Œuvres complètes de François CoppéeL. Hébert, libraireProse, tome III (p. 93-109).


I modifier

Ridées, luisantes, noircies de plus d’un coup de feu, les pommes cuites mijotaient sur un petit fourneau de faïence, à la porte d’une humble fruiterie de la rue de Seine, et elles étaient destinées, selon toute apparence, à constituer le dessert de quelque ménage d’ouvriers, lorsque la comédienne Sylvandire, la grande coquette de l’Odéon, qui passait dans sa victoria, aperçut le petit fourneau et fut prise d’un caprice étrange.

Au grand ébahissement de la vieille fruitière, l’élégante voiture s’arrêta devant la boutique, la belle dame en descendit, déganta sa main droite, et, sans gêne aucune, encombrant le trottoir de sa toilette tapageuse, elle se mit à manger une, deux, trois pommes cuites, avec un appétit tout populaire.

En ce moment, un homme déjà vieux, mais grand, fort, et portant haut la tête, qui arrivait, en mâchonnant un gros cigare et les mains plongées dans les poches de son paletot, orné d’un large ruban rouge, passa tout près de l’actrice, la reconnut et partit d’un bruyant éclat de rire.

— « Comment, Sylvandire, tu aimes tant que cela les pommes cuites ! Toi, une actrice ! »

Elle se retourna et reconnut la barbe teinte et la face audacieuse du célèbre auteur dramatique César Maugé, du satirique amer et effronté, dont chaque pièce est un triomphe et un scandale, et qui s’est fait adorer de la société moderne comme un ruffian par une fille, en la cravachant.

— « Un souvenir d’enfance, mon cher maître, — répondit gaîment la grande coquette en faisant une révérence comique au pacha théâtral. — Cela me rappelle l’époque où je portais mes cheveux dans un filet de chenille rouge et où je logeais chez papa, qui était cordonnier rue Ménilmontant, et qui me fichait des calottes quand je ne rentrais du bal Favié que le lendemain à midi... On n’a pas toujours été une grande artisse, — continua-t-elle avec un horrible accent de blague faubourienne ; — on n’a pas toujours avalé sa langue en compagnie d’un empaillé de prince russe qui vous appelle « madame » jusque sur l’oreiller, et, vous voyez, mon cher, on ne rougit pas de son origine... Les pommes cuites et Ugène !... J’avais un Ugène, alors... C’était le bon temps ! »

La cynique boutade de la coquine fit sourire l’homme de théâtre, vieux Parisien corrompu.

— « Et il paraît que tu as eu un succès fou dans la Petite Baronne, — dit-il à la comédienne, qui, ayant payé la vieille fruitière, était remontée dans sa victoria et reboutonnait son gant.

— Vous n’étiez donc pas à la « première » ? — s’écria-t-elle, étonnée.

— Non. Je ne vais presque jamais à l’Odéon.

— Eh bien, venez donc voir ça... Je vous assure, ça vaut le voyage... Adieu. »

César Maugé mentait. Il avait si bien vu Sylvandire dans la Petite Baronne, qu’il songeait à lui confier un rôle ; mais il n’était pas encore tout à fait décidé et il craignait de se compromettre.

