Les Récentes Explorations des naturalistes en Chine/02

Les Récentes Explorations des naturalistes en Chine
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 92 (p. 368-394).
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LES


RÉCENTES EXPLORATIONS


DE LA CHINE




VOYAGE DE PÉKIN À L’OURATO EN MONGOLIE.




I. modifier

Les professeurs-administrateurs du Muséum d’histoire naturelle avaient exprimé le désir de voir s’effectuer un voyage d’exploration dans les provinces occidentales de la Chine. La science ne possédait aucune donnée sur cette région, et le Kan-sou avec les pays limitrophes était particulièrement désigné par la situation géographique ; mais de ce côté toute entreprise devait être ajournée, la rébellion s’étant propagée dans les campagnes. D’ailleurs le père Armand David tenait beaucoup à visiter l’Ourato, un massif de montagnes de la Mongolie dont on lui disait merveille[1]. En Asie comme en Europe, lorsqu’on semble rechercher les beautés de la nature, les gens ignorans ne manquent jamais d’affirmer qu’il faut aller plus loin, si l’on veut être satisfait. Le pays éloigné, c’est plus ou moins l’inconnu, et l’inconnu ouvre la carrière à l’imagination, toujours prompte à grossir ou à embellir les objets. À Pékin même, il était impossible de se procurer des renseignemens exacts sur un territoire situé à la distance de 200 lieues. Les Chinois ne comprennent pas les plaisirs du touriste ; ils regardent avec une égale indifférence les sites les plus monotones et les paysages les plus gracieux, et ils ne prennent pas le moindre souci des productions naturelles. Si plusieurs centaines de plantes et quelques animaux se trouvent mentionnés dans les livres, c’est exclusivement au point de vue de la médecine qu’on s’en occupe, et le choix n’est pas dicté par l’expérience. Comme autrefois parmi nous, on attribue des propriétés curatives à certains végétaux d’après l’idée seule qu’il doit exister des remèdes efficaces contre toutes les maladies. Le médecin chinois n’a jamais observé la plante dont il ordonne l’usage ; il connaît la racine ou la fleur sèche qu’on livre au consommateur, et au céleste empire c’est faire preuve d’une grande science.

Un voyage à l’Ourato offrait un attrait particulier, car, aucun Européen n’ayant encore pénétré dans ce pays ; on avait la certitude d’ajouter un nouveau chapitre à l’histoire du monde physique. L’Ourato est à peine cité par les géographes, et les lettrés de Pékin ne possèdent qu’une notion absolument vague de cette partie de la Mongolie, située au nord-ouest de la grande capitale et tout à fait au nord de l’Ortous[2]. Ainsi l’abbé David n’aura d’autre guide qu’une carte manuscrite dressée par des lamas, indiquant plusieurs villes entre le Fleuve-Jaune et l’Oula-chan ou les deux montagnes. Parmi ces villes, Sartchi est le point visé par notre missionnaire, pour se livrer ensuite à l’exploration de la contrée.

Le voyage étant décidé, on entretient le savant lazariste d’une insurrection qu’il faut redouter, du brigandage qui s’exerce avec l’audace qu’inspire l’assurance de l’impunité. Attendre le retour de la tranquillité dans un pays où la rébellion se renouvelle sans cesse, où le vol à main armée se pratique d’une manière permanente, serait renoncer à toute entreprise. Heureusement le père Armand David ne se trouve pas disposé à subir l’intimidation : s’il est attaqué, il compte soutenir l’assaut, sachant par expérience que d’ordinaire le sang-froid suffit pour écarter le danger. Dans une excursion à Jéhol, il s’était vu assailli par huit bandits : c’était beaucoup pour un seul homme ; mais cet homme, tenant à n’être pas dépouillé, avait menacé du fusil et du revolver, et les voleurs, ne voulant pas trop exposer leurs personnes, avaient promptement tourné bride. Ils se dédommagèrent dans une auberge voisine par le pillage et l’incendie de la pauvre habitation ; ces braves, respectant la vie des propriétaires, qui les avaient laissés agir en toute liberté, se contentèrent de donner des coups de sabre à des malheureux qui avaient osé apporter de l’eau pour éteindre le feu. Les Européens imposent d’une façon remarquable aux Asiatiques qui les connaissent seulement de réputation, ou qui les rencontrent pour la première fois ; par une sorte d’instinct, ces Orientaux accordent une supériorité incontestable aux hommes de l’Occident. Le père Armand David a eu l’occasion d’en acquérir la certitude, et il n’en faut pas plus, avec sa résolution habituelle et sa foi dans la Providence, pour lui donner confiance.

On approche du milieu du mois de mars, et c’est le moment de songer au départ. L’hiver de 1865 à 1866 se prolonge sans être aussi rigoureux qu’à l’ordinaire ; le dégel du Peï-ho s’est effectué dès la fin de février, mais la neige tombe encore sur les montagnes. Notre missionnaire, qui doit s’aventurer dans des lieux inconnus, a la joie de trouver, avec l’assentiment de ses supérieurs, un compagnon dans M. Louis Chevrier, frère coadjuteur de la congrégation des lazaristes ; il prendra pour guide l’homme qui, vingt-cinq ans auparavant, alla dans le Thibet avec MM. Hue et Gabet, le fameux Sambdatchiemda, que l’abbé, Hue a présenté à ses lecteurs dans le récit de son voyage. Avec un domestique chinois, le personnel de l’expédition sera complet. Le plus grand ennui provient de la nécessité de traîner un bagage un peu considérable. Pour séjourner dans une contrée froide et privée des ressources qui existent dans les pays civilisés, le naturaliste ne peut se dispenser d’emporter beaucoup d’objets. Après les vêtemens chauds et les couvertures destinées à servir de lit, afin de ne pas coucher sur la terre ou sur la brique nue, ce sont les ustensiles de chasse, les boîtes et les flacons pour conserver les animaux, les masses de papier pour mettre les plantes, sans compter le nécessaire ecclésiastique, que le bon prêtre ne saurait oublier. Certains voyageurs s’occuperaient d’une grosse affaire dont ne s’inquiète pas le père Armand David. « Quant à la nourriture, dit-il, je m’en rapporte aux Chinois ; je pense qu’avec un peu de bonne volonté un homme peut vivre partout où vit un autre homme, je ne me charge donc d’aucune provision de bouche. » Ceux qui, ayant visité la Chine, parlent avec horreur des mets les plus estimés en ce pays ne comprendront pas cette indifférence.

Le jour fixé pour le départ est venu ; c’est le 12 mars[3]. Sept heures du matin sonnent ; cinq mulets, le cou enguirlandé de clochettes à faire rêver de l’Espagne, arrivent devant la porte avec les conducteurs. Les pauvres bêtes n’ont rien de brillant ; mais elles sont robustes, et, pesamment chargées, elles feront 10 ou 12 lieues par jour. Trois porteront les bagages ; les deux préférées porteront les cavaliers. Il y a un instant d’émotion, le cœur est oppressé ; allant dans des régions lointaines que personne ne connaît, on craint de ne plus revoir les amis qui adressent des souhaits pour une heureuse campagne, on songe aux parens et à la patrie. Malgré tout, le pieux lazariste, animé d’une ferme résolution, est plein d’ardeur ; le temps rassérène l’âme, la matinée est belle, l’atmosphère presque tiède. On s’engage dans les rues de Pékin en accélérant le pas, car il faut atteindre avant la nuit l’endroit où l’on trouvera un gîte ; les étapes sont déterminées par l’usage, et en Chine chacun est obligé de se soumettre aux règles établies. Au reste, c’est plaisir devoir cheminer les mules sans qu’on ait la peine de les stimuler. Chez ce peuple, dont les défauts et les vices ont été l’objet de tant de critiques amères, on est rempli d’humanité envers les animaux. Anes, chevaux, mulets, bœufs, ne sont pas dressés, mais vraiment apprivoisés ; ils montrent une douceur et une docilité qui étonnent les étrangers. Entre les mains d’un Chinois, les oiseaux les plus sauvages, les plus timides deviennent familiers dans l’espace de quelques jours. À chaque pas, dans les rues de Pékin, on rencontre des gens ayant au poing des faucons, des aigles, des moineaux et des fauvettes ; on voit des faisans qu’on lance dans l’air au milieu de la foule, et qui reviennent sur la main ou sur l’épaule de leur maître.

Notre petite caravane a plus d’une lieue à parcourir pour sortir de la ville par la porte du nord ; elle traverse le faubourg, qu’un Européen ne peut voir sans éprouver une sorte de dégoût et sans être frappé de la singularité du spectacle. Une multitude de petits marchands étalent confusément des objets utiles aux voyageurs ; une foule de mendians presque nus, au regard cynique, assiègent les passans. On aurait tort, paraît-il, de s’apitoyer à l’excès. Ces mendians, avilis par la paresse et par tous les vices, succombent rarement à la misère ; ils exercent une profession, et personne ne voudrait affirmer que cela se voit seulement en Chine. À Pékin, comme à Londres, il y a pour la nuit des refuges ouverts aux misérables, — des chambres garnies d’amas de plumes de poules, — des endroits où l’on débite des alimens à très bas prix, des distributions gratuites faites par l’état et les familles riches. Les pauvres forment une association qui a des lois, des chefs, une hiérarchie, et qui rappelle la cour des miracles pendant le moyen âge. À l’occasion, tous ces gueux se louent pour quelque service. Aux mariages et aux funérailles, ils tiennent les écriteaux et les enseignes, dont il est fait grand usage dans les cérémonies. Revêtus d’un costume de circonstance, ils vont remettre les cadeaux de noce ; quand, selon la formule chinoise, la fiancée doit passer la porte, ils exécutent la musique sur le parcours du cortège, ou ils marchent avec les écriteaux près de la litière rouge dans laquelle reste cachée la jeune fille allant de la maison maternelle à la demeure de l’époux. La représentation peut être simple ou magnifique ; jamais on n’apercevra la nouvelle mariée, que l’époux lui-même n’a pas encore vue. Seulement on vous dira que le jeune visage est couvert d’une couche de peinture où le blanc, le rose et le noir sont associés de façon à satisfaire le goût le plus raffiné.

