Les Protestans français en Europe

Les Protestans français en Europe
Revue des Deux Mondes2e série de la nouv. période, tome 3 (p. 178-194).

LES


PROTESTANS FRANCAIS


EN EUROPE






Histoire des Réfugiés protestans de France depuis la révocation de l’édit de Nantes jusqu’à nos jours, par M. Charles Weiss.[1]




Deux faits également importans au point de vue politique et social, mais qui impliquent entre eux une évidente contradiction, — la déclaration de 1682 et la révocation de l’édit de Nantes, — dominent l’histoire religieuse du XVIIe siècle. L’un affranchit la royauté de la domination temporelle de la cour de Rome, et constitue, dans l’ordre des faits purement humains, l’indépendance de l’église nationale ; l’autre au contraire soumet la conscience des citoyens à la domination religieuse de l’état. Le premier s’accomplit dans les régions sereines de la discussion théologique ; le second se déroule comme un drame terrible au milieu des violences, des supplices, et sur tous les champs de bataille où la France se trouve aux prises avec l’Europe. Tous deux enfin marquent, chacun à sa date, l’apogée de la grandeur de Louis XIV et le point de départ de sa décadence.

Tacite dit avec raison qu’il y a dans la vie des peuples certains événemens sur lesquels l’histoire s’arrête toujours avec une curiosité nouvelle, parce qu’on y trouve, malgré la fuite du temps qui les éloigne sans cesse, l’émotion puissante que fait naître le spectacle des grandes fautes, des grandes vertus ou des grands malheurs. Cette remarque s’applique justement à la révocation de l’édit de Nantes, qui, placée entre le XVIe siècle et le XVIIe, forme un point de jonction entre la terreur religieuse et la terreur révolutionnaire, entre la Saint-Barthélémy et 93. Aussi, depuis tantôt deux siècles, les historiens, les publicistes, les économistes, ont-ils insisté tout particulièrement sur ce grand épisode de nos annales. Il est resté pour les protestans le sujet d’une longue et vive polémique, et comme il marque pour eux dans la société moderne l’ère de la persécution et du martyre, ils en ont étudié l’histoire avec une fervente curiosité. Cette étude se rattache à un vaste ensemble de travaux entrepris par les églises réformées sur leurs doctrines et leurs annales, travaux qui depuis quelques années ont été extrêmement féconds. Le mouvement en France a commencé vers 1819 par la fondation de la Société biblique, et depuis lors il ne s’est point ralenti. La Société des Traités religieux, celle des Missions évangéliques, celle pour l’Encouragement de l’instruction primaire, s’établirent successivement de 1821 à 1829, et secondèrent la publication de nombreux ouvrages, parmi lesquels les traductions et les réimpressions des anciens écrivains de la réforme occupèrent le premier rang. Le Mémoire sur la liberté des cultes de M. Alexandre Vinet, les Vues sur le protestantisme en France de M. Vincent, le Musée des protestans célèbres de M. Guizot, sont à peu près les seuls ouvrages originaux et vraiment notables qui sortirent des presses protestantes sous la restauration.

De 1830 à notre temps, le protestantisme a multiplié les preuves de son activité intellectuelle. Tandis que dans la communion catholique on réimprimait les écrivains du moyen âge, qu’on étudiait, pour les faire revivre, l’architecture et l’archéologie sacrées, et qu’on cherchait dans le passé, pour combattre l’indifférence du présent, de grandes leçons et de grands exemples, un mouvement analogue s’accomplissait dans les églises réformées. MM, Alexis Muston. Schmidt, Merle d’Aubigné, Borel. Monastier, Coquerel, Crottet, publièrent, dans l’espace de quelques années, l’histoire des Vaudois, des Cathares, de la Réformation au XVIe siècle, des Pasteurs du Désert, des Églises de Nîmes, de Pons, de Gémozac, etc. M. de Felice fit paraître en 1850 une Histoire des Protestans de France, livre d’une foi sévère et ardente, plein d’onction, éloquent même en plusieurs pages, mais trop évidemment écrit sous l’impression des souvenirs du XVIe et du XVIIe siècle. Enfin M. Weiss vient d’ajouter à cette importante série de travaux un livre qui les complète, et qui éclaire d’une lumière nouvelle l’un des côtés les plus curieux et les moins connus, non-seulement du protestantisme, mais même de notre histoire nationale. Jusqu’ici en effet, la question de la révocation de l’édit de Nantes était restée en bien des points obscure et vague. On savait que l’émigration avait été considérable, mais personne encore n’avait suivi les émigrés dans leur exil ; on savait que leur départ, en appauvrissant la France, avait enrichi les états voisins, mais on n’avait point dressé l’inventaire exact des pertes de notre industrie, des bénéfices des industries étrangères ; en un mot, on n’avait point constaté dans le détait et dans l’ensemble les résultats économiques, politiques et intellectuels de la proscription du XVIIe siècle, par rapport à l’Europe et à la France. C’est la recherche de ces résultats qui fait le sujet du livre de M. Weiss. Protestant très convaincu, mais supérieure cet esprit de secte qui se montre en général plus exclusif encore que l’esprit de parti, l’historien des réfugiés français a gardé dans toutes ses appréciations une équité parfaite ; il a marché toujours en s’appuyant sur des faits et des preuves ; il a parcouru une partie de l’Europe, consulté les archives des églises françaises établies hors de France, les traditions et les souvenirs des familles réfugiées, et après plusieurs années d’investigations, il est parvenu à reconstruire l’histoire complète du protestantisme français en Europe, depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours. Cette histoire, on va en juger, est en bien des points celle même du mouvement des idées et du progrès matériel dans tous les états où s’est portée l’émigration française.


L’edit de Nantes, promulgué en 1598, en assurant aux protestans l’égalité civile, la liberté de conscience, la liberté de la parole et de la plume, mit fin aux guerres de religion, mais sans désarmer les haines religieuses. Les luttes avaient été trop ardentes pour ne point laisser après elles, d’un côté comme de l’autre, des ressentimens profonds. Quoi qu’on ait dit d’ailleurs du scepticisme qui avait pénétré dans la société française à l’époque de la renaissance, l’immense majorité de la nation était très sincèrement, très ardemment catholique. De plus, cette antique idée que le roi de France était le fils aîné de l’église laissait dans une foule d’esprits la conviction qu’on ne pouvait se séparer de l’église sans se séparer du roi, et par cela même on se montrait défiant à l’égard des réformés, car, à une époque où l’esprit d’association était si puissant, on ne croyait pas qu’il fut possible de former une secte sans former en même temps un parti complètement isolé du reste de la nation. L’assemblée de Saumur ne justifia que trop cette défiance ; elle organisa au sein du royaume une véritable république représentative, dirigée par de grands seigneurs et administrée, — pour les affaires religieuses, par les consistoires, les colloques, les synodes provinciaux, les synodes nationaux, — pour les affaires civiles, par les conseils provinciaux, les assemblées de cercles et les assemblées générales. Ces assemblées, sous le règne de Louis XIII, se constitueront souverainement. Celle qui fut convoquée à La Rochelle en 1621 fit une déclaration d’indépendance et partagea le royaume en divers gouvernemens militaires. Les réformés prirent les armes cette même année sans aucune provocation ; ils les prirent encore en 1625, au moment même où la paix avec l’Espagne était rompue, car il semble qu’en France il soit dans la destinée fatale des partis politiques ou religieux de profiter, pour satisfaire leur ambition ou leurs rancunes, des malheurs publics ou des embarras de la guerre.