La vérité, c’est que, depuis deux mois, tout le public était amoureux de la grande coquette, qui, chaque soir, opérait ce miracle de remplir l’Odéon de jeunes « clubmen » en gilets à cœur. Cet engouement du Paris blasé — légitime, par hasard, car Sylvandire est une fille atroce, mais une exquise comédienne, — était surtout causé par le regard dont elle soulignait le mot « peut-être » à la fin du troisième acte de la Petite Baronne. Ce regard, chef-d’œuvre de perversité et de « bovarisme », ce regard qui exprimait et résumait toute la poésie malsaine de l’adultère, avait suffi pour transformer le provincial Odéon en rendez-vous élégant, en centre de la « haute vie ». Surpris d’abord et ahuri par le succès, le directeur n’avait pas tardé à reprendre ses esprits et s’était mis à la hauteur de la situation. Pour remplir les longs entr’actes de la Petite Baronne, — la pièce, jolie d’ailleurs, se composait de quatre petits tableaux, de vingt-cinq à trente minutes chacun, — il avait rétabli l’orchestre ; non le vieil orchestre odéonien qui râpait des valses surannées, mais un double quatuor de virtuoses choisis, jouant avec un ensemble parfait un peu de bonne musique et berçant les conversations des mondaines, en train de picorer des fruits glacés dans leurs loges, au gazouillement des fauvettes d’Haydn et des rossignols de Mozart. — S’il n’eût pas tremblé pour sa subvention et redouté la commission du budget, ce directeur, à qui les fumées du succès montaient à la tête, aurait fait imprimer sur son affiche, — sur la grave et classique affiche de l’Odéon, — pour mieux annoncer le « clou » de la Petite Baronne : « Tous les soirs, à onze heures moins un quart, le « regard » de Mademoiselle Sylvandire. »

Or, le jour de la « soixante-cinquième », la comédienne était en train de faire son changement du « trois », — l’acte du regard, — et la délicieuse brune, épaules et bras nus, baissait la tête pour enfiler la robe que lui présentait l’habilleuse, lorsque César Maugé entra dans sa loge, brusquement, ayant à peine frappé à la porte.

L’actrice poussa un petit cri. Mais l’auteur dramatique — une vieille connaissance — la baisa sur le croquant de l’oreille, par égard pour le maquillage ; puis, après avoir allumé un cigare au bec de gaz de la toilette, il se laissa tomber sur le canapé, ôta son chapeau, et, tournant ses yeux d’acier vers la comédienne :

« Sylvandire, — lui dit-il, — veux-tu jouer ici le premier rôle de ma nouvelle pièce ?... Oui, celle que je destinais au Vaudeville ? »

Autant aurait valu demander à un desservant de village s’il voulait être pape.

Sylvandire eut un éblouissement. Laissant la robe béante sur les bras tendus de l’habilleuse, elle sauta sur le canapé auprès de l’auteur célèbre, lui jeta les bras au cou, et, presque nue, la gorge hors du corset, ouvrant dans un sourire libertin la grenade mûre de sa bouche, elle s’écria :

« Si je veux ! »

Mais, le lâchant aussitôt et s’éloignant de lui d’un bond, elle ajouta, d’une voix froide :

« A quelle condition ? »

Maugé laissa éclater son gros rire ; puis, une fois calmé, tirant une bouffée de son cigare, il reprit :

« Tu es décidément une fille d’esprit... Enfile ta robe et écoute-moi. »

Et, comme elle se hâtait d’agrafer son corsage :

« A propos, et les pommes cuites de la rue de Seine ? — demanda-t-il.

— Eh bien, elles sont très bonnes, — répondit Sylvandire, — et j’en mange tous les jours, en revenant de la répétition. »

II modifier

Depuis deux semaines, César Maugé venait tous les soirs à l’Odéon, et, caché dans l’ombre d’une baignoire, il étudiait le jeu de Sylvandire. Car, on n’en pouvait plus douter, c’était une « étoile » qui se levait ; et il n’avait plus qu’à retirer sa pièce du Vaudeville.

Mais la comédienne n’était pas toujours en scène dans la Petite Baronne, et, pendant ses absences, l’auteur dramatique, n’écoutant plus cette prose, qu’il savait par cœur, s’amusait à observer, pour tuer le temps, non la salle, qu’il ne voyait pas du fond de sa loge, mais les musiciens du petit orchestre rétabli par le directeur en l’honneur de la pièce en vogue.

Quant au chef, Maugé le connaissait bien. C’était le vieux et savant symphoniste Tirmann, réduit par le besoin à courir le cachet et à tenir le bâton dans les petits théâtres ; Tirmann, l’émule de Berlioz, qui aura la même destinée que Berlioz, et dont l’unique opéra, la Reine des Amazones, sifflé à Paris il y a une vingtaine d’années, deviendra un jour classique. César Maugé, homme à succès, n’aimant que le succès, murmura dédaigneusement le mot « raté », en apercevant au fauteuil le profil d’aigle déplumé du vieil homme de génie étriqué dans sa redingote de pauvre.

