Les Premières années de Sainte Catherine de Sienne

Les premières années de sainte Catherine de Sienne
Johannès Jœrgensen

Revue des Deux Mondes tome 38, 1917


LES PREMIÈRES ANNÉES
DE
SAINTE CATHERINE DE SIENNE

Deux enfans se promenaient à travers Sienne, un soir de l’année 1352, une petite fille de six ans et un jeune garçon qui pouvait avoir deux années de plus ; Catherine Benincasa et son frère Stefano regagnaient leur demeure de la via dei Tintori, en rentrant d’une visite à leur sœur mariée, Bonaventura, qui demeurait à l’autre bout de la ville, là-haut, près de la tour San Ansano…

Et un soir de l’année 1912, moi, étranger, je cheminais dans Sienne, recherchant autant que possible les traces de ces deux enfans, bien que cinq siècles se soient écoulés depuis lors, car cette promenade à partir de la vieille tour où l’apôtre de Sienne, le martyr saint Ansano, fut, dit-on, emprisonné, jusqu’à Fontebranda, devint pour la petite Catherine Benincasa un événement qui décida de sa vie tout entière, depuis son enfance jusqu’au jour où, âgée de trente-trois ans, elle succomba sous le fardeau du vaisseau de l’Église pesant sur ses épaules.

Ainsi je pense au frère et à la sœur qui, la main dans la main, errent par les rues obscures. Peut-être ne se disent-ils rien l’un à l’autre, car le plus souvent les enfans se promènent ensemble sans prononcer une seule parole ; mais ils pensent, et j’essaie de suivre leur pensée…

A peine savent-ils quelque chose de Duccio, le grand peintre, dont ils atteignent la maison, — la maison où, pendant trois ans, il a travaillé au tableau qui orne le maître-autel de la cathédrale et qui, une fois terminé, fut porté en triomphe à travers la ville, tandis que toutes les cloches sonnaient a gloria, et tout le jour, dit la vieille chronique, on pria beaucoup dans les églises et on distribua nombre d’aumônes aux pauvres, « afin que Dieu et sa sainte Mère nous défendissent de tout mal et préservassent Sienne de tous traîtres et de tous ennemis[1]. »

Néanmoins, Catherine et Stefano n’avaient guère entendu parler de ce grand jour passé depuis quatre-vingts ans. A leur foyer, dans la teinturerie de Fontebranda, il était peu question de l’art et des artistes. En revanche, la prison de San Ansano doit leur avoir produit une grande impression ; haute, sombre, lugubre, elle se dresse encore là-haut, dans Castel-Vecchio, le plus vieux quartier de Sienne ; c’est là que se trouvait autrefois le Prætorium romain, c’est là que saint Ansano confessa la vérité devant le gouverneur et fut torturé jusqu’à la mort.

Tous les enfans de Sienne connaissent son histoire. Saint Ansano vivait mille ans- auparavant ; en ce temps-là, l’Empereur était païen et le Pape ne résidait pas au Latran, mais dans les Catacombes. Son père était idolâtre ; mais, sa mère étant chrétienne, il fut baptisé à l’âge de douze ans et aussitôt après commença à prêcher la foi, d’abord à Rome, puis à Acquapendente et enfin à Sienne… Nul n’était chrétien à cette époque, tout le peuple était païen. A l’endroit où s’élève actuellement la cathédrale se trouvait un temple dédié à Minerve. Au pied de la montagne sur laquelle on a bâti depuis l’hôpital de la Scala, dans la direction de Vallepiatta, s’étendaient les cavernes et les grottes dans lesquelles les teinturiers et les tanneurs avaient établi leurs ateliers. C’est dans l’une de ces grottes que saint Ansano rassemblait les premiers chrétiens, célébrait la sainte messe et prêchait…

Plus bas encore, au-dessous de l’hôpital, il y a quelques souterrains où les « Frères de Notre-Dame » tenaient leurs assemblées : ce fut la première église de Sienne.

Dès que Lysias, le gouverneur, entendit parler de saint Ansano, il le fit saisir et mettre en prison, car l’Empereur avait ordonné d’exterminer tous les chrétiens. Saint Ansano fut donc condamné à être précipité dans une chaudière de poix bouillante, et les soldats exécutèrent cet ordre ; mais il ressortit sain et sauf de ce bain brûlant. Le gouverneur se mit alors en fureur et commanda de le décapiter assez loin de la ville, au bord du fleuve Arbia. Or, il n’avait que vingt ans ! Mais les chrétiens vinrent secrètement pendant la nuit chercher son corps, qu’ils cachèrent soigneusement, et, plus tard, quand tout le peuple se fut converti, ces saintes reliques furent portées en grande cérémonie jusqu’à Sienne ; la porte par laquelle passa le cortège s’appelle encore de nos jours Porta San viene (le Saint vient). Et saint Ansano fut proclamé patron de Sienne et protecteur de la cité[2].

Quand, de nos jours, on se rend de la vieille Tour à la « Via dei Tintori, » ou, comme elle s’appelle maintenant en l’honneur de Catherine, « Via Benincasa, » il faut prendre un chemin que l’on nomme « Fossa di San Ansano. » En dépit de ce nom, il n’a rien de sombre ni de funèbre ; c’est, au contraire, l’une des plus jolies voies de Sienne. En passant au-dessous du grand hôpital de la Scala, on longe les murs élevés de ce gigantesque bâtiment, escarpé comme un rocher, et l’on aperçoit, là-haut, des Sœurs de Saint-Vincent, dans leur livrée bleue, avec de grandes cornettes blanches, s’arrêter un instant sur les balcons, dans l’ouverture des fenêtres et des portes irrégulièrement percées, avant de rentrer de nouveau dans les salles de malades. Il est vrai que la vue est digne d’être admirée.

Derrière un bas parapet de maçonnerie, la Vallepiatta se creuse ainsi qu’une grande coupe verte, remplie jusqu’au bord de vignes et d’oliviers, de figuiers aux grandes feuilles et de noyers aux rainures dorées, de maïs verts, luisant dans la terre rouge entre les troncs rugueux des oliviers. Au fond de la vallée, quelques maisons décolorées ; au-dessus d’elles, de luxurians coteaux, dorés de blés mûrs, verts de jeunes maïs et parsemés d’oliviers argentés ; plus haut encore, de graves cyprès entourant un monastère se dessinent sur le fond gris des hauteurs lointaines de Chianti ! C’est ici, vis-à-vis de cette perspective, que saint Ansano fut plongé dans l’horrible bain de poix bouillante. Une plaque de marbre, scellée dans le mur, en fait foi. Le marbre et l’inscription latine n’étaient point là, le soir où Catherine et Stefano y passèrent, mais le souvenir y était bien : la tradition, la pensée qu’en ce lieu un homme s’était laissé précipiter dans une chaudière brûlante plutôt que de renier Jésus. Combien ce Jésus doit-il être aimable, pour que l’on supporte, pour l’amour de Lui, un aussi effroyable supplice !

Le chemin continue vers la paisible via di Vallepiatta, en côtoyant les murs rouges du vieux couvent des Jésuites, Saint-Sébastien. Ce monastère, assez ancien, est néanmoins postérieur à Catherine ; il fut construit pour la première fois en 1363 ou 1364, sur l’emplacement de l’une des portes de la ville, Porta San Ansano[3]. Un patronage catholique s’y réunit actuellement. Par une porte entr’ouverte, on aperçoit un jardin avec des rangées de citronniers dans de grands pots de terre cuite rouge, et une profusion de lauriers aux corolles de pourpre, semblables à mille sanglantes blessures…

Ici le chemin aboutit à il costone, un large escalier, assez raide, aux marches de briques ; et, à l’endroit précis où l’on tourne une seconde fois pour atteindre Fontebranda, on découvre une vieille fresque encadrée dans la pierre et sous la fresque cette inscription : « Tandis que sainte Catherine Benincasa, âgée de six ans seulement, rentrait chez elle avec son frère, le Christ lui apparut au-dessus de l’église des Dominicains, de l’autre côté de la vallée, sous l’apparence de son représentant terrestre, entouré des saints apôtres Pierre, Paul et Jean, et Il lui donna sa bénédiction. » En regardant avec beaucoup d’attention, on peut encore distinguer deux figures sur la fresque : l’une agenouillée, les mains étendues dans l’attitude de la prière : c’est Catherine ; l’autre, un jeune garçon debout : c’est son frère Stefano[4]

Ici s’arrêta Catherine ce soir-là, ici je m’arrête également

Le chemin descend plus loin vers la droite le long d’un mur de jardin sur lequel débordent des feuilles de vignes et de figuiers, et où de l’herbe et des fleurs jaunes croissent entre les pierres. Là-bas, au loin, dans la même direction, on" entrevoit le quartier de Sienne qui s’appelle le « Pays de l’Oie » (Contrada dell’ Oca), avec ses vieux toits décolorés, ses volets verts dans des façades rose pâle, avec les greniers ouverts des teinturiers et des tanneurs où de grandes peaux jaunes et brunes sont suspendues pour sécher. Au fond de la vallée se trouvent le puits de Fontebranda et le lavoir public d’où résonnent des cris, des rires et des coups de battoir ; le linge est étendu dans l’herbe pour sécher. En face, s’élève la verdoyante colline de Camporeggi, sur laquelle est campée l’église San Domenico, grande et nue avec ses fenêtres ogivales percées dans le mur plat du chœur et sa vertigineuse tour d’où surgissait au XIVe siècle une flèche élancée.