Cette agression dans un pareil moment, dit M. Weiss, qui ne dissimule jamais les torts, de quelque côté qu’ils viennent, souleva la juste colère du roi. Il était indispensable au salut de la France que les réformés cessassent de former un parti politique. Richelieu résolut de frapper un grand coup. Il fit la paix avec tous les ennemis qui pouvaient l’embarrasser au dehors, dépensa 10 millions pour s’emparer de La Rochelle, dernier boulevard du protestantisme armé, et termina la lutte en 1629 par le traité d’Alais, qui garantissait aux réformés le libre exercice de leur culte. Quand il les eut vaincus et réprimés par les armes, il songea, dit-on, à les ramener dans le sein de l’église par la persuasion ou les faveurs, non par zèle pour la foi catholique, mais parce qu’il craignait qu’en laissant subsister au sein de l’état une croyance dissidente, on ne la vit plus tard se réveiller comme parti. En ce point d’ailleurs, Richelieu subissait l’influence de la tradition du moyen âge, qui posait comme un axiome de salut public ce précepte absolu : Une loi, un roi, une foi. Le grand ministre échoua dans cette tentative, et il se disposait à user de contrainte, quand la mort vint l’arrêter dans ses projets. Mazarin fut plus conciliant : il laissait chanter le peuple ; il laissa de même les huguenots discuter et se livrer sans entraves à leur ardeur ou plutôt à leur monomanie pour la controverse. « Le petit troupeau, disait-il, peut brouter de mauvaises herbes, pourvu qu’il ne s’égare pas. » Dès ce moment, le protestantisme, accepté comme croyance, entra dans une phase nouvelle. La plupart des hommes qu’il avait ralliés à ses doctrines appartenaient à la partie riche et active de la population, et le nombre en était considérable, puisqu’ils avaient dans le royaume plus de huit cents églises. Habitués depuis longtemps à une vie difficile et à la lutte, les protestans français appliquèrent à l’industrie et au grand commerce leur intelligence et leur activité, et il en résulta tout à coup dans notre pays un progrès extraordinaire, un mouvement d’affaires jusqu’alors inconnu.

Ici se place une question intéressante et qui n’a jamais été jusqu’ici résolue d’une manière complète : nous voulons parler de l’incontestable supériorité que les protestans du XVIIe siècle acquirent dans le commerce et l’industrie sur la population catholique. Il est pour nous très évident que, si les réformés perfectionnèrent la fabrication des étoffes et des tapis, l’art du teinturier, du tanneur, etc., cela ne tenait point à leurs doctrines, et il nous parait également fort difficile d’admettre qu’en fait d’intelligence ils se soient trouvés tout à coup, par le seul fait de leur séparation d’avec l’église romaine, beaucoup mieux partagés que leurs anciens coreligionnaires. Il faut donc chercher des causes plus positives et plus mondaines. Or ces causes, nous le pensons, tiennent avant tout à ce fait trop peu remarqué, qu’ils se trouvèrent complètement en dehors de l’ancienne constitution des corps d’arts et métiers, et qu’ils furent par cela même dégagés des entraves sans nombre que les statuts des corporations imposaient à ceux qui en faisaient partie. Par ces statuts, en effet, les procédés de fabrication étaient minutieusement réglés, ce qui rendait très difficile toute espèce de perfectionnement. Les heures de travail, l’emploi des matières premières, le nombre des ouvriers de chaque état, étaient réglés comme la fabrication, et les gens de métier se trouvaient par cela même emprisonnés dans la routine. Ils étaient de plus soumis à une foule d’impôts onéreux qui absorbaient une partie des profits du travail. L’association des capitaux et des bras était sévèrement interdite. Le chômage des fêtes, l’obligation d’assister aux honneurs du corps, c’est-à-dire aux noces, aux baptêmes, etc., la défense de travailler à la lumière, paralysaient les bras pendant une grande partie de l’année. Comme le remarque avec raison M. Weiss, les protestans travaillaient trois cent dix jours par an, tandis que Les catholiques ne travaillaient que deux cent soixante jours, ce qui assurait aux premiers la supériorité d’un sixième de temps par année de travail. Les statuts des corps de métiers, en imposant à leurs membres l’obligation d’être nés dans l’église catholique, avaient affranchi fatalement les réformés de toutes les charges qui pesaient sur les métiers ; libres de s’unir, par cela seul qu’ils étaient huguenots, ils réalisèrent les premiers en France l’association des bras et du capital ; ils formèrent les grandes entreprises des manufactures réunies, établirent le salaire proportionnel au travail, perfectionnèrent les procédés de fabrication, et se trouvèrent, en présence d’une législation qui datait du moyen âge, jouir de tous les bienfaits du régime moderne. Ils étaient arrivés à la liberté par l’exclusion, ils arrivèrent par la liberté à la fortune, et le dicton : Riche comme un protestant, fut bientôt populaire dans tout le royaume.