Le moment de s’occuper de la ville est passé, car voici la porte du nord. Celle-ci, comme toutes les autres portes de Pékin, est dans cet état pitoyable dont on a beaucoup parlé depuis notre expédition militaire. Le sol est pavé d’énormes pierres, et les dalles usées, complètement détachées en divers endroits, laissent des trous profonds où les voitures tombent lourdement. Nos voyageurs ont franchi l’enceinte de la capitale, et les vrais muletiers apparaissent ; les premiers conducteurs étaient les gens d’une auberge du faubourg. D’après l’usage consacré, les muletiers ne traitent pas directement ; ce soin appartient aux maîtres du logis où les hommes et les animaux se sont arrêtés. L’auberge chinoise est avant tout, dit le père Armand David, l’étable connue du temps du bon Samaritain de l’Évangile. Dans ce pays, où la loi et la coutume sont toujours respectées, les contrats, d’importance petite ou grande, se font au moyen d’entremetteurs qui s’approprient l’argent du vendeur et de l’acheteur dans une proportion déterminée. Personne ne songe à se plaindre d’un pareil procédé ; seuls, les étrangers se récrient sans qu’on les comprenne. Si les Chinois étudiaient l’Europe, ils s’étonneraient peut-être aussi de voir l’opulence et la considération acquises par des gens médiocrement utiles à la société.

Une fois dans la campagne, ce n’est pas l’instant de s’endormir. De tous côtés, ce sont des ornières, et une monture trop abandonnée à elle-même, venant à trébucher, pourrait jeter le cavalier dans la poussière. On n’entend plus que le bruit des clochettes pendues au cou des mulets ; — en Chine, le silence est de règle en voyage. Le muletier guide l’animal, comme le charretier mène la voiture, d’après certaines habitudes qui, de génération en génération, se transmettent invariables depuis trente siècles. Malavisé serait le voyageur voulant indiquer un meilleur passage ou signaler un obstacle que le conducteur n’aperçoit pas ; il aurait bien inutilement compromis sa dignité, car il ne recevrait aucune réponse. Le Chinois, interpellé, continue à marcher en silence, les yeux baissés vers la terre et cachés sous d’énormes paupières, jusqu’à ce qu’il vienne toucher du nez quelque autre conducteur de voiture ou de bêtes de somme également impassible. Alors les deux hommes relèvent la tête : la dispute s’engage, les reproches s’entre-croisent, et, comme il est difficile de rebrousser chemin, ce n’est pas tout de suite qu’on prend le parti de reculer. Pendant ce temps, le voyageur a tout loisir pour méditer sur les choses qui l’intéressent. Il ne doit ni montrer d’impatience ni se mêler de la querelle, ce n’est pas son affaire ; chacun connaît les règles de son métier.

Depuis le matin, la petite caravane chemine vers le nord sur la grande route impériale ; les inégalités de terrain, les trous, se succèdent sans interruption, et rendent la marche fort pénible ; le cantonnier n’a pas encore été inventé. Quand une ornière est devenue trop profonde, charrettes et bêtes de somme se détournent, et bien ou mal on se tire du mauvais pas, surtout au printemps et en été. Après les pluies, la situation devient plus grave : la voie n’est qu’un immense bourbier rempli de fondrières ; les voitures se brisent, les mulets et les chameaux s’embourbent jusqu’au ventre, se cassent les jambes et parfois périssent. Améliorer l’état de la route ne vient à l’idée de personne ; du reste les Chinois se montrent pleins d’adresse dans la conduite des véhicules et des convois d’animaux.

Au bout de deux ou trois heures de marche dans la plaine, on aperçoit du côté de l’ouest de petites collines et les féeriques constructions du Palais d’Été. Plus au nord, la vue s’arrête sur une chaîne plus haute et particulièrement sur le flanc nu et blanchâtre d’une montagne d’où l’on extrait un beau granit, dont on porte quelquefois des blocs à Pékin. Tout près de la montagne se voit le village de Cha-ho (fleuve de sable), que l’on atteindra en traversant une rivière sur un pont jadis magnifique et construit dans des proportions grandioses. La saison n’est pas avancée, aucune feuille sur les arbres, aucune fleur dans les champs n’annonce encore le printemps ; mais le soleil est chaud dans la journée, et déjà commence le passage des oiseaux pressés de regagner les pays du nord. C’est plaisir de voir l’animation qui règne au milieu de la campagne triste et monotone : des troupes d’oies des moissons partent pour aller édifier leur nid dans les régions arctiques, et sillonnent l’air bruyamment ; des bandes de hérons cendrés se dirigent vers la Mongolie. Dans les endroits humides, passent d’un vol rapide des canards de plusieurs sortes. Les jolis choucas gris sont dans une extrême agitation, ils se réunissent en grand nombre, des choucas noirs se mettent de la compagnie, et des colonnes serrées se hâtent de remonter vers le nord. Après une heure de repos dans le village, nos voyageurs se remettent en route ; le terrain devient plus accidenté, de petites collines se détachent comme des îlots sur l’Océan. Dans la direction de l’est se dessine le chemin qui conduit aux sépultures impériales de la dynastie des Ming. Bien des fois, on a cité cette merveille de l’art des Chinois, aujourd’hui, paraît-il, fort délabrée. Une avenue bordée de statues gigantesques d’éléphans, de chameaux, de chevaux, mène à ces monumens adossés à des montagnes. Ce sont des enclos entourés de murs où s’élèvent des pagodes plus ou moins en ruines. La plus curieuse est soutenue par une colonnade faite d’énormes troncs de bois d’une seule pièce. Elle a des escaliers de marbre blanc parfois veiné de gris qu’on tire des montagnes voisines, et des ornemens en marbre saccharoïde d’une extrême blancheur, dont la carrière, au rapport des gens du pays, est épuisée. Sur les vastes terrains incultes où sont bâties les sépultures croissent épars et comme plantés au hasard, de vieux thuias, des pins, de grands genévriers et des chênes aux larges feuilles.

La caravane s’est mise en retard, et la nuit est venue avant que l’on ait atteint la petite ville où il faudra coucher. On marche dans l’obscurité, sur de gros cailloux, au milieu d’un torrent desséché ; mais le père Armand David ne s’inquiète pas : en d’autres temps, il a traversé cette gorge où il existe surtout des pierres calcaires bleuâtres, du granit et des fragmens de porphyre. Au lendemain, le départ a lieu dès le point du jour ; une tasse de thé sans sucre est tout ce qu’on peut se procurer. En Chine, l’usage est de ne pas déjeuner quand on voyage. La journée sera pénible ; un épouvantable vent de nord-ouest souffle sans relâche, jetant au visage de la poussière et du sable. Cependant la campagne offre un charme qu’on n’a pas encore rencontré. Au sortir de la petite ville de Nan-keou se montre, dans un coin abrité par des rochers, un abricotier tout épanoui. Entre les cailloux s’étalent des touffes d’un daphné à fleurs jaunes (Wilstrœmia chamœdaphne) ; mais ailleurs rien n’indique le réveil de la végétation : on n’a point ici les primevères et les jonquilles, qui promettent en Europe la fin de l’hiver. Sur les collines, on ne voit que des tiges flétries en partie cachées dans les fentes du terrain ; entre les fissures des pierres où s’est conservé un peu d’humidité, les frondes jaunies ou brisées de quelques fougères propres à la contrée. Aux flancs arides des montagnes, les graminées desséchées n’ont pas disparu, et languissent encore des sarmens de la clématite de Mongolie. L’ormeau de la Chine et le frêne commun sont répandus en assez grande abondance et partout disséminés, tandis que le charme (Carpinus Turczaninowii) est confiné dans les vallons.

Il faut quatre ou cinq ’heures pour franchir la vallée qu’on nomme la passe de Nan-keou, Les joutes sont toujours mauvaises, mais celle-ci est affreuse. Par bonheur, les mulets connaissent si bien le chemin qu’ils demeurent fermes sur leurs jambes. Du reste notre missionnaire s’en embarrasse peu ; voulant tout observer, il voyage à pied. Néanmoins l’ennui est grand parfois, les caravanes de chameaux sont nombreuses et le chemin est étroit ; il n’y a pas de place suffisante pour se croiser sans de graves difficultés : toute rencontre de ce genre devient une calamité. Les chameaux qui descendent sont chargés la plupart de grands prismes de natron (carbonate de soude) provenant des lacs de la Mongolie ; ceux qui remontent, se dirigeant sur Kiatcha, portent d’immenses quantités de thé pour la Russie, le fameux thé de caravanes. Autrefois le trafic se faisait directement par Koui-hoa-tcheng et la Mongolie ; maintenant il s’effectue avec plus de facilité par Tien-tsing, Pékin et Kalgan. La nature des roches varie dans le trajet de l’étroite gorge ; près de Nan-keou, le calcaire domine, puis viennent les roches cristallines ; en plusieurs endroits apparaissent des porphyres verts et rouges, et dans la dernière partie des masses volcaniques soit bleuâtres, soit rousses ou tachetées. Un ruisseau court dans la vallée, et les petits oiseaux prennent leurs ébats : ce sont des bruans, la fauvette de montagnes, l’alouette huppée, l’alouette pispolette, une sorte de merle particulier à l’Asie, le pomathorin sifflant (Pomathorinus stridulus), et le choquart des hautes montagnes de l’Europe et de l’Asie. On aperçoit aussi le petit écureuil gris dont le bout de la queue est blanc, qu’on cessera de rencontrer plus au nord ; tandis qu’on verra en abondance dans toute la Mongolie l’écureuil rayé. À l’endroit où finit la vallée de Nan-keou se trouve le village de Tcha-tao, — une auberge permet aux voyageurs de dîner. Des musulmans sont les maîtres du lieu, et ceux-ci, d’une propreté qui manque chez les Chinois païens, témoignent plus de sympathie aux Européens, pensant avoir à peu près la même religion ; mais, si leur accueil est excellent, leurs services coûtent cher : le dîner composé de quelques œufs doit être payé comme un repas magnifique.