Catherine s’arrêta ici comme je m’y arrête aujourd’hui et ce qu’elle vit alors, l’inscription et la fresque en témoignent. La vieille légende raconte : « Ayant levé les yeux, elle aperçut de l’autre côté de la vallée, au-dessus du chevet de l’église des Frères Prêcheurs, un trône magnifique disposé avec une pompe royale ; et sur ce trône, Jésus-Christ le Rédempteur du monde, couronné de la tiare et revêtu des ornemens pontificaux. Auprès de lui se trouvaient les princes des apôtres Pierre et Paul, et saint Jean l’Evangéliste. » À cette vue Catherine s’arrêta, frappée d’étonnement, et contempla son Sauveur, qui se manifestait si miraculeusement à elle pour lui prouver son amour. Alors il abaissa son regard sur elle, lui sourit amoureusement, étendit sa main droite et traça le signe de la croix comme fait l’évêque quand il donne sa bénédiction. Et si puissante fut cette bénédiction de l’Eternel que, ravie hors d’elle-même, l’enfant qui par nature était timide resta là sur la voie publique, les yeux levés vers le ciel, au milieu du va-et-vient des hommes et des animaux. Cependant son frère continuait sa route, convaincu qu’elle le suivait, lorsque tout à coup il s’aperçut qu’elle n’était plus à ses côtés et, se retournant, il vit sa sœur très loin en arrière, immobile, regardant le ciel.

Il l’appela tout d’abord, mais comme elle semblait n’y prêter aucune attention, il revint sur ses pas, appelant toujours, puis, voyant que cela ne servait à rien (or qui a entendu les enfans italiens crier de toute la force de leurs poumons, comprendra en vérité que l’esprit de Catherine était ailleurs ! ) il la saisit par le bras et lui demanda : « Que fais-tu ici, pourquoi ne viens-tu pas ? »

Alors Catherine sembla s’éveiller d’un profond sommeil, elle baissa les yeux un instant et répondit : « Ah, si tu voyais ce que je vois, tu ne me troublerais pas ainsi. » Puis de nouveau elle regarda en l’air, mais la vision avait disparu, et la petite fille se mit à pleurer amèrement et à se reprocher de s’être laissé distraire.

Les deux enfans reprirent ensemble le chemin du retour, plus silencieux encore qu’auparavant, avons-nous le droit de supposer.

Par la via Fontebranda un char venait lentement vers eux, attelé de quatre grands bœufs blancs qui barraient presque la rue de leurs cornes menaçantes… Près de la fontaine où l’eau bouillonne constamment dans la profonde vasque, des femmes allaient et venaient sous la voûte sombre des arbres et remplissaient leurs cruches de cuivre. Un parfum de genièvre et de pommes de pin brûlées émanait des cuisines où les chaudrons étaient suspendus sur le feu pour le repas du soir. Des enfans jouaient avec de petits chats sur le seuil des portes ; tout était comme à l’ordinaire, comme c’est encore le soir en été dans ces rues, mais pour Catherine tout avait changé d’aspect, — le Très-Haut l’avait couverte de son ombre, l’Eternel avait parlé à son cœur d’enfant ; elle avait vu le ciel ouvert et le Fils de l’Homme assis sur le trône de sa gloire, et il avait étendu la main et l’avait bénie solennellement de trois grands signes de croix comme l’évêque dans la cathédrale…


Catherine Benincasa naquit le 25 mars 1347, près de Fontebranda, dans la maison du teinturier Giacomo Benincasa et de sa femme Lapa di Puccio dei Pagienti. Le 25 mars, on célèbre l’Annonciation de la Sainte Vierge et de plus la fête des Rameaux tombait cette année-là le même jour.

Dans la cathédrale de Sienne, l’évêque bénissait les branches d’olivier que le prêtre portait ensuite, de l’autel, aux paroissiens ; et le peuple, debout, gardait à la main les rameaux gris d’argent, tandis que les voix claires des enfans de chœur entonnaient le joyeux Hosannah : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » C’était le salut de l’église à la plus illustre fille-de Sienne, à l’épouse la plus aimante du Christ…

Catherine était la vingt-troisième enfant de ses parens. Elle vint au monde en même temps qu’une petite sœur jumelle, Giovanna, qui d’ailleurs mourut peu après. Monna Lapa nourrit elle-même Catherine, ce qu’elle n’avait jamais eu le temps de faire pour les autres en raison de ses fréquentes conceptions : « Catherine apporta ainsi une fin prochaine aux enfantemens de sa mère, » dit la légende.

Quelques-uns seulement de ses nombreux enfans vécurent. Les plus connus sont : Benincasa, l’ainé, — Bartolommeo, marié à Lisa, la cousine germaine de Giovanni Colombini, — Niccola, mariée à Palmieri di Nesse délia Fonte, frère du dominicain Tommaso délia Fonte, qui par la suite eut une si grande influence sur Catherine, — Maddalena, mariée à Bartolo di Vannino, — Bonaventura, mariée à Niccolo di Giovanni Tegliacci, — Lisa, morte non mariée durant la peste de 1374, — enfin Stefano.

Par le mariage de Bartolommeo, les Benincasa s’étaient alliés à l’une des familles les plus pieuses de Sienne, celle de Giovanni Colombini, mort en 1367, et dont la nièce Catarina vécut jusqu’en 1388.

Agnès, sœur de Giacomo, qui avait épousé Chele di Duccio, entra dans le Tiers Ordre dominicain (les « Mantellate ») après la mort de son mari et mourut en odeur de sainteté. Le père de Lapa, Nuccio di Pagiente, était matelassier et faisait des vers à ses momens de loisir ; c’était un homme pieux, désireux de se procurer par ses aumônes une part des mérites, des prières et des bonnes œuvres de tout l’Ordre dominicain.

Plusieurs influences religieuses se faisaient ainsi sentir de divers côtés, et c’était généralement, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, à celle des Frères Prêcheurs que l’on se ralliait. Il ne semble pas que les Frères gris des deux grands ordres mendians que le XIIIe siècle avait légués au XIVe, aient joué un rôle important à Sienne. Leur église était située en dehors de la ville et ce ne fut qu’au XVe siècle que saint Bernardin, l’éloquent prédicateur de missions, réussit à y attirer les foules. L’église San Domenico, au contraire, dominait Fontebranda, et il était facile aux Benincasa de s’y rendre le matin pour entendre l’une des messes des nombreux prêtres de cet Ordre.

Dans la teinturerie de Fontebranda, c’était Giacomo qui avait le plus de dévotion. « Lapa, son épouse, dit Raymond de Capoue, était une femme entendue dans les affaires du ménage, » qui ne possédait rien de la malice des hommes de notre temps et, même si elle l’eût voulu, incapable de dire un mensonge Plus d’une fois dans la Légende on l’appelle « la très naïve Lapa, » simplicissima Lapa ; mais « elle ne désirait pas ardemment les biens éternels. » Etant tombée gravement malade, elle ressentit une telle angoisse de la mort que Catherine, déjà grande alors, eut beaucoup de peine à rassurer sa mère. Lapa se rétablit et vécut très vieille (elle dépassa quatre-vingts ans). Elle vit ses enfans et petits-enfans mourir autour d’elle et en vint à se lamenter de ce que son âme était si bien chevillée dans son corps qu’elle n’en pouvait plus sortir.

Catherine tenait son énergie de Lapa, mais sa piété et sa douceur inlassable lui venaient de son père.

Raymond recueillit de la bouche même de Lapa de nombreux traits concernant la merveilleuse patience de son défunt mari qui fut peut-être plus estimé après sa mort qu’apprécié pendant sa vie ; il est rare en effet qu’une femme d’énergie admire un homme pacifique, et si Lapa avait la parole aussi vive que le geste, sans doute le teinturier était-il fréquemment exposé à s’entendre dire qu’il n’était qu’un niais et se retirait-il parmi ses ballots d’étoffe, le cœur percé par les paroles acérées de Monna Lapa. Mais après sa mort, devant l’évidente admiration du dominicain qui appartenait à la noble famille délie Vigne (un delle Vigne avait été chancelier de Frédéric II). Lapa se complaisait maintenant à l’entretenir de la patience sans exemple de feu son mari. Celui-ci n’avait jamais permis à aucun des siens d’employer des termes violens ou de porter de sévères jugemens sur autrui. Et lorsqu’un homme auquel il avait depuis longtemps payé son dû le poursuivit et le fit condamner injustement, le doux teinturier ne témoigna contre lui d’aucun ressentiment, et comme Lapa se mettait en fureur ainsi qu’une Italienne seule en est capable (on raconte que plus d’une fois à cette occasion elle ameuta le quartier par ses clameurs), Giacomo Benincasa intervenant alors lui dit doucement : « Tu verras, mère, Dieu amènera cet homme à de meilleures pensées et il reconnaîtra son injustice envers nous. » « Ce qui se vérifia par la suite, » ajoutait Lapa en guise de conclusion.

Le teinturier ne tolérait dans sa maison ni discours impies, ni conversations grossières ; l’atmosphère devait y être pure. Et quand Bonaventura, la sœur préférée de Catherine, fut mariée, c’est avec un étonnement mêlé d’horreur qu’elle entendit les propos que tenaient son mari et ses jeunes amis ; elle y était si peu habituée qu’elle en tomba malade : « Dans la maison de mon père, je n’ai point été accoutumée à ce langage, » répondit-elle aux questions anxieuses de son mari, « et si tu ne veux pas bientôt me voir mourir, je te prie de renoncer à ces immondes conversations. »

La famille qui s’appelait Benincasa jouissait en effet d’une excellente situation. Les fils aînés aidaient Giacomo dans ses affaires, qui prospéraient à souhait ; deux ans avant la naissance de Catherine, en octobre 1346, ils avaient pu louer la vaste demeure de Giovanni di Chezzo, le représentant dell’ Arte della Lana, située près de Fontebranda et qu’ils habitaient maintenant. Ils possédaient en outre à cinq quarts de mille au Sud de Sienne une ferme, la Canonica, qui échut plus tard à Lisa, la veuve de Bartolommeo.