Vers 1660 cependant, une ère nouvelle commença pour les réformés français. L’esprit de persécution se réveilla dans le gouvernement, sans qu’aucun acte hostile eût provoqué de leur part la rigueur avec laquelle on les traitait. En 1662, Louis XIV fit raser vingt-deux temples dans le pays de Gex ; en 1664, il interdit aux réformés l’exercice d’une foule de professions, et comme on ne s’arrête jamais dans la violence, on aggrava chaque jour la rigueur des mesures cœrcitives. Les enfans, enlevés à leur famille, furent contraints, dès l’âge de sept ans, d’abjurer la croyance dans laquelle ils étaient nés. On supprima les pensions des officiers réformés et celles de leurs veuves ; on abolit les lettres de noblesse récemment accordées, et, comme si la violence ne suffisait pas, on eut recours à l’argent. En 1677, Louis XIV établit une caisse secrète alimentée par les droits régaliens, et dont les fonds furent appliqués à l’achat des consciences. Cette caisse était administrée par Pélisson ; l’argent était envoyé aux évêques, qui adressaient au roi les procès-verbaux d’abjuration et les quittances. Il en coûtait six livres par tête. Ce qu’il y a de plus étrange au milieu de tout cela, c’est que Louis XIV n’avait, à l’égard des protestans, aucune haine ; il croyait sincèrement travailler à leur bonheur tout en travaillant à son propre salut, et il recommandait sans cesse de les traiter avec douceur, il faut du reste reconnaître ce fait, que ce prince fut presque toujours trompé par ses agens ; qu’on lui expédia souvent de fausses dépêches, et que dans la généralité de Paris, qui se trouvait pour ainsi dire, plus près de ses yeux et de sa surveillance personnelle, la persécution fut beaucoup moins cruelle, il subissait d’ailleurs des influences fatales auxquelles son manque absolu d’instruction le rendait très accessible, et Mme de Maintenon, entre autres, pour qui l’histoire a été, ce nous semble, beaucoup trop indulgente, irritait sa dévotion, mal entendue et tout extérieure. Après s’être montrée longtemps conciliante, la petite-fille de d’Aubigné, la veuve de Scarron devenue reine, la calviniste devenue catholique, se jeta en vieillissant dans le prosélytisme avec cette dureté que développe souvent chez les femmes mêlées à de grandes intrigues politiques l’impérieuse faiblesse de leur sexe. Louvois, dont l’humeur s’accommodait de la violence, activa la persécution ; il y mêla du militaire suivant le mot de Mme de Caylus, et les dragons furent chargés de seconder les missionnaires, on ne sait que trop comment ils s’acquittèrent de cette tâche et par quels actes sauvages ils déshonorèrent leur titre de chrétiens et de soldats. Il y eut alors autour du roi comme une sorte de conspiration, d’une part pour lui cacher les cruautés exercées sur une partie de ses sujets, de l’autre pour lui faire croire que le miracle de la conversion s’était accompli dans tout le royaume. Trompé par de faux rapports et des abjurations arrachées par la contrainte et l’argent, Louis XIV se persuada qu’il avait à peu près complètement extirpé l’hérésie, qu’il fallait en faire disparaître les derniers vestiges et frapper un coup décisif pour abattre le petit nombre de ceux qui s’obstinaient encore dans la foi nouvelle. Dans cette pensée, il signa, le 22 octobre 1685, la révocation de l’édit de Nantes. Les considérans de cet édit célèbre portaient que tous les efforts de son aïeul et de son père avaient eu pour but de faire triompher la religion chrétienne, mais que la mort de Henri IV et les guerres soutenues par Louis XIII avaient retardé l’accomplissement de ce grand dessein ; qu’il avait, quant à lui, continué leur œuvre, et plus heureusement, « puisque la meilleure et la plus grande partie de ses sujets de la religion prétendue réformée avaient embrassé la religion catholique. » En conséquence, l’édit de Nantes était inutile, et il le révoquait, ainsi que tous les articles particuliers qui avaient été ajoutés depuis. Le grand roi cependant n’était point tellement rassuré sur son triomphe, qu’il ne crût devoir recourir aux mesures les plus rigoureuses pour le consolider. Par une contradiction singulière, après avoir déclaré que le protestantisme était abattu, il le traitait encore comme un ennemi redoutable, et il ordonnait que tous les temples fussent démolis, les enfans baptisés par les curés des paroisses et les écoles des religionnaires fermées dans tout le royaume. Les ministres devaient se convertir ou quitter la France dans un délai de quinze jours sous peine des galères, et, par une contradiction nouvelle, tandis que l’édit plaçait les pasteurs réformés entre l’exil ou la conversion, il défendait en même temps aux autres réformés de sortir du royaume. Après les avoir privés de toute liberté religieuse et civile, le roi les enchaînait ainsi à la persécution, en attendant qu’il plût à Dieu de les éclairer.

Le jour même où fut enregistré l’édit de révocation, on commença la démolition des temples. Ce fut une véritable croisade, et dans tous les rangs de la population catholique on applaudit à ce qu’on appelait la piété du roi et à la victoire qu’il venait de remporter sur l’hérésie. La révocation de l’édit de Nantes, il est triste de le dire, fut populaire comme la Saint-Barthélémy. Les jansénistes applaudirent, tout en recommandant la modération ; les jésuites applaudirent en recommandant la violence, et parmi les personnages éminens qui combattirent ou blâmèrent les convertisseurs, on ne cite guère que le marquis d’Aguesseau, le cardinal de Noailles, le marquis de Pomponne, Catinat, Vauban, Colbert. Saint-Simon et Marine, qui dans la tragédie d’Esther, représentée en 1689, fit plusieurs allusions aux événemens qui s’accomplissaient sous ses yeux. Fénélon se prononça également pour la clémence ; il adressa au roi un mémoire où il lui donnait des avis sévères et peignait le père Lachaise, son confesseur, comme un aveugle qui en conduisait un autre : « Vous n’aimez point Dieu, disait l’archevêque de Cambrai ; vous ne le craignez même que d’une crainte d’esclave. C’est l’enfer et non pas Dieu que vous craignez. Votre religion ne consiste qu’en superstitions, en petites pratiques superficielles. Vous êtes scrupuleux sur des bagatelles et endurci sur des maux terribles, etc. » La voix de Fénelon ne fut point écoutée. Mme de Maintenon, par haine du père Lachaise, parut un instant incliner elle-même vers la modération : mais les rigueurs ne furent point adoucies.

Ce fut là la folie du grand règne, folie cruelle et qui n’eut point uniquement sa source dans les passions religieuses. On avait vu au XVIe siècle Condé et Coligny se jeter avec ardeur dans le parti de la réforme, parce que les Guises étaient catholiques ; on vit dans le siècle suivant Le Tellier et Louvois, ennemis de Colbert, s’acharner à représenter les protestans comme des sujets rebelles, parce que, suivant la juste remarque de Voltaire, Colbert les représentait comme des sujets utiles. Les protestans d’ailleurs étaient riches ; ils possédaient d’importantes manufactures, de grandes propriétés. On vit dans la persécution un moyen de se débarrasser d’une concurrence redoutable, et dans la vente forcée de leurs biens une source de spéculations avantageuses. Une grande partie de la nation encouragea par ces motifs les rigueurs de Louis XIV, et Mme de Maintenon elle-même ne rougit pas de se montrer favorable à la bande noire.

Frappés tout à la fois dans leur conscience. leur liberté, leur fortune, menacés jusque, dans leur existence, les réformés s’obstinèrent néanmoins à espérer ; ils s’étaient habitués depuis si longtemps à regarder Louis XIV comme le père de ses sujets, qu’ils ne pouvaient croire qu’il fût le persécuteur acharné d’une partie d’entre eux. Il fallut bientôt renoncer à cette illusion : la pénalité fut aggravée d’une manière effrayante. Lorsque les huit cents temples du royaume eurent été rasés au niveau du sol, on décréta, contre ceux des réformés qui retourneraient aux anciennes pratiques de leur culte, le fouet, les galères, la marque du fer rouge, la mort. Défense fut faite sous les mêmes peines de quitter le royaume. Il n’y eut d’exception que pour le maréchal de Schomberg, le marquis de Ruvigny et le vieux Duquesne, alors âgé de quatre-vingts ans. Tout espoir était perdu désormais, et cependant les réformés semblaient confirmés dans leur foi par la persécution. Ils résistèrent, obstinément, parce qu’ils se regardaient comme ayant un motif sacré de résister. On eut beau surveiller les côtes, les frontières et les chemins, encourager la délation, promettre des récompenses considérables à ceux qui ramèneraient les fugitifs, envoyer par bandes aux galères, en les chargeant des chaînes les plus gênantes et les plus lourdes qu’on put trouver, les émigrans qu’on était parvenu à saisir ; ils glissaient entre les mains des surveillans et des gardes, et bon nombre de catholiques, attendris par tant de malheurs, favorisèrent leur fuite. Que devinrent ces proscrits qui furent dispersés plus loin que les Juifs ? Quel fut le sort de ces colonies françaises qui se fondèrent à la fin du XVIIe siècle sur tous les points de l’Europe ? Qu’ont-elles fait pour payer l’hospitalité que leur accordèrent l’Allemagne, le Danemark, l’Angleterre, la Hollande, la Suisse et l’Amérique ? Quels élémens nouveaux de prospérité ont-elles portés dans leurs patries adoptives ? Quelles pertes leur éloignement a-t-il fait essuyer à cette terre natale qui les avait si durement repoussées de son sein ? Telles sont les questions qui se posent maintenant à nous avec la récente Histoire des Réfugiés français, et auxquelles nous allons essayer de répondre.

