Plein d’espoir, affamé d’un plus large horizon,
J’ai traversé le monde. Ô forêts séculaires,
Dans l’âme épouvanté, j’ai scruté vos mystères,
Et vos enchantements ont troublé ma raison.
Comme une chèvre, au flanc des roches escarpées,
Je me tenais debout, les bras tendus aux cieux :
Dans le couchant j’ai vu des guerriers furieux
Qui brandissaient en l’air leurs sanglantes épées.
Des hommes dans le vent hurlaient échevelés,
Des sorcières passaient et chevauchaient les nues,
Et quand le soir tombait plein d’horreurs inconnues,
Un souffle m’enlevait jusqu’aux cieux étoilés.
La mer avait des voix terribles et profondes
Qui me bouleversaient et me faisaient pâlir ;
Dans des rêves sans fin je me sentais mourir
Et je roulais parmi le tourbillon des ondes.
J’avais saisi le verre à mes lèvres tendu ;
Je buvais, chancelant d’une ivresse sublime, —
Et la nature était un effrayant abîme
Sur lequel se penchait mon esprit éperdu.
⁂
Ah ! quand mon cœur blessé d’une douleur cruelle,
Se sentant las d’aimer pour la première fois,
S’était réfugié vers sa mère immortelle
Croyant trouver la paix à l’ombre des grands bois,
Il ne se doutait pas que tant de solitude
Épuiserait sa vie et le dessécherait,
Et le rendrait pareil aux arbres noirs et rudes
Quand la dent de l’hiver a mordu la forêt.
Il ne comprenait pas que l’âme tout entière
S’absorbe au sein profond des choses, que les cieux
Emplissent nos regards d’une telle lumière
Que rien n’existe plus devant nos faibles yeux.
Et lorsque, fatigué d’errer comme un fantôme
Sur l’eau silencieuse et sur les monts déserts,
Les yeux en vain tournés vers l’immuable dôme
Les bras en vain tendus dans le vide des airs,
J’ai voulu reposer mon front sur la poitrine
D’un être qui m’aimât et qui pût me parler,
Je n’ai vu devant moi qu’une splendeur divine,
Qu’un sourire infini qui ne peut consoler.
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