiser les études classiques, c’est la décadence des études qui est l’explication, non la suite, et la raison, non l’effet, de la faiblesse du baccalauréat. J’ai ouï conter que la moitié de nos élèves de seconde entrait maintenant en rhétorique sans savoir conjuguer un verbe latin ni seulement décliner un nom. On dit aussi qu’ils prennent couramment « le Pirée pour un homme, » et Henri IV pour le fils d’Henri III. Mais que prouvent ces exemples ; et comment le baccalauréat, qui ne roule que sur les matières des classes de rhétorique et de philosophie, peut-il être rendu responsable de l’ignorance des élèves de seconde ou de l’insuffisance des élèves de sixième ? Ce sont ici les nouvelles méthodes, c’est le système général des études qu’il faut que l’on accuse ; — et, si l’on le peut, que l’on améliore. Mais comme on ne veut pas avouer, comme on n’avouera pas que, depuis tantôt vingt ans, on s’est lourdement trompé sur le véritable objet des études, on feindra de croire, aussi longtemps qu’il subsistera dans l’organisation de notre enseignement un reste de l’ancien système, que c’est lui qui empêche ou qui retarde les heureux effets des nouvelles méthodes. Et la suppression du baccalauréat sera peut-être un jour la dernière démarche de cette politique tortueuse, mais elle n’en est pas pour cela plus urgente, et si l’on veut la justifier, c’est d’autres raisons qu’il faut que l’on en trouve.

On le sent si bien, au surplus, que l’on essaie d’en donner ; et c’est ce que l’on fait quand, avec autant de naïveté peut-être que d’audace, on reproche à l’examen du baccalauréat ce qu’il comporterait de hasard ou de chance. On y voit, dit-on, réussir d’abominables « cancres » et, qui le croirait ? d’excellens élèves, des prix d’honneur, des candidats à l’École normale, y échouer lamentablement. Sur quoi nous voudrions savoir dans quelle sorte d’examens, depuis que l’on en passe, la chance et le hasard n’ont pas joué leur rôle ? En vérité, nous aurions trop de confiance dans la vertu des concours, nous serions devenus trop Chinois, si nous nous imaginions qu’un examen ne profite qu’aux plus dignes et aux plus méritans ! Il en faut prendre notre parti, comme nous le prenons de n’avoir pas deux ailes ou quatre pieds : la chance ou le hasard aura toujours sa part, et une part considérable, dans les affaires des hommes en général, et des candidats en particulier. Mais ceci dit, l’examen du baccalauréat ne comporte pas plus de hasard ou de chance que l’examen d’entrée de l’École navale, par exemple, ou celui de l’École polytechnique. Il en comporte même beaucoup moins, n’étant pas un « concours » à proprement parler, — où 1 200 candidats se disputent 250 places, — mais un examen, dont tous ceux qui le subissent peuvent sortir également vainqueurs. Et cet examen, pour en sortir vainqueur, nous affirmons qu’il suffit de l’avoir « préparé ».

Mais cette « préparation » même n’a-t-elle pas quelque chose en soi de « mécanique » ou « d’artificiel » ? O pouvoir éternel des mots ! Quel moyen artificiel ou mécanique y a-t-il donc de faire une composition française, dissertation ou discours, analyse littéraire ou narration familière, que d’avoir un peu d’étude ou de talent ? et où sont-ils ces préparateurs qui connaissent le rare secret d’enseigner l’art de faire une version latine sans savoir un peu de latin ? J’ai fabriqué moi-même des bacheliers, au temps de ma jeunesse, — à peu près comme on fabrique en Sorbonne aujourd’hui des licenciés ou des agrégés, — et nous n’avons ensemble usé d’autre artifice que de faire beaucoup de versions latines et beaucoup de compositions françaises. Dira-t-on là-dessus que c’est là justement l’artifice ; qu’il consiste à « forcer » en quelque sorte la plante humaine ; que la « mécanique » est de suppléer, par la répétition d’un exercice, à ce qu’il exigerait, pour être fait « naturellement », de patience et de longueur de temps ? La réponse n’est que trop facile ! et ce qui est alors « artificiel » ou « mécanique » dans notre système d’enseignement, ce n’est pas la préparation du baccalauréat, mais, — sans parler de celle de l’examen d’entrée des grandes écoles, — c’est justement la préparation des licences et des agrégations. Oui, ce qui est « artificiel » et « mécanique », c’est de seriner deux ou trois ans durant et même davantage, on l’a vu ! les mêmes leçons aux mêmes candidats ; c’est de les parquer, en quelque sorte, et de les emprisonner, deux ou trois ans durant, dans le même cours d’Histoire ancienne ou de Trigonométrie ; c’est de leur faire faire, deux ou trois ans durant, les mêmes Thèmes grecs ou les mêmes Manipulations de chimie. Quelqu’un a-t-il ici quelque remède à nous proposer ? Pour moi, si l’on veut abuser du mot et le détourner de son vrai sens, je me charge encore de montrer qu’il n’y aura rien de plus mécanique, » ou de plus « artificiel, » que les moyens dont il faut pourtant bien qu’on use pour préparer un militaire, un médecin, un commerçant. Mais s’il convient sans doute, en bon français, de n’appliquer ce nom d’« artificiels » qu’à des moyens détournés, illégitimes ou déloyaux, je répète qu’il n’y en a pas de tels pour mettre un jeune homme en état de traduire une page de Tacite ou de disserter convenablement sur la réalité du monde extérieur. Il faut, encore une fois, qu’il ait fait un peu de latin et un peu de philosophie ! Ce qui se résume à dire que la préparation du baccalauréat n’a rien en soi de plus « mécanique » ou de plus « artificiel » que la préparation de n’importe quel autre examen, et ceux qui prétendent le contraire ont bien pu décerner des diplômes et « faire » ainsi des bacheliers ; ils n’en ont jamais « fabriqué ».