La révocation de l’édit de Nantes était à peine connue en Europe, que tous les états protestans, amis ou ennemis de la France, s’empressèrent, par sympathie religieuse et par calcul politique, d’offrir un asile aux réfugiés. L’Europe entière avait compris le parti qu’elle pouvait tirer de l’émigration. L’électeur Frédéric-Guillaume, pour attirer les réformés proscrits dans le duché de Brandebourg, qui devait devenir bientôt le royaume de Prusse, leur assura, dès le mois d’octobre 1685, par l’édit de Potsdam, un asile inviolable dans ses états et de nombreux privilèges. Le pays messin seul versa dans le Brandebourg plus de trois mille personnes qui y portèrent environ 2 millions d’écus, et comme les résidens prussiens épiaient les émigrans à leur sortie de France pour les engager à profiter des privilèges offerts par Frédéric-Guillaume, on en compta bientôt dans ses états plus de vingt-cinq mille, qui reçurent des avantages de, toute espèce : on leur donna le droit de bourgeoisie, l’exemption de tout impôt, des terres, des maisons, des instrumens de travail, et des grades supérieurs à ceux qu’ils occupaient en France. Les soldats formèrent cinq régimens, et six cents officiers environ furent répartis dans les rangs de l’armée prussienne. Les marins recrutèrent la flotte que l’électeur avait formée, et allèrent fonder diverses colonies sur les côtes de la Guinée, au Sénégal et dans les îles de Saint-Thomas et de Saint-Eustache. La destinée militaire des réfugiés qui trouvèrent un asile en Prusse fut des plus brillantes, et les armées de Louis XIV les retrouvèrent en face d’elles à l’avant-garde aux batailles de Neuss, de Fleurus, de Malplaquet, aux sièges de Bonn et de Namur. Quelques-uns s’élevèrent aux grades de généraux, et contribuèrent puissamment dans la guerre contre les Suédois à assurer la prépondérance « lu Brandebourg dans le nord de l’Allemagne. Leurs descendans reparurent avec éclat dans la guerre de sept ans, et les noms de plusieurs d’entre eux, La Motte-Fouqué, Haulcharmoy, Dumoulin, Forcade, sont inscrits sur la colonne érigée à Berlin en l’honneur du grand Frédéric.

Les commerçans rendirent à leur nouvelle patrie des services non moins signalés, et l’on peut dire qu’ils créèrent complètement l’industrie prussienne, ou plutôt qu’ils enrichirent la Prusse des plus belles et des plus importantes industries de la France : la chapellerie, la ganterie, la teinturerie, les velours, les soies, les tapis d’Aubusson, etc. Grèce à leurs efforts intelligens, Halle et Magdebourg devinrent en peu d’années de grandes villes manufacturières. La concurrence anglaise et française fut écrasée, et en même temps qu’ils affranchissaient la Prusse des importations étrangères, ils lui créaient de nombreux débouchés avec la Pologne, la Russie et la Suède, et fondaient, par le comptoir d’escompte dit bureau d’adresse, le premier établissement de crédit commercial qu’ait possédé la monarchie de Frédéric.

L’influence des protestans français ne fut pas moins grande sous le rapport du développement intellectuel de la Prusse que sous le rapport industriel et commercial. Frédéric Ier, qui descendait par sa mère de l’amiral de Coligny, seconda puissamment les travaux scientifiques et littéraires des réfugiés. Il fonda en leur faveur le collège français, l’académie des nobles et l’Institut français. Lacroze, Ancillon, Basnage, de Vignolles, Pelloutier, Formey, entrèrent à l’académie de Berlin, et créèrent en 1696 le Nouveau journal des Savans. La Prusse devint dès lors, comme la Hollande, une sorte de champ d’asile ouvert à ceux qu’on appellerait aujourd’hui les libres penseurs. Il s’y forma une littérature française, complètement indépendante, et surtout très hostile à la politique du gouvernement français. Les calvinistes frayèrent la route aux philosophes, et s’il est vrai que la réforme et plus tard la philosophie préparèrent la révolution française, on peut dire aussi sans exagération que les plus vives attaques contre la société française du XVIIIe siècle sont parties de Potsdam et de Berlin ; c’est même peut-être à l’influence des réfugiés, à la haine qu’ils avaient semée autour d’eux contre la France, qu’on a dû de voir la Prusse marcher en tête de la coalition de 1792.

En suivant jusqu’à notre temps l’histoire de la descendance des réfugiés français en Prusse, on rencontre quelques-uns des noms les plus célèbres de l’Allemagne moderne. Par sa mère, M. de Humboldt appartient à la colonie française. Adalbert de Chamisso, que Hoffmann, le fantastique conteur, reconnaissait comme son maître ; Frédéric Ancillon, à qui l’on doit le Tableau des révolutions du Système politique de l’Europe, et qui fut longtemps ministre dirigeant du cabinet de Berlin ; Charles de Savigny, le restaurateur de la science du droit romain ; Michelet, l’un des représentans les plus distingués de l’école hégélienne ; La Motte-Fouqué, l’auteur du célèbre roman d’Ondine, sont tous les arrière-petits-fils de la France ; ils ont gardé dans leur patrie adoptive la vive empreinte du génie national de leurs ancêtres, la méthode, la clarté, la tendance aux applications pratiques, et l’on peut dire, sans exagération que l’Allemagne n’a point de savans ou d’écrivains plus populaires. Les travaux d’érudition de M. de Savigny, par exemple, ont créé en Prusse tout un système législatif et politique, système du reste complètement opposé à l’influence et aux idées françaises.

Les réfugiés de la Prusse ont gardé longtemps la constitution particulière et autonome qu’ils avaient adoptée au XVIIe siècle ; ils ont formé longtemps des communes distinctes, et ce n’est qu’en 1808 que leur organisation fut complètement modifiée. Une réaction violente centre la langue et la littérature françaises s’était opérée après la mort de Frédéric II ; les guerres de la révolution et de l’empire la rendirent plus vive encore. Le gouvernement prussien, après la bataille d’Iéna, proscrivit la langue des vainqueurs ; les réfugiés en grand nombre germanisèrent leur nom, et aujourd’hui ils sont pour la plupart complètement absorbés dans la population indigène.