Au-delà du village commence une plaine stérile, couverte de sable et de cailloux amenés par les torrens grossis des pluies d’orage. Une ligne de grandes tours en terre complètement délabrées rompt la monotonie de l’espace aride. De la chaîne que traverse la passé de Nan-keou se détache, à 12 ou 15 lieues plus loin, une autre chaîne se dirigeant vers le sud-ouest, et dans l’intervalle s’élèvent d’autres montagnes qu’on dit être les plus hautes de la province. En suivant la route, on rencontre quelques bourgades, puis la ville de Sin-pao-gnan, entourée de rizières, et bientôt la montagne à charbon dite Ki-ming-chan s’offre aux regards. Sur le point culminant est bâtie une pagode en partie ruinée, mais nullement abandonnée ; un bonze, inébranlable comme le roc, séjourne sur le sommet, d’où l’on découvre tous les pays d’alentour. Le Yang-ho baigne le pied de la montagne. D’abord on ne distingue que des roches calcaires fissurées et culbutées en tout sens ; en remontant la rivière, on trouve des roches basaltiques d’un brun rouge.

Depuis le jour du départ de Pékin, le beau temps a continué ; mais il est devenu plus froid, il y a de la glace sur les bords de la rivière. Aussi, en passant près d’un village nommé Chang-hoa-yuen, nos voyageurs s’étonnent de voir des herbes fraîches couvrant de vastes marais ; la cause du phénomène est promptement reconnue : une abondante source d’eau chaude entretient une température assez élevée, même en hiver. La tourterelle de Chine, ravissante dans son vêtement d’un lilas pâle, vole sur ces marais et vient se percher sur les arbres du village, vivant tranquille à côté des habitans, qui ne l’inquiètent jamais. Aux premiers rayons de soleil du matin, des nuées de colombes rupicoles, aisément inconnaissables à la barre blanche de la queue, disparaissent successivement dans le nord-ouest. Près de la rivière, encaissée dans une longue gorge, vient s’abattre une compagnie de bartavelles ; la belle cicogne au manteau noir, au bec et aux pieds rouges, plane à une grande hauteur. Les jujubiers, les abricotiers, les ormes rabougris, sont épars sur les coteaux arides, et seulement dans les grandes crevasses remplies par des dépôts d’alluvion se montrent des éphèdres verdoyantes, jolis arbrisseaux de la famille des conifères dont les baies ont parfois une valeur inestimable pour les voyageurs altérés qui traversent les steppes de la Mongolie.

Pour atteindre Suen-hoa-fou, l’ancienne capitale des empereurs mongols, il reste à parcourir de trente à quarante kilomètres sur une route souvent très pénible à travers les montagnes ; mais il y aura un instant de plaisir en gravissant les dernières collines : la plaine aride s’étend au loin, et l’on découvre la ville, qui ne peut manquer de produire une certaine impression, parce qu’elle rappelle des souvenirs historiques. Le père Armand David a un autre motif de joie : il y a ici une maison de missionnaires desservant les chrétientés d’alentour ; l’hospitalité la plus cordiale l’attend, les fatigues seront vite oubliées, les entretiens familiers dans la langue maternelle donneront l’illusion de la patrie retrouvée dans le désert. Le savant lazariste congédie les muletiers et se fait aisément généreux ; il est satisfait des services des hommes qui l’ont accompagné, et il est content d’être au milieu de confrères et d’amis. Suen-hoa-fou est une grande cité dont les habitans n’occupent qu’une portion, ainsi qu’il arriver dans toutes les villes déchues d’une ancienne splendeur. C’est un quadrilatère flanqué de murailles en briques qu’on a eu l’intention d’orienter sur les points cardinaux, de même que les quatre grandes portes ; seulement le résultat ne répond pas précisément à l’intention. Les principaux bâtimens sont construits en pierre de taille d’un gris violet : des basaltes remplis de petits cristaux, provenant des montagnes voisines. Un ruisseau coule près de la ville, traversant des rizières disposées en carrés comme un immense damier, et le Yang-ho passe à quelque distance vers le sud. Du côté occidental, les vents accumulent des sables contre le mur en telle abondance qu’on pénètre dans l’enceinte sans la moindre peine. Les loups et les renards profitent souvent de cette facilité pour entrer dans la ville. C’est à huit lieues environ dans le nord-ouest que se trouve, sous la dernière et véritable grande muraille, Tchang-kia-keou ou Kalgan, entrepôt d’un commerce considérable, le passage ordinaire des caravanes qui s’acheminent vers l’empire russe ou qui en reviennent. De Suen-hoa-fou, la vue s’étend au loin sur un pays d’aspect sombre. La plaine est entourée de collines crevassées et ravinées par les eaux de pluie. De l’est à l’ouest court une petite chaîne de montagnes formées principalement de calcaire mêlé de silice, et vers le sommet de porphyre rouge ou jaune, que les Chinois exploitent pour les constructions ; en arrière s’élèvent des montagnes volcaniques. Vers le nord, l’horizon est borné par une chaîne de pics plus ou moins aigus, où il existe encore des vestiges de la grande muraille marquant la limite entre la Chine et la Mongolie. Suen-hoa-fou étant beaucoup plus élevé que Pékin, l’hiver se prolonge davantage, et la température est souvent si basse que chaque année des gens meurent de froid sur les chemins ; néanmoins l’été est assez long et assez chaud pour permettre la culture du riz. La population se compose de véritables Chinois et de musulmans originaires de l’Asie centrale[4] qui s’attribuent une supériorité et s’arrogent des privilèges, entre autres le monopole de certains commerces. Cependant le type primitif de ces musulmans s’est tellement altéré par les mariages avec les Chinoises qu’on ne les distinguerait pas, s’ils ne conservaient l’usage de signes extérieurs. Dans la ville, et plus encore dans la partie occidentale du pays, on remarque des visages qui rappellent ceux des Européens. Le teint est clair, le nez saillant, la chevelure blonde ; seuls, les yeux conservent le caractère chinois ou mongol.

Dans la vieille cité des empereurs mongols, comme dans toute la contrée, le froid est encore bien intense au mois de mars. Le Yang-ho, gelé sur les bords, charrie d’énormes glaçons ; mais les campagnes ne cessent d’offrir un curieux spectacle : il y a un monde de créatures qui s’agitent et paraissent vivre heureuses sans souci de l’état de l’atmosphère. Les oies et les canards abondent sur la rivière, et dans la foule on distingue des cygnes et des pluviers ; des alouettes et des vanneaux courent dans les prés humides, les choucas et les freux viennent par nuées chercher leur nourriture sur les guérets. Les freux nichent jusque sur les arbres de la ville, et le nombre en est si prodigieux que de tous côtés on est assourdi par des croassemens qui se font entendre dès le point du jour pour ne finir qu’avec la nuit. Notre savant lazariste parcourt le pays, et au milieu de cette nature âpre il trouve constamment des sujets d’étude, quelquefois même une satisfaction qui touche le cœur. Dans plusieurs villages, il y a des chrétiens qui ont manifesté le désir de le voir. Si l’on peut se fier à l’apparence, les Chinois convertis ont de la vénération et même de l’attachement pour les missionnaires ; ils admirent ces hommes qui, après s’être éloignés de leur famille et de leur patrie, se résignent à une vie fort dure.