D’où vient cependant la faiblesse des résultats ? De l’affaiblissement lui-même des études, nous l’avons déjà dit tout à l’heure ; et encore, si l’on le veut, d’une habitude que l’administration a prise d’estimer ses professeurs de rhétorique au taux des succès que leurs élèves obtiennent au baccalauréat. Pour l’administration, le meilleur professeur de rhétorique est celui qui fabrique le plus de bacheliers. Mais la faute est surtout celle des juges eux-mêmes de l’examen, je veux dire de nos professeurs de facultés, dont beaucoup aujourd’hui n’ont guère fait que traverser en courant l’enseignement secondaire ; qui ont perdu, tandis qu’ils préparaient laborieusement leur doctorat, le sentiment de ce qu’ils étaient jadis, quand ils préparaient leur baccalauréat ; et qui ne savent ainsi ni ce qu’ils peuvent ni ce qu’ils doivent exiger d’un enfant de seize ans. Tel est évidemment ce professeur de littérature qui demandait aux candidats, il y a quelques années, de discuter l’Esthétique de M. Zola ; ou tel encore ce philosophe qui leur proposait, l’an dernier, je crois, d’examiner : Si la conscience est un épiphénomène de la vie physiologique ! Et pourquoi n’ajouterais-je pas que, si l’on ne fait bien que ce que l’on fait avec un peu d’amour ou de passion, nos professeurs de facultés ont le grand tort de ne voir, et de laisser voir qu’ils ne voient dans les examens du baccalauréat qu’une besogne ou une « corvée » pour eux. Nos classes de rhétorique et de philosophie, à Paris et ailleurs, sont ce qu’elles doivent être ; et ni les élèves ne sont moins intelligens ou moins laborieux qu’autrefois, ni les professeurs moins consciencieux, si peut-être même ils ne le sont davantage ; mais ce sont nos professeurs de facultés qui ne font pas du baccalauréat l’estime qu’ils en devraient faire. Soyons-en sûrs : ce sont les plaintes que nos professeurs de facultés en ont faites qui ont discrédité l’examen du baccalauréat, mais ce sont eux qui sont responsables, eux seuls ou presque seuls, de ce que ces plaintes elles-mêmes peuvent avoir de justifié. Ils ne sont pas assez exigeans. Et il fallait bien une fois le dire, si ce n’est pas eux qui le diront, sans doute, et puis, si l’indication du remède ne saurait se tirer, en bonne thérapeutique, que de la connaissance de la vraie nature ou de la cause du mal.

Nous voyons en effet maintenant ce qu’il nous faut penser, tant de la substitution du certificat d’études au baccalauréat, que de la suppression pure et simple du baccalauréat lui-même. La suppression pure et simple, il n’y faut pas songer, puisqu’elle ne ferait à vrai dire que déplacer la difficulté. Si nous admettons, — et comment ne l’admettrions-nous pas ? — que nos Ecoles de droit ou de médecine exigent de leurs élèves un diplôme de capacité, du moment que les Facultés des sciences et des lettres n’en délivreront plus, il faudra donc que les Écoles de médecine et de droit fassent elles-mêmes passer, sous un autre nom, l’examen qui donnera l’accès de leurs cours ; et qu’y aura-t-il de changé ? Voyons les choses comme elles sont. Parler de supprimer purement et simplement le baccalauréat, c’est se proposer de trouver un moyen de passer un second examen sans avoir subi le premier, et le projet, n’ayant rien que d’assez chimérique, n’a pas seulement besoin qu’on le discute. On ne saurait en dire autant de la substitution du certificat d’études au baccalauréat ; et c’est ici le point vif du débat.