Dès le premier moment de la révocation de l’édit de Nantes, la Hollande ne se montra pas moins empressée que la Prusse à profiter de la faute immense que venait de commettre le gouvernement de Louis XIV. Depuis longtemps déjà, ce pays était ouvert aux vaincus de tous les partis, aux proscrits de toutes les croyances. Il s’était ouvert, pendant la guerre de trente ans, pour les Allemands fuyant Wallenstein, pour les Anglais fuyant Marie Tudor, pour les Wallons, les Brabançons et les Flamands fuyant le duc d’Albe et le prince de Parme. Lorsque Henri III en 1583, publia l’édit de conversion, la Hollande recul de nombreux émigrans français ; elle en reçut encore un très grand nombre de 1668 à 1681, et elle les accueillit tous avec le plus vif empressement. Le prince d’Orange, qui déjà rêvait la couronne d’Angleterre, comprit toutes les ressources que lui offrait l’émigration militaire de la France : il fit voter par les états 180,000 florins affectés à la dépense des officiers, et pourvut avec une égale sollicitude à l’établissement des ouvriers et des commerçans. Le comte d’Avaux, ambassadeur en Hollande, en voyant le tort immense que l’émigration causait à la France, adressa des représentations fort justes à Louis XIV ; mais le monarque ne vit dans les rapports de son ambassadeur que les effets d’une imagination blessée. Dans la seule année 1686, soixante quinze mille nouveaux réfugiés vinrent s’établir dans les Provinces-Unies, et, comme la plupart d’entre eux parvenaient, malgré les efforts du gouvernement français, à réaliser leur fortune avant de franchir la frontière, l’argent afflua tellement dans la Hollande, qu’on 1687 le taux de l’intérêt à Amsterdam était tombé à 2 pour 100, et que cette ville seule servait aux protestans français 150,000 florins de rentes viagères.

Sous le rapport commercial, les résultats de l’émigration pour les Provinces-Unies ne furent pus moins importuns. Harlem vit s’établir d’importantes fabriques de ces magnifiques étoffes de soie à fleurs qu’on appelait belles triomphantes. Amsterdam, qui jusqu’alors avait été exclusivement maritime, devint en peu d’années une des cités manufacturières les plus importantes de l’Europe. La Hollande, par son commerce cosmopolite, fit sur tous les marchés du monde une concurrence victorieuse au commerce français, en même temps qu’elle s’affranchissait vis-à-vis de la France d’un tribut annuel de plus de 42 millions qu’elle lui payait pour achat de montres, de dentelles, et d’étoffes de soie, de gants, de quincaillerie, etc. Les colonies profitèrent comme la métropole. Trois mille réfugiés environ se rendirent au cap de Bonne-Espérance et peuplèrent une vallée qu’on désigne encore aujourd’hui sous le nom de Vallée des Français, ils la transformèrent en un immense vignoble, et y produisirent pour la première fois ces vins fumeux du Cap, qui font sur tous les marchés de l’Angleterre une si rude concurrence à nos vins français. Perdue à l’extrémité du monde, la colonie française du Cap est encore représentée aujourd’hui par une population d’environ quatre mille âmes, et elle habite principalement deux grands villages nommés, l’un le village de Charron, du nom de son fondateur, l’autre le village de La Perle. Tout en gardant fidèlement le culte et la langue des ancêtres, elle est devenue tellement étrangère à cette vieille Europe, dont la sépare l’immensité des déserts ou des mers, que parmi ceux qui la composaient en 1828, personne ne savait que la France, depuis la fin du dernier siècle, avait enfin proclamé la liberté de conscience comme le dogme inviolable des sociétés modernes.

Au double point de vue de la politique et de la guerre, les réfugiés français de la Hollande exercèrent sur les affaires de leur temps une très grande influence. Tandis que les réfugiés de Londres préparaient de longue main l’avènement du prince d’Orange au trône d’Angleterre, celui-ci recrutait principalement avec les réfugiés de la Hollande l’armée qui devait, à la bataille de la Boyne, lui assurer la couronne. Ce fut un réfugié, Brousson, qui conçut la pensée de la ligne d’Augsbourg, et plus tard, quand éclata la guerre de la succession, des ingénieurs français, sortis de l’école fondée par Louvois, dirigèrent les sièges entrepris par les armées des alliés. Enfin la haine contre la France était si ardente au cœur de ses enfans proscrits, qu’en 1708 des officiers protestans au service de la Hollande pénétrèrent de Courtrai jusqu’aux environs de Versailles, et vinrent enlever, sur le pont de Sèvres, le premier écuyer du roi, M. de Beringhen.

Nous avons dit que la colonie française de Berlin, religieuse ou philosophique, contribua puissamment à préparer la révolution française ; on peut dire avec autant de raison que la colonie littéraire de la Hollande contribua à préparer en France l’avènement du scepticisme philosophique au XVIIIe siècle. Aussi longtemps que les calvinistes étaient restés les sujets de Louis XIV, ils s’étaient tenus prudemment sur la défensive : du moment où ils eurent franchi la frontière, ils commencèrent l’attaque avec une vivacité sans égale. L’esprit de parti s’allia à l’esprit de secte. Bayle fraya la voie où bientôt Voltaire devait entraîner son siècle. En 1689, le livre intitulé les Soupirs de la France esclave mit en cause le principe de la royauté, et fit pour la première fois un appel à la nation contre le monarque qui la gouvernait. Claude, dans un autre écrit non moins célèbre, les Plaintes des protestans de France, publia un manifeste violent en faveur de la coalition contre Louis XIV. Jurieu se posa fièrement en adversaire de Bossuet. Les Hollandais, qui gardaient de notre injuste agression un profond ressentiment, laissaient faire et laissaient dire. Tous les livres proscrits, tous les livres précurseurs des grandes secousses politiques, les Contes de La Fontaine, le Contrat social, la Nouvelle Héloïse, l’Emile, et une foule de pamphlets hostiles au gouvernement français ou au catholicisme, furent imprimés dans les Provinces-Unies. C’est là qu’est née la presse périodique ; c’est là qu’ont été fondées les premières revues, telles que la Gazette de Harlem, le Mercure historique et politique, qui devint plus tard la Gazette, de Leyde, si célèbre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Bibliothèque universelle, la Bibliothèque choisie, la Bibliothèque des Sciences, etc. Ce furent des réfugiés, tels que Basnage, Elie Benoît et Michel Janiçon, qui dotèrent les premiers la Hollande de travaux vraiment sérieux sur sa propre histoire. La langue française se substitua partout à la langue latine, dont l’usage était général dans les écoles hollandaises. Cette propagation de l’idiome national fut, il faut en convenir, une faible compensation pour les dommages que les émigrés calvinistes causèrent à leur ancienne patrie, et cette importation de notre langue, au lieu d’étendre notre influence, ne servit qu’à la combattre et à l’atténuer. À l’exception de Bayle, les publicistes français naturalisés en Hollande furent avant tout des pamphlétaires et des controversistes de circonstance. D’ailleurs le français, tel qu’ils l’écrivirent, perdit bientôt sa verve et son éclat ; il prit une tournure hollandaise, et devint, sous le nom de français réfugié, une langue à part, toute hérissée de barbarismes.