Catherine grandit par conséquent dans la maison de la via dei Tintori. Comme beaucoup d’autres à Sienne, cette maison est bâtie à flanc de coteau, et la teinturerie installée à l’étage inférieur sur la façade de la via dei Tintori se trouvait donc en sous-sol du côté de la via del Tiratoio. Un escalier conduisait au premier (qui devient le rez-de-chaussée, si l’on entre par derrière) où se trouvaient les chambres à coucher ; au-dessus, il y avait une terrasse disposée en jardin et une grande cuisine qui servait en même temps de salle. Là, on prenait les repas ; là, filaient, cousaient et reprisaient les femmes ; tous s’y réunissaient chaque soir devant le feu pour faire la Veglia, comme on dit encore dans la campagne italienne ; on se chauffait avant de se coucher, on bavardait, on contait des anecdotes.

Et là, dans la maison de Giacomo Benincasa, au milieu du cercle de famille rassemblé autour du feu de genièvre pétillant, se trouvait un jeune garçon qui devait exercer une influence décisive sur la vie de Catherine : c’était le fils adoptif, Tommaso della Fonte. Niccoluccia Benincasa avait épousé Palmiero della Fonte, et lorsque la peste de 1315 (la peste de Boccace) eut fait orphelin le petit Tommaso qui avait alors dix ans, Giacomo le recueillit à son foyer. C’était maintenant un jeune homme qui aspirait au cloître : il voulait se faire moine chez les dominicains de Camporeggi. En attendant, il passait les longues soirées d’hiver chez les Benincasa, racontant tout ce qu’il avait lu dans la Légende dorée de Jacques de Voragine sur les apôtres et les martyrs, sur sainte Marie-Madeleine et saint Lazare qui s’enfuirent devant les juifs jusqu’à Marseille en Provence, sur sainte Agnès, sainte Agathe et sainte Lucie dont les cruels Romains crevèrent les yeux et arrachèrent la poitrine virginale avec de brûlantes tenailles ; sur les saints ermites dans les déserts et les cavernes ; sur saint Antoine auquel l’église voisine est dédiée. Mais il parlait surtout de saint Dominique, du pieux et savant Thomas d’Aquin et de saint Pierre martyr qui, au moment de mourir, ne pouvant plus confesser sa foi par la parole, s’inclina pour écrire encore avec son sang dans le sable : Credo.

Tommaso racontait, et Catherine écoutait. Elle connaissait bien les dominicains de Camporeggi ; souvent ils passaient par les rues dans leurs robes blanches et leurs capes noires. Blanc et noir, les couleurs de Sienne, les couleurs de la balzana[5], les couleurs du Campanile. Le blanc signifie la pureté, le noir signifie l’humilité. Catherine se dissimulait derrière la fenêtre pour les voir passer, beaux comme des anges de Dieu, avec leurs profils pâles et purs, les yeux toujours fixés au ciel, ne détournant jamais de côté et d’autre leur regard vers les femmes qui, sur le seuil des maisons, soupiraient : Com’ è bello ! troppo bello per essere frate ! che peccato ! … Non précisément, ils n’étaient pas trop beaux pour Dieu ! Pourquoi le Seigneur n’aurait-il jamais à son service que des bossus et des boiteux ? De son abri, Catherine remarquait la place où les moines posaient leurs pieds et dès qu’ils s’étaient éloignés et que les visages rouges des femmes aux cheveux noirs avaient disparu de l’encadrement des portes, elle s’élançait au dehors pour baiser les pierres sur lesquelles les pieux frères avaient marché.

D’ailleurs, Catherine était vive et gaie et si alerte qu’on la voyait souvent voltiger du haut en bas des escaliers. Tous les voisins l’aimaient ; elle était si gracieuse et se prêtait si volontiers au désir des amis qui souhaitaient sa présence pour une journée qu’on l’appelait à cause de son charme Euphrosyne qui est le surnom de la Charité. Raymond de Capoue, qui ne suppose pas une telle culture classique chez les habitans de Fontebranda, dit à ce sujet : « Je suis tenté de croire que c’est un surnom qu’elle s’est donné elle-même, comme le font souvent les petits enfans. » Il y a du reste une sainte Euphrosyne, et plus tard Catherine considéra comme un présage d’avoir porté ce nom. En effet, on raconte que sainte Euphrosyne voulant entrer dans un couvent de moines, au lieu de se faire religieuse, se coupa les cheveux et revêtit des habits d’homme ; il est probable que Catherine l’eût bien volontiers imitée en ceci…

Mais pour entrer en religion, soit parmi les hommes, soit parmi les femmes, il faut être d’une grande piété… Dès lors, on trouvait souvent Catherine priant dans des coins isolés de la maison, ou bien on l’entendait monter l’escalier en récitant à chaque marche, de sa petite voix, un « Je vous salue Marie. » Je me la représente ainsi bien facilement, car j’ai eu moi-même une petite fille de six ans qui faisait oraison à sa manière dans un escalier où était suspendu un grand tableau de la Madone. Puis vint le jour où la vision lui apparut au-dessus du toit de l’église San Domenico, « et, à dater de cette heure, Catherine ne fut plus une enfant[6]. »


Dès son origine, le christianisme a été une religion pleine de révélations et de visions. La littérature chrétienne la plus antique, les écrits des apôtres et les évangiles ne permettent aucun doute à ce sujet. « Celui qui garde mes commandemens et les observe, celui-là m’aime et je l’aimerai… et je me manifesterai à lui. » Cette parole de Jésus est la clé de la psychologie des saints et par conséquent de celle de Catherine.

Elle avait « vu le Seigneur, » et la voix qui jadis retentit au bord du lac de Génésareth retentissait maintenant dans son âme, douce et pénétrante comme une très lointaine sonnerie de cloches qui ne laisse aucun repos jusqu’à ce qu’on se soit mis en route et qu’on ait découvert d’où vient le son. « Viens, suis-moi, suis-moi loin de ton père et de ta mère, de les sœurs et de tes frères, de ta maison, de ton foyer, de ta ville et de la patrie ! Suis-moi dans le désert jusqu’aux quarante jours de jeûne et jusqu’à la tentation du démon, suis-moi quand je monte à Jérusalem, suis-moi jusqu’à la colonne du supplice, jusqu’à la flagellation, jusqu’à la couronne d’épines, jusqu’à la croix ! Suis-moi, non pas comme Pierre m’a suivi, mais comme Jean ; tiens-toi comme Marie au pied de la croix et vois mon sang ruisseler sur toi en gouttes brûlantes !… Suis-moi comme les saints martyrs m’ont suivi ; suis-moi comme saint Ansano jusqu’à la chaudière de poix bouillante, comme saint Pierre martyr jusqu’au témoignage du sang ! Suis-moi comme Magdeleine dans sa caverne de roches et comme saint Antoine dans le désert ! »

« Cette vision et cette bénédiction furent si puissantes, affirme Caffarini, qu’elle ne pouvait plus penser qu’aux saints ermites et à suivre leur exemple. »

Il y avait dans la maison de Fontebranda plusieurs sombres cachettes que Catherine put transformer en ermitages ; elle s’y réfugiait et jouait de son mieux à l’ermite, priant et jeûnant quand les autres prenaient leur collation, et se flagellant avec un fouet qu’elle avait elle-même fabriqué. Peu à peu, il parut à d’autres petites filles que c’était un jeu des plus divertissans ; alors, Catherine le leur expliqua et leur prescrivit des prières, montrant déjà par-là sa nature dominatrice. Cependant, elle finit par se lasser de ce simulacre : son esprit s’orientait vers une réalité et non vers une vaine illusion ; aussi, un jour, quitta-t-elle la maison, bien résolue à s’en aller par le vaste monde pour devenir une véritable ermite, et se dirigeant du côté de la porte San Ansano, elle s’enfuit.

C’était la première fois que Catherine se trouvait hors des murs de Sienne. Le chemin descendait vers Vallepiatta ; la ville disparut bientôt derrière elle, et l’enfant se trouva seule au milieu des arbres… La vallée s’ouvre entre des rochers de tuf dans lesquels se forment des anfractuosités qui, aux yeux de Catherine, pouvaient passer pour les cavernes du désert, et elle pénétra dans l’une de ces grottes. Elle s’était munie d’un pain et, ainsi pourvue, entreprit de vivre en solitaire. S’agenouillant, elle se mit à prier et se trouva de nouveau en cet étrange état qui lui donnait le sentiment de planer dans un monde d’éclatante lumière. Elle s’élevait peu à peu au-dessus de terre, plus haut, toujours plus haut ; finalement, sa tête heurta la voûte, ce qui la réveilla… Elle s’aperçut alors qu’elle avait dû rester longtemps dans la grotte ; le soleil était bas, les cigales chantaient dans les figuiers et là-haut, à San Domenico, on carillonnait les vêpres. Tous ses plans de vie érémitique s’évanouirent soudain et Catherine songea seulement qu’elle était bien loin de la maison et qu’avant peu la porte de la ville serait fermée. De plus, ses jambes étaient si particulièrement frôles que jamais elle ne pourrait parcourir le long chemin qui monte la colline… Le vertige la saisit, un nuage passa devant ses yeux, une fois encore elle éprouva la sensation de planer, et, sans savoir comment, se retrouva tout à coup au dedans de la porte San Ansano. Le cœur battant, elle se hâta de rentrer ; personne n’avait soupçonné sa fuite, on pensait qu’elle était allée chez sa sœur comme elle le faisait souvent.