Rien de plus logique au premier abord, de plus naturel et, si je puis dire. de plus « innocent ».Mais dès que l’on y veut regarder plus attentivement, une question se pose, plus innocente encore, qui est de savoir à qui le droit appartiendra de décerner ledit certificat d’études. Évidemment ce ne sera pas aux professeurs de facultés, puisque l’institution de ce certificat d’études aura d’abord eu pour objet de les décharger du baccalauréat ! Ce sera donc aux professeurs de l’enseignement secondaire, et nécessairement à ceux qui donnent cet enseignement dans les établissemens de l’État. — Empressons-nous de dire en effet que, pour notre part, nous ne voudrions pas qu’il en fût autrement, et nous estimons que là où il existe un enseignement d’État la collation des grades est et doit demeurer un droit régalien. — Mais qui ne voit la conséquence ? Si c’est l’État enseignant qui seul délivre les certificats d’études, on se flatte, et non pas sans quelque apparence de raison, que la substitution du certificat d’études au baccalauréat sera comme l’arrêt de mort de l’enseignement libre, et en particulier de celui que donnent à des milliers d’enfans les congrégations religieuses. Se rappelle-t-on encore la monstrueuse proposition du député Burdeau ? Il demandait que l’accès des grandes écoles fût généralement interdit à tous les jeunes gens qui n’auraient pas au moins « terminé » leurs études dans un établissement de l’État. C’est cette proposition dont on espère, in petto, que la substitution du certificat d’études au baccalauréat fera prochainement revivre les effets. L’État enseignant aura seul droit de délivrer des certificats d’études, et comme, pour certifier qu’un jeune homme a fait ses études, sa rhétorique et sa philosophie, dans un établissement de l’État, il faudra bien qu’il les y ait faites... je n’ai pas besoin d’en dire davantage. Ce que le fameux Article 7 n’a pas pu faire, de tarir dans sa source le recrutement de l’enseignement libre, on s’attend que la substitution du certificat d’études au baccalauréat l’opérera, et qu’ainsi, conformément à l’idéal napoléonien, on reconstituera, sur les ruines de l’enseignement libre, le monopole de l’enseignement de l’État.

Notez que pour ma part, et en d’autres temps, je ne m’en effraierais point. J’avouerai même que, s’il fallait opter, trouvant déjà la France bien petite et bien divisée, je ne serais point un très chaud partisan de la liberté de l’enseignement. Elle a de grands dangers, si d’ailleurs elle a quelques avantages. Mais ce n’est pas aujourd’hui la question de la « liberté d’enseignement » que je discute ; et je dis seulement que, si l’on veut attaquer la liberté d’enseignement, il n’y en a qu’une manière qui soit digne de la grandeur et de l’importance de la question même : c’est de l’aborder franchement. Si l’on substitue le certificat d’études au baccalauréat, ce ne sera pas du tout dans l’intérêt des études, mais dans une intention politique ; et il faut donc avoir le courage ou la franchise de le dire. J’ajouterai d’autre part que, dans le véritable intérêt des études, rien ne serait plus fâcheux, en ce moment, que de toucher, d’une main même délicate, à la liberté d’enseignement. Quoi que j’en pense en théorie, il nous importe à tous qu’on la respecte. Et, pour ne rien dire de tant de droits acquis qu’une décision ministérielle ou un vote des Chambres ne saurait abolir sans une criante iniquité, j’ai cette principale raison de tenir à la liberté d’enseignement qu’elle est, en ce moment, le « dernier boulevard», comme on disait jadis, ou le dernier rempart des études classiques.

En effet, quelle serait une autre conséquence, non moins fâcheuse, de la substitution du certificat d’études au baccalauréat ? On l’entrevoit sans doute, et je n’ai qu’à la préciser. C’est que les professeurs du lycée Voltaire, qui est bien un lycée de l’État, mais un lycée d’enseignement moderne, ayant, ou devant prochainement avoir, la même origine et les mêmes titres universitaires que les professeurs du lycée Condorcet ou du lycée Louis-le-Grand, qui sont des lycées d’enseignement classique, mais aussi des lycées de l’État, ils auraient donc tous les mêmes droits, ou ils seront fondés demain, à les revendiquer ; et par là, contre le vœu de l’Université, se trouverait établie l’équivalence entière de l’enseignement moderne et de l’enseignement classique. Or, sous le régime du baccalauréat, et tant qu’il durera, l’existence de l’enseignement libre est le seul obstacle qui s’oppose encore à la proclamation publique de cette équivalence. Aussi longtemps que l’enseignement libre donnera le latin pour base à ses programmes d’études, il faudra que nous l’imitions en quelque mesure dans les établissemens de l’État ; et en face du collège des Eudistes ou des Oratoriens, dans nos grandes villes, et même dans les moindres, le lycée d’enseignement moderne continuera d’être une exception. C’est justement ce que nous désirons ! Convaincu que l’on ne saurait proposer à l’instruction publique un but ou un idéal trop désintéressé, ce que nous n’aimons pas de l’enseignement appelé moderne, c’en est le caractère d’utilitarisme grossier, comme au contraire ce que nous aimons de l’enseignement classique, c’est qu’il ne saurait servir à rien immédiatement pratique. On ne s’en fait pas des rentes. Et le sentiment que nous exprimons là, nous savons bien que nos politiciens ne le partagent pas, — et pour cause. Mais, justement, et quand la liberté de l’enseignement n’aurait d’autre utilité que de les obliger à maintenir dans notre enseignement la suprématie des études classiques, c’est pour cela que nous la défendrions et que nous la défendons encore.