Une excursion jusqu’à 40 ou 50 kilomètres au sud de Suen-hoa-fou fera connaître le caractère de la contrée, et donnera l’occasion de voir Chen-tching, une ville de quelque importance. Chen-tching, résidence du mandarin du district, est renommée pour la foire aux ânes, et un voyageur ne traverse pas les rues de la petite cité sans rencontrer de ces animaux, qui se distinguent par la taille, par la beauté des formes et l’allure fière. En sortant de Suen-boa-fou, on passe la rivière peu profonde, mais très large en hiver, sur un pont de bois couvert de terre ; ce pont, d’une extrême longueur, est si étroit que deux personnes ne pourraient y marcher de front. Après la vallée sablonneuse du Yang-ho, on s’engage entre des collines, et le chemin conduit à un groupe de maisons posé entre deux torrens, dont le lit est presque toujours desséché. Le village est dominé par une montagne escarpée consistant en une masse désordonnée de calcaire, mêlé de quartz, d’agate, de jaspe, de porphyre de plusieurs couleurs et de brèches siliceuses. Le pieds seul, comme tous les contours de la plaine, est couvert d’une épaisse couche de terre jaune formée par les alluvions. Plus loin, c’est un massif de montagnes, et sur l’un des sommets une construction gracieuse d’un effet pittoresque attire l’attention : c’est une pagode dédiée au diable, sans doute avec l’espoir de conjurer le génie du mal. Bientôt les montagnes rocailleuses s’abaissent, les collines se montrent de nouveau, et l’on découvre, dispersés et cachés dans les replis ou dans les déchirures du terrain, des villages où les missionnaires ont fait de nombreux prosélytes. Au-delà, c’est le territoire de Chen-tching, qui a la figure d’un bassin avec une ceinture de montagnes peu élevées. Un lac sans écoulement, de 4 ou 5 lys de longueur[5], en occupe le milieu. Le blé, le maïs, le sorgho, le millet, la pomme de terre, sont cultivés dans la plaine, où il n’y a nulle part d’arbres fruitiers. À quelques lieues dans le nord-est, il existe des terrains carbonifères qui fournissent de la houille. Le soufre est en abondance, et les Chinois savent l’extraire par le procédé simple usité en Europe. Le pays, dépourvu des charmes qui ravissent les amis de la nature, offre donc des ressources suffisantes pour rendre la vie facile aux habitans. La population est robuste, et n’est pas affectée de goitres comme en d’autres parties de la Chine. L’abbé David, retournant à Suen-hoa-fou pour continuer sa route vers l’ouest, est surpris dans les montagnes par une tempête abominable ; il fait froid, la pluie tombe accompagnée de neige, on glisse sur les roches polies, et tous les efforts pour hâter la marche n’empêchent point la souffrance. Le lendemain, un spectacle rare, étrange, saisissant, arrête le voyageur parvenu au sommet d’une colline : le soleil descend sur l’horizon, et des nuages paraissent s’étendre d’une manière uniforme sur toute la plaine ; cette masse de brouillards commence à se mouvoir et se partage en divers endroits, puis les nuages montent lentement, s’arrêtent à la hauteur de la crête des montagnes et forment un rideau, tandis que le vent souffle dans la direction des rayons solaires. La campagne, vivement illuminée par le soleil, se trouve alors bornée d’un côté par un fond opaque, et l’observateur voit sur cette sorte de muraille, comme dans un miroir, l’image de son corps entourée de deux arcs-en-ciel, ou plutôt de deux cercles complets où les raies de la lumière décomposée se peignent concentriquement et dans un ordre inverse sur un champ jaune d’or. Le phénomène ne s’évanouit qu’à l’instant où le soleil disparut derrière l’horizon. « Je n’ai pas besoin de dire si cela était beau, s’écrie le père Armand David, c’était à se croire dans un autre monde. » Un semblable mirage a quelquefois été observé en Écosse, en Calabre et en Sicile.

Au plaisir et à l’émotion causés par la magnificence d’un spectacle sans pareil, succède l’heure pénible et même douloureuse : le voyageur, approchant de la plaine du Yang-ho, est soudain enveloppé par les nuages dont l’aspect venait de le remplir d’étonnement. À distance, c’était un épais brouillard ; en réalité, c’est un immense courant de poussière et de sable poussé par un vent impétueux. Sous les pieds du cheval, le sol semble couler comme les eaux d’un torrent, et si grande est la violence de l’ouragan que l’homme, aveuglé par les tourbillons de poussière et transi de froid, se cramponne au cou de l’animal pour n’être point lancé au hasard et brisé sur le sol. « C’est une des plus vilaines heures que les élémens m’aient encore fait passer, » soupire le digne lazariste, qui a pris l’habitude de supporter les intempéries de l’atmosphère avec une parfaite résignation.

Enfin l’abbé David rentre à Suen-hoa-fou, et ne songe plus qu’à gagner l’Ourato, bien contrarié cependant de l’abaissement excessif de la température. Chaque matin, le thermomètre marque 6 ou 7 degrés au-dessous de zéro. Le froid inattendu en cette saison a produit un curieux effet : les oiseaux, surpris pendant leur passage, sont redescendus de la Mongolie, afin d’attendre des jours plus doux. Les choucas et les freux vont par bandes innombrables, et paraissent dans de continuelles alertes. À la faveur du clair de lune, ils volent d’une manière incessante d’un bout de la ville à l’autre avec des cris assourdissans ; un grand-duc, attiré par la certitude du butin, fait quelques victimes dans cette foulé. Les alouettes fourmillent dans la campagne ; la huppe crie, la tourterelle roucoule sur les arbres des jardins, et de magnifiques canards de cinq ou six espèces différentes prennent leurs ébats sur la rivière. Le temps ne tarde pas à s’adoucir ; les oiseaux partent, et c’est un avis donné au voyageur. Plus que jamais, il devient difficile d’obtenir des renseignemens sur le pays qu’il s’agit de traverser ; mais la présence des voleurs sur les chemins est certaine : plusieurs personnes ont été dévalisées, d’autres tuées.

Cependant on ne s’inquiète pas du danger : l’isolement n’est pas encore complet ; le père Armand David aura la compagnie de plusieurs confrères jusqu’à Eul-che-san-hao, à trois journées de marche dans la direction qu’il faut suivre pour atteindre l’Ourato. Désormais peu assuré de rencontrer soit une auberge, soit une habitation ouverte à l’étranger, il achète une tente mongole qui sera sa maison dans le désert. Aux derniers jours de mars, tout invite au départ, le temps est devenu agréable, l’air presque tiède ; des papillons commencent à voltiger, des aigles planent sur les montagnes, des grues et des goélands passent en grand nombre ; les bartavelles se montrent sur les rochers, ainsi que la fauvette de montagne et le traquet leucomèle, les choucas gagnent le nord, et les freux, qui sont sédentaires, coupent de petites branches d’ormeaux pour construire leurs nids.

Le 2 avril, l’infatigable lazariste se remet en route, marchant à pied ; le chemin côtoyant la rive nord du Yang-ho est fort mauvais, et les charrettes chargées des bagages subissent des accidens ; l’une verse, l’autre s’enfonce dans la glace. On passe sur la rive méridionale, qui appartient à la province de Chan-si, et bientôt apparaît le village de Sin-pin-keou, qui éveille l’attention, car c’est ici la frontière de la Chine. Des soldats demandent les passeports, que nos missionnaires se dispensent de montrer en déclinant leur qualité. On franchit la dernière muraille, aujourd’hui presque entièrement détruite en cet endroit : seules, des tours en terre disséminées sur le versant des montagnes restent debout, marquant la place où fut le monument que les siècles et la main de l’homme n’ont pas respecté.


II. modifier

Toute la région montagneuse qui occupe la partie septentrionale des provinces de Pe-tche-li et de Chan-si a le même caractère et les mêmes productions naturelles que la Mongolie ; — la limite est donc purement artificielle. Après avoir dépassé la frontière, nos voyageurs laissent au sud le Yang-ho, qui n’est plus qu’un misérable torrent, et remontent vers le nord-ouest à travers une petite chaîne de montagnes volcaniques. Encore une vallée couverte par les alluvions, et l’on entre à Eul-che-san-hao, situé sur un plateau entouré de collines. Le village est occupé par des Chinois originaires du Chan-si ; devant l’invasion des peuples du céleste empire, les Mongols se sont retirés et ont déserté de vastes espaces. Eul-che-san-hao est aujourd’hui un point central des missions ; on y a fondé un établissement pour les enfans abandonnés. « C’est, dit le père A. David, une des œuvres de charité les plus belles des missions catholiques. Des femmes dévouées donnent des soins maternels à ces pauvres petits, souvent atteints de défauts physiques qui ont motivé l’abandon par les parens ; on les instruit quand ils sont en âge, et plus tard on assure l’avenir de ces déshérités en les plaçant dans de bonnes maisons et en mariant les jeunes filles. » La contrée, aujourd’hui parsemée de villages, est traversée par un ruisseau formant un vaste marais où viennent s’ébattre les oiseaux aquatiques. Le pays, presque entièrement volcanique, est déboisé : des peupliers et quelques ormeaux plantés en taillis composent toute la végétation arborescente. La région était couverte de forêts lorsque le sol n’était guère foulé que par les cavaliers mongols.