Catherine ne renouvela jamais cette tentative, mais elle avait compris, là-bas dans la grotte, que sa vie devait être consacrée au Seigneur, et l’enseignement de l’Écriture lui devint intelligible : « Une femme non mariée, une vierge, pense aux choses qui regardent le Seigneur pour être sainte de corps et d’esprit, mais celle qui est mariée pense aux choses du monde et aux moyens de plaire à son mari. » D’une part, le Seigneur, de l’autre le monde ; la jeune âme de Catherine n’hésita pas dans son choix… À l’âge de sept ans, elle se promit à Jésus devant l’image de la Madone, ainsi qu’elle nous le dit elle-même : « Bienheureuse Vierge Marie, m’écriai-je, ne considère pas ma faiblesse et accorde-moi la grâce d’avoir pour époux Celui que j’aime de toute mon âme, ton Fils très saint, Notre-Seigneur Jésus-Christ… Je lui promets ainsi qu’à toi de n’en accepter jamais d’autre. » C’est ainsi que se fit le pas décisif : Catherine devint la petite fiancée du Christ à l’exemple de son homonyme sainte Catherine d’Alexandrie, que l’on voit sur un tableau étendant sa main dans laquelle la Vierge Marie place celle de l’Enfant Jésus qui lui passe au doigt un anneau. Désormais, en épouse soumise, Catherine s’efforcera uniquement de faire, la volonté de son époux. Or, la volonté de Jésus est qu’avant tout on se châtie soi-même et que l’on dompte sa nature, ce que la petite Catherine Benincasa avait déjà commencé de faire par ses pénitences enfantines et ses oraisons privées dans la cave et dans les greniers.

Depuis lors, elle se condamna à ne manger que du pain et des légumes. Quant à la viande, elle la posait dans l’assiette de son frère Stefano ou bien la jetait sous la table aux chats inséparables des cuisines italiennes.

C’est vers cette époque qu’un tout petit incident démontra à Monna Lapa à quel point Catherine tenait de son père. Un matin, elle l’envoya à l’église paroissiale Saint-Antoine pour offrir un cierge et prier le curé de dire la messe à une intention particulière.

Catherine s’acquitta de sa mission, mais au lieu de revenir aussitôt, elle resta à entendre la messe qu’elle avait demandée ; lorsqu’elle rentra enfin, Lapa était fort impatientée par son retard. Catherine écouta tout d’abord paisiblement ces violens reproches, puis elle dit : « Monna Madre, punissez-moi lorsque je ne vous obéis pas ainsi que je le devrais, mais je vous en prie, n’employez pas de telles paroles, et surtout ne souhaitez de mal à personne, car cela ne convient pas à votre dignité de mère et m’afflige le cœur. » À ce moment, Catherine, n’avait pas encore dix ans.

Quand, le soir venu, Giacomo remonta de la teinturerie, sa femme s’écria : « Ecoute donc ce que ta fille m’a dit aujourd’hui. »

Plus tard, la fille du teinturier de Fontebranda devait dire la vérité aux puissans de ce monde avec la même fermeté et la même douceur.


Catherine avait maintenant douze ans. Il ne lui était plus permis de s’aventurer seule dans les rues, et sa famille songeait à lui trouver un époux. Deux de ses sœurs étaient déjà mariées, car, en somme, les femmes sont destinées au mariage.

Monna Lapa se mit donc à parer sa fille et lui ordonna de se laver un peu plus souvent, de coiffer joliment ses cheveux, et de chercher à plaire aux hommes. Mais Catherine ne voulait pas entendre parler d’eux ; jamais elle ne se mettait à la fenêtre ou sur le seuil de la porte ainsi que les autres jeunes filles, et ne chantait pas comme elles, en travaillant, des chansons d’amour ; elle prenait même la fuite lorsqu’un des ouvriers de son père pénétrait dans la pièce où elle se trouvait. « Seigneur Dieu ! ils ne sont pourtant pas venimeux, » grondait Lapa ; mais sa fille les fuyait justement comme des serpens.

Toutefois, grâce à Bonaventura, la sœur favorite de Catherine, on réussit à l’ébranler un peu ; il vint un jour où Catherine consentit à se rendre au bal comme les autres jeunes filles, avec une belle toilette, les joues fardées, et les cheveux teints en blond, ainsi que l’exigeait la mode.

« À cette époque, Sienno était si riche de biens terrestres qu’il y avait fête presque chaque jour en l’honneur des nouvelles mariées, raconte un contemporain de Catherine, le moine Filippo Agazzari, dans ses Histoires morales.

Si l’on en croit ce sévère prédicateur, les jeunes Siennoises n’étaient pas moins frivoles au XIVe siècle qu’au XXe. Il cite le cas d’une jeune fille qui tomba morte pendant un banquet pour s’être trop serrée, ainsi que celui d’une autre dont le visage fut rongé par le fard qu’elle employait ; il parle encore d’une troisième qui fut aidée à sa toilette par le Malin lui-même, déguisé sous les traits d’une camériste et à laquelle il advint pis encore…

D’autres auteurs assurent que les dames passaient des journées entières sur leur terrasse, les cheveux exposés au soleil afin qu’ils devinssent blonds.

Cette période mondaine de la vie de Catherine semble avoir été brève ; quoi qu’il en soit, elle prit fin à la mort soudaine de Bonaventura, en août 1363. Près du cadavre de sa sœur chérie, Catherine pleura amèrement, ce qu’elle considéra par la suite comme une horrible ingratitude vis-à-vis du Seigneur. Ne lui avait-il pas fait don de l’apparence extérieure qu’il lui voulait ? Et elle avait cherché à l’améliorer ainsi qu’on gâche une œuvre de maître ! Dieu l’avait créée à son image, et elle avait osé la repeindre et la transformer à l’image du diable ! Plusieurs années après, elle s’accusait encore dans ses confessions de ce temps d’infidélité, et quand Raymond s’efforçait de la consoler, elle s’écriait : « Est-ce donc à mon confesseur d’excuser mes péchés ? » Elle était elle-même convaincue que l’enfer eût été son partage, si elle fût morte dans cet état de frivolité.

Animée d’une ardeur nouvelle, la jeune fille reprit sa vie de pénitence et de prière, recherchant la solitude, mangeant fort peu et dormant le moins possible. Ceci ne convenait guère à ses parens, qui, depuis la mort de Bonaventura, étaient plus désireux encore qu’auparavant de marier Catherine, car en ce temps-là plus les familles étaient nombreuses, plus elles étaient considérées ! Ils venaient précisément de rencontrer un jeune homme d’excellente famille qui serait un mari parfait pour leur fille ; et, pour avoir raison de l’enfant rebelle qui méconnaissait son propre bien, ils s’adressèrent à Tommaso della Fonte, devenu prêtre et en outre le confesseur de Catherine.

Le dominicain se rendit à leur appel ; Catherine, lui ouvrant alors son cœur, révéla à son ami d’enfance qu’elle avait fait vœu de virginité et lui déclara courageusement qu’elle ne consentirait jamais à une alliance terrestre, tout son cœur, appartenant à Dieu, ne pouvait donner asile à un amour humain. Tommaso, convaincu, changea d’avis et au lieu de la persuader de se marier, lui conseilla de couper ses cheveux dorés, puisque dans l’Eglise catholique c’est l’acte par lequel une femme indique qu’elle se consacre au Seigneur. Catherine suivit ce conseil et posa un voile blanc, comme un voile de religieuse, sur sa tête blonde et rasée. Lapa ne tarda pas à s’étonner du soin avec lequel sa fille conservait ce voile sur sa tête ; enfin elle le souleva et vit…

Une heure pénible suivit cette découverte ; la famille Benin-casa était en fureur : tous accablèrent Catherine de reproches et l’assurèrent, avec toute la force du langage et des poumons italiens, qu’elle serait malgré tout contrainte à faire leur volonté : « Tes cheveux repousseront et tu auras un mari, dusses-tu en mourir ! »

Le conseil de famille décréta ensuite qu’à l’avenir Catherine n’aurait plus de chambre à elle où il lui fût possible de se livrer à ses folies pieuses et, sur ce, la fille de service fut congédiée afin que Catherine se chargeât de sa besogne. Elle devint alors servante, et une servante qui à dessein fut traitée avec malveillance, dans l’espoir qu’elle préférerait changer de condition et se marierait. Mais, pour supporter cette épreuve, Catherine eut recours à un religieux artifice, — elle se figura qu’elle vivait dans la sainte maison de Nazareth, son père pieux et bon représentait Jésus-Christ lui-même, et sa mère tenait la place de la Sainte-Vierge, tandis que ses frères étaient les apôtres et les disciples du Maître. Elle s’empressait ainsi continuellement au service de son céleste Epoux : c’était sa voix qui l’appelait ; pour Lui, elle montait et descendait infatigablement l’escalier en courant ; pour Lui, elle préparait les repas à la cuisine, et c’était, Lui, sa mère et ses amis qu’elle servait à table !

Quelque temps s’écoula ainsi, et Catherine ne se rendait toujours pas ; elle était douce, mais inflexible. « Il nous faudra y renoncer, » se disaient entre eux ses frères. Comme il lui était interdit de s’enfermer dans aucune pièce, son père put un jour, sans qu’elle s’en aperçût, la surprendre agenouillée dans la chambre de Stefano, priant avec ferveur… Au-dessus de sa tête planait une blanche colombe qui disparut à l’entrée de Giacomo. Le père se retira songeur, — une colombe blanche au-dessus de la tête de sa fille… était-ce possible ?… et ne devait-il pas croire que cette colombe était le Saint-Esprit lui-même ?