Est-ce à dire toutefois qu’il n’y ait « rien à faire » ? Non, sans doute ! il y a toujours quelque chose à faire ; et, assurément, les programmes du baccalauréat ne sont pas intangibles. Ils n’ont pas toujours existé ; on les a remaniés plus d’une fois, depuis qu’ils existent ; et s’il n’y a pas de grands avantages à les modifier encore, on n’y voit pas non plus de grands inconvéniens. Nous pouvons donc nous proposer de les alléger, si peut-être ils étaient trop chargés, ou, au contraire, et si par hasard ils ne contenaient pas tout ce qu’ils devraient contenir, nous pouvons nous proposer de l’y introduire. Nous pouvons exiger de nos professeurs de facultés qu’ils se fassent une autre idée de leurs fonctions d’examinateurs, de l’examen lui-même. Et si d’ailleurs on songeait un jour à les en décharger, il y a lieu de voir comment et par qui nous les remplacerions.

Pour ce qui est d’alléger les programmes, dirai-je très franchement que je ne les trouve pas si chargés ? Un peu de latin, un peu de français, un peu d’histoire et de géographie, quoi encore ? un peu de philosophie, de géométrie, de chimie, d’histoire naturelle, ce n’est vraiment pas l’encyclopédie des connaissances humaines, et, après huit ou dix ans d’études, c’est même le moins que l’on puisse exiger d’un jeune homme. Voyez plutôt ce que l’on demande aux candidats à l’École navale, qui ne sauraient pas avoir plus de dix-sept ans, et vous semble-t-il que nos officiers de marine en soient plus « surmenés » ou moins « intelligens » ? En vérité, je commence à craindre qu’avec les plaintes un peu ridicules qu’elles font du « surmenage », les familles ne finissent par encourager dans les enfans je ne sais quel dégoût du travail ou quelle horreur de l’effort ; et cependant ce n’en est pas le temps ! Aussi faut-il toujours en revenir à la même comparaison ou à la même distinction. Si quelques jeunes gens dans nos lycées sont surmenés ou se surmènent, ce sont les, candidats à nos grandes écoles, et notamment les candidats à l’École normale supérieure ou à l’École polytechnique. C’est qu’on leur demande aujourd’hui tout ce qu’on leur demandait il y a vingt-cinq ou trente ans, et en outre toutes les nouveautés, si je puis ainsi dire, dont les progrès de la science ont enrichi depuis lors la chimie, par exemple, ou l’histoire. C’est encore et surtout, je le répète, qu’ils préparent un « concours » où il ne suffit pas de bien ou de très bien savoir ce que l’on sait, mais où il faut le mieux savoir que d’autres ; et, naturellement, il en résulte une émulation dont les effets ne sont pas tous également louables. Mais, pour le baccalauréat, à travers tant de remaniement, les conditions générales en sont demeurées les mêmes, et, — si ce n’est que l’on développe quelques parties du programme scientifique, — les matières en sont toujours celles de nos classes de rhétorique et de philosophie. Ne parlons donc pas de surmenage à propos du baccalauréat, ou, si nous en parlons, que ce soit en souriant ; et si l’on veut absolument que nous allégions les programmes, que ce soit alors en les élargissant, ou comme qui dirait en y faisant entrer un peu plus d’air et de liberté.

Il y en a un moyen très simple ; et, par exemple, au lieu de définir et comme de circonscrire la matière de l’examen par un programme, qui a toujours quelque chose d’essentiellement limitatif, disons, puisque aussi bien c’est la vérité même, que l’examen roulera, d’une manière générale, sur les matières des classes de rhétorique et de philosophie. Voilà qui sera suffisamment vague, sans l’être plus qu’il ne le faudrait, les matières des classes de rhétorique et de philosophie étant déterminées par le programme général des études. C’est en tout cas le meilleur moyen, ou plutôt c’est le seul, à notre avis, d’enlever à la préparation du baccalauréat ce que l’on y prétend trouver d’« artificiel » encore. Et je ne dis pas que nos rhétoriciens ou nos jeunes « philosophes» cesseront pour cela de songer à leur baccalauréat. Baccalauréat, ou certificat d’études, puisque le premier examen leur conférera nécessairement quelques droits, quand ce ne serait que celui de pouvoir passer plus tard le second, il est dans la nature qu’ils soient inquiets du résultat de cet examen, et ils en seront d’autant plus inquiets, ils en mêleront d’autant plus la préoccupation constante à leurs études qu’à mesure que l’enseignement se « démocratisera, » cet examen aura pour eux, pour leur avenir, pour leur vie tout entière, une plus grande importance. Mais les maîtres du moins, nos professeurs de rhétorique et de philosophie, auront recouvré cette liberté d’action que les programmes gênent toujours un peu, si l’on ne peut pas dire qu’ils l’entravent ; et leur enseignement ne sera pas plus apprécié, mais il le sera pour des raisons moins pratiques, moins militaires, plus désintéressées