En Angleterre, les réfugiés n’avaient pas trouvé un accueil moins sympathique qu’en Hollande. Longtemps avant la révocation de l’édit de Nantes, la cause des protestans français était regardée en Angleterre comme une cause nationale. M. Weiss cite même un mémoire du British Muséum dans lequel on cherchait à établir qu’en France le protectorat des réformés appartenait de droit à la Grande-Bretagne. Aussi, durant les longues guerres du XVIe siècle, le gouvernement anglais ne cessa-t-il jamais d’intervenir d’une manière plus ou moins directe dans nos luttes religieuses. Il aida puissamment au triomphe d’Henri IV, et ce fut là, sans aucun doute, un des services les plus signalés qu’une alliance anglaise ait jamais rendus à la France, car Henri IV représenta l’ordre après l’anarchie, la tolérance après l’esprit de fanatisme, la grandeur et la force du pays après de longues années d’épuisement et de faiblesse.

Déjà, dans les invasions des XIVe et XVe siècles, les Anglais, on le sait, avaient eu soin de transporter en Angleterre les ouvriers français les plus habiles qu’ils trouvaient établis dans les villes momentanément soumises à leur domination. À plus forte raison devaient-ils profiter avec empressement du secours inespéré que la persécution apportait à leur industrie naissante, et ils en profitèrent en effet avec cette entente pratique des affaires qui les a distingués dans tous les temps. Le 28 juillet 1681, Charles II, tout pensionné qu’il était par Louis XIV, accorda, par ledit de Hamptoncourt, des lettres de naturalisation et de grands privilèges aux émigrans. Onze cent cinquante d’entre eux furent naturalisés dans la même année, et en moins de dix ans, c’est-à-dire de 1680 à 1690, leur nombre s’éleva à plus de quatre-vingt mille. La plupart se fixèrent à Londres. Des habitans d’Amiens, de Cambrai et de Tournai formèrent à Édimbourg un quartier nouveau qui reçut le nom de quartier de Picardie. Les officiers et les soldats qui avaient suivi le prince d’Orange reçurent en Irlande, du gouvernement ou des propriétaires du pays, d’importantes concessions de terres, et formèrent autour de Dublin des colonies destinées à protéger cette ville. Le trésor public et la charité privée vinrent en aide en même temps aux familles pauvres. Jamais l’hospitalité d’un grand peuple ne s’exerça plus magnifiquement, et jamais, on peut le dire, l’hospitalité ne lui payée par de plus grands services.

Lorsque Guillaume d’Orange s’embarqua à Naerden pour conquérir le trône d’Angleterre, sur les douze mille hommes qui composaient sa petite armée, on ne comptait pas moins de trois régimens d’infanterie française et de sept cent trente officiers réfugiés, vieux soldats qui avaient appris la guerre sous Condé et Turenne. C’était un Français, Goulon, qui commandait l’artillerie ; c’était un maréchal de France, Schomberg, qui dirigeait les opérations. En reconnaissant sur le champ de bataille le corps expéditionnaire que Louis XIV avait envoyé, sous les ordres du duc de Lauzun, pour combattre Guillaume, Schomberg dit aux régimens réfugiés : Messieurs, voilà nos ennemis, en avant ! Ceux-ci se portèrent à l’attaque avec une fureur irrésistible et décidèrent la victoire. Un fait analogue se produisit sur le champ de bataille d’Almanza. Un régiment de réfugiés cévenols, qui combattait avec l’armée anglaise, se trouva placé en face d’un régiment français qui s’était signalé contre les camisards ; les deux troupes, en se reconnaissant, s’élanceront à la baïonnette l’une contre l’autre avec une telle furie, que des deux côtés il ne resta pas trois cents hommes debout. Le maréchal de Berwick, qui fut témoin de ce combat, n’en parlait jamais sans émotion, en disant que de sa vie il n’avait vu une pareille rage et une plus terrible action de guerre.

En contribuant à placer Guillaume d’Orange sur le trône d’Angleterre, les soldats protestans avaient couronné le plus redoutable ennemi de Louis XIV ; les ouvriers protestans à leur tour, en portant dans la Grande-Bretagne leur intelligence et leurs bras, donnèrent un essor jusqu’alors inconnu à l’industrie de leur patrie adoptive, et l’affranchirent de 47 millions de marchandises qu’elle achetait, année moyenne, sur nos marchés. Toujours habiles à profiter de nos revers industriels, les Anglais ne se bornèrent point à attirer et à retenir chez eux les travailleurs protestans ; ils recrutèrent également, et en très grand nombre, des ouvriers catholiques, en leur offrant, avec le libre exercice de leur culte, les mêmes avantages qu’aux réformés. Sur les vingt mille tisserands qui se trouvaient à Laval et aux environs, quatorze mille passèrent dans la Grande-Bretagne et y naturalisèrent la fabrication des toiles à voiles, dont la France avait eu jusqu’alors le monopole. Tours, dont Henri IV avait voulu faire la capitale manufacturière de la France centrale, perdit trente-mille habitans. Il en fut de même à Lyon, où le nombre des métiers de soieries était descendu, en 1698, de quinze mille à quatre mille. Pendant ce temps, les manufactures anglaises prospérèrent en raison directe de la décadence de nos propres manufactures. La fabrication des étoffes de soie occupait dès 1694 plus de mille métiers à Cantorbéry, et bientôt le commerce des soieries, dont nous avions eu jusque-là le monopole, nous fut disputé par nos voisins. Les réfugiés leur portèrent le secret de la fabrication du taffetas dit taffetas d’Angleterre, et cette branche fut complètement perdue pour nous, ainsi que les brocarts, les satins, les velours, les horloges, les cristaux, la quincaillerie, les instrumens de chirurgie, dont nous les avions en grande partie approvisionnés jusqu’alors. Il en fut de même pour les batistes, les tapisseries des Gobelins et les chapeaux en poil de lapin, de chèvre et de castor. Ces chapeaux, dits de Caudebec, avaient été longtemps pour la France l’objet d’un commerce important et tout à fait exceptionnel, car même dans le XVIIe siècle, une foule de recettes industrielles étaient encore à l’état de secrets. Les procédés occultes de la fabrication des caudebecs furent emportés en Angleterre, et les cardinaux romains eux-mêmes, qui jusque-là s’en étaient fournis chez nous, furent obligés de les acheter à la manufacture de Wandsworth.

Ainsi, par la proscription de 1685, Louis XIV détruisait lui-même ce qu’il s’était efforcé de créer. Le père Lachaise avait presque ruiné l’œuvre immense de Colbert. La Grande-Bretagne, jusqu’alors tributaire, s’était affranchie de la France, et elle travaillait, avec les bras de nos ouvriers, à nous supplanter sur tous les marchés du monde. Par un brusque retour vers l’intolérance du moyen âge, par un démenti cruel donné aux progrès de la civilisation dont elle était si fière, la France s’était faite l’auxiliaire la plus active de la grandeur et de la prospérité d’une puissance rivale. Dans la seule année 1689, on convertit en argent anglais 900,000 louis d’or, perte d’autant plus irréparable que nous ne possédions guère à cette époque plus de 500 millions de numéraire. Quant à la littérature des réfugiés, elle eut de l’autre côté du détroit beaucoup moins d’influence qu’en Prusse et en Hollande, et le seul ouvrage important publié par les protestans français fut l’Histoire d’Angleterre, de Rapin Thoyras, qui prit, comme officier, une part très active à l’expédition de Guillaume d’Orange.