Les autres musiciens n’offraient pas des types bien remarquables, — pas plus le premier violon, avec sa cravate blanche en foulard et sa chevelure fougueuse de photographe, que la contre-basse, vieillard chauve et résigné, prisant avec bruit, ou que la flûte, gagiste de régiment, à dures moustaches de gendarme.

Un seul des exécutants intéressa l’observateur, dès le premier coup d’œil.

C’était l’alto, un tout jeune homme, — vingt ans à peine, — adorable visage d’éphèbe blond et rose, aux sombres yeux bleus, que ses longs cheveux ondulés et bouffants faisaient ressembler aux personnages des portraits de Bernardino Luini. Un véritable artiste, à coup sûr, et dont l’ardeur se trahissait rien que par la crispation de sa petite main maigre sur le manche de son instrument. Pauvrement, mais proprement vêtu, il se tenait assis avec modestie, son alto sur la cuisse, attendant le signal du chef, sans parler à ses camarades, sans regarder la salle, comme absorbé par une pensée intime et profonde, avec quelque chose dans toute sa personne de grave, de fier et de pur.

Si sceptique, si dur de cœur que fût ce pourri de Maugé, il fut frappé par cette fraîche et charmante apparition, d’autant plus qu’en observant le musicien au moment où Sylvandire venait d’entrer en scène, il remarqua que le regard du jeune homme s’attachait avidement sur la splendide créature, et s’emplissait d’une tendresse infinie. C’était évident. Cet enfant au teint de vierge aimait l’actrice d’une passion sans espoir.

Deux jours après, rencontrant Tirmann sur le boulevard Montmartre, Maugé interrogea le chef d’orchestre sur le compte du jeune musicien.

— « Amédée ? — s’écria le vieux maître avec enthousiasme. — Un charmant enfant ! Mon meilleur élève !... Retenez ce nom-là : Amédée Marin... Ce sera celui d’un sincère, et, je l’espère bien, d’un grand artiste... Et honnête garçon, et fils excellent !... Sa mère est fruitière rue de Seine et gagne à peu près sa vie ; mais, comme la bonne femme devient vieille et ne peut plus se lever de grand matin, c’est Amédée qui ouvre la boutique dès six heures et qui allume le fourneau aux pommes cuites, en hiver... Ce qui ne l’empêche pas de veiller des nuits entières devant son pupitre et de comprendre la sublime musique de Bach aussi bien que moi. »

César Maugé fut flatté de ne s’être point trompé. Vraiment, c’était « quelqu’un », ce joli gamin qui brûlait d’une flamme timide pour Sylvandire.

— « Est-ce bête, la jeunesse ! — songeait le vieux sultan de coulisses au fond de sa baignoire, tout en regardant Amédée extasié devant son idole. — Dire que ce malheureux petit croque-notes s’imagine peut-être qu’une actrice est une femme et que Sylvandire est capable d’un sentiment !... Sylvandire, qui, à vingt ans, avait déjà ruiné un banquier juif et qui remettrait Jésus en croix pour voler un rôle à une camarade !... Hein ! comme il la dévore des yeux... Mon Dieu ! est-ce bête, ces jeunes gens, est-ce bête !... »

Soudain, une idée singulière et perverse fit éclosion dans l’esprit du dramaturge. Les femmes de théâtre n’étaient-elles pas toutes à sa discrétion, Sylvandire la première ? S’il n’en usait pas, c’est qu’il avait dételé depuis longtemps. Eh bien, il s’amuserait à réaliser le rêve du musicien ; il jetterait Amédée dans les bras de cette femme, que le jeune homme ne pouvait voir, admirer, désirer que de loin, au delà de la rampe, barrière infranchissable. Et ensuite on verrait ce qu’il adviendrait de la conjonction de cet innocent et doux être et de cette fille qui n’avait pas plus de sensibilité qu’un négrier.