Ne pourra-t-on pas alors demander à nos professeurs de facultés de se montrer plus exigeans ? et leur rappeler tout doucement que, s’ils trouvent le niveau de l’examen trop bas, ils n’ont donc eux-mêmes qu’à l’élever. Il ne dépend que d’eux de faire annuellement vingt mille bacheliers de vingt mille candidats, mais réciproquement il ne dépend aussi que d’eux d’en ajourner vingt mille aux calendes grecques. Pourquoi ne le font-ils pas, si c’est leur droit, si ce serait même leur devoir ? Je pose en fait que le baccalauréat sera ce qu’ils voudront, et qu’il le sera dès qu’ils le voudront. S’il est une fois bien entendu que l’épreuve du baccalauréat est sérieuse, — je veux dire aussi sérieuse, toutes proportions gardées, que l’épreuve de la licence ou de l’agrégation, — vous serez étonné de voir comme le baccalauréat redeviendra promptement ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Les programmes, dit-on communément, et c’est bien mon avis, valent en tout et partout ce que valent eux-mêmes les hommes qui les appliquent. Mais quand des examens en sont la sanction, on peut dire avec une égale vérité que les programmes alors valent exactement ce que valent les hommes qui font passer ces examens. Nos professeurs de facultés sont-ils bien sûrs de ne l’avoir jamais oublié ?

Que si cependant, pour d’excellentes raisons, on les déchargeait d’une obligation qui semble leur être devenue si pénible, je ne crois pas qu’il y eût lieu de s’en plaindre ; et je conviens de grand cœur que la plupart d’entre eux trouveraient tout de suite un emploi plus divertissant, plus utile, et plus glorieux de leur temps. A la vérité, quelque homme politique, — de ceux qui réclament annuellement la suppression de la subvention de l’Opéra, — s’avisera peut-être à ce propos que nos professeurs de facultés, parmi leurs fonctions essentielles, ont justement celle de faire passer des examens. Et la preuve, dira-t-il, c’est qu’à Paris, par exemple, leurs émolumens sont d’un tiers plus élevés que ceux des professeurs du Muséum ou du Collège de France. Pourquoi cela ? quelle raison y a-t-il pour qu’un professeur de grec ou de latin en Sorbonne soit mieux traité qu’un Ernest Renan ne l’était au Collège de France, un Stanislas Julien, un Eugène Burnouf ? quelle raison pour qu’un professeur de physiologie générale ou de zoologie, s’il enseigne en Sorbonne, soit mieux traité qu’un Claude Bernard, un Milne Edwards, un Chevreul ? Oui, quelle raison ? On aura beau chercher, on n’en trouvera pas deux, et il n’y en a qu’une : qui est que les Claude Bernard et les Renan ne faisaient point passer d’examens. C’est ce que dira notre sénateur ou notre député ; et nous verrons bien alors ce qu’on lui répondra ; Mais nous, qui ne sommes point député ni sénateur, et qui ne parlons ici que dans l’unique intérêt des études, tel du moins que nous le concevons, nous aurions mauvaise grâce à user de ce genre d’argument, — et aussi nous en gardons-nous bien ! La France est assez riche et assez généreuse pour décharger, s’il le faut, ses professeurs de facultés d’une lourde besogne, et après cela ne leur pas décompter les loisirs qu’elle leur aura faits.

Pour remplacer les professeurs de facultés comme examinateurs et comme juges du baccalauréat, on a quelquefois proposé de former des jurys mixtes, où siégeraient en nombre égal, — et comme en d’autres pays, je crois, — sous la présidence d’un professeur de faculté, des professeurs de l’enseignement libre et des professeurs de nos lycées. Nous n’aimerions pas beaucoup ce mélange ou cette bigarrure ; et comme, d’autre part, ce n’est un mystère pour personne qu’il y a de grandes inégalités dans l’enseignement de nos lycées eux-mêmes, il y en aurait tout autant dans la valeur des diplômes ou des certificats que ces jurys décerneraient. On éviterait ce double inconvénient par l’institution de jurys permanens dont l’unique fonction serait précisément de faire passer l’examen du baccalauréat. C’est ce qui existe déjà pour plusieurs de nos grandes écoles, — Polytechnique, Saint-Cyr, Navale, — qui ne dépendent point du ministère de l’Instruction publique et qui n’en sont pas pour cela moins bien administrées, ni moins bien organisées. Pourquoi le ministère de l’instruction publique ne confierait-il pas des fonctions analogues à des jurys que d’ailleurs, sous de certaines conditions, il composerait comme il l’entendrait, et qui deux fois par an, aux époques accoutumées, c’est-à-dire en juillet et en août, puis en octobre et en novembre, se transporteraient de ville en ville pour y juger nos candidats au baccalauréat ? Voilà encore une réforme facile ; dont on réglerait aisément les détails ; et d’où je ne doute pas qu’il ne sortît de grands avantages, tant au point de vue du soulagement de nos professeurs de facultés, qu’au point de vue de l’unité ou de l’égalité de l’enseignement.