La Suisse, qui depuis longtemps était devenue, comme la Hollande et l’Angleterre, une terre d’asile pour tous les proscrite, reçut également un assez grand nombre d’émigrés protestans. Genève profita utilement, pour ses fabriques d’horlogerie, de la présence de ses nouveaux hôtes. Les paysans du Languedoc et du Dauphiné introduisirent dans les cantons la culture de la vigne et du mûrier ; mais comme en général la Suisse était pauvre et peu commerçante, les réfugiés qui disposaient de quelques ressources furent à peu près les seuls qui s’y fixèrent. Ils y portèrent, comme partout, une haine irréconciliable contre la France, et leur rôle, à la fin du XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe fut avant tout un rôle politique. Berne, Zurich, Schaffhouse, Saint-Gall, tout en conservant leurs relations diplomatiques avec la France, entretinrent des rapports suivis avec Guillaume d’Orange, devenu roi d’Angleterre, et donnèrent des troupes à la grande coalition européenne. Genève, sommée par Louis XIV d’expulser les réfugiés, fui contrainte d’obéir à cet ordre, mais elle se vengea par des mesures occultes plus fatales au grand roi qu’une rupture ouverte. Tous les cantons embrassèrent sa querelle. Pendant la guerre des Cévennes, ils secondèrent activement les camisards. Il en fut de même lors de la guerre de la succession. Les réfugiés avaient tellement popularisé la haine contre leur propre pays, qu’en 1707, lorsque le prince de Conti éleva, concurremment avec la maison de Brandebourg, des prétentions sur la principauté de Neufchâtel, les cantons, excités par leurs intrigues, déférèrent la souveraineté de ce petit état à Frédéric Ier, et c’est là ce qui explique ce droit d’intervention que la Prusse n’a jamais cessé depuis de réclamer dans les affaires de la confédération helvétique. Louis XIV eut beau menacer, les cantons répondirent par des préparatifs de guerre. Cette fois encore, comme toujours, les réfugiés se placèrent à l’avant-garde ; l’Europe coalisée leur promit son appui, et le grand roi fut forcé de céder. Ainsi, par rapport à la Suisse, la révocation de l’édit de Nantes eut encore pour la France des résultats funestes. Elle changea en hostilité sourde la neutralité jusqu’alors bienveillante d’un état voisin, et elle déposa dans les cantons les germes d’un esprit anti-français qui s’est depuis réveillé dans maintes circonstances.

Telle est l’histoire de L’émigration protestante dans les pays les plus rapprochés de la France ou dans ceux où elle exerça le plus d’influence ; il faut la suivre maintenant aux extrémités de l’Europe septentrionale. On la retrouve en Danemark, où elle forme quatre colonies importantes, la première à Copenhague, la seconde à Altona, les deux autres à Frédéricia et à Glukstadt. On la retrouve aussi en Suède, où du reste le luthéranisme se montra peu bienveillant à son égard. Enfin on la retrouve en Russie, où les recommandations de l’électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume, avaient préparé aux réfugiés un accueil hospitalier. En 1688, les czars Pierre et Ivan leur accordèrent, par un ukase, le libre accès de toutes les provinces moscovites. Plus de trois mille d’entre eux entrèrent dans le régiment modèle formé par Pierre le Grand, et leur influence se fit glorieusement sentir dans l’instruction et la discipline de l’armée qui devait plus tard triompher à Pultawa. Les sympathies de Pierre le Grand pour les réfugiés ne se démentirent jamais. Lorsqu’il eut bâti Saint-Pétersbourg, il leur permit d’y construire un temple. Il donna des terres à ceux qui voulaient se livrer à la culture, et aujourd’hui même il existe sur les bords du Volga une petite colonie française, agricole et commerçante, qui forme, au milieu de la grande famille moscovite, une famille distincte, dont les membres ont gardé, avec leur culte et leur langue maternelle, l’habit à basques et la perruque du règne de Louis XIV.

L’émigration protestante ne s’arrêta point aux limites de la vieille Europe ; elle se fraya le chemin du Nouveau-Monde, pour chercher, au sein d’une nature sauvage encore et sur une terre inexplorée, cette liberté dont elle était si jalouse. Déjà, au XVIe siècle. Coligny avait formé le projet de réunir sous une seule et même direction et de fixer dans une même colonie de l’Amérique ceux de ses coreligionnaires qui préféraient l’exil à l’abjuration. Une première expédition fut tentée en 1555 par Durand de Villegagnon. Elle échoua complètement. Quelques années plus tard, en I562, Jean Ribault partit de Dieppe avec deux navires, et débarqua près de l’embouchure de la rivière Saint-Jean, qui sépare la Floride moderne de la province de Géorgie : il y construisit le fort Charles, la première citadelle de l’Amérique du Nord sur laquelle ait flotté le drapeau européen ; mais cet établissement fut bientôt abandonné ; Coligny cependant ne se découragea point. Une expédition nouvelle, dont le commandement fut confié à René Laudonnière, vint s’établir dans les mêmes contrées ; les Espagnols, auxquels les nouveaux colons portaient ombrage, s’emparèrent par surprise du fort que ceux-ci avaient construit, et les pendirent en attachant cette inscription au-dessus de leur tête : Pendus comme hérétiques et non comme Français. Un gentilhomme de Mont-de-Marsan, Dominique de Gourgues, résolut de tirer vengeance de cet acte de cruauté : il vendit son patrimoine, recruta deux cents volontaires, et partit du port de Bordeaux en 1567 sur trois navires parfaitement équipés. Sa traversée fut heureuse. Il tomba à l’improviste sur les Espagnols qui s’étaient rendus coupables du meurtre de ses compatriotes, et les fit attacher au gibet avec celle devise : Pendus comme assassins et non comme Espagnols. Lorsqu’il revint en Europe, l’Espagne mit sa tête à prix, après en avoir au préalable obtenu l’autorisation du roi de France.

Dans le cours du XVIIe siècle et longtemps avant la révocation de l’édit de Nantes, un assez grand nombre de réfugiés se rendirent dans le Nouveau-Monde et s’établirent de préférence dans l’état de New-York, la Virginie, le Maryland, et surtout dans la Caroline du sud. De 1680 à 1699, l’émigration s’accrut considérablement. La colonie du Santee et celle de Charleston, la plus importante de toutes, atteignirent un remarquable degré de prospérité. Quatre cents familles environ parmi celles qui les composaient demandèrent au gouvernement de Louis XIV l’autorisation de s’établir dans la Louisiane, à la seule condition qu’on leur accorderait la liberté de conscience. Le ministre Pontchartrain leur répondit que le roi ne les avait pas chassés de ses états pour qu’ils formassent une république dans ses domaines du Nouveau-Monde. L’Angleterre, cette fois encore, s’empressa de profiter de cet incroyable aveuglement. Elle s’efforça, par des faveurs de toute espèce, de fixer les réfugiés dans ses colonies naissantes, « afin, dit l’acte de la législation de la Caroline du sud, de contribuer à l’établissement des manufactures de soie, et de hâter en même temps l’introduction de la vigne et de l’olivier. » Dès ce moment, les réfugiés de l’Amérique, attachés sans retour à leur nouvelle patrie, la fécondèrent par leur travail, la défendirent contre la France et l’Espagne, et s’associèrent à toutes ses luttes et à toutes ses gloires. Des sept présidens qui dirigèrent le congrès de Philadelphie pendant la guerre de l’indépendance, trois, Henri Laurens, Jean Jay, Elie Boudinot, étaient d’origine française. Après avoir suivi l’histoire des colonies protestantes en Amérique, on regrette avec M Weiss que la pensée de Coligny n’ait pu se réaliser, et qu’il ne se soit pas rencontré un chef influent pour rallier sous un même drapeau tous les proscrits et fonder avec eux dans le Nouveau-Monde une France protestante.