Cependant, Catherine caressait toujours son ancien projet d’imiter sainte Euphrosyne. Déjà elle s’était coupé les cheveux et il ne lui manquait plus que de prendre des habits d’homme, pour s’en aller au loin se faire admettre dans un monastère dominicain. Car les dominicains étaient toujours son idéal, aussi bien maintenant qu’elle avait quinze ans, que lorsqu’elle était une toute petite fille. Une nuit, en rêve, elle vit tous les saints fondateurs d’ordre : saint Benoît, saint Romuald, saint Bernard Tolomei, saint François et plusieurs autres ; mais son regard n’en cherchait qu’un : saint Dominique ! Lui aussi avait les yeux fixés sur Catherine et, s’avançant vers elle, il lui tendit un habit noir et blanc en disant : « Aie confiance, ma fille, ne crains rien, tu porteras un jour cet habit. » Catherine en ressentit une telle joie qu’elle se réveilla aussitôt. L’habit qu’elle venait de voir était celui que portaient à Sienne les sœurs qu’on appelle Mantellate.

Sans nul doute ce songe opéra une révolution dans l’esprit de la jeune fille ; elle abandonna son vague et fantastique projet d’entrer dans un couvent de moines et poursuivit dès lors un but plus accessible, puisque, dans chaque maison à Sienne, il y avait des femmes qui portaient les couleurs de saint Dominique et appartenaient au Tiers-Ordre qu’il avait fondé à l’exemple de saint François ; c’étaient les Mantellate. Sa propre tante, Agnès, veuve de Michèle di Duccio, était Mantellata !

Qui ne connaît cet instant où, un grand dessein venant de germer dans l’esprit, on se sent poussé à agir, coûte que coûte ? Tous les doutes, toutes les hésitations se taisent ; il semble que l’on ne pourra jamais assez promptement réaliser le plan nouveau ! C’est sous l’empire d’une résolution semblable que, dans la matinée qui suivit son rêve, Catherine réunit les membres de sa famille et leur déclara « qu’il leur serait plus facile de fondre une pierre que de l’ébranler dans son dessein. » « Je vous conseille donc, » dit-elle, « d’interrompre vos négociations au sujet de mon mariage, car en cela il m’est impossible de faire votre volonté, puisque l’on doit obéissance à Dieu plutôt qu’aux hommes. S’il vous plaît de me garder ici comme votre servante, je resterai de bon cœur à votre service… et si au contraire vous voulez me chasser du foyer, sachez que, malgré cela, je ne renoncerai jamais à mon projet : j’ai un époux si riche et si puissant qu’il ne me laissera jamais manquer du nécessaire et pourvoira à tous mes besoins ! » Un siècle et demi auparavant, saint François avait adressé de telles paroles à sa famille, ce qui avait amené une rupture définitive entre lui et les siens. Mais Giacomo Benincasa n’était pas un Pietro di Bernardone.et l’esprit qui animait le fils du marchand d’Assise s’était en cinq générations répandu dans le monde entier. « L’ange qui portait le sceau du Dieu vivant » (c’est ainsi que saint Bonaventure désignait François) avait confirmé des milliers et des milliers d’hommes et Giacomo était du nombre.

Le silence régna dans la pièce lorsque Catherine se tut. Puis, faisant appel à tout son courage, Giacomo dit du plus profond de son cœur : « Dieu nous préserve, ma chère fille, de nous opposer de quelque façon que ce soit à sa volonté ; depuis longtemps nous avions compris que ce n’était point chez toi caprice d’enfant, nous voyons maintenant que c’est le Seigneur qui te guide. Accomplis donc librement ton vœu et vis ainsi que l’Esprit-Saint t’y engage. Nous te supplions seulement de prier sans cesse pour nous, afin que nous devenions dignes des promesses de ton Epoux. »

Tourné vers Lapa et ses fils, Giacomo ajouta : « Que personne n’ose tourmenter ma fille bien-aimée, qu’elle serve son Époux en paix et en liberté, afin d’intercéder continuellement pour nous. Pourrions-nous jamais trouver pour elle un Époux de plus haut lignage ? »

Pendant cette période de querelles familiales, Catherine avait construit dans son âme une cellule secrète d’où personne ne pouvait la chasser et qu’elle résolut de ne jamais quitter, quelles que fussent ses occupations extérieures… C’était ce refuge secret que connaissait aussi François d’Assise et dont il avait dit : « Notre frère le corps est une cellule et l’âme est l’ermite qui y demeure. »

Mais bientôt Catherine reçut la promesse de posséder également une vraie cellule extérieure. Dans la maison de Giacomo Benincasa, juste au-dessous de la cuisine, se trouvait une petite chambre dont la fenêtre s’ouvrait sur le Vicolo del Tiratoio[7]. Catherine découvrant que cette pièce était abandonnée y installa son ermitage. On voit encore cette cellule de nos jours. Le plancher est exactement au niveau de la ruelle qui passe derrière la maison, la fenêtre est actuellement murée, mais une croix taillée dans la pierre indique aux passans que c’est la chambre sanctifiée par Catherine. Cette chambre était fort petite, — cinq mètres de long sur trois mètres de large, — et carrelée de grandes briques rouges. Il n’y avait guère place pour des meubles : un coffre où elle serrait ses affaires et un banc, c’était tout. Le banc, dans la journée, lui servait de table, et la nuit elle s’étendait dessus tout habillée avec une bûche en guise d’oreiller, ou bien reposait sa tête sur la marche de brique qui servait à atteindre la fenêtre haut placée. La porte et les volets étant souvent clos, la petite chambre n’était alors éclairée que par la lampe qui brûlait devant le crucifix suspendu au mur.

Là, dans l’obscurité et la solitude, Catherine pouvait réellement reproduire les pénitences des anciens solitaires. Depuis longtemps déjà elle avait cessé de manger de la viande ; elle se refusait à présent toute nourriture tant soit peu délicate, et plus tard elle parvint à vivre uniquement de pain et d’herbe crue. Elle se mortifiait encore d’autre manière en portant un cilice qu’elle échangea ensuite contre une mince chaîne de fer qu’elle serrait autour de sa taille.

Un jour qu’elle pénétra chez sa fille, Lapa la vit se flageller de telle sorte que le sang jaillissait et elle pleura si fort que tout le voisinage l’entendit. Elle poussait des cris sauvages : « Ma fille, ma fille, veux-tu donc te tuer ! Ah ! quelle est la puissance qui me ravit mon enfant ? » Puis (fait observer Raymond avec un froid mépris) elle se livrait à toutes sortes d’actes étranges comme de s’égratigner le visage ou de s’arracher les cheveux. Raymond, le moine sévère, pouvait en parler à son aise, il ignorait ce qu’est un cœur de mère ! Simplicissima Lapa, tu aimais tant ta petite Catherine, l’enfant de ton cœur, la dernière, celle que tu avais nourrie toi-même, le rayon de soleil de ton foyer, la gracieuse Euphrosyne, et tu ne comprenais pas pourquoi elle se maltraitait ainsi, et tu sanglotais, et t’arrachais les cheveux en voyant couler son sang, ton sang et le sang de Giacomo qui ruisselait des veines de Catherine et dont chaque précieuse goutte était une goutte de jeunesse, une goutte de vie, une goutte de bonheur qui, une fois répandue, ne pourrait jamais être reconquise ! O naïve et sensible Lapa ! Nous sentons comme toi, nous te comprenons, nous t’aimons pour ton grand cœur impétueux, ce cœur que tu as transmis à ta fille et qui la faisait si vaillante et si forte !…

Ni par la violence, ni par la douceur, Lapa n’avait pu avoir raison de Catherine ; elle essaya d’un troisième moyen, les distractions, et l’emmena à Vignone, station thermale très fréquentée, située dans la montagne au Sud de Sienne, au bord du fleuve Orcia. Ce fut en vain. Lapa rentra donc à Sienne ayant perdu sa cause, et Catherine dévoila pour la première fois, à sa mère, son intention de devenir Mantellata. Elle la tourmenta si bien que celle-ci promit d’aller trouver la Prieure des Mantellate et de lui soumettre ce projet. Cependant, Lapa revint fort satisfaite de cette visite ; la Prieure lui avait répondu que les Mantellate ne recevaient que des veuves et qu’une jeune fille de l’âge de Catherine ne pouvait être admise parmi elles.

Sur ces entrefaites, Catherine fut atteinte de la varicelle, particulièrement grave chez les jeunes filles de seize ans, et Lapa désolée s’installa jour et nuit au chevet de son enfant malade ; mais comme Catherine refusait toutes les douceurs qu’elle lui apportait, sa mère finit par s’écrier avec désespoir : « Hélas ! ne puis-je donc rien pour toi ? » Ce à quoi Catherine répondit avec finesse : « Si tu veux que je guérisse, aide-moi à devenir Mantellata ; autrement, je suis persuadée que saint Dominique fera en sorte que vous ne puissiez me posséder ni sous cet habit ni sous aucun autre !… »

Lapa retourna alors chez les sœurs et, le cœur plein de détresse, plaida la cause de sa fille. « Si encore elle n’était pas trop jolie… » insinua la Prieure. « Venez en juger vous-même, » répondit Lapa qui, elle aussi, savait être diplomate. La Prieure la suivit et ne trouva pas que Catherine, dont le visage était couvert de boutons, fût d’une extrême beauté ; en revanche, elle fut impressionnée de sa piété incontestable. Les autres sœurs furent consultées et il est possible qu’Agnès Benincasa ait pesé sur la décision, en faveur de sa nièce ; quoi qu’il en soit, Catherine reçut enfin l’heureuse nouvelle si longtemps attendue qu’elle serait admise au nombre des Mantellate. La joie qu’elle en éprouva fut si vive que la maladie déclina rapidement et que l’on put fixer le jour de sa réception.