Comment ? C’était bien simple. César Maugé ne donnerait son rôle nouveau à Sylvandire qu’à cette condition-là. Il la connaissait, elle accepterait tout de suite. — Ce serait drôle, n’est-ce pas ? Le contraire de don Salluste montrant la reine à Ruy Blas. Le fils de la fruitière chez qui Sylvandire allait manger des pommes cuites aurait, pour quelque temps du moins, la plus magnifique courtisane de Paris. Et Maugé souriait à son projet avec une espèce d’ignoble bonté.

C’est pourquoi, le soir où il était venu fumer un cigare dans la loge de Sylvandire, la comédienne laissa tomber son regard — le fameux « regard » du troisième acte — sur le petit musicien de l’orchestre, qui, épouvanté de bonheur, ferma les yeux et crut qu’il allait mourir.

III modifier

La première fois que Maugé vit dans la loge de Sylvandire le petit Amédée, blotti dans un coin du canapé, parmi les jupons épars, et contemplant, avec des yeux égarés et comme fous de désirs, la nuque et les épaules mythologiques de la royale drôlesse assise à sa toilette et en train de « faire sa figure », le vieux dilettante en débauche eut un mouvement d’orgueilleuse satisfaction. Ce que c’est qu’un auteur à succès, pourtant ! Lui seul était assez puissant pour donner une pareille aumône à un pauvre diable. Rothschild lui-même n’aurait pas pu en faire autant, Sylvandire étant une femme à fantaisies, point vénale de nature, cupide seulement par occasion. Et, tout en accompagnant l’actrice dans les coulisses, il la fit causer.

— « C’est tout de même une drôle d’idée que vous avez eue, — dit-elle, — de servir de dieu Mercure à ce gamin. Mais si vous avez cru m’imposer une corvée, — vous en êtes capable, vous êtes quelquefois si mauvais, — eh bien, c’est une erreur, mon cher... J’ai eu tout de suite un caprice, moi, pour cet enfant. Il faut être juste aussi ; il est arrivé à propos... Depuis quelque temps, Libanoff m’assommait avec son accent gras et sa façon de me dire : « Ma tchière »... J’avais besoin de quelques semaines de vacances. Je l’ai mis à la porte... Le petit fera l’intérim. Il me plaît, avec sa tête de pifferaro... Et puis, il est étrange ; il a des fiertés soudaines, des jalousies, des colères contre moi qui me font plaisir, oui ! qui me chatouillent le cœur... Par moments, dans mon boudoir, il prend tout à coup des airs tristes et farouches qui me font songer à un rossignol en cage que j’ai vu autrefois, chez Colomba, à Asnières... Mais je n’ai qu’à le regarder d’une certaine façon pour qu’il tombe à mes pieds et qu’il se roule la tête sur mes genoux en pleurant ; et ça me rend « tout chose »... Drôle de petit homme ! »

Et elle ajouta, rêveuse :

« Si j’allais me toquer de lui, tout de même ? »

Sylvandire avait dit vrai. Maugé était mauvais, naturellement. A ces propos de femme amoureuse, il éprouva la rage envieuse de l’homme fatigué avant l’âge, éreinté, fini.

Mais la comédienne s’était mise à rire.

— « Bah ! c’est un petit revenez-y de jeunesse... Dites donc, Maugé, c’est peut-être d’avoir mangé des pommes cuites ? »

D’ailleurs, deux jours après, il était bien question de toutes ces bêtises-là ! La nouvelle comédie du célèbre auteur, l’Argent-Roi, venait d’être mise à l’étude, et il en dirigeait avec ardeur les répétitions, repris par sa soif inétanchable de succès et d’argent.

La pièce, on s’en souvient, tomba, ou à peu près. C’est d’elle que date la décadence de Maugé, et Sylvandire y fut médiocre, dans un rôle qui ne lui convenait pas. Énervé, furieux de voir les recettes du théâtre baisser au bout de huit jours, l’auteur dramatique, chez qui venaient de se réveiller de vieux rhumatismes, alla se réchauffer au soleil de Nice et y resta jusqu’à la fin de l’hiver.