On voit quel intérêt s’attache à l’histoire des protestans français en Europe comme dans le Nouveau-Monde. Il ne faudrait cependant pas s’exagérer l’importance intellectuelle de l’émigration, et peut-être pourrait-on reprocher à l’écrivain qui vient de traiter avec des documens nouveaux cette question délicate - d’incliner un peu trop vers cette idée, qu’au XVIIe siècle la supériorité de l’intelligence était tout entière du côté des protestans. M. Weiss lui-même reconnaîtra qu’on peut, sans démentir l’histoire, réclamer l’égalité en faveur des catholiques ; car le mérite de son livre, c’est de ne point s’adresser à telle communion religieuse plutôt qu’à telle autre, mais à tous ceux qui veulent s’instruire par les leçons du passé. Aujourd’hui, grâce aux recherches récentes, c’est avec une pleine connaissance du sujet que l’attention de la France peut se reporter sur les conséquences de la révocation de l’édit de Nantes. On peut mesurer dans toute son étendue et sous les aspects les plus divers le désastre occasionné par ce décret. On a peine à comprendre comment Louis XIV, qui fit de si grandes choses, a pu commettre une pareille faute, comment il ne s’est point arrêté devant la morale humaine, devant l’intérêt de l’état, devant la religion. On se demande comment, à l’exception de Fénelon et du cardinal de Noailles, personne ne s’est rencontré dans le haut clergé français pour lui représenter que jamais la véritable tradition catholique n’avait admis qu’on put employer contre l’hérésie d’autres armes que les armes spirituelles, que saint Augustin avait recommandé de combattre l’erreur et non les hommes, et que l’église gallicane, dans la barbarie même du moyen âge, avait déclaré par la bouche du plus éloquent de ses apôtres, par la bouche de saint Bernard défendant les Juifs, qu’on doit enseigner et persuader la foi, et non l’imposer : fides suadenda, non imponenda.

Au point de vue religieux, la révocation fut un acte complètement inutile, car le protestantisme, comme il arrive toujours pour les croyances religieuses, se soutint et se fortifia par la persécution. En effet, vers 1680, la France comptait environ douze cent mille protestans sur une population totale de vingt millions d’habitans. Aujourd’hui, sur trente-six millions, elle compte environ dix-huit cent mille réformés, et de la sorte la proportion est restée la même. Au lieu de ramener dans le giron de l’église romaine ceux qui s’en étaient séparés, la révocation en éloigna au contraire une foule d’hommes qui se jetèrent dans le philosophisme par crainte d’un despotisme religieux, et le XVIIIe siècle vit se former un parti qui attaqua le catholicisme en prenant pour prétexte la haine de l’intolérance.

Au point de vue gouvernemental, la révocation fut un fait désastreux pour l’autorité royale et pour Louis XIV personnellement ; car, en pénétrant dans le domaine de la conscience, ce prince, qui avait si nettement posé le principe de la séparation des deux pouvoirs, se plaçait pour ainsi dire en dehors du droit dont lui-même avait fixé les règles. Il démentait ainsi et la politique de sa race et sa propre politique ; il reconstituait comme parti le protestantisme, depuis longtemps vaincu et désarmé, et il provoquait la résistance de la part de sujets fidèles et dévoués, qui, éblouis, comme le reste de la nation, par sa puissance et les splendeurs de son règne, n’avaient su jusqu’alors qu’admirer et obéir. Il donna en outre aux coalitions de l’Europe protestante un prétexte en quelque sorte permanent ; il aggrava les rivalités politiques de toutes les haines implacables des passions religieuses, et se plaça par ses proscriptions, vis-à-vis des princes réformés de l’Europe, dans une situation de tous points identique à celle où la convention, un siècle plus tard, se plaça vis-à-vis des rois par le meurtre de Louis XVI.

Au point de vue économique enfin, la révocation fut bien autrement désastreuse encore. Quatre cent mille personnes actives et énergiques, comme celles qui dans tous les temps se portent avec ardeur aux nouveautés téméraires, quittèrent le royaume pour n’y jamais rentrer. Plus de trois cent mille autres, y compris les victimes de la guerre des Cévennes, périrent sur les champs de bataille, sur les galères, sur les échafauds, ou moururent de misère et de faim en cherchant à fuir au-delà des frontières, ou à échapper, en se réfugiant dans les montagnes et dans les bois, à la persécution qui s’efforçait de les saisir partout. Il n’y a point là d’exagération. On n’a, pour vérifier ces chiffres, qu’à consulter les documens officiels du temps, et à faire le total ville par ville, province par province. Cette perte fut d’autant plus regrettable pour la France, que les derniers désastres de la guerre de la succession, et principalement l’hiver de 1709, causèrent dans le royaume une effrayante mortalité. Un nombre considérable de matelots expérimentés, de soldats d’élite, de vieux officiers, formés à l’école de la grande guerre, d’ingénieurs formés à l’école de Vauban, tournèrent contre le pays qui les exilait leur bravoure et leur expérience. Nos manufacturiers les plus riches portèrent hors de France leurs capitaux, nos ouvriers les plus habiles le secret de nos plus belles industries. Nos fabriques, les premières du monde à cette date, furent brusquement paralysées dans leur essor. La Prusse, grâce aux réfugiés, se constitua pour la première fois comme puissance commerciale. Par eux, la Hollande et l’Angleterre, furent initiées à la fabrication de toutes les denrées dont nous avions eu jusqu’alors le monopole exclusif, et notre commerce, perdant ce qu’elles cessèrent de nous acheter pour elles-mêmes, fut diminué de tout ce qu’elles vendirent à ceux que nous avions approvisionnés jusque-là. Après avoir retrouvé sur tous les marchés du monde le commerce des réfugiés, la France retrouva sur tous les champs de bataille leur haine et leur bravoure ; car, il faut le dire, elle n’eut jamais, à de très rares exceptions près, d’ennemis plus implacables. Parmi les calvinistes marquans du XVIIe siècle, Duquesne fut le seul qui resta tout à la fois fidèle à sa croyance et à son pays ; il fit jurer à ses enfans de ne jamais porter les armes contre la France, et ce fut là l’unique exemple de patriotisme que donnèrent ceux qu’atteignit la révocation. Triste effet des passions religieuses, qui sont, on peut le dire, le fléau de la véritable piété, et qui, plus implacables que les passions politiques, ne pardonnent jamais, étouffent dans le cœur des persécuteurs le sentiment de la justice et de la pitié, dans le cœur des proscrits le sentiment de la patrie, et font verser des flots de sang par ceux mêmes qui invoquent le Dieu de paix !


CHARLES LOUANDRE.

  1. 2 vol. in-18,1853, chez Charpentier, rue de Lille.