Peu avant ce jour, si impatiemment désiré, Catherine eut à soutenir un rude combat. Elle était un soir dans son austère cellule, en prière devant son crucifix, — c’était à la tombée de la nuit, à l’heure où l’âme est pleine de désirs qui l’étonnent elle-même, désirs qui ne se risquent pas au soleil, désirs qu1 s’évanouissent dès que s’allument les lampes, mais qui prennent leur essor aux confins du jour et de la nuit, tels de sombres oiseaux crépusculaires, — souvenirs mélancoliques, rêves dangereux…

Ce soir-là, dans sa petite cellule enténébrée, Catherine reçut la visite de ces hôtes troublans. Entendit-elle la voix de sa défunte sœur Bonaventura ? Se rappela-t-elle le bonheur de la jeune mère entourée de ses enfans joyeux ? Ou bien fut-ce le souvenir d’une fête ? Revit-elle les étendards gracieusement agités par les jeunes et sveltes affieri ? Revit-elle la foule en habits de gala rassemblée au Campo sous le soleil éclatant, et les estrades ornées de draperies rouges, occupées par des dames élégamment vêtues ? « Toi aussi, Catherine, tu pourrais prendre place au milieu d’elles, murmurait une voix à son oreille. Pourquoi as-tu coupé tes beaux cheveux dorés ? Pourquoi portes-tu un cilice sur ton corps délicat, et pourquoi revêtiras-tu dans quelques jours la grossière robe des sœurs ? Vois, cet habit n’est-il pas bien plus beau ? » Et, dans la lumière déclinante du soir, Catherine crut apercevoir devant elle un jeune homme svelte et beau comme un page della Contracta dell’Oca, qui lui présentait un riche vêtement. Jamais elle n’avait rien vu de plus ravissant : c’était une robe de soie chatoyante, brodée d’or et chargée de perles et de pierres précieuses…

Comme ensorcelée, Catherine jeta un regard sur la robe éblouissante, et le beau jeune homme qui prenait son silence pour un consentement se préparait déjà à l’en revêtir.

Alors Catherine sembla s’éveiller d’un rêve ; elle comprit clairement ce qu’elle était sur le point de faire et d’un geste rapide repoussa le séducteur et son mirage… La vision extérieure disparut, mais la tentation intérieure persista. C’était comme si, jusqu’à ce jour, elle eût vécu sans avoir le sentiment des réalités de la vie. Elle avait suivi ses inclinations, uniquement préoccupée d’atteindre son but ; quel bien lui en revenait-il au moment où elle y parvenait ? Lorsqu’elle s’était fiancée à Jésus dans son enfance, savait-elle déjà ce qu’elle préférait : n’avait-elle pas écouté uniquement le naïf désir de faire ce qu’enseignaient les prêtres, ce qui était agréable à Dieu et ce que tant de pieuses femmes avaient fait avant elle ? Elle avait maintenant l’impression que plusieurs voiles se déchiraient successivement, — elle voyait tels qu’ils sont la vie et le bonheur des hommes, la vie et le bonheur des femmes et se rendait compte qu’elle allait y renoncer pour toujours… Jamais, au pied de l’autel, elle ne mettrait sa main dans la main d’un époux, jamais elle ne quitterait l’église conduite par lui en adressant à ses parens un grave et joyeux salut… Les torches nuptiales ne s’allumeraient jamais pour elle et jamais, lorsqu’elle serait devenue une vieille aux cheveux blancs, elle ne montrerait à ses petits-enfans émerveillés son ancien voile de noces aux fleurs brochées d’argent…

Faisant appel à toute son énergie, Catherine s’arracha brusquement à la rêverie qui assaillait son cœur de femme : « O toi mon bien-aimé, mon unique époux, s’écria-t-elle, en tombant à genoux devant le crucifix, tu sais bien que je n’ai jamais désiré que toi seul ; viens aujourd’hui à mon secours, ô mon Sauveur, fortifie-moi et soutiens-moi en cette heure difficile. »

Le Crucifié ne parut pas s’attendrir ; il resta silencieux, les yeux sans regard, mais on entendit comme le froufrou d’une robe de femme qui bruissait contre les murs froids comme de l’or et de la soie, et devant Catherine apparut Celle qui est bénie entre toutes les femmes, la patronne de Sienne, la Vierge Sainte et la Mère de Dieu, Madonna Maria. De même que le tentateur, quelques instans auparavant, elle aussi portait sur son bras une robe resplendissante, brodée d’or et de perles, étincelante de pierres précieuses : « Cet habit, ô ma fille, dit la mère de Jésus, de sa voix douce et tendre (qui fait pleurer tous ceux qui l’entendent), cet habit, je l’ai tiré pour toi du cœur de mon fils ; il était contenu dans la blessure de son côté comme dans un écrin doré et de mes propres mains je l’ai brodé. » Alors Catherine, brûlante de désir et tremblante d’humilité, inclina la tête, et la Vierge la revêtit de la céleste tunique.


Quand on pénètre dans l’église San Domenico, à Sienne, on aperçoit, immédiatement à main droite, une porte donnant accès dans une petite chapelle fermée, située un peu au-dessus de l’église elle-même. Dans l’ancien temps, cette chapelle était ouverte : seules, quelques ogives dont on voit encore les restes la séparaient de la nef centrale ; un escalier y conduisait et, lorsque les ogives y furent murées, on en respecta quelques marches qui se trouvent encadrées dans le muret sous lesquelles on peut lire cette vieille inscription : « Catherine montait ces marches pour venir prier le Christ, son Epoux. » C’est la Cappella delle Volte dont il est souvent fait mention dans l’histoire de sainte Catherine. Les Mantellate s’y réunissaient toujours, et c’est là qu’un dimanche après-midi de l’année 1363, en présence de toutes les sœurs assemblées, Catherine reçut, des mains du Père Bartolommeo Montucci, la robe blanche, la ceinture de cuir, le manteau noir et le foulard blanc. « Et en rentrant de l’église, raconte Raymond de Capoue, elle se dit à elle-même : Voici que tu es entrée en religion, tu ne dois plus vivre comme tu l’as fait jusqu’ici ; la vie séculière est passée, une vie nouvelle s’ouvre devant toi ; tu dois te ceindre d’une souveraine pureté, ainsi que le signifie la robe blanche que tu portes ; tu dois ensuite mourir complètement au monde, ton manteau noir le montre ouvertement et désormais il te faudra marcher dans cette voie étroite où si peu d’âmes osent s’engager. » Quand elle se retrouva seule dans sa cellule, elle eut une splendide vision, bien significative. Elle vit un arbre immense chargé de fruits magnifiques au pied duquel se trouvait un buisson d’épines si haut et si touffu qu’il paraissait malaisé de s’approcher de l’arbre et d’en cueillir les fruits. Un peu plus loin, s’élevait une petite colline couverte de blés qui déjà blanchissaient pour la moisson et qui étaient fort beaux d’aspect, mais dont les épis vides tombaient en poussière entre les mains, dès qu’on les touchait. Puis elle vit une foule de gens, qui passaient en cet endroit, s’arrêter devant l’arbre, considérer les fruits avec envie et tenter de les atteindre, mais les épines les blessaient et ils renonçaient promptement à franchir la haie ; alors, tournant leurs regards vers la colline couverte de moissons, ils s’élançaient dans cette direction et se nourrissaient du mauvais blé qui les rendait malades et les privait de leurs forces. Et d’autres venaient encore, qui avaient plus de courage que les premiers : ceux-là franchissaient la haie, mais en approchant de l’arbre, ils s’apercevaient que les fruits pendaient très haut et que le tronc était lisse et d’un accès difficile, et eux aussi continuaient leur route pour aller se nourrir du blé décevant qui les affamait davantage encore. Finalement il en survint quelques-uns qui, se décidant à traverser le fourré d’épines et à monter dans l’arbre, cueillirent des fruits et les mangèrent, ce qui les fortifia de telle sorte dans leur âme, qu’ensuite ils éprouvaient du dégoût pour toute autre nourriture.

« Catherine, écrit Caffarini, fut saisie d’étonnement à la pensée que tant d’hommes fussent assez sots et assez aveugles pour aimer et suivre le monde trompeur plutôt que de se livrer à Jésus-Christ qui nous invite et nous appelle et qui, dès l’exil, console et réjouit ses serviteurs. Car cet arbre, elle l’avait bien compris, représentait le Verbe éternel incarné, dont les fruits délicieux sont toutes les vertus, tandis que la colline, qui ne produit pas de bon blé, mais de l’ivraie, représente les champs dorés du monde que l’on cultive en vain avec effort. Ceux qui s’éloignent de l’arbre dès que les épines se font sentir sont tous ceux qui se prétendent incapables de mener une vie pieuse et y renoncent dès l’abord. Ceux qui leur succèdent et se laissent effrayer par la hauteur de l’arbre sont ceux qui entreprennent avec énergie et bonne volonté l’œuvre de leur sanctification, mais qui se découragent et manquent de persévérance. Les derniers venus sont les vrais croyans qui sont affermis dans la vérité. »

Cette vision contient déjà l’idée fondamentale que Catherine devait développer d’une manière plus large et plus profonde dans les années suivantes. Ainsi qu’elle le pressent, l’homme est placé entre deux puissances rivales qui, l’une et l’autre, sollicitent son amour. L’une de ces puissances, c’est la Vérité, la Vie, la Paix, la Joie et la Béatitude ; l’autre, c’est le Monde, le Mirage satanique, toujours trompeur et décevant du démon.