Le climat du nord de la Chine est parfois bien dur pour le pauvre voyageur. En quittant Suen-hoa-fou, on avait salué le printemps, et le 9 avril on a dans la matinée 7 degrés de froid, tandis qu’à la même heure à Pékin le thermomètre marque 6 degrés au-dessus de zéro ; par intervalles, la neige tombe, le vent, qui souffle par rafales, est chargé de grésil. La végétation est moins avancée qu’elle ne l’était autour de la capitale un mois auparavant ; les bourgeons des peupliers commencent à peine à se développer, et quelques petites graminées à sortir de terre. Pourtant les rats-taupes (Spalax talpinus), qui abondent, se sont mis à travailler : on remarque beaucoup de taupinières fraîches, deux ou trois fois grosses comme celles de nos taupes et souvent disposées en longues files. Les lièvres de Mongolie (Lepus tolaï), les seuls qu’on trouve au nord de la Chine, courent la campagne, ainsi que les gentilles gerboises, qui sautillent sur la neige. Pour la première fois, le savant lazariste observe la jolie fauvette à des bleu (Nemura cyanura), découverte au Japon. L’avoine, le millet, le sarrasin, la pomme de terre, avec un peu de blé, constituent les ressources alimentaires des habitans. Le lin, également cultivé, n’est employé qu’à fournir de l’huile pour les besoins de la table et pour l’éclairage. Jusqu’ici le père Armand David a traversé des régions déjà passablement connues des missionnaires ; à certains jours, il s’est trouvé parmi des confrères, et par instans il a pu oublier les ennuis d’une route pénible dans une saison encore mauvaise. Maintenant, avec son unique compagnon, M. Louis Chevrier, il doit marcher sur la foi d’indications vagues ou inexactes, et s’aventurer chez des peuplades dont on ignore absolument les dispositions. Il s’agit de poursuivre la route vers l’ouest, et d’atteindre Koui-hoa-tcheng, qu’on dit être à 5 ou 600 lys : 75 ou 80 lieues. Après mille difficultés, le fameux guide parvient à louer une charrette ; on va s’engager dans le désert, parce que c’est le chemin le plus court. Il ne faut plus compter sur les auberges ; une petite provision de farine, un peu de viande, quelques pains mis sur la voiture, doivent assurer les voyageurs contre la faim. On pénètre dans un pays couvert de collines, puis dans une région de volcans anciens qui se prolonge vers le couchant, et bientôt près d’un village on découvre des champs cultivés annonçant que le sol, formé en grande partie de la décomposition de roches basaltiques, est très fertile. Du reste pas un arbre, pas un arbrisseau sur cette terre ; de ce côté, la misère est si complète que des pies ont édifié le berceau de leur couvée à l’extrémité de grandes perches plantées près d’une habitation. On quitte le dernier village chinois ; les hauts plateaux sont occupés par des Mongols originaires de la Mantchourie, et sur les montagnes se dressent des autels élevés par les lamas. Tout à coup le paysage change d’aspect ; une vaste plaine s’étendant au loin, un lac de plusieurs lieues de longueur, avec les bords blanchis par une couche de natron, les tentes mongoles éparses, produisent un effet nouveau. Des antilopes à goitre, au nombre d’une trentaine, broutent l’herbe à peu de distance de la route sans se déranger à la vue de la petite caravane ; comme des animaux habitués à vivre en paix, elles ne songent pas à fuir. Nos voyageurs s’arrêtent près d’une sorte de hameau composé de quelques tentes et de trois ou quatre maisonnettes, et reçoivent des habitans le meilleur accueil : l’hospitalité est une vertu des Mongols. Une femme et ses deux jeunes fils, des enfans de dix à douze ans, déjà revêtus du costume des lamas, s’empressent d’allumer le feu pour préparer le repas.

La plaine est humide et salée ; les chameaux et les moutons paissent à côté des antilopes. L’es uns libres, mais à peine sauvages, les autres en état de domesticité, semblent jouir de la même indépendance. Les oiseaux, réunis en grand nombre, offrent un merveilleux tableau tel qu’il n’en existe jamais en Europe. On voit voleter la, belle calandre fauve aux ailes blanches ; l’alouette commune et l’alouette pispolette, des aigles et d’autres rapaces donnent la chasse aux sousliks, tout gentils quand ils se dressent sur les pattes de derrière pour regarder à l’entour ; des canards s’abattent sur le lac ; quelques grues demoiselles gracieusement empanachées forment un groupe charmant ; des outardes viennent se poser à terre ; le corbeau, le milan, le sacre, le goéland à manteau bleu, font partie de ce monde.

Au milieu de la plaine, le charretier s’égare par un chemin sans issue ; on marche au hasard avec l’espoir de rencontrer un habitant qui indiquera la bonne voie ; mais la solitude est complète et inspire bientôt la crainte d’errer longtemps encore. Enfin un vieil arbre rabougri est aperçu, le seul qu’on ait vu de la journée : c’est la délivrance, le conducteur se reconnaît, et avant la nuit on atteint un petit groupe d’habitations. Les voyageurs commencent à respirer ; le temps est mauvais, le vent soulève la poussière, et il faut toujours s’inquiéter des rencontres fâcheuses, car la contrée est infestée de voleurs courant la campagne à cheval. Au village, une maisonnette est offerte par un aimable propriétaire qui a visité Pékin, qui parle chinois, et qui estime les Européens.

Continuant à marcher vers le couchant, on rencontre une auberge qui n’offre aux passans qu’un abri et de l’eau ; néanmoins le maître consent à vendre du millet et un peu d’eau-de-vie à la petite caravane, dont les provisions s’épuisaient. Le pays s’élève toujours, les habitations deviennent plus rares, on sent que les ressources fournies par le sol diminuent ; partout ce ne sont que des collines volcaniques arrondies. Dans les gorges, on entend gazouiller les petits oiseaux ; à la vue des hommes disparaissent un aigle et un renard qui se guettaient mutuellement dans les intentions les plus hostiles. Au sommet d’une montée rapide, un grand cône formé de pierres entassées et couvert de broussailles attire le regard : c’est un autel bouddhique, bâti sans doute comme à l’ordinaire, sur le point le plus élevé de la route. La nuit surprend les voyageurs exténués de fatigue et presque glacés dans les gorges désertes et silencieuses ; ils marchent dans les ténèbres, déjà renonçant à l’espoir de trouver un abri. Le guide s’écarte, essayant encore d’apercevoir un être humain. Un rugissement, peut-être celui d’une panthère, fait craindre un instant pour la vie du malheureux. On finit par découvrir quelques habitations ; mais tout le monde dort, et les gens troublés dans leur repos reçoivent mal les visiteurs, ils ne consentent à céder à prix d’argent donné d’avance qu’une affreuse cabane.

Le 21 avril, la neige couvre tout le pays, marquée de nombreuses traces de loups, de renards et de lièvres. Après deux heures de chemin, on entre dans une vallée tansversale qui partage les collines côtoyées par un ruisseau venant du nord. À l’heure du déjeuner, la petite caravane a la bonne fortune de rencontrer un hameau. Un air d’aisance règne en cet endroit ; les tentes sont propres, plusieurs sont ornées à l’intérieur de dessins à l’aiguille. Quelques maisonnettes ont bonne apparence. La terre est un peu cultivée aux environs ; des poules et des porcs se promènent dans le voisinage des habitations. Les enfans et les jeunes filles ont la mine fraîche et paraissent pleins de santé ; ils viennent sans la moindre timidité demander une bagatelle européenne ou chinoise.

En montant encore vers l’ouest, la nature des collines change ; les basaltes sont remplacés par des roches granitiques : des gneiss, des pegmatites blanches, des micaschistes. Le grenat est associé à diverses roches et mêlé au sable d’un torrent, il donne à l’eau une teinte rose. Les calandrelles et d’autres alouettes abondent ; les belles calandres mongoles sont innombrables. Une descente rapide conduit dans une large vallée, et la vue s’arrête sur plusieurs villages chinois dont la propreté contraste avec l’aspect misérable des tentes mongoles. Les hauts plateaux franchis, on est sur le territoire de Koui-hoa-tcheng : une plaine fertile, bien cultivée, arrogée par une petite rivière et coupée par des places sablonneuses dont les habitans sont de petits rongeurs du genre des gerbilles[6], gambadant près de leurs terriers quand la journée est belle. On est à la fin d’avril, le temps est devenu agréable, et la chaleur déjà forte. La verdure commence : les graminées et les armoises entrent en végétation ; une iris bleue à longues feuilles étroites est en fleurs, et près d’un ruisseau il y a des pissenlits, que nos voyageurs récoltent avec une tout autre préoccupation que celle de la science.

Koui-hoa-tcheng est une sorte de capitale qui se compose de la ville des lamas et de la ville militaire, occupée par les Tartares vexillaires. De vastes terrains plantés de saules et d’ormeaux sont réservés à la sépulture des soldats et de leurs familles ; les pierres qui en font l’ornement sont des marbres blancs ou veinés en général mal polis, et des pierres volcaniques noirâtres. Dans la campagne, il y a des fours à chaux où le marbre est cuit avec de la houille apportée d’une localité voisine. Dans une vallée située au nord-est de la ville, un large ruisseau fait mouvoir plusieurs moulins de construction primitive, ce qui est une rareté en Chine. Dans la plupart des maisons, le grain se moud sous une meule à bras ; les femmes, surtout les jeunes mariées, sont chargées de ce pénible travail. « On se sent le cœur serré, dit le père A. David, en voyant ces pauvres femmes condamnées à cette fatigue excessive, souvent suivie d’accidens ; mais c’est un usage général en Asie depuis des milliers d’années… » Il existait dans la Judée au temps de Jésus-Christ. Notre missionnaire se donne des peines infinies pour bien étudier le pays de Koui-hoa-tcheng : il examine la configuration et la nature du sol, il recueille partout les plantes et les animaux ; mais la moisson est pauvre, et quelques sujets observés pour la première fois viennent seuls donner une petite satisfaction au naturaliste. Maintenant c’est à Sartchi qu’il faut se rendre, en marchant toujours vers l’occident. La chaîne de montagnes qui court dans cette direction, près de Koui-hoa-tcheng, s’en écarte un peu plus loin et forme un coude en se repliant au nord. Sur ce point, une grande lamaserie construite à mi-côte, de façon à dominer toute la contrée, produit un effet vraiment pittoresque. Au-delà, on rencontre de nouvelles montagnes escarpées, où les schistes, les grès verts, le granit, sont mêlés à des porphyres ; c’est le séjour, paraît-il, de nombreux chevreuils et d’argalis que personne ne songe à inquiéter. Nos voyageurs suivent lentement la lourde charrette qui porte les bagages ; on est au mois de mai, l’air est chaud, la végétation se développe, les saules étalent leurs fleurs. Au loin, ils aperçoivent le Hoang-ho, le fameux Fleuve-Jaune, et il n’en faut pas davantage au milieu de la solitude pour ressentir une petite émotion, pour éprouver un instant de plaisir. Celui qui tiendrait beaucoup aux aisances de la vie serait malheureux sur la route de Sartchi ; à l’auberge, on ne trouve pour accommoder un pauvre repas que de l’huile de chènevis, dont le goût est abominable et l’usage d’un effet souvent fâcheux.