III

C’est ce que ne saurait manquer de comprendre un nouveau Conseil supérieur de l’instruction publique, et, — puisque l’ancien a tenu tout récemment sa dernière session, — nous ne pouvons qu’approuver l’idée d’en modifier la composition. Tel qu’il a jadis été constitué, par l’un des hommes qui ont travaillé le plus consciencieusement à diviser la France contre elle-même, nous ne saurions oublier qu’en effet le Conseil supérieur actuel de l’instruction publique est issu d’une pensée de colère et de haine. Il s’agissait, on se le rappelle peut-être, d’intéresser les passions du corps universitaire à la destruction de l’enseignement libre ; et aussi bien, avec une franchise dont il le faut louer, le rapporteur de la loi de 1880 ne s’en cachait-il pas. « On vous a dit, — s’écriait-il, — que du rapprochement opéré dans l’ancien Conseil, entre les élémens de la société élevés au-dessus de l’État enseignant, la concorde était née, la paix était sortie ! Non ! la paix n’est pas faite, la lutte existe ; elle n’est pas née d’hier, elle ne finira pas demain. C’est pour qu’elle puisse soutenir cette lutte dans des conditions équitables que nous voulons donner à l’Université des chefs en qui elle ait confiance et qui aient confiance en elle. » Au moins est-ce parler clairement ; et, sans doute, nous entendrions, pour notre part, l’équité d’une autre manière ! Nous n’admettons pas non plus que les membres du Conseil supérieur soient les « chefs » de l’Université : nos sénateurs ou nos députés sont-ils les «chefs» de leurs électeurs ? Mais ce qu’il importe ici de bien voir, c’est uniquement le fond des choses, et que, dans l’intention avouée de ses auteurs, le Conseil supérieur de 1880 devait être un moyen de combat au service d’un parti politique.

Rendons-lui tout de suite cette justice qu’il ne l’est pas devenu. Plus libérale que le « grand maître » que lui avaient imposé les hasards de la politique, plus fière de son propre passé, plus soucieuse des intérêts de l’enseignement et du progrès des études que ne le pouvait être l’auteur des Comptes fantastiques d’Haussmann, l’Université de France a feint de ne pas entendre ce que l’on voulait d’elle, et le Conseil supérieur de l’instruction publique, ni dans les mains de Jules Ferry ni dans celles de ses successeurs, n’a été l’instrument de discorde ou de division qu’ils avaient rêvé. Est-ce que par hasard, dans la fréquentation de ces vieux auteurs que l’on se propose aujourd’hui d’achever d’exclure de nos programmes, — où cependant ils tiennent déjà si peu de place, — on apprendrait donc à se tenir droit et debout ? et nos politiciens craignent-ils justement que, dans la lecture de Cicéron ou de Démosthène, avec d’excellentes leçons de rhétorique, nos enfans n’y en prennent aussi de dignité, d’indépendance, ou de raideur même ? En tout cas, ce sont celles que nos professeurs y ont puisées ; et, depuis quinze ans, si ce n’est peut-être en matière d’enseignement primaire, — je dis peut-être parce que je n’ai pas assez étudié la question, — le Conseil supérieur n’a pas mal usé de son pouvoir. Puisque cependant il n’en existe pas moins dans son organisation un vice intérieur, et puisque il y sommeille comme un ferment de haine, dont les ravages pourraient être terribles si quelque circonstance venait à l’éveiller, nous ne pouvons qu’approuver un ministre ou un ministère de songer à l’en expulser.

