Les Poètes du terroir T I/Léon Deubel

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 24-25).
Sybil  ►

LÉON DEUBEL

(1879)


Issu d’une famille strasbourgeoise qui opta pour la France après l’annexion de l’Alsace, Léon Deubel est né en territoire français, à Belfort, le 22 mars 1879. Ses études secondaires terminées chez les frères maristes de sa ville natale, et ensuite au collège de Baume-les-Dames (Doubs), il se fit maître répétiteur aux collèges de Pontarlier, d’Arbois et de Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais). Il quitta l’Université en 1900 pour tenter la fortune littéraire à Paris. Employé de commerce, puis traducteur, il se rattache à divers groupes littéraires de la Flandre et collabore au Beffroi (Roubaix) et à la Rénovation esthétique. Il a donné des articles et des poèmes au Mercure de France, à la Revue littéraire de Paris et de Champagne, au Voltaire, à l’Evénement, etc., et fait paraître plusieurs recueils de poèmes : La Chanson balbutiante (Poligny, Jacquin, 1899, in-12) ; Le Chant des Routes et des Déroutes (Paris, édit. de la Vie meilleure, 1902, in-12) ; Vers la vie (Lille, édit. du Beffroi, 1904, in-16) ; La Lumière natale (ibid., 1905, in-16) ; Poésies (ibid., 1906, in-16). M. Léon Deubel n’a point contribué à la renaissance provinciale, mais il s’est souvenu, non sans émotion, dans quelques-uns de ses poèmes, des lieux où s’écoula son enfance.

Bibliographie. — Fern, Gregh, La Poésie ; Les Lettres, juillet 1906. — G. Casella et E. Gaubert, La Nouvelle Littérature ; Paris, E. Sansot, 1906, in-18.


CROQUIS D’ALSACE
notations


Au travers de ton songe, entends sur cette rive
Les printemps persifleurs susciter les dryades,
Et les sous-bois changeants, aidés des oréades,
Filer à leurs rouets l’argent des sources vives.

Par delà l’infini moutonnement des bois,
Entends, comme un rayon descendu d’une étoile,
Cette voix qui ondule au cœur de l’autrefois
Selon l’inflexion des collines natales.

C’est l’éveil frémissant d’un calme souvenir.
La courbe du passé fléchit vers l’avenir
Ainsi qu’un arc-en-ciel s’abaisse à l’horizon.

L’âme s’exalte au chant pastoral des villages
Et, simplement, élit pour sa fidèle image
La sereine fumée au toit d’une maison.


LE REFUGE


Le Refuge : ce parc où la noble maison
Respire le parfum d’altesse de la Rose,
Cette ordonnance simple et naïve des choses
Opposée aux combats fougueux de l’horizon.

Rigide et reflétant la face des saisons,
L’averse des miroirs dans la lumière rose ;
Le portrait qui écoute et celui qui vous cause,
Et celui dont on craint la haine sans raison.

Les Vosges et leurs bois, l’Alsace avec ses gerbes,
La Thür, — épée un jour tombée au sein des herbes,
— Le ciel du paysage aimé de teinte perse,

Le parfum du silence et les tons de l’oubli,
Et surtout cette amante afin qu’elle me berce
Dans la tombe nocturne et tiède de son lit.

Cernay (Alsace).