Catherine était âgée d’environ seize ans lorsqu’elle devint Mantellata, et sa vie solitaire se prolongea jusqu’à ce qu’elle atteignît sa dix-neuvième année ; à cet âge, une Italienne est déjà une femme faite et il était impossible que Catherine ne s’en ressentit pas. Un nouveau et rude combat, un suprême et décisif effort sur elle-même lui restait à accomplir. Déjà elle avait triomphé de son cœur ; il lui fallait encore triompher de ses sens.

Des images familières se représentaient à son esprit : le foyer, le ménage, les enfans… Catherine, en arpentant sa cellule, semblait découvrir combien elle était sombre, étroite et solitaire… A quelques pas seulement, au pied de la colline, se trouvait Fontebranda, où des femmes réunies devant la fontaine se reposaient un moment, tandis que leurs cruches s’emplissaient, en causant de leurs achats, des cours du marché, du repas du soir et des culottes de leurs petits garçons… Et au dehors des portes s’étendait la vallée de Vallepiatta, pleine de chansons d’amour, telle qu’on la voit encore aujourd’hui par les tièdes soirées d’été, à l’heure où les mouches de feu dansent dans les sombres taillis et au-dessus des champs de maïs enténébrés ; à l’heure où les petites grenouilles vertes lancent du fond des prairies leur strident hymne nuptial ; à l’heure où les mères se tiennent sur le seuil des maisons, tandis que les gros marmots s’asseyent dans la chaude poussière blanche de la route… et que les jeunes filles, bras dessus bras dessous, descendent dans la vallée où elles rencontrent des jeunes gens qui chantent d’une voix forte et vibrante ; elles leur répondent alors, et l’un et l’autre chœur se réunissent allègrement pour lancer un triomphant Amore, amore !

Des visions comme celles-ci ont sans doute hanté la jeune Italienne dans la cellule sombre et déserte qui donnait sur une petite ruelle puante, derrière la maison de Giacomo Benincasa. Mais Catherine n’était aucunement sentimentale ; la volonté qu’elle tenait de son père dominait la fougue qu’elle tenait de sa mère, et elle voulait rester fidèle à la promesse faite à son Epoux céleste, dût-elle même la conduire en enfer, comme le prétendait l’Esprit du mal. Son Sauveur avait choisi de vivre dans la souffrance ; elle désirait l’imiter et le suivre sur la croix, afin de pouvoir rentrer avec Lui dans la gloire. N’avait-elle pas récemment entendu une voix du ciel parler à son cœur et dire : « Si tu veux être forte dans les combats, il faut qu’à tes yeux toute douceur devienne amertume et que toute amertume te soit douceur. »


Entriamo nella cella del cognoscimento di noi. « Entrons dans la cellule de la connaissance de nous-même. » Cette formule reparait sans cesse dans les lettres de Catherine, et si courte qu’elle soit, elle signifie tout ce que représentait à ses yeux la vie de retraite : « Beaucoup vivent dans une cellule et néanmoins en sont absens par la pensée, lui dit un jour le Sauveur ; je veux donc que ta cellule soit celle de la connaissance de toi-même et de tes péchés. » La connaissance d’elle-même et le connaissance de Dieu, tel était le double secret de la vie cellulaire de Catherine.

« Chaque soir, quand il commençait à faire nuit, raconte Caffarini, Catherine se sentait attirée vers Dieu par une puissance irrésistible. Sa volonté et son cœur se rapprochaient de la volonté et du cœur de Dieu et le monde extérieur s’évanouissait pour elle. » Mais le monde intérieur, le monde de l’esprit, le ciel, le Paradis, s’ouvrait devant elle. A maintes reprises, le Seigneur vint la visiter dans sa cellule, amenant avec lui ses amis, Marie-Madeleine, saint Jean l’Evangéliste et les apôtres Jacques et Paul. Parfois aussi, elle rencontrait ces hôtes célestes dans le jardin, lorsque au crépuscule elle se promenait dans les allées bordées de lavande, parmi les roses et les lis. Un soir, Catherine fut si absorbée par son entretien avec le Seigneur et Marie-Madeleine, que la nuit tomba complètement sans qu’elle s’en aperçût : « Maître, s’écria-t-elle soudain, il ne convient pas que je reste dehors aussi tard, permets-moi donc de me retirer. » — « Fais comme il te semblera bon, ma fille, » fut la réponse. Et comme Catherine se relevait pour descendre dans sa cellule. Jésus et Magdeleine la suivirent et restèrent encore quelque temps chez elle. Tous trois s’étant assis sur le banc causèrent ensemble comme de bons amis : Jésus à droite, Magdeleine à gauche et l’hôtesse au milieu entre ses deux visiteurs.

Un autre soir, tandis qu’elle priait, Catherine eut le sentiment que Jésus, accompagné de saint Dominique, était à ses côtés, et elle en ressentit une telle joie qu’elle se mit à chanter tout haut. Les deux hôtes célestes se joignirent à elle et tous trois chantèrent de concert comme chantent les élus devant le trône de Dieu. Puis la vision s’évanouit et Catherine se retrouva seule, le cœur prêt à se rompre d’ardentes aspirations vers la patrie céleste peuplée de millions d’anges.

Depuis lors, Catherine se tenait souvent au guet près de la petite fenêtre de sa cellule ou bien se rendait dans le jardin par les soirées étoilées de l’hiver, et quand elle sondait ainsi les profondeurs de l’espace, il lui semblait percevoir au loin, tout à fait au loin, le chant des phalanges célestes et il lui devenait affreusement dur de se sentir environnée des ombres de la terre.

A la fin de ces trois années, une ère nouvelle commença pour Catherine, un monde nouveau s’ouvrit devant elle : elle apprit à lire et à écrire. Depuis longtemps déjà, elle désirait acquérir cette double science généralement peu répandue à cette époque, car elle voyait sans cesse à l’église les missels et les bréviaires dont se servaient les Dominicains, et plus d’une des Mantellate possédaient un livre de prières qu’elles lisaient durant l’office divin, dans la Cappella delle Volte. L’une de ces sœurs, peut-être Alessia Saracini, appartenant à une noble famille (par conséquent instruite) et celle que l’on nomme la première parmi les amies de Catherine, lui procura un alphabet, et la jeune fille âgée de près de vingt ans se mit à apprendre ses lettres dans la solitude de sa cellule.

Les progrès étaient lents, et après plusieurs semaines de vains efforts, il lui sembla en être toujours au même point ; elle s’adressa alors à Jésus : « S’il te plait, Seigneur, que je puisse lire l’office et chanter tes louanges à l’église, viens à mon aide. Mais si ce n’est point ta volonté, je resterai bien volontiers dans mon ignorance actuelle, » lui dit-elle dans sa prière. Dès cet instant, les progrès furent rapides, et Catherine réussit enfin à lire couramment. Souvent, néanmoins, elle devinait plus qu’elle ne lisait, car, affirme Raymond, quand on la priait d’épeler ce qu’elle venait de lire, elle en était incapable, connaissant à peine ses lettres[8]. Cette remarque met en lumière la nature de la science de Catherine ; elle était purement intuitive. Quelles qu’en fussent d’ailleurs les sources, Catherine pouvait lire à présent : elle consacrait à la lecture des heures entières. Ses lettres témoignent d’une connaissance approfondie de l’Evangile et des Epitres de saint Paul. L’apôtre mystique et extatique possédait bien le génie propre à l’intéresser ; elle parle volontiers de lui en l’appelant : Il glorioso Pavolo ou Questo innamorato Pavolo. Dans les psaumes, les hymnes et les légendes des saints, son esprit et son cœur trouvaient toujours un aliment nouveau. Elle avait pour certaines prières une prédilection toute spéciale, entre autres pour le verset qui commence chaque heure : « Mon Dieu, venez à mon aide ; Seigneur hâtez-vous de me secourir. »

Mais le Bréviaire était sa lecture préférée : elle y fit connaissance de tous les grands chrétiens déjà morts, des martyrs et des vierges vêtues de blanc qui toutes se tiennent devant le trône de l’Agneau, au-delà du fleuve de la mort : sainte Marguerite, sainte Agnès, sainte Agathe, sainte Lucie… « J’ai trouvé une nouvelle et bien belle lumière, — écrit Catherine dans une de ses lettres, faisant un jeu de mots sur l’analogie qui existe entre « luce » (lumière) et « Lucie, » — c’est cette douce vierge romaine, sainte Lucie, qui nous l’envoie. Nous prierons Magdeleine, aimante et aimable entre toutes, de nous inspirer cette profonde haine de nous-même qu’elle ressentait, et Agnès qui est un agneau (agnello, autre jeu de mots) de mansuétude et d’humilité nous obtiendra ces vertus. Voici donc que Lucie nous donne la lumière, Magdeleine la haine de nous-même et l’amour de Dieu, et Agnès l’huile de l’humilité pour entretenir notre lampe. »

Le souvenir de ses lectures lui revenait à la mémoire durant ses visions qui continuaient toujours. Les visiteurs célestes ne venaient plus seulement la trouver dans la solitude de sa cellule et dans le jardin enténébré sur la terrasse, mais encore dans la rue et à l’église. Un jour qu’elle avait le cœur affligé, saint Dominique la raccompagna de l’église chez elle en la consolant et en la réconfortant : « J’en fus si heureuse, » confia plus tard Catherine à son confesseur, « que j’aurais volontiers consenti à mourir sur-le-champ pour partager aussitôt avec lui la félicité éternelle. »