Aussi bien n’est-ce là que le moindre défaut du Conseil supérieur actuel de l’instruction-publique, et si nous l’avons déjà dit, il nous faut ici le redire : son insuffisance lui vient surtout d’être composé presque uniquement d’universitaires : de professeurs et de gens de lettres. Disons-le donc naïvement, — nous qui n’avons jamais été qu’un « gens de lettres » et qu’un « professeur, » — il est inadmissible qu’une réunion de professeurs et de gens de lettres, quand d’aventure il s’y serait glissé quelques chimistes ou quelques instituteurs, tranche à elle seule et presque souverainement, tant de questions, si délicates et si complexes, que soulève le problème de l’éducation nationale. Il y a des choses que ne connaissent ni les professeurs ni les gens de lettres, pour ne les avoir apprises que dans les livres, et n’y avoir jamais été mêlé d’une manière effective, agissante, et pratique. Hommes d’étude et de cabinet, un certain sens de la réalité leur manque, ce sens qui permet aux hommes d’action d’apercevoir comme en raccourci, dans les résolutions qu’ils prennent, les conséquences de ces résolutions. Savent-ils seulement les qualités qu’un grand industriel aimerait à trouver dans ses jeunes ingénieurs ou les chefs de la magistrature dans un docteur en droit ? « Le Conseil supérieur, — disait encore Jules Ferry, qu’on ne se lasse point de citer, — ne doit être qu’un conseil d’études ; sa mission est par-dessus tout pédagogique ; c’est le grand comité de perfectionnement de l’enseignement national. » Oui, peut-être ; — et encore faudrait-il discuter ! — si l’État n’avait pris que l’« enseignement» ou l’ « instruction » en charge. Mais il a pris aussi l’éducation, de la nullité de laquelle il est assez plaisant de l’entendre aujourd’hui se plaindre, dans les Rapports de ses fonctionnaires ! Et je crois avoir montré, l’an dernier, que, de tant de causes qui ont contribué depuis quelque temps à consommer le divorce de l’« éducation » et de l’ «instruction », la composition actuelle du Conseil supérieur de l’instruction publique n’a pas été la moindre. Dans ces grandes questions, qui sont des questions sociales, dont il n’y a pas un politicien qui ne sente confusément l’importance, où il y va des intérêts les plus généraux du pays, le Conseil supérieur n’a guère vu que des questions de pédagogie pure, et c’est ce qui suffit à le condamner.

Reste à savoir comment et par quel Conseil on le remplacera. C’est là le point : car il est évident que, si la « réforme » n’aboutissait, comme on le craint, qu’à en éliminer quelques « directeurs » ou quelques « inspecteurs généraux » pour leur substituer quelques députés et quelques sénateurs, nous aimerions autant que l’on n’entreprît point de le modifier. Laissons les députés à la Chambre, où ils font de si bonne besogne, et les sénateurs au Sénat ! Quel avantage trouverait-on encore à faire siéger dans le Conseil supérieur, comme le bruit en a couru, quelques « maîtres répétiteurs ? » Est-ce que la « maistrance » a des « représentans » au Conseil des travaux de la marine ? ou les « officiers d’administration » au Conseil supérieur de la guerre ? Non ; et l’on se rend bien compte que leur seule présence y serait subversive de toute notion de hiérarchie et de discipline. Pareillement, la présence des « maîtres répétiteurs » au Conseil supérieur de l’instruction publique. Les voyez-vous, avec l’expérience et l’éloquence passionnée de leur âge, — car ils sont tous jeunes, ou ils devraient l’être, — mettant leurs proviseurs, ou leurs inspecteurs généraux, ou leur directeur de l’enseignement secondaire en échec, sur une question d’administration ? et s’ils ne les y mettent pas quelquefois, je veux dire si vous supposez, si vous espérez qu’ils voteront toujours avec la majorité de leurs supérieurs hiérarchiques, de qui se moque-t-on ? de nous ou d’eux ? et de quelle comédie voulez-vous les rendre à la fois victimes et complices ?

C’est autre chose qu’il faut faire pour eux, — quelque chose de moins « honorifique », de moins « décoratif », mais de plus réel, ou de plus substantiel ; — et ici même ou ailleurs, nous l’avons déjà demandé. Si vous en voulez tirer non pas des « pédagogues », mais des « éducateurs » ; et ainsi, à leurs propres yeux, comme aux yeux des enfans, comme aux yeux des familles, les relever d’une situation trop inférieure à la nature des services que vous attendez d’eux et qu’ils devraient vous rendre, il faut leur réserver, d’une manière générale, les fonctions de « censeurs » ou de « proviseurs» de nos lycées. Mettez d’ailleurs à leur entrée dans l’administration et à leur avancement telles conditions que vous voudrez,

— conditions d’âge, de capacité prouvée, d’expérience

universitaire, — et, par exemple, exigez qu’ils aient professé. Ces réformes sont faciles ; il suffit de vouloir les faire. Et devenus alors « proviseurs » ou « censeurs, » ce seront eux qui représenteront dans votre Conseil les intérêts des « répétiteurs », qu’on n’aura pas sans doute à craindre qu’ils connaissent mal, puisqu’ils sortiront eux-mêmes des rangs de ces « répétiteurs ». Vous y gagnerez même, de surcroît, que vos « proviseurs » ou vos « censeurs», en tant que tels, seront représentés, eux aussi, dans votre Conseil, où il est curieux de noter en passant qu’ils ne sont représentés depuis quinze ans que par leurs propres supérieurs. Anomalie bizarre, en effet, et plus significative encore que bizarre ! dans ce Conseil dont l’une des fonctions est de « donner son avis sur les règlement administratifs ou disciplinaires des écoles publiques », il n’y a point, il n’y a jamais eu de représentans des proviseurs ni des censeurs ; et c’est sans doute pour cela qu’on propose aujourd’hui d’en attribuer aux « répétiteurs ».