A son retour à Paris, une des premières figures de connaissance qu’il rencontra fut Tirmann, dont la vue lui remit Amédée en mémoire. Il s’enquit du petit alto de l’Odéon.

— « Amédée ! — dit le maestro, dont le maigre et dantesque visage se creusa douloureusement. — C’est bien triste, et nous ferions mieux de parler d’autre chose... Imaginez-vous qu’il y a quelques mois... tenez ! quand on a joué votre dernière pièce... il est devenu fou d’amour de cette Sylvandire, vous savez ? une coquine... Le malheur, c’est que, par extraordinaire, elle l’a remarqué, elle aussi, et qu’elle a eu une sorte de fantaisie pour lui... Cet enfant naïf, ce cœur d’artiste ingénu, livrés à cette fille ! Une branche de lilas blanc tombée dans une cuvette, quoi !... Elle a d’abord quitté pour lui un certain Libanoff, puis, quand tous les écrins ont été au Mont-de-Piété, elle a repris son Russe, et le malheureux Amédée est devenu l’amant qu’on embrasse entre deux portes, qu’on cache dans les placards... Toutes les hontes !... Il a fini par prendre son courage à deux mains et par s’enfuir, mais souillé, désespéré, et il est allé se réfugier chez sa mère, la vieille fruitière de la rue de Seine, dont, par pudeur, ou, qui sait ? par vanité, il n’avait jamais parlé à cette femme. Sans quoi, Sylvandire serait peut-être allée le relancer jusque-là. Ayant été quittée la première, elle était entrée en folie... Eh bien, il ne peut pas oublier cette créature, il en meurt, il ne fait plus de musique ! L’autre jour, quand je suis allé le voir, dans sa mansarde, je l’ai trouvé couché, et il m’a fait peur, avec ses yeux caves et brûlants de fièvre... Sans la maman, m’a-t-il dit, il se serait tué... C’est atroce, n’est-ce pas ?... Un musicien ne devrait jamais avoir d’autre maîtresse qu’une fugue de Bach ou qu’une partition de Gluck, ma parole d’honneur ! »

Maugé eut un petit frisson, sentit quelque chose qui ressemblait à un remords. Mais l’égoïste reprit bien vite le dessus.

— « Est-ce qu’on meurt de ça ? »

Il n’y pensa plus. Mais, l’hiver suivant, au Bal des Artistes, il se trouva brusquement devant Sylvandire, plus belle que jamais dans un costume rouge de dogaresse et aveuglante de diamants.

— « Eh bien, mon auteur, — lui cria l’effrontée, — on m’a donc lâchée tout à fait depuis l’Argent-Roi ?... Ce n’est pas ma faute à moi toute seule, après tout, si nous avons eu un « four »... Faites-m’en un autre, de rôle, et nous prendrons notre revanche. »

L’auteur dramatique, vexé par ce fâcheux souvenir, ne répondit que par un aigre ricanement ; puis, bêtement, pour dire quelque chose, il demanda à la comédienne :

« Et les amours ?

— Ni ni, c’est fini. J’ai repris le collier de misère, — répondit la belle fille, en touchant les diamants qui étincelaient sur la peau ambrée de sa ferme poitrine de brune. — Voici le plus récent hommage de Libanoff... L’ancienne grisette est morte et enterrée, définitivement. Plus d’Ugène, plus d’Amédée, qui fut mon dernier Ugène !... Ah ! à propos de ça, Maugé, vous vous rappelez le jour où vous m’avez rencontrée devant cette fruitière de la rue de Seine ?... Eh bien, je suis passée par là, l’autre matin, en voiture. La boutique était fermée, il y avait un billet encadré de noir collé sur le volet, et j’ai vu s’éloigner le corbillard des pauvres, avec une vieille en deuil qui marchait derrière... Je suis superstitieuse, moi... Si jamais j’ai encore une envie de pommes cuites, ce n’est plus là que j’irai en manger... C’est dommage, elles étaient excellentes. »