Les Protocoles des Sages de Sion/Présentation/Texte



Note de Wikisource


Les Protocoles des Sages de Sion est l’œuvre de Mathieu Golovinski, Russe professionnel de la propagande, qui travaillait à la fin du XIXe siècle pour l’agence parisienne de la police politique de l’empire russe, et fut plus tard compagnon de route des bolcheviks. Réalisé pour des besoins de la politique intérieure de la Russie tsariste, ce texte illustre le mythe du plan secret des Juifs pour dominer le monde, qui avait déjà produit le Discours du grand rabbin au cimetière de Prague (Biarritz, roman de Hermann Goedsche, 1868) et d’autres textes fantaisistes. La plus grande partie du texte, présenté comme la transcription (protocol) de réunions du conseil de l’internationale juive, est un assemblage de morceaux du Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, ouvrage satirique de Maurice Joly (1864) en remplaçant dans le discours de Machiavel le comploteur Louis-Napoléon Bonaparte par la Juiverie mondiale.

L’ouvrage arrivé en Russie vers 1901 a été plusieurs fois publié en russe jusqu’en 1917, avec des variations de contenu et de découpage (de 22 à 27 protocoles). Les versions de Serge Nilus, mystique orthodoxe, et de Georges Boutmi, nationaliste russe, tous deux antisémites convaincus, apportées en Occident par les Russes Blancs après la victoire des Bolcheviks, ont été traduites du russe en allemand, anglais et français, avec de nombreuses éditions sensiblement différentes. Dans tous les cas, le document a été présenté comme authentique. Le succès a été immédiat et durable, consolidé par des tentatives d’interdire la publication, la plus récente en France en 1990. Dès 1921, le Times de Londres, qui avait d’abord présenté comme vraisemblable l’authenticité du texte, l’a relié à celui de Maurice Joly, révélant l’imposture. Plus près de nous, Le cimetière de Prague, d’Umberto Eco (2010) met en roman la naissance du texte.