Mais la grande réforme, la vraie, celle que l’on pourrait vraiment appeler « démocratique » et « sociale », consisterait à faire entrer, comme autrefois, dans le Conseil supérieur de l’instruction publique, des militaires et des marins, des magistrats et des ingénieurs, des industriels et des commerçans, voire des évêques et des cardinaux. C’est ce que ce sectaire de Ferry, dans son Exposé les motfs, appelait « mettre l’Université en surveillance, sous la haute police de ses rivaux, de ses détracteurs et de ses ennemis ». Il ne se souciait guère, en le disant, de quel droit, à quel titre il insultait ainsi du haut de sa morgue tout ce qui, pour n’appartenir pas à l’Université, n’en était sans doute pas moins Français. Il ne se souciait pas davantage de la vérité, ni des intérêts des études ou de l’éducation, mais uniquement des intérêts de sa politique « anticléricale » et « opportuniste ». Ai-je besoin d’en donner une preuve assez parlante ? Qui croira que dans son Conseil supérieur, telles de nos grandes écoles, Saint-Cyr et l’École navale, par exemple, n’ont jamais été représentées ? Il est vrai qu’en revanche les professeurs des « Facultés de théologie catholique » devaient l’être, si d’ailleurs on ne s’était promis de supprimer promptement les « Facultés de théologie catholique, » — et il y a longtemps qu’on l’a fait.

Exprimera-t-on là-dessus la crainte fallacieuse que, dans un Conseil supérieur ainsi modifié, « les tuteurs attitrés des enseignemens rivaux » ne réussissent à dominer « les représentans naturels de l’enseignement de l’État » ? Ce serait trop d’impertinence, et si le terme est sans doute un peu vif, il pourrait l’être, il devrait l’être davantage, car il y a plus que de l’impertinence à poser en principe, comme on l’a fait en 1880, que nos amiraux, ou nos conseillers à la Cour de cassation, ou nos ingénieurs des mines soient les « tuteurs attitrés des enseignement rivaux » de celui de l’État ;- et je ne pense pas qu’on l’osât aujourd’hui. Nous admettons, d’ailleurs, sans la moindre difficulté que, dans le Conseil supérieur de l’instruction publique renouvelé, les membres de l’enseignement de l’État continuent d’être en majorité. Question de proportion à discuter et de chiffre à fixer ! Posez donc en principe, si vous le voulez, inscrivez dans la loi constitutive du Conseil que les membres étrangers à l’enseignement n’en pourront faire partie que dans la proportion du tiers du chiffre total ! Que craindrez-vous après cela ? Que, dans une assemblée d’une soixantaine de membres, une demi-douzaine d’évêques, de pasteurs, et de rabbins n’entraîne votre majorité ? C’est qu’ils auront donc alors dix fois, vingt fois, cent fois raison ! Mais s’ils ont raison, pourquoi mettriez-vous vos intérêts de secte au-dessus des intérêts de l’éducation nationale. Un évêque ou un rabbin n’ont pas nécessairement tort ! et il s’en est vu dont la compétence, le désintéressement, la liberté d’esprit en matière d’éducation nationale ou d’instruction publique n’avaient rien qui fût au-dessous de l’indépendance, du libéralisme et de la science d’un maître d’école ; — ou même d’un membre de l’Institut.

Ainsi composé, le Conseil supérieur aurait alors une autorité qui lui manque, et n’ayant plus d’ailleurs sa raison d’être, son objet ou sa fin dans un secret désir d’anéantir la « concurrence», il verrait peut-être moins bien les détails des questions, mais il verrait les questions de plus haut, et vraisemblablement il en saisirait donc mieux l’ensemble. Sa grande affaire ne serait pas de remanier des programmes ou de modifier des conditions d’examen, de diviser des «licences » et de désorganiser des « baccalauréats». Questions d’éducation et questions d’instruction, voilà vingt ans qu’on les traite au Conseil supérieur comme des questions purement pédagogiques, et dans les Chambres, naturellement, comme des questions purement politiques. Un nouveau Conseil essaierait probablement de les traiter comme des questions sociales, ce qu’il ne pourrait faire qu’en étant lui-même une représentation ou en quelque sorte une délégation de la société même. J’ai surtout la confiance qu’il se ferait une autre idée, plus juste et plus large à la fois, du rôle ou, pour mieux dire, de la fonction essentielle de l’enseignement secondaire dans une démocratie ; qu’il ne permettrait pas qu’on en attaquât le principe ; et qu’en donnant leur satisfaction légitime à « des besoins nouveaux», il maintiendrait, contre ces « spécialisations » hâtives qui sont le vice de l’enseignement supérieur aussi bien que de l’enseignement primaire, les droits de la culture désintéressée. Et peut-être, puisque ni l’enseignement primaire supérieur, ni ce que j’aurais envie d’appeler l’enseignement supérieur primaire, ne saurait nous en préserver, peut-être ce nouveau Conseil nous empêcherait-il ainsi de tomber du côté où déjà nous ne penchons que trop, je veux dire du côté de l’individualisme, de l’utilitarisme, et du snobisme scientifique.


FERDINAND BRUNETIERE.