En avançant encore vers l’ouest, les montagnes s’abaissent, et le chemin demeure à quelque distance au nord du Hoang-ho et de la ville de Tchang-kouren, où MM. Huc et Gabet, avec grand péril, traversèrent le fleuve pour entrer dans le pays des Ortous[7]. Sur la route passent des files de voitures chargées de grains allant dans le nord du Kan-sou. Le sol n’a pu être ensemencé depuis plusieurs années, et la disette est venue dans cette province, où campent des soldats impériaux afin de tenir en respect les musulmans rebelles. Plus on approche de Sartchi, plus la population semble misérable, ce que le père David attribue à l’habitude de fumer l’opium, très répandue dans le district. Enfin le savant lazariste atteint la bourgade placée au pied d’une montagne abrupte, couverte sur le versant méridional de thuias et d’ormeaux et portant sur les contre-forts une vaste lamaserie qui consiste en un groupe de maisons à plusieurs étages, selon la mode thibétaine, et peintes en rouge. Notre missionnaire est presque à la joie : en quittant Pékin, il avait en vue Sartchi pour en faire le centre de ses explorations. Il va s’installer ; n’ayant plus le souci du transport d’un lourd bagage, il aura le loisir d’entreprendre des courses, d’étudier le pays, de recueillir une multitude d’objets, de former des collections. Naturellement il faut avant tout s’arrêter à l’auberge ; la nouvelle de l’arrivée des étrangers se propage en quelques minutes, et les voyageurs ne tardent pas à être entourés d’une façon assez gênante. Les habitans de Sartchi n’ayant jamais vu d’Européens, chacun veut examiner les hommes d’Occident. La population, composée de Chinois et de Mongols dont la nationalité s’est éteinte au contact de ces derniers, jouit d’une certaine aisance. De petits ruisseaux fertilisant les champs, la culture est productive. En divers endroits, il y a des moulins, et, sujet de surprise, plusieurs sont occupés à moudre de l’écorce d’ormeau : c’est un mets en faveur dans cette partie de la Mongolie.

L’abbé David parvient à louer une petite cour contenant deux maisonnettes, ou, pour parler avec exactitude, deux cabanes couvertes en terre ; ce n’est pas brillant, mais on est chez soi, et c’est l’essentiel. La première pensée en allant battre la campagne est de saluer le Hoang-ho. C’est bien le Fleuve-Jaune, — l’eau boueuse coule avec lenteur, emportant des fragmens de terre meuble. Les oiseaux en foule sur les flaques d’eau du voisinage se livrent à tous les caprices ; les fleurs paraissent de divers côtés, et le naturaliste trouve à cueillir diverses espèces de plantes qu’il n’a jamais observées dans le Pe-tche-li : une violette, un liseron, une ancolie (Aquilegia viridiflora), dont la fleur toute verte à l’inférieur est à peine tachetée de pourpre à l’extérieur.

Les Européens, qui d’abord n’avaient excité que de la curiosité, ne tardent pas à causer de l’inquiétude. Les autorités viennent s’enquérir ; les habitans de Sartchi craignent d’avoir affaire à des espions, à des chercheurs d’or ou d’argent, à des hommes capables d’appauvrir le pays. On s’efforce de les tranquilliser en les assurant que le but scientifique est le seul motif du voyage ; ils comprennent sans doute assez mal ce langage, mais ils s’en contentent. A la distance de 3 ou 4 lieues vers le nord, il y a sous de petites montagnes des mines de houille qui méritent une visite. Les couches de terrain carbonifère, reposant sur le granit et le gneiss, sont tourmentées d’une manière remarquable ; les couches de grès, de schistes et de houille se répètent sur le même point plus de quarante fois et toujours dans le même ordre. La houille extraite par blocs est portée à des d’homme, et une partie de ce charbon excellent et bitumineux est aussitôt brûlée dans d’énormes foyers pour être convertie en coke qui se vend à un prix double de celui de la houille. Selon toute apparence, cette exploitation remonte à une époque fort ancienne. De tous côtés, la végétation charme les yeux ; après les ornnithogales, la violette à odeur de rose, les églantiers jaunes formait de magnifiques buissons sur les montagnes, ce sont les genévriers épineux, les corydales, les astragales à fleurs roses, de nouveaux liserons. Dans les lieux sablonneux, l’air est embaumé par une espèce de la famille des pavots (Hypecoum) et par une borraginée qui croît également dans le Pe-tche-li[8] ; dans les anfractuosités des roches, se montrent des chèvrefeuilles, des légumineuses du genre caragana, un prunier épineux, l’érable de tartarie, l’ormeau, une épinevinette à larges feuilles, un coteonaster, des thuias, plusieurs sortes du genre des spirées dont le type est connu chez nous, sous le nom vulgaire de reine des prés. Le passage des oiseaux continue encore, et quelques-uns d’entre eux tombent sous les coups des chasseurs.

Le père Armand David a reçu l’invitation de visiter la lamaserie ; il ne regrettera pas d’avoir pris la peine de gravir la côte escarpée ; la position est charmante, elle domine la vallée du Fleuve-Jaune et tout le plat pays des Ortons. Les lamas sont au nombre d’une centaine, et le supérieur appartient à une famille princière de la Mongolie. Sambdatchiemda, le fameux guide, a figuré autrefois dans l’asile au nombre des cénobites, et il a le bonheur de retrouver d’anciens amis. De retour à Sartchi, on entend résonner le tam-tam ; le mandarin de Tchang-kouen est venu publier la prohibition de semer le pavot en ordonnant d’arracher les plantes déjà germées. C’est, paraît-il, un manège bien connu dont ne s’inquiètent guère les cultivateurs ; ils apportent un peu d’argent au mandarin, et tout finit à la satisfaction générale. Notre infatigable lazariste se prépare pour une grande excursion dans l’Ourato, et les ennuis commencent. Personne ne veut consentir à louer une bête de somme pour un prix raisonnable ; on craint de se compromettre en rendant un service aux Européens. Le propriétaire qui a fourni le logement a été menacé par les mandarins, et les voyageurs sont gardés à vue. Aux soupçons, que les paroles ne suffisent point à calmer, ils opposent une patience inaltérable et une extrême retenue, car il est impossible d’aller ailleurs sans risquer de perdre les résultats de la campagne. C’est ici que les vieilles relations du guide peuvent être appréciées ; — par les soins d’un lama, on réussit à se procurer un baudet et de nouveau le digne missionnaire se met en route.


III. modifier

L’Ourato est un royaume contenu dans des limites très resserrées de l’orient à l’occident et très étendu du nord au midi ; il est borné à l’est par le pays de Koui-hoa-tcheng ou le Toumet, au sud par le Fleuve-Jaune, à l’ouest par l’Alachan et au nord par des principautés distinctes dans lesquelles les Chinois ont pénétré, et où ils cultivent la terre : les principautés de Targam-pei-li et de Mao-ming-nguan. De petits ruisseaux coulent seuls dans les vallées ; il n’y a point de cours d’eau un peu considérable dans toute la contrée. La chaîne nommée Oula-chan par les Chinois s’étend vers l’ouest, et demeure séparée de l’Alachan par une vaste plaine humide. Au nord, d’immenses terrains fournissent des pâturages aux troupeaux mongols ; mais les meilleures terres sont cultivées par les Chinois, qui chaque four empiètent davantage en payant une rétribution annuelle en grains. Quelques Mongols, abandonnant le soin des troupeaux, se livrent également au travail plus productif de la culture, car ils se trouvent réduis à une affreuse misère lorsqu’une partie du bétail vient à succomber par le froid d’un hiver rigoureux. Les Mongols qui s’adonnent à l’agriculture ont adopté les vêtemens chinois ; les femmes néanmoins conservent la coiffure nationale, et elles ont les tempes chargées de bijoux de verre ou de métal reliés à leurs boucles d’oreilles. Chez les habitans de l’Ourato qui ont résisté à l’influence étrangère, les hommes et les femmes sont habillés de la même façon, et le costume ne manque ni d’originalité ni d’élégance. C’est un large pantalon, une longue robe avec une ceinture attachée sûr le côté droit par cinq gros boutons en cuivre, et de grandes bottes. La coiffure consiste en une jolie toque de forme conique, faite de peau fine ou de velours, et ornée de rubans rouges qui pendent sur le dos. Les hommes, en général très vigoureux, ayant souvent la barbe rousse et assez bien fournie, portent des moustaches et une petite mouche au menton. Les femmes, qui montent merveilleusement à cheval, exécutent les travaux les plus pénibles ; elles gardent les troupeaux, elles ramassent les argols, — la fiente des animaux herbivores, qui est le seul combustible des plaines et des montagnes déboisées ; — elles traient les vaches, les brebis et les chèvres, elles fabriquent du beurre et un fromage détestable au goût des Européens. Les Mongols ne sont pas difficiles à contenter sous le rapport de la nourriture ; cependant ils n’auraient pas de quoi vivre, s’ils n’échangeaient avec leurs voisins les Chinois des bestiaux contre du millet et du sarrasin. Un peu de farine de blé ou d’avoine bouillie est un grand luxe chez les indigènes de l’Ourato ; le mets le plus ordinaire se compose de thé noir mélangé avec du millet et assaisonné avec du beurre ou du lait. Pendant l’hiver, ils chassent le chevreuil, l’antilope à goître, dans les plaines de la Mongolie, et alors viennent les jours de grands festins.