Une autre fois, absorbée par une longue prière et méditant le mystère de l’humanité sainte de Jésus, dans l’église San Domenico, son âme fut inondée de lumière et elle comprit clairement que Jésus était plus qu’un homme et que son être contenait la plénitude de l’amour, de la bonté, de la clémence, de la douceur et de la félicité ; et elle se désolait de ne pas trouver de mots pour rapporter ce qu’elle avait vu ainsi et de ce qu’il lui était impossible de dépeindre la beauté et la majesté de la Face de Dieu et d’être obligée de se contenter de ces misérables expressions : « Il est le Bien, il est le vrai et suprême Bien. »

Catherine aimait Jésus avec toute la passion dont une femme est capable, jusqu’au don total d’elle-même. Un homme peut aimer Jésus comme un frère aîné, comme un ami très cher, comme un père bien-aimé auquel on ne désobéirait pour rien au monde, mais une femme aime Jésus comme son époux, comme celui auquel sa vie est consacrée : « Me voici, prends-moi, je suis tienne, fais de moi ce qu’il te plaira ! »

Catherine n’ignorait pas ce qu’est l’amour terrestre et en parle avec la plus grande simplicité et la plus grande pureté : « L’homme ne peut pas vivre sans amour, dit-elle dans une de ses lettres, car l’homme a été créé pour aimer. C’est l’amour du père et de la mère qui donne l’être et la vie à un enfant. » Mais pour Catherine, comme pour saint Paul, cet amour conjugal n’est que le symbole d’un amour supérieur, du « grand sacrement, » de l’alliance du Christ et de l’Eglise, de Jésus et de l’âme. Et, de même que dans le mariage idéal, le degré de cette union dépend de l’harmonie des cœurs et de l’unité de volonté qui finalement transforme celui qui aime à la ressemblance de l’être aimé, qui communique de plus en plus l’esprit de Jésus à l’Eglise et rend les chrétiens de plus en plus semblables à Lui.

Cet amour, lui aussi, a ses prémices et sa consommation ; ses baisers, ses étreintes, ses fiançailles et ses noces ! C’est en raison de ceci que le Cantique des Cantiques fait partie des livres saints de l’Eglise et que Lacordaire a pu dire : « Il n’existe pas deux amours, il n’y en a qu’un : l’amour céleste est le même sentiment que l’amour terrestre, mais son objet est infini. » Catherine lisait le Cantique des Cantiques avec tout son cœur de femme, et sans cesse elle répétait le gémissement de la Sulamite : « Qu’il me baise du baiser de sa bouche ! » Encore n’osait-elle pas réclamer davantage et formuler le souhait brûlant : « Que sa main droite passe sous ma tête et que sa main gauche m’embrasse ! » Mais elle désirait ardemment le baiser, le baiser que donne l’époux h. son épouse…

Or, raconte Caffarini, tandis que Catherine priait dans sa Cellule sans pouvoir se rassasier de répéter les gémissemens d’amour de l’Epouse du Cantique des Cantiques, il advint que Jésus lui apparut et lui donna un baiser qui la combla d’une douceur indicible. Elle s’enhardit alors jusqu’à le prier de lui enseigner ce qu’elle devait faire pour ne lui être jamais un seul instant infidèle et toujours lui appartenir de cœur, d’âme et d’esprit. Ceci exprime clairement quelle est l’essence même de l’amour mystique.


Vint alors le jour si longtemps attendu des noces mystiques de Catherine Benincasa.

C’était un mardi de l’année 1367, le dernier jour du Carnaval, le Mardi Gras… Sienne était en pleine effervescence, les masques fourmillaient dans les rues, on entendait des cris, des rires, des chansons accompagnés des accords de la lyre, et des baisers folâtres. Les Siennois s’entendaient à se divertir. Dans la via Garibaldi, à la hauteur de la via Magenta, s’élève encore la Consuma, qui est la maison où se réunissait la jeunesse dorée de la ville, la « brigade dépensière, » qui trouvait moyen de gaspiller deux cent mille florins d’or en l’espace de vingt mois seulement. « Y eut-il jamais hommes plus légers que les Siennois ? » interrogeait Dante scandalisé. Il les connaissait bien et avait été l’un des leurs au palio, la grande fête de l’été ; il avait pris part à leurs festins et goûté de leurs mets les plus délicats, du délicieux gibier farci d’œillets et de bien d’autres gourmandises païennes.

Mais les joies du carnaval n’avaient point accès dans la chambre obscure et solitaire de la via del Tiratoio. Catherine était seule dans la maison ; tous les autres membres de la famille s’amusaient au dehors, et peut-être, dans la solitude, la jeune fille a-t-elle éprouvé ce que des chrétiens « moins affermis » connaissent si bien : le sentiment soudain que le monde de la foi se décolore et pâlit ainsi que la flamme des cierges à la lumière du soleil, s’évanouit et devient irréel et absurde en face de l’évidence des puissantes et chaudes réalités de la vie. « Qu’il me baise du baiser de sa bouche ! » Oui, mais là dans la rue, à vingt pas d’ici, au milieu du tourbillon du carnaval, il y a quelqu’un qui, sans plus de façons, te prendrait par la taille pour te faire danser toute la nuit, qui l’offrirait du vin doux d’Orvieto ou de l’Asti mousseux, et qui t’embrasserait volontiers autant que cela te ferait plaisir ; puis, l’aube venue, tu prendrais congé de lui les yeux humides, et, passant les bras autour de son cou, tu lui donnerais un dernier baiser en guise de remerciement et d’adieu et tu ne le reverrais jamais…

Peut-être cette image se présenta-t-elle à l’imagination de Catherine, comme un dernier appel de la vie mondaine ? Nous l’ignorons. « Mais le Seigneur, dit Caffarini, avait décidé de se servir de Catherine comme d’un instrument pour le salut de beaucoup d’âmes égarées. » Il fallait par conséquent qu’elle fût inébranlablement affermie dans la foi, comme la maison sur le roc, et c’est pourquoi, en ce jour de carnaval, Catherine ne cessait d’implorer : « Seigneur, accorde-moi la plénitude de la Foi. »

Catherine priait, et sa prière fut exaucée.

« Puisque, par amour pour moi, tu as renoncé à tous les plaisirs du monde et ne veux te réjouir qu’en moi seul, lui dit le Seigneur, j’ai résolu de t’épouser dans la foi et de célébrer solennellement mes noces avec toi… »

Cependant, il était accompagné de sa sainte Mère, de saint Jean l’Evangéliste, de saint Paul et du prophète David, et Marie plaça la main de la jeune fille dans celle de son fils, tandis que David jouait de la harpe. Jésus tendit alors un anneau d’or qu’il passa au doigt de son Epouse : « Moi ton créateur et ton Sauveur, dit-il, je t’épouse aujourd’hui et te fais don d’une foi qui ne fléchira jamais et sera préservée de toute atteinte jusqu’au jour où nos noces seront célébrées dans le ciel. Ne crains rien, étant revêtue de l’armure de la foi, tu triompheras de tous tes ennemis. » Puis la clarté céleste s’éteignit et les formes rayonnantes s’évanouirent avec les derniers accords de la harpe de David.

Mais dans l’obscurité de la cellule, l’anneau des épousailles étincelait au doigt de Catherine ; elle le porta à ses lèvres et le contempla avec ravissement ; c’était un anneau d’or sertissant un grand diamant entouré de quatre petites perles : le dur diamant de la foi que rien ne peut rayer, les perles de la pureté d’intention, de pensée, de parole et d’action, comprit-elle.

Désormais Catherine porta toujours son anneau nuptial, mais il n’était visible que pour elle et, par intervalles, disparaissait même à ses yeux lorsqu’elle avait offensé son Seigneur et son céleste Epoux, soit par une parole un peu vive, soit en jetant un regard frivole sur quelque objet mondain. Alors elle pleurait amèrement son infidélité et confessait sa faute, et, dès qu’elle sortait du confessionnal, l’or, le diamant et les perles brillaient de nouveau d’un vif éclat sur sa main…


JOHANNES JŒRGENSEN.


  1. La Madonna de Duccio se trouve actuellement dans l’Opera del Duomo à Sienne ; la maison de ce grand peintre s’élève dans la Via Stalloraggi.
  2. Les reliques de saint Ansano furent transférées dans la cité, le 6 février 1107 (G. Olmi, I Senesi d’una votta, Sienne, 1883, pp. 333-341), Porta Sanviene, aujourd’hui Porta Pispini.
  3. G. Pardi, Della vita e degli scritti di Giov. Colombini, Sienne, 1895, p. 28.
  4. La fresque murale de Saint-Sébastien fut peinte par Nasini en l’an 1700, restaurée en 1850 par Maffei. Une autre tradition locale situe cette vision au Ponte di Diacceto, d’où l’on a également vue sur San Domenico.
  5. Ancien nom de l’étendard de Sienne.
  6. Catherine inscrit en tête de son livre le Dialogue, cette parole, qui est le point de départ de toute sa mystique.
  7. Tiratoio. Endroit où les drapiers exposaient leur marchandise pour la vente. Arnolfo di Cambio fit construire un superbe Tiratoio pour l’Arte della Lana sur l’emplacement actuel de la Bourse de Sienne.
  8. On raconte de même de sainte Hildegarde (1099 1179) qu’elle comprenait l’ensemble de ce qu’elle lisait, mais quelle était incapable d’épeler les mots les plus simples ou d’analyser une phrase quelconque. (Migne, Pair. Lat., CXCVII, col. 104 A, 384 A.)