Les Quatre Saisons (Merrill)/Près du puits

Les Quatre SaisonsSociété du Mercure de France (p. 96-98).
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PRÈS DU PUITS

La petite étoile — goutte de feu
Qui tomba dans le puits de l’auberge
Quand les chiens hurlaient, ombres bleues,
À la lune qui éveille les vierges —
Nous la guettions comme des enfants
Qui apprennent leur leçon d’amour,
Ô toi dont les longs cheveux lourds,
Sous mes doigts vifs te décoiffant,
Se déroulèrent dans le puits de l’auberge.



Souviens-toi ! Les grillons crépitaient
Du haut du jardin jusqu’à la berge
Où le vent à peine agitait
Les linges étendus sur des cordes.
L’ombre était pleine de miséricorde
Là-bas, dans la forêt de la colline
Où l’on dit que la Peur chemine.
Et même la voix des buveurs
S’était éteinte avec les lueurs
Parmi les faïences, les étains et les verres
Du cabaret vide comme en hiver.


Tu murmurais je ne sais quelles paroles
Que j’écrasais sur la rouge corolle
De tes lèvres écloses en ce juin ;
Et moi, dont les mains cherchaient tes mains
Pour les délier, tremblantes, de ton sein,
Je répondais par d’autres paroles
Dont j’ai oublié le sens incertain.



Soudain nous avons entendu,
Alors que j’ouvrais tes bras nus,
Les buveurs en pleine turbulence
Passer sur la route de la forêt
Comme des souvenirs fous qu’on voudrait
Étouffer dans le sang et le silence.


C’est tout. Nous nous sommes dit adieu
Près du puits plein de gouttes de feu.