L’Ourato est divisé en trois principautés, l’est, le centre et l’ouest, gouvernées par autant de petits princes qui se réunissent tous les ans avec les chefs des deux principautés voisines pour traiter des affaires générales du pays. Tous les trois ans, ils sont tenus d’aller à Pékin rendre hommage à l’empereur, et ils n’en éprouvent sans doute aucun déplaisir, car ils reçoivent du souverain des cadeaux en argent. Au point de vue de la configuration du sol, l’Ourato peut être également divisé en trois parties : la région méridionale, plaine longue d’une centaine de lieues resserrée entre le Fleuve-Jaune et la chaîne de l’Oula-chan, — la région centrale couverte de hautes montagnes, ayant encore des vallées boisées du côté de l’ouest, — enfin la région septentrionale avec des montagnes peu élevées et des plaines très étendues occupées par les troupeaux où l’on voit des yaks amenés autrefois du Thibet.

Tel est dans l’ensemble le pays que va explorer le père A. David en compagnie de ce guide dont l’esprit est d’une fécondité de ressources inépuisable. M. Chevrier reste à Sartchi pour garder la maison contre les maraudeurs et pour recueillir les plantes et les animaux des environs. Le savant lazariste part le 28 mai ; le voyage s’annonce tout de suite comme devant être pénible et périlleux. Le vent est très frais pour la saison ; le chemin, courant dans une vallée tortueuse, est déplorable, et la nécessité de passer un ruisseau à gué presque à chaque, instant est une cause de fatigue. Le petit âne, qui a été loué avec tant de difficulté, porte une charge trop lourde ; il plie sous le faix, et il faut absolument le soulager. Sambdatchiemda prend pour son compte un poids d’une quarantaine de livres, l’abbé David une masse d’objets à peine moins lourde ; malgré le fardeau, les deux hommes ne perdent ni le courage ni la gaîté dont ils ont besoin pour s’aventurer à travers des montagnes sauvages, où la rencontre de brigands et de bêtes féroces est regardée comme certaine. Ils se consolent en pensant qu’une partie du bagage, composée de millet, de farine de haricots et d’orge grillée, ne tardera pas à diminuer. Le premier repas a lieu en plein air : le soir, on trouve une auberge dans un village, mais le propriétaire refuse de recevoir un Européen et manifeste des dispositions hostiles : on a signalé les étrangers comme des gens dangereux. Cependant, avec de la ténacité, notre missionnaire obtient une place sur la plateforme en briques sous laquelle passe la fumée du foyer, le kang, où dorment tous les hommes de la maison, enveloppés dans des couvertures. En quittant la large vallée, que sillonne un torrent, on s’engage entre des collines ; le pays est habité exclusivement par des Mongols, et désormais il n’y a plus d’auberges. On rencontre une multitude de lamas, reconnaissables à la robe jaune ou rouge et à la tête rasée, les uns à cheval, les autres à des de chameau ; c’est que la plus renommée et la plus considérable lamaserie de l’Ourato est proche. Avant la nuit, l’abbé David aperçoit en effet les constructions d’Ou-thang-djao : une foule de maisonnettes carrées, surmontées de plates-formes et disposées autour des temples. Plus de 1,500 lamas, paraît-il, sont réunis en cet endroit sous l’autorité d’un grand lama. Ces braves cénobites, très nombreux dans toute la Mongolie, restent dans un état d’ignorance incroyable, et vivent tranquilles avec les subsistances que fournissent les familles.

Notre voyageur dresse sa tente non loin de la lamaserie, en un lieu très sauvage ; des pins disséminés sur les coteaux servent d’abris aux loups, qui sont répandus à profusion, et la crainte de ces animaux oblige à donner au petit âne une place sous la tente déjà étroite pour deux hommes. La végétation est assez abondante aux environs de Ou-thang-djao. Les rosiers jaunes et les genévriers forment d’épais buissons ; des saules à grandes feuilles, des ormeaux, de petits chênes, des bouleaux réduits à la condition d’arbustes, une. espèce d’aubépine, des abricotiers et des cerisiers sauvages, une sorte de pommier du genre Amélanchier, couvrent les flancs des montagnes. Des arbrisseaux du genre corylopsis, qui est très représenté dans la flore du Japon, remplacent les coudriers, de même qu’un groseillier à petites feuilles, atteignant la hauteur de 3 ou 4 mètres, remplace les petites espèces des vallées du Pe-tche-li. La pivoine à fleurs odorantes (Pæonia edulis) abonde dans les ravins et sur le bord des sentiers.

Tandis que le naturaliste fait sa récolte de plantes, les pèlerins affluent à la lamaserie, et une vieille princesse mongole tout habillée de drap rouge passe, chevauchant au milieu d’un groupe de mandarins. Elle salue d’un air plein de bienveillance ; mais les personnages formant le cortège rient de bon cœur en voyant l’accoutrement de l’Européen et du guide. Vers la fin du jour, notre explorateur se trouve dans une large vallée couverte de pâturages, et s’arrête près d’une misérable habitation, afin d’avoir de l’eau et des argols pour cuire le millet. Pendant que se prépare le repas, une vieille femme vient, selon la coutume du pays, offrir une cruche de lait. C’est un présent agréable pour des gens condamnés à vivre de bouillie cuite à l’eau ; mais c’est aussi une cause d’embarras : la convenance exige qu’on rende une valeur au moins égale à celle qu’on a reçue, et les sapèques n’ont pas cours dans l’Ourato, — les Mongols n’acceptent pas d’argent monnayé ; — la seule ressource est de donner quelques poignées de la petite provision de millet. Heureusement les lièvres et les bartavelles ne sont pas rares, la faim n’est pas à craindre. Il y a, il est vrai, d’autres souffrances à supporter ; pendant les derniers jours du mois de mai, la pluie, le vent et la neige se succèdent sans interruption. Le père Armand David ne continue pas moins sa récolte de plantes et d’animaux, et c’est avec un plaisir et extrême qu’il observe à l’état sauvage le xanthocère à feuille de sorbier, un charmant arbuste cultivé à Pékin comme plante d’ornement.

Après les instant de joie viennent les heures douloureuses. L’infatigable lazariste, très incertain sur la direction qu’il doit suivre, marche une journée entière sans rencontrer un seul homme. Le soir, dans une étroite vallée, il aperçoit des bestiaux s’abreuvant à un puits ; mais les pâtres fuient à l’approche de l’Européen. Il est obligé de camper dans la vallée déserte de Tchouktgirgol ; il gravit ensuite des montagnes escarpées, à peine couvertes de broussailles, et se trouve dans une région de collines arrondies dont le sommet est souvent formé de quartz très blanc : de loin, on croit voir des montagnes couvertes de neige. Notre voyageur est arrivé dans une plaine tout émaillée d’iris bleues ou violettes, de scrofulaires, de sophoras, d’astragales roses, de caragnas. La matinée est belle et semble promettre une journée charmante ; tout à coup le ciel est obscurci par des nuages de poussière, le vent d’est, précurseur de pluie et d’orage, commencera s’élever, les antilopes jaunes descendent par centaines dans la plaine pour être moins exposées ; bientôt le tonnerre gronde, la pluie tombe, l’ouragan est épouvantable ; la tente est difficilement maintenue dans une gorge, la provision de millet est inondée de sable, et durant tout le reste du voyage il faudra croquer les petits grains de silex. Le lendemain au point du jour, des lamas mongols qui étaient campés dans le voisinage viennent féliciter l’Européen de n’avoir pas été emporté par l’ouragan. — Où allez-vous ? demandent-ils. — À l’Ourato occidental. — Combien d’hommes êtes-vous ? — Comme vous voyez, deux et notre âne. — Vous ne craignez donc pas les brigands ? Ils ont dévalisé avant-hier et criblé de coups de sabre de pauvres lamas qui passaient sur leurs chameaux devant la gorge de Hatamel. — Pauvres gens ! c’est là précisément que nous allons. — Et Vous n’avez pas peur, vous deux hommes seuls et à pied ? — Nous ne connaissons pas ce sentiment-là, et nous irons partout. Malgré ce langage, les Mongols ne paraissaient pas le moins du monde rassurés sur le sort des voyageurs ; mais le père Armand David, qui a bravement jeté la parole au vent du désert, estime toujours qu’un peu de sang-froid, une barbe européenne et des armes peuvent défier des centaines de malfaiteurs chinois ou mongols.

On se remet en marche en passant devant la lamaserie, qui est très belle et composée d’une centaine de petites maisons blanches bâties sur une colline côtoyée par un torrent. Au bout de la plaine, couverte en plusieurs endroits d’innombrables liserons, s’ouvre une jolie vallée que traverse un clair ruisseau : c’est la fameuse gorge de Hatamel. Nos voyageurs cheminaient silencieusement au milieu d’épaisses et hautes broussailles, lorsque soudain un homme d’aspect rébarbatif, bien vêtu et armé d’un fusil, interpelle Sambat-chiemda ; l’accueil qu’il reçoit l’intimide, et comme au détour on remarque cinq beaux chevaux, il répond en s’éloignant : « nous sommes en effet cinq cavaliers. « Bien certainement l’abbé David venait de passer à côté d’une troupe de brigands qui ne tardèrent pas à disparaître, n’osant attaquer deux hommes résolus. Un endroit sauvage entouré de montagnes, très propice pour un campement, permet encore au naturaliste de faire une ample moisson de plantes, d’insectes et d’oiseaux. La provision de millet et de farine est épurée et le retour à Sartchi, devenu pour quelques mois une patrie adoptive, est indispensable. De nouveaux incidens se produisent : l’orage dans la montagne, l’absence d’eau, — sur une étendue de vingt lieues, il n’existe pas plus de trois ou quatre ruisseaux et quelques mares, — et enfin les rencontres désagréables. En approchant de la ville de Pao-thon, centre commercial de la région, l’abbé David tombe au milieu d’un groupe de soldats tartanes qui tiennent garnison pour protéger le pays contre les musulmans rebelles. L’apparition d’un Européen armé cause grand émoi, « bien, dit le savant lazariste, que nous n’ayons pas l’aspect guerrier, Sambdatchiemda, l’âne et moi, chargés de paperasses remplies d’herbes, de boîtes de carton, de filets à insectes et autres objets tout aussi peu effrayans. » Néanmoins la foule curieuse s’amasse, les soldats veulent conduire au général l’étranger suspect. Celui-ci, du reste sans s’émouvoir, refuse d’obéir et ordonne même qu’on aille montrer le passeport au grand chef et qu’on revienne aussitôt. Le moyen réussit ; il faut dans ces pays-ci, remarque le père Armand David, avoir l’air de commander pour n’être pas écrasé.

Après deux semaines d’absence, le digne missionnaire retrouve intacte la petite maison de Sartchi. C’est à qui s’efforcera de faire sentir à l’entreprenant explorateur l’imprudence de s’engager au milieu de tels périls et de pareilles fatigues. Malgré tout, le naturaliste est assez content de son expédition ; il a examiné la constitution géologique d’une région assez vaste, il a pris une idée de la flore et de la faune de l’Ourato central, il a recueilli quelques animaux et bon nombre de plantes d’espèces intéressantes, et la santé n’a pas trop souffert du régime du millet et de la farine de haricots. Pendant une partie du mois de juin, l’infatigable lazariste explore les montagnes situées au-delà du Fleuve-Jaune, c’est-à-dire dans le pays des Ortous, et maintenant la chaleur est terrible, la sécheresse désole la contrée ; les cultivateurs assurent que le blé et l’orge vont être perdus. Aux environs de Sartchi, les pavots couvrent de vastes champs et les fleurs magnifiques et variées à l’infini sont d’un effet superbe ; de larges espaces sont plantés d’ail et de piment. Près des petits cours d’eau, on cultive le chou, le maïs, le sorgho, les pastèques. Au pays des Ortous, les légumineuses sont en faveur : la plaine est couverte de champs de haricots, de petits pois et de lentilles.

Une seconde excursion dans l’Ourato occidental est résolue ; il faut nécessairement visiter les restes des grandes forêts dont on parle à deux cents lieues à la ronde. Cette fois, M. Chevrier accompagnera l’abbé David ; un chameau que consent à louer le lama, ami et compatriote du fameux guide, remplacera avantageusement le petit baudet. Deux jours de pluie ont donné à la végétation une fraîcheur qu’elle avait perdue. La petite caravane presse sa marche dans le pays déjà parcouru pendant la première expédition sans échapper à la curiosité gênante et parfois à l’hostilité des habitans. Après avoir campé au sud de Hatamel, nos voyageurs cheminent dans une atmosphère brûlante à travers une grande plaine sablonneuse absolument déserte. Par bonheur, la vie animale et végétale ne manque pas dans ce désert et le naturaliste recueille des plantes et des insectes ; — les réglisses répandues en abondance permettent d’apaiser la soif ; plus tard, on passe devant des groupes de tentes mongoles et l’on vient camper près d’une lamaserie. C’est un endroit délicieux ; un torrent limpide roule sur des cailloux, il y a des bois touffus. On ne voit pas, il est vrai, de grands arbres, mais on admire une foule d’arbrisseaux. Sur des mûriers agrestes, on trouve des vers à soie à l’état sauvage. Des ombellifères bordent le ruisseau, et voltigent des papillons qui n’ont pas été vus ailleurs. Les désagrémens ne peuvent jamais être entièrement évités : un soir, l’abbé David perd le guide conduisant le chameau, M. Chevrier se met à la recherche et perd l’un et l’autre ; heureusement on se retrouve après avoir subi toutes les angoisses de l’inquiétude. Nos voyageurs se fatiguent par des courses incessantes, mais la grande souffrance provient du manque d’eau. Un soir ils se résignaient à se passer de boire et de manger quand on fit la découverte d’un petit trou rempli d’eau.

L’Ourato occidental est vraiment un beau pays, formant contraste avec les autres régions de la Mongolie. Ce sont des taillis frais au milieu de grands saules délabrés par l’âge, des montagnes boisées et parsemées d’anémones, de pivoines à fleurs blanches ou roses, de polémoines, de valérianes, de grands géraniums à fleurs violettes, de trolles à grosses fleurs d’or, de clématites du genre atragène (Atragena florida), de plusieurs sortes de potentilles ligneuses formant des buissons entre les roches granitiques qui couronnent les hauteurs. Puis ce sont de vertes prairies au milieu d’un système de collines arrondies. « C’est magnifique, s’écrie le père Armand David, on se croirait sur les fraîches montagnes sous-alpines de l’Europe. » Au-delà, c’est un plateau très élevé, mamelonné et herbu, d’où l’on découvre tout le pays, au sud la plaine avec une longue bande de sable jaune, à l’ouest la plaine avec des flaques d’eau, restes probables d’un ancien lac, et au loin les montagnes bleuâtres de l’Alachan. Ces hautes prairies sont émaillées de ravissantes fleurs : lis rouges, amaryllis jaunes, borraginées bleues et tant d’autres. Les bartavelles caquettent sur la cime des rochers, les faisans et les perdrix grises de Daourie cherchent la pâture dans les herbes.

La région des fleurs est contenue dans des limites assez étroites. En se dirigeant un peu au nord, on franchit une vallée ou se montrent le granit et ensuite les porphyres et les roches basaltiques ; on descend un chemin boisé très-rapide, et alors c’est la plaine sablonneuse n’ayant qu’une végétation pauvre où rares sont les insectes et les oiseaux. Le pays est à peine habité ; seuls, quelques troupeaux de bœufs et de moutons, sous la garde de bergères mongoles, troublent la solitude. Plus loin, c’est la grande plaine de Teleinoor, au milieu de laquelle le Fleuve-Jaune semble avoir plusieurs fois changé son lit. Presque partout les forêts sont détruites, les vieux pins n’existent plus que sur les sommets élevés et les vallons inaccessibles. La prohibition de toucher aux bois de l’Ourato n’est plus respectée ; on voit continuellement des Mongols traînant des troncs de pins vers la plaine.

Après la chaleur, les explorateurs se trouvent assaillis par un orage si épouvantable que le père David craint pour le sort de ses collections, fruit, dit-il, on peut le croire, de peines incroyables. L’herbier est sauvé ; mais les boîtes d’insectes ont été si rudement ballottées qu’il y a des dégâts irréparables. Nos voyageurs sont transis de froid et d’humidité, et il est impossible d’avoir dû feu. Les provisions ayant beaucoup diminué, on revient au point de départ. L’abbé David avait touché les limites occidentales de l’Ourato ; mais il tenait encore à visiter les plaines et les montagnes du nord. Une troisième excursion est décidée, et le 24 juillet, par un temps pluvieux, la petite caravane se remet en marche avec une nouvelle provision de millet et de farine de haricots. On traverse des collines carbonifères, de hautes prairies, et alors apparaissent les montagnes de Tchangini-Oula, qui séparent l’Ourato de la principauté de Mao-ming-ngnan, montagnes sèches couvertes de graminées, dépourvues d’arbres, à peine couvertes de broussailles. Au-delà, une plaine presque stérile que les Chinois cultivent est bornée par un autre massif de montagnes. Le sol est jonché d’ossemens humains, car les Mongols n’enterrent pas les morts. Sur de hautes collines verdoyantes se dresse l’habitation du grand lama d’Ou-thang-djao, composée de belles tentes arrondies ; de brillantes cavalcades de lamas, aux éclatans habits jaunes et rouges, passent en jetant un regard dédaigneux sur les Européens qui cheminent lisiblement à la suite du chameau. Un extérieur misérable n’est pas plus une recommandation à l’Ourato qu’ailleurs. — Au reste, les jours difficiles se succèdent pour nos voyageurs, qui rentrent à Sartchi le 1er août avec une nouvelle récolte de plantes et d’animaux. Pendant plusieurs jours encore, l’abbé David fait des excursions vers deux lacs situés à une vingtaine de lieues dans le pays des Ortous ; il voudrait mieux explorer cette dernière région, mais le guide est malade : il doit y renoncer. Quittant Sartchi, le 27 août, le savant lazariste reprend le chemin de la capitale du céleste empire, et après deux mois encore sur la route que l’on connaît, il rentre à Pékin, ayant conservé la santé malgré les plus dures fatigues et les plus grandes privations. Les résultats scientifiques pouvaient seuls les faire oublier. C’est lorsque nous aurons comparé le caractère des productions naturelles dans les diverses provinces de la Chine qu’on pourra surtout les bien apprécier.

Émile Blanchard.
  1. Voyez la Revue du 15 février.
  2. L’abbé David écrit l’Ortous ou le pays des Ortous ; — sur la plupart des cartes, cette même région est appelée le pays des Ordos.
  3. Le père Armand David a tenu un journal quotidien pendant son voyage en Mongolie. C’est à cette source que nous puisons pour raconter cette campagne.
  4. On les regarde comme les descendans des anciens Houy-houy.
  5. De 2 kilomètres 1/2 à 3 kilomètres. — Le ly chinois équivaut à 575 mètres.
  6. Gerbillus unguiculatus et Gerbillus brevicaudatus.
  7. Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine, par M, Huc, t. Ier, chap. VI.
  8. La Tournefortia